Roc Cornafion |
Le Roc Cornafion, accident de relief sur la crête orientale du Vercors, est un élément majeur car son versant occidental est un élément particulièrement esthétique du paysage des hautes pentes de la station de Villard-de-Lans. Au point de vue géologique il apparaît clairement comme la mise en relief des couches de l'urgonien du flanc oriental du synclinal de la Fauge (voir la page "La Fauge"), particulièrement large à cette latitude.
image sensible au survol et au clic |
En fait la crête qui court du nord au sud depuis le col de l'Arc jusqu'au col Vert est jalonnée par les trois sommets successifs que sont ceux de la Crête des Crocs, des Rochers de l'Ours et du Roc Cornafion. Sn versant oriental présente des difficultés particulières d'exploration structurale qui résultent de ce que s'ajoute à la grande hauteur des abrupts urgoniens orientaux du Roc Cornafion et des Rochers de l'Ours le fait que leur formation constitutive est trop massive pour qu'on puisse aisément y suivre les strates (voir cliché, plus loin dans cette page).
L'analyse qui en est donnée ci-après est assez différente de tout ce qui avait été publié antérieurement : elle découle de l'examen attentif de photos prises depuis divers points de vue, notamment lors de plusieurs survols pratiqués par l'auteur du site, en complément des observations au sol.
Des compléments et retouches y ont été apportés en 2022 à la faveur des observations et des multiples clichés présentés dans l'opuscule inédit réalisé en 2020 par Mr. J.C. Chabod, qu'il m'a obligeamment communiqué.
A/ Pour l'essentiel la structure est surtout marquée par deux traits dominants :
1- On se trouve ici au sud des Rochers de l'Ours, où les couches du flanc oriental du synclinal de la Fauge (voir la page "La Fauge") sont sectionnées par le chevauchement des Crocs dont la surface basale traverse l'arête faîtière au col de Pierre Vivari, entre Rochers de l'Ours et Crête des Crocs (voir la page "Col de l'Arc"). A partir de là et notamment au Roc Cornafion ce témoin de la tectonique de chevauchements, qui caractérise pourtant le chaînon plus au nord, n'apparaît plus dans la structure de sa partie méridionale.
2 - A partir des Rochers de l'Ours le trait structural majeur est le redressement des couches du flanc oriental du synclinal de La Fauge (voir la page "La Fauge") : sa barre urgonienne y devient verticale et se renverse même vers l'ouest au sud du sommet du Cornafion en dessinant une charnière secondaire, déversée vers l'ouest, désignée ici comme le synclinal du Cornafion.
Dans le versant occidental de la crête il faut en outre remarquer la convergence vers le haut qui affecte les tracés des deux surfaces repères que sont celle du sommet de l'Urgonien et celle de la base du Sénonien supérieur : cette disposition (surtout visible plus au nord en versant ouest des Rochers de l'Ours) est considérée comme tectonique sur la carte géologique mais elle doit plus vraisemblablement correspondre à une discordance stratigraphique affectant le flanc oriental du synclinal de La Fauge, s'exprimant par un onlap* d'ouest en est du Crétacé supérieur (on peut l'appeler discordance du Cornafion).
En fait cette disposition s'inscrit dans un contexte de discordances multiples qui est bien illustré par l'étude des Rochers du Ranc des Agnelons (voir la page "Gerbier").
B/ Dans le versant oriental de la crête les relations entre la structure et le relief, en contrebas et surtout au sud de la Crête des Crocs sont un aspect intriguant de ce secteur. Son analyse montre en premier lieu qu'une raideur et une régularité de sa longue pente s'associe à un rebroussement des couches au delà de la verticale. Or celui-ci apparaît en amont de la charnière du Cornafion qui est visible partout en bas d'escarpement. Cela incite à lui à lui attribuer pour origine une torsion en crochon* sous l'effet d'un chevauchement dont la surface aurait été tangentielle au versant (et que l'on a pris l'habitude d'assimiler à celui de l'Éperrimont : voir à ce sujet la discussion à la page "Éperrimont").
En effet l'Urgonien du flanc oriental de ce pli, du côté est de la crête des Rochers de l'Ours, ne forme pas un abrupt coupé de ressauts induits par la stratification, comme c'est le cas d'ordinaire. Presque sur toute sa hauteur la surface topographique de ces escarpements, inclinée à environ 50° vers l'est, est incisée de ravines qui descendent selon la ligne de plus grande pente. Mais entre elles cette pente s'avère globalement presque plane car constituée, de haut en bas aussi bien que latéralement, de dalles structurales* (leur attitude est indiquée, sur le cliché ci-après, par des petits croquis perspectifs). Ces dalles sont en outre des surfaces de couches appartenant chacune à un niveau stratigraphique très proche de celui de sa voisine, ceci dans un ordre qui varie selon l'orientation de la coupe naturelle du versant : il est de plus en plus "profond" dans la succession des couches en allant de la gauche vers la droite lorsque la coupe est presque E-W, comme à l'est du Roc Cornafion (plus précisément du ravin que détermine la faille des Rochers de l'Ours : cliché ci-dessus) ; à l'inverse (apparemment) c'est en allant de la droite vers la gauche que l'on descend dans cette succession lorsque la surface de section des couches se rapproche de N-S, comme à la latitude de la Crête des Crocs (cliché suivant dans la page).
Cette topographie particulière, où prédominent les dalles structurales, affecte surtout la zone la plus pentue située en contrebas du sentier qui traverse à flanc le versant (lieu-dit Les Pichères). Elle fait place vers le bas au talus du Bachasse, végétalisé et de pente plus modeste, qui coiffe la falaise urgonienne inférieure (qui est affectée par la charnière du pli). Cet étroit talus correspond vraisemblablement (selon une interprétation proposée par Mr J.C. Chabod) à la dénudation d'une surface de cassure de chevauchement ayant une vergence* ouest et un pendage vers l'est moins fort que celui des couches, sorte d'ébauche de rupture en pli-faille*. Une explication très plausible de l'origine de ces accidents et de leur contexte est que ce sont des cassures satellites (de "Riedel"*) induites par un chevauchement (celui de l'Éperrimont ?), dont la surface devait être tangente à la pente topographique des abrupts est du Cornafion, avant son ablation par l'érosion (voir la coupe schématique ci-après). A propos de ces surfaces on peut ajouter deux remarques : |
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Ces caractères suggèrent fortement d'interpréter le relief de ce versant comme le prolongement vers le nord de celui du Ranc des Agnelons (voir la page "Gerbier"), c'est-à-dire comme une surface structurale résultant de la dénudation par l'érosion de la surface de friction du prolongement occidental du chevauchement de l'Éperrimont, laquelle plongerait vers l'est en sectionnant le flanc oriental du synclinal juste au dessus de sa charnière.
Cette interprétation est envisageable sans difficultés car l'azimut de cette surface d'érosion, qui est de N° 20 aux Agnelons (voir la page "Éperrimont"), passe seulement à N 40 à la latitude des Rochers de l'Ours, ce qui ne représente pas un forte torsion azimutale. |
C/ Trois failles sub-verticales traversent en biais le versant oriental de la crête ; ce sont du nord au sud celle des Rochers de l'Ours, du Saunier et des Charbonniers :
La faille des Rochers de l'Ours, orientée presque N-S, qui détermine le grand ravin à l'est du sommet du Cornafion, a un tracé assez net, bien qu'il juxtapose Urgonien contre Urgonien : ceci suggère une certaine fraicheur que l'on peut envisager de mettre en relation avec l'existence, à peu de distance de sa traversée de la crête, d'une poche de brèches à éléments urgoniens de taille décamétrique (découverte par J-C Chabod).
Cette cassure, orientée N155, abaisse, dans la lèvre septentrionale, la charnière du synclinal de Cornafion et surtout elle la fait pivoter dans le sens horaire (avec tout le compartiment oriental), faisant passer son axe de N10 (au SW) à N40 (au NE). |
La faille du Saunier, pratiquement parallèle à la précédente, a par contre essentiellement un rejet sénestre et ne surhausse sa lèvre orientale que de seulement quelques dizaines de mètres. Vers le bas elle semble tordre, par un crochon chevauchant, les couches de la limite Urgonien - Hauterivien, mais en fait il s'agit de la charnière du synclinal du Cornafion, dont elle montre là le dessin à ce niveau. Vers le haut son tracé l'amène à rencontrer celui du chevauchement des Crocs, sous lequel elle disparaît passagèrement mais on la retrouve sur l'autre versant (voir la page "col de l'Arc").
La faille du ravin des Charbonniers a un tracé qui diverge vers l'est de celui des précédentes mais surtout il est fortement sinueux (il est en fait très précisément suivi par celui du fond de thalweg). Aux abords de Saint-Paul de Varces, là ou il est visible le plus bas, il est orienté N130 (donc de façon oblique aux deux précédentes). On trouvera sa description plus précise et son interprétation à la page "Col de l'Arc".
Il apparaît en tous cas que le jeu de la faille des Charbonniers détermine à cette latitude, un fort changement de style et de direction des autres figures de déformation. Cette brutale discontinuité entre les structures qui y parviennent les unes du nord et les autres du sud témoigne d'une certaine indépendance de déformation. En définitive elle constitue donc une déchirure coulissante qui a joué en même temps que se formaient de part et d'autre le chevauchement de Saint-Ange, au nord, et le synclinal du Cornafion, au sud.
On peut remarquer que deux failles coulissantes, respectivement sénestre (Saunier) et dextre (Charbonniers), convergent vers l'ouest au abords occidentaux du Col de l'Arc. L'angle de 40° qui sépare leurs azimuts leur fait délimiter un compartiment intermédiaire qui remplit exactement l'ouverture vers l'est qui doit résulter du pivotement relatif des deux tronçons, nord (Pic Saint-Michel) et sud (Cornafion), du chaînon oriental du Vercors (voir la page "col de l'Arc"). La signification et la cause de cette situation et ses rapports avec les autres structures sont examinées à la page "Vercors NE". |
Mais l'étude de la Crête du Ranc des Agnelons (voir la page "Gerbier") a montré que l'épaisseur de l'Urgonien y tend à se réduire, du bas vers le haut et du sud vers le nord, par le jeu de biseautages résultant de discordances stratigraphiques répétitives : c'est d'ailleurs à cette faveur que l'Urgonien doit d'être ici moins large à traverser que sur les autres transversales, méridionales ou septentrionales. Dans ce contexte la discordance notée ici "d.A" semble être l'une des plus basses, (sinon LA plus basse, donc la plus ancienne) de la succession sédimentaire. On peut noter que son pendage vers l'est fait sensiblement un angle de 90° avec celui de la base de la Lumachelle au pied ouest du col (ce qui est l'angle d'ouverture du synclinal du Cornafion sur cette transversale). Si on l'attribue en totalité à ce phénomène cela atteste de l'importance qu'a eu celui-ci dans l'édification de la géométrie structurale finale et donc à douter qu'il ait été créé par le chevauchement et n'en représente qu'un crochon d'entraînement. |
Les basses pentes orientales du Roc Cornafion et du Col Vert sont celles de la rive gauche (occidentale) du vallon du Lavanchon, qui débouche vers le nord dans la plaine alluviale du sillon subalpin à Saint-Paul-sur-Varces et prend sa source du côté sud au Col de l'Éperrimont. Le cours de son torrent suit pratiquement la limite stratigraphique entre Crétacé à l'ouest et Jurassique à l'est et constitue la frontière avec le petit chaînon secondaire de l'Éperrimont qui s'allonge entre Vif et Prélenfrey.
L'étude de ce dernier fait l'objet de la page "Éperrimont" : on y trouvera en outre des éléments factuels complémentaires et une discussion critique sur les rapports de la tectonique de ce chaînon annexe avec celle de la crête du Cornafion, du Col Vert et du Gerbier, où le prolongement éventuel de ce son "chevauchement de l'Éperrimont" a été et reste encore envisagé
Coupe transversale passant au nord des affleurements les plus septentrionaux de la lèvre supérieure du chevauchement de l'Éperrimont. sC = synclinal du Cornafion ; f.S = faille de Saunier ; ØC = chevauchement des Crocs ; ØAg = chevauchement des Agnelons (prolongement occidental du chevauchement de l'Éperrimont ?); f.L = faille du Lavanchon (emplacement supposé) ; ØEp = chevauchement de l'Éperrimont proprement dit (supposé enlevé par l'érosion). |
Coupe transversale au Roc Cornafion, montrant les affleurements les plus septentrionaux de la lèvre supérieure du chevauchement de l'Éperrimont. f.O = faille duRocher de l'Ours ; ØAg = chevauchement des Agnelons ; f.L = faille du Lavanchon ; ØEp = chevauchement de l'Éperrimont ; sC = synclinal du Cornafion. |
Carte géologique très simplifiée du Vercors oriental à la latitude de Villard de Lans
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble
des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°",
par M. Gidon (1977), publication n° 074
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