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arêtes du Gerbier et du Ranc des Agnelons |
À l'ouest de Prélenfrey, entre le Roc Cornafion et le Pas de L'Oeille, la barrière orientale du Vercors est constitué de deux parties séparées par le ravin transversal de la Double Brèche : au nord il s'agit d'un crêt à regard ouest dont le revers oriental est le glacis modérément incliné du Ranc des Agnelons ; au sud elle est formée par la crête particulièrement acérée et déchiquetée des arêtes du Gerbier (c'est là que Lionel Terray, célèbre grimpeur des années 1960, a trouvé la mort).
Ces arêtes sont formées par des couches urgoniennes de plus en plus redressées du sud vers le nord, devenant proches de la verticale et même renversées avec un fort pendage vers l'est en parvenant à la latitude de la Double Brèche. Cette torsion des couches est dû à leur appartenance au flanc oriental de la charnière synclinale du Cornafion : ce pli très déversé vers l'ouest représente vraisemblablement le crochon induit par le prolongement supérieur supposé du chevauchement de l'Éperrimont (voir la page "Cornafion") aux dépens du flanc oriental du synclinal de La Fauge (voir la page "La Fauge").
Plus précisément l'ampleur du basculement des couches y est lié au fait que le niveau d'érosion atteint par la ligne de crête s'éléve du sud vers le nord dans la structure de ce pli (car son axe pend vers le nord), montrant ainsi son renversement progressif. Le renversement des couches, très accusé au nord (Roc Cornafion et col Vert), fait place progressivement à un pendage vertical (partie nord du Ranc des Agnelons) puis seulement à un pendage ouest très fort (partie sud du Ranc). Il devient de plus en plus modéré dans la partie sud de la crête du Gerbier, au point que les couches du sommet sud (2081) se raccordent directement, par une inflexion modeste, à celles constituant la dalle structurale du flanc oriental du synclinal de la Fauge que parcourt La Grande Combe en s'élevant vers le Pas de l'Oeille (voir les deux clichés ci-après)
Cette variation du pendage est simplement due au fait que l'axe du synclinal du Cornafion est ici incliné vers le nord. Par conséquent, à altitude égale, la ligne de crête coupe le flanc oriental de ce pli de plus en plus bas du nord vers le sud et finit même par se trouver en contrebas de son plan axial. |
Une particularité stratigraphique qu'il est nécessaire de signaler, car elle joue un assez grand rôle dans le relief, est qu'au Gerbier la vire majeure (notée,"pcO") est située plus bas dans la succession urgonienne que les vraies couches à Orbitolines, moins épaisses d'ailleurs, dont elles sont séparées par un niveau massif que l'on a désigné ici comme "urgonien moyen" (elles en sont la base).
En opposition avec le caractère acéré des arêtes du Gerbier, où la vire majeure passe à flanc des falaise orientales, le relief de la crête des Agnelons différe d'abord en ceci que, à mi-distance entre le Gerbier et la Double Brèche (à l'extrémité sud de l'arête du Rasoir) le tracé de cette vire passe du versant oriental à celui occidental où elle occupe plus de largeur.
Ceci se produit d'ailleurs sur ce dernier versant sans aucune discontinuité de son tracé ni des couches de l'Urgonien moyen et supérieur qui affleurent désormais non plus sur la crête mais en contrebas ouest ; par contre, en versant oriental, la crête rocheuse acérée du Rasoir (dont les couches sont verticales) est affectée par les deux failles qui déterminent "Double Brèche" : la plus méridionale est une petite cassure verticale à rejet décamétrique qui la décale en sens dextre ; la seconde, qui détermine le grand ravin du versant oriental, l'interrompt définitivement : ses bancs verticaux s'engagent là sous la dalle des Angelons, bien moins pentue (45° tout de même), qui forme la falaise de rive nord du ravin.
Plus au nord cette vire herbeuse se poursuit jusqu'à la moitié de la longueur du versant ouest des Agnelons et s'interrompt brutalement pour faire place à l'éperon rocheux continu qui culmine au point de la crête coté 1921.
![]() Panorama partiel du versant occidental de la crête (partie où est visible la vire principale) (cliché original obligeamment communiqué par M. François Lannes) |
La vue d'enfilade de la crête du chaînon met bien en évidence ce changement de relief qui intervient au nord des arêtes du Gerbier : il suggère de façon très convaincante que l'Urgonien du flanc oriental du synclinal du Cornafion s'y fait trancher en biseau par le plan incliné du "Ranc des Agnelons", remarquable par la relative douceur (45° tout de même) et surtout la régularité de sa pente vers l'est.
La disposition étrange de cette surface du Ranc des Agnelons par rapport au relief plus abrupt de son environnement appelle une explication. On a admis jusqu'à ce jour qu'il s'agit de la dénudation par l'érosion d'une surface de faille prolongeant vers le haut le chevauchement de l'Éperrimont.
Cette surface plonge en effet vers l'est, en direction du fond du vallon du Lavanchon avec une pente qui est assez proche de celle de la partie inférieure, boisée, du versant : cela suggère que le profil de cette dernière, constituée par l'Hauterivien puis par les calcaires du Fontanil, correspond aussi à cet accident, mais que sa surface y a été simplement un peu plus profondément décapée par l'érosion.
Cette surface de chevauchement semble donc rejoindre ainsi celle du redoublement de l'Éperrimont, à condition de supposer, comme cela avait été admis, que le tracé cartographique de ce dernier suit, au pied de ce versant, le vallon du Lavanchon jusqu'à aboutir du côté sud au col de l'Éperrimont.
Quoi qu'il en soit de la pertinence ou non de ce schéma (voir la discussion plus détaillée en page "Éperrimont") il ne prend pas en compte la structure réelle de la crête des Rochers du Ranc des Agnelons. En effet il s'avère que sa déclivité orientale n'est pas une simple surface structurale, car elle correspond en réalité au toit d'une assez épaisse dalle de calcaires urgoniens dont les bancs supérieurs pendent comme la surface topographique.
En fait c'est cette dalle du Ranc des Agnelons qui repose en discordance sur les couches redressées du flanc oriental du synclinal du Cornafion. Mais ses rapports avec les autres couches posent différents problèmes d'interprétation. On trouvera donc ci-après une description un peu détaillée de cette portion de crête, car il semble qu'à ce jour aucun géologue n'en ait pratiqué une visite suffisamment complète, en particulier en ce qui concerne ses abrupts occidentaux (à cet égard j'ai bénéficié d'un complément d'information relatives au versant est grâce aux observations de M. J-C. Chabod et à de nombreux clichés des deux versants qui m'ont été communiqués par M. Fr. Lannes).
![]() La partie septentrionale des arêtes du Gerbier, vue du nord depuis les rochers de rive droite (septentrionale) du couloir occidental de la Double Brèche. (cliché original obligeamment communiqué par M. François Lannes). |
Ce qui résulte de cette analyse est que l'explication de cette géométrie n'est pas à rechercher comme on l'a fait antérieurement dans une déformation tectonique post sédimentaire : en réalité cette disposition des faisceaux de failles en un éventail ouvert vers le bas résulte de dispositions acquises pendant la sédimentation du fait d'un basculement saccadé, vers l'ouest, du fond marin générant des discordances de onlap lors du dépôt des couches. Ce dernier mouvement a été actif au moins durant la sédimentation de l'Urgonien, mais peut-être aussi plus tard, comme en atteste la discordance du Sénonien par rapport à l'Urgonien que l'on observe au nord du Cornafion.
On peut sans doute y voir l'effet du fonctionnement d'une faille extensive à regard est dont le jeu devait s'accompagner d'un basculement de sa lèvre abaissée, laquelle semble très clairement être la faille du Pas de l'Oeille puisque ce dispositif affecte sa lèvre orientale sans se manifester pas dans sa lèvre occidentale Le rôle de la tectonique postérieure a été de créer l'actuel synclinal de la Fauge, au flanc est duquel nous observons maintenant cet édifice, ainsi basculé d'environ 30° de plus en direction de l'ouest.
Du côté oriental la surface topographique du Ranc des Agnelons s'avère inclinée d'environ 45° dans cette direction, ce qui est sensiblement en conformité avec les couches qui y affleurent (elle ne forme toutefois pas une dalle structurale continue).
Le pied de cette dalle rocheuse est affecté par petit rebord abrupt formé par ces couches. Or, en dépit du fait qu'elles sont stratigraphiquement les plus basses de l'Urgonien visible sur l'autre versant, elles y viennent ici en contact avec un fort angle de discordance sur la succession disposée à l'endroit et pentée vers l'ouest qui constituent les pentes plus basses du versant oriental du chaînon. |
![]() Le versant oriental des Rochers du Ranc des Agnelons vu du nord-est (vue pseudo aérienne d'après une image extraite de "google-earth") |
![]() Le versant oriental des Rochers du Ranc des Agnelons : vue plongeante, de l'est (vue pseudo aérienne d'après une image obtenue par le logiciel "Plans" de Apple). N.B. Contours géologiques provisoires (inventaire des traces de strates). f.dB = faille de la Double Brèche ; ØR = chevauchement du Ranc ; f.pA = faille du Pas de l'Ane ; s.C = charnière du synclinal du Cornafion. |
La complexité de cette géométrie (voir clichés ci-dessus) résulte de ce qu'elle nous montre l'interférence de quatre accidents, la discordance majeure de l'Urgonien basal (= paléofaille de la Double Brèche), la charnière du synclinal du Cornafion, une cassure chevauchante (chevauchement du Ranc) similaire à celles satellites du chevauchement de l'Éperrimont qui affectent plus au nord le flanc oriental de ce synclinal et enfin une faille oblique à ce système (la faille du Pas de l'Ane).
Contrairement à ce que l'on admettait depuis un demi-siècle cette surface n'est donc pas celle d'une cassure tranchant des couches redressées mais une surface stratigraphique renversée, celle du niveau basal des calcaires urgoniens, qui est maintenant dénudée par l'érosion quaternaire. Mais cette géométrie avait probablement créé, antérieurement à toute érosion, une disposition favorable à un glissement chevauchant, remontant vers l'ouest, des couches anté urgoniennes de son flanc oriental : c'est la branche haute, occidentale du chevauchement de l'Éperrimont dont le passage a induit dans son soubassement des cassures satellites "de Riedel". |
![]() Coupe transversale à la crête des Rochers du Ranc (le profil en blanc suit les tracés des deux ravins qui convergent vers le haut à la Double Brèche). d.A = discordance "des Agnelons", la plus visible dans le relief : elle suit le pied de la falaise de rive gauche du ravin oriental de la Double Brèche ; elle court également à une dizaine de mètres sous le sommet des abrupts occidentaux sur une bonne partie de la crète. Autres abréviations comme sur les autres figures (les subbdivisions internes à l'Urgonien sont arbitraires et n'ont pas de signification sédimentologique) |
En définitive il se révèle que le synclinal du Cornafion n'a pas été créé par le jeu d'un chevauchement tardif mais par un basculement synsédimentaire des couches qui a joué depuis le début de l'Aptien jusqu'au Sénonien. On doit remarquer qu'au terme de ce phénomène, le basculement des couches les plus basses a certainement excédé 90°, puisqu'on observe que cette valeur était déjà atteinte à l'Aptien supérieur (dépôt de la Lumachelle à la transversale sud du Col Vert). Quant à l'orientation de l'axe de ce basculement il devait être oblique à la ligne de crête actuelle plutôt moins méridien (donc NE-SW) puisque son effet s'atténue du NW (Ranc des Agnelons) vers le SE (Gerbier).
En tous cas le résultat en a été de créer un bourrelet faisant saillie vers le bas et qui devait s'amincir vers l'est par un accident au sujet duquel on remarque que sa localisation est bien proche de celle du front occidental des affleurements actuels du Jurassique supérieur : on peut donc se demander s'il n'a pas concerné ces couches et si la surélévation qu'elles auraient ainsi acquise ne les aurait pas mises en position d'être le germe d'une transformation ultérieure en chevauchement ... Quoi qu'il en soit, lors des serrages orogéniques post-sénoniens, ce bourrelet a certainement fait obstacle à la propagation vers l'ouest du déplacement de la pile rocheuse située à l'est du rebord subalpin. L'accident qui le limitait de ce côté était alors formé par la base de l'Urgonien, renversée avec un pendage est, ce qui était évidemment une incitation pour ces couches à l'utiliser comme surface de chevauchement. Ainsi peut-on comprendre l'existence actuelle d'un tronçon supérieur du chevauchement "de l'Éperrimont" qui remonte paradoxalement vers le haut à travers toutes les couches du Crétacé, dans le prolongement occidental de sa rampe de traversée du Jurassique supérieur, au lieu d'y parcourir un palier (par exemple au sein des marnes valanginiennes). |
En ce qui concerne son origine on peut envisager que cette flexion résulte du jeu d'une faille à lèvre occidentale abaissée à l'opposé de laquelle se produisait l'abaissement progressif de celle-ci par le jeu d'une ligne de flexion du fond marin La recherche d'une telle cassure porte à envisager qu'il s'agisse de la faille du Pas de l'Oeille en raison de l'adéquation de sa position effectivement plus orientale et du fait qu'elle limite le synclinal de La Fauge qui est connu précisément pour être le siège d'un épaississement des couches du Crétacé supérieur, conforme au jeu de l'accident recherché. Toutefois son orientation est presque orthogonale à l'accident recherché et, dans la coupe naturelle du Pas de l'Oeille, ses lèvres ne montrent aucune différence dans la constitution de la pile sédimentaire urgonienne. Il est donc à penser qu'il s'agit plutôt d'un dispositif plus ample, correspondant en fait au passage de la plateforme urgonienne au domaine vocontien, même si dans les secteurs plus méridionaux où il a été fort attentivement étudié (H.Arnaud) ce passage se fait dans l'ensemble du NE vers le SW (il faudrait donc imaginer une inflexion azimutale, sorte de fond de golfe saillant vers le NE, pour en dessiner le raccord). |
image sensible au survol et au clic |
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La Fauge | LOCALITÉS VOISINES | Vif |
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![]() Gerbier |
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