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Roc Cornafion, Rochers de l'Ours |
La crête qui court du nord au sud depuis le col de l'Arc jusqu'au col Vert est jalonnée par les trois sommets successifs que sont ceux de la Crête des Crocs, des Rochers de l'Ours et du Roc Cornafion. Elle présente des difficultés particulières d'exploration structurale qui résultent de ce que s'ajoute à la grande hauteur des abrupts urgoniens orientaux du Roc Cornafion et des Rochers de l'Ours le fait que leur formation constitutive est trop massive pour qu'on puisse aisément y suivre les strates (voir cliché, plus loin dans cette page).
L'analyse qui en est donnée ci-après est assez différente de tout ce qui avait été publié antérieurement : elle découle de l'examen attentif de photos prises depuis divers points de vue, notamment lors de plusieurs survols pratiqués par l'auteur du site, en complément des observations au sol.
Pour l'essentiel la structure est surtout marquée par l'interférence de deux éléments :
1- Au nord, le sectionnement des couches du flanc oriental du synclinal de la Fauge par le chevauchement de Saint-Ange, qui les coiffe et dont la surface basale traverse l'arête faîtière entre Rochers de l'Ours et Crête des Crocs.
2- Au sud, la disparition de tout témoin de cet élément structural supérieur et, dans le prolongement de son soubassement, le redressement des couches du flanc oriental du synclinal de La Fauge : sa barre urgonienne devient verticale et se renverse même vers l'ouest au nord du sommet du Cornafion en dessinant un pli secondaire, très déversé vers l'ouest, le synclinal du Cornafion (voir la page "La Fauge").
De surcroit l'examen des relations entre structure et relief dans le versant oriental de la crête au sud des Crocs porte à envisager que ce rebroussement des couches ait pour origine leur torsion en crochon* sous l'effet du chevauchement de l'Éperrimont.
En effet l'Urgonien du flanc oriental de ce pli ne forme pas, du côté est de la crête des Rochers de l'Ours, une falaise coupée de ressauts de stratification, comme d'ordinaire. Sous les Pichères la surface topographique de ces escarpements, inclinée à environ 50° vers l'est, est incisée de ravines qui descendent selon la ligne de plus grande pente. Entre elles cette surface s'avère globalement presque plane car constituée de dalles structurales* qui sont en outre, de haut en bas comme latéralement, des surfaces de couches appartenant pratiquement au même niveau stratigraphique (leur
attitude est indiquée, sur la figure ci-après, par des petits croquis perspectifs). |
Cette géométrie suggère fortement d'interpréter ce relief comme le prolongement vers le nord de celui du Ranc des Agnelons (voir la page "col Vert"), c'est-à-dire comme le résultat de la dénudation par l'érosion de la surface de friction du chevauchement de l'Éperrimont, laquelle plonge vers l'est en sectionnant le flanc oriental du synclinal juste au dessus de sa charnière.
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Coupe de détail, orthogonale à la crête orientale du Vercors, à la latitude des Rochers de l'Ours. Même légende que pour le cliché ci-dessus. |
Cette interprétation est aisément envisageable car l'azimut de cette surface d'érosion, qui est de N° 20 aux Agnelons (voir la page "Éperrimont"), passe seulement à N 40 à la latitude des Rochers de l'Ours, ce qui ne représente pas un forte torsion azimutale. |
À ces traits de sa géométrie structurale s'ajoute le fait que le versant oriental de la crête est traversé en biais par deux faille majeures, sub-verticales, la faille du Bacon et la faille des Rochers de l'Ours. Leurs tracés sont d'ailleurs peu faciles à suivre car ils juxtaposent le plus souvent Urgonien contre Urgonien.
- La faille des Rochers de l'Ours, orientée N60, abaisse, dans la lèvre septentrionale, la charnière du synclinal de Cornafion et surtout la fait pivoter dans le sens horaire, faisant passer son axe de N10 (au SW) à N40 (au NE). En même temps elle décale vers le NW le flanc ouest du synclinal au niveau de la crête, en y ramenant la masse urgonienne inférieure dont les strates sont presque verticales (voir les deux clichés ci-dessus). Elles y viennent d'ailleurs en contact avec l'Urgonien supérieur du compartiment plus occidental, qui sont complètement renversées au nord du sommet du Roc Cornafion. |
- La faille du Bacon, orientée N160 (donc pratiquement de façon orthogonale à la précédente), surhausse sa lèvre méridionale en portant bout à bout les couches sub-verticales déjetées vers l'ouest des Rochers de l'Ours (qui appartiennent au flanc oriental du synclinal de Cornafion) avec celles chevauchantes de la Crête des Crocs qui sont à l'endroit et moyennement pentées vers l'ouest. En fait c'est cette cassure qui tranche en biais le synclinal du Cornafion et qui occasionne ainsi le changement d'organisation structurale qui marque le chaînon à cette latitude. Dans son tracé inférieur oriental, qui traverse le ravin des Charbonniers (voir cliché, plus haut dans cette page), elle manifeste un très clair décalage dextre aux dépens des couches urgoniennes à pendage ouest des Rochers du Pré du Four. |
Leurs caractéristiques en font des cassures conjuguées* : effectivement elles se terminent l'une et l'autre juste peu à l'ouest de la crête, près du point 1896, où elles se rencontrent sans se prolonger au delà. Elles délimitent ainsi un coin obtus (ouvert de 100°) saillant vers l'ouest, géométrie qui semble donc indiquer qu'il s'agit de deux décrochements conjugués, respectivement dextre et sénestre.
Le schéma ci-après tente de rendre compte des complexités de la géométrie structurale résultante :
![]() s.C = synclinal du Cornafion ; ØEp = chevauchement de l'Éperrimont ; ØsA = chevauchement de Saint-Ange ; ØS = surface de chevauchement satellite de la lame d'Urgonien de la Grotte du Four. f.rO = faille des rochers de l'Ours, NNW-SSE (en vert). ; f.Bn = faille du Bacon, NE-SW (en bleu). La partie grisée correspond à l'Urgonien ; les moellons correspondent au niveaux (Lumachelle et Albien) qui coiffent l'Urgonien). On a dessiné trois blocs, un peu espacés l'un de l'autre, représentant chacun la structure dans une portion des compartiments successifs séparés du nord au sud par les deux failles transverses principales. Noter que celles-ci ne sont pas orthogonales aux surfaces de chevauchement et aux axes de plis, mais orientées obliquement à elles. |
Il apparaît donc qu'à cette latitude, il y a une sorte de discontinuité (avec changement de style de déformation) entre les structures qui y parviennent les unes du nord et les autres du sud.
Le point sans doute le plus important de ce dispositif est que la faille du Bacon se caractérise comme une déchirure coulissante qui a joué en même temps que se formait le synclinal du Cornafion et le chevauchement de Saint-Ange. En effet, de part et d'autre de cette cassure, la géométrie tectonique n'est pas la même et témoigne donc d'un indépendance de déformation. Cela se manifeste principalement par l'absence du synclinal du Cornafion au nord du décrochement : au contraire la lèvre supérieure du chevauchement repose sans ce pli intermédiaire sur le flanc du synclinal de La Fauge doucement penté vers l'ouest. Il s'interpose seulement la lame d'Urgonien de la Grotte du Four, qui peut être assimilée à un fragment de flanc inverse rompu d'un pli-faille*. C'est sans doute cette même lame intercalaire qui affleure d'autre part dans le versant ouest du col de l'Arc (voir la page "Pic Saint-Michel"). Deux particularités du dispositif structural se révèlent étranges ; elles méritent d'autant plus d’être notées qu'actuellement leur explication ne manque pas d'être très conjecturale : |
Si l'on examine le versant est de la montagne sur toute sa hauteur on est amené en outre à se poser la question des rapports entre les deux chevauchement qui s'y observent : celui de Saint-Ange, observable en haut et au nord, au niveau du Crétacé (spécialement de l'Urgonien) et celui de l'Éperrimont, en bas et plus au sud, au niveau du Jurassique.
![]() Coupe transversale à la crête orientale du Vercors, entre Villard-de-Lans et Vif. ØE = chevauchement de l'Éperrimont |
Concernant ce dernier il est d'abord à noter que les affleurements les plus occidentaux du Tithonique, situé au dessus du chevauchement de l'Éperrimont, dessinent à l'est des Mallets (comme d'ailleurs plus au sud à Prélenfrey : voir la page "Éperrimont"). une charnière en genou que tranche nécessairement le chevauchement : elle apparaît comme le crochon* frontal du chevauchement de ces niveaux calcaires (ou, si l'on préfère le "pli de rampe au toit"* qui leur correspond).
Cette observation rend bien compte du fait qu'il n'y ait plus trace de ces terrains jurassiques chevauchants dans les pentes plus occidentales. Quant à leur absence à la latitude de Saint-Paul-de Varces elle s'explique simplement par le niveau atteint là par l'érosion, lequel est nettement inférieur à celui de leur prolongement (celui-ci passerait éventuellement "dans le ciel") : la tranche des terrains jurassiques chevauchants ne peut affleurer là dans le versant de rive gauche du vallon car elle ne dépassait pas du côté ouest le tracé de ce crochon frontal, lequel passe en effet trop à l'est.
L'interprétation retenue dans la figure ci-dessus, en ce qui concerne le prolongement vers l'ouest du chevauchement de l'Éperrimont, est que son tracé se poursuit par le vallon du Lavanchon en amont des Mallets : cela implique que, pour s'y raccorder au prolongement méridional du chevauchement du Moucherotte, sa surface (maintenant enlevée par l'érosion) devait être tangentielle à la raide pente qui s'élève vers le col Vert. Cette interprétation fournit une explication satisfaisante du faible espace séparant le Tithonique du versant oriental du vallon des calcaires du Fontanil de son versant occidental. Toutefois, sur toutes les coupes transversales entre Saint-Paul et Prélenfrey, la surface de chevauchement de l'Éperrimont semble être plutôt inclinée vers l'ouest que redressée dans cette direction : l'interprétation ci-dessus impose donc que cette surface subisse une brutale inflexion vers le haut, à la traversée du vallon du Lavanchon. Cette difficulté prêche tout de même en faveur de l'interprétation alternative des anciens auteurs, selon laquelle le chevauchement de l'Éperrimont n'aurait aucun rapport avec celui de Saint-Ange car il se prolongerait sans changement de pendage au sein des marnes de Narbonne du versant ouest de la dépression de Saint-Paul de Varces, en y redoublant la succession du Crétacé inférieur . |
On peut enfin s'interroger quant à l'éventualité d'un prolongement à l'est du rebord subalpin du Vercors des deux failles du Bacon et des Rochers de l'Ours, et donc de la structure en poinçon tectonique embouti vers l'ouest qu'elles limitent. Or il est remarquable de constater que le lambeau de Jurassique supérieur du Pieu, dont la présence résulte du redoublement de la barre tithonique par le chevauchement de l'Éperrimont n'existe qu'entre les limites N et S de ce dispositif. Plus précisément c'est en direction du col de l'Éperrimont, point où se terminent vers le sud les affleurements de Jurassique supérieur chevauchants, que conduit le tracé de la faille des Rochers de l'Ours . Plus à l'est du rebord subalpin on peut également envisager que la faille du Bacon se poursuive à travers la barre tithonique par la trouée de Varces car celle-ci est décalée dans le sens dextre par rapport à aux Rochers de Rochefort. Il est par contre bien plus aléatoire d'envisager sa poursuite par Champagnier en limitant du côté nord l'échine du Bajocien du Saut du Moine, jusqu'à rejoindre finalement, aux aux abords de Saint-Martin d'Uriage les failles de même orientation de la bordure ouest de Belledonne. |
Carte géologique très simplifiée du Vercors oriental à la latitude de Villard de Lans
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble
des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°",
par M. Gidon (1977), publication n° 074
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des couleurs
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Villard-de-Lans |
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