Deux-Soeurs, Pas de l'Oeille, La Fauge

la barrière orientale du Vercors au nord-est de la dépression de la Gresse

La barrière orientale du Vercors septentrional dessine un promontoire au sud duquel s'ouvre l'extrémité septentrionale de la dépression de la Gresse (voir la page "Rochers de la Balme"). Il s'agit d'un crêt* presque typique, qui regarde vers la vallée du Drac (vers l'est) et qui est armé par les couches urgoniennes, pentées en moyenne à 35 - 40° vers l'ouest (en général elles appartiennent à la seule masse urgonienne inférieure, la masse supérieure ayant été enlevée par l'érosion).

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Le rebord subalpin à la latitude de la Grande Moucherolle vu d'avion, de l'est, depuis l'aplomb de Sinard
La falaise de la Grande Moucherolle, qui court depuis le pas de La Balme jusqu'à Agathe ferme du côté septentrional le cirque de Saint-Andéol.
f.B = faille (chevauchement vers l'ouest) de la Balme ; f.PM = faille (E-W, extensive) de la Petite Moucherolle ; f.DS = faille (E-W, extensive) du col des Deux Soeurs (prolongement oriental très vraisemblable de la précédente) ; f.O = faille (N-S, extensive) du Pas de l'Oeille ; f.dB = faille de la Double-Brèche.
Le redoublement de la barre tithonique, qui caractérise la dépression de la Gresse, débute seulement à gauche des limites du cliché ; celui de l'Éperrimont commence à droite de Prélenfrey : au niveau du Tithonique, la portion du rebord subalpin visible ici ne montre qu'une série stratigraphique continue, exempte de ce genre de complications.
suite, vers le sud (vers la gauche), du panorama du revers oriental du Vercors.


Le promontoire où a lieu le changement d'orientation de la falaise de ce crêt constitue les Rochers des Deux Sœurs, au nord desquels s'ouvre du côté ouest de la crête le vallon de La Fauge.

Les sommets des Deux-Soeurs
vus d'enfilade des falaises, depuis le NE, l'hiver (Agathe au centre du cliché, Sophie en avant-droit)

En arrière plan la combe monoclinale de Gresse (Saint-Andéol), ouverte dans les couches du Crétacé inférieur, qui fait dessiner à la corniche urgonienne un grand rentrant vers la droite c'est-à-dire vers le nord-ouest (on la distingue entre les deux sommets).

A/ La crête rocheuse des Deux Sœurs se poursuit au nord par les arêtes du Gerbier. À son extrémité méridionale elle montre d'abord que les sommets jumeaux des Deux Sœurs ne sont séparés que par la petite faille d'Agathe. Elle détermine le col et a pour particularité que sa lèvre méridionale (supérieure et abaissée) a été érodée au point de mettre à nu la surface de cassure (encore portée par la lèvre inférieure) presque jusqu'au pied de la falaise urgonienne. C'est sur cette surface de faille que s'inscrivent les lacets supérieurs du sentier qui permet de franchir aisément le col des Deux Sœurs pour descendre vers celui de l'Arzelier.

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Détail des falaises des Deux-Soeurs
vues de l'est, d'avion.
La faille d'Agathe (f.A) est vue ici presque dans l'enfilade E-W de son plan de cassure. Celui-ci est décapé par l'érosion en un plan incliné dont on ne voit bien que deux portions (petites notations "sF").
Le tracé bien repérable des bancs à la base de l'Urgonien montre que le rejet vertical (extensif) de la faille ne dépasse pas10 à 20 m , mais cela ne traduit pas la totalité du déplacement relatif de ses deux lèvres, qui s'avère avoir en outre une composante de coulissement dextre (voir la page "Moucherolle").
Le niveau marneux, très mince ici, qui est juste au dessus de la ligne de tirets rouges est celui des "marnes du Pas de la Balme", qui s'épaissit vers le sud-ouest (voir la page "Pas de la Balme").

B/ Un kilomètre au nord du sommet de Sophie la base de la falaise subit un décalage plus important, excédant une centaine de mètres. Il est dû à une cassure, la faille du Pas de l'Oeille, qui s'avère n'être en fait que peu oblique à la ligne de crête.

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La falaise orientale du Vercors au niveau du Pas de l'Oeille, vue du SE d'avion.
(légende comme au cliché suivant).
La surface de cassure de la faille du Pas de l'Oeille est orientée N-S.
Le tracé inférieur ("f.pOi") est celui qu'en donnent les abrupts méridionaux du Pas de l'Oeille, car ceux-ci sont orientés W-E : on voit que ce tracé ne se poursuit pas vers le haut dans les abrupts orientés N-S du sommet 2105. Le tracé "f.pOs", qui passe par le Pas de l'Oeille est N-S car il correspond, quant à lui, à la section de la cassure par la surface topographique du val, proche de l'horizontale.

Cette faille présente en outre des particularités assez complexes qui conduisent à y voir une cassure ancienne, antérieure au plissement, sans doute comparable aux failles aptiennes de Chartreuse (voir la page "failles de Bellefond").

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Le versant oriental des Deux-Soeurs au nord de Sophie, vu du sud, depuis le sentier qui monte depuis la baraque des Clos (pentes du col de l'Arzelier)
Il est clair que la faille, N-S, du Pas de l'Oeille (FpO) a un rejet extensif (le compartiment supérieur, d'arrière-plan, est en effet abaissé par rapport à celui d'avant-plan). Mais on est étonné de voir qu'elle ne décale pas les couches de la falaise qui culmine au point coté 2105.
On pourrait penser qu'elle est cachetée* par les couches supérieures de l'Urgonien (ce qui serait d'ailleurs d'une grande originalité). Mais les observations faites aux alentours du tracé du sentier portent à une autre interprétation (qui est explicitée dans les figures suivantes) : elle a été partagée en deux tronçons et le supérieur (fpOs) a été décalé vers l'est par rapport au tronçon inférieur (fpOi). Les tirets roses indiquent la surface suivant laquelle s'est fait ce déplacement.

En particulier elle a été partagée en deux tronçons, décalés à mi-hauteur des falaises, par un glissement couches sur couches qui a dû être occasionné par le plissement qui, postérieurement au jeu de la faille, a créé le synclinal de la Fauge.


Coupe d'ensemble des falaises visibles sur la photo précédente.
L'astérisque indique l'emplacement où a été prise la photo du miroir de faille (ci-après). Les portions de surfaces de strates soulignées de rose sont celles sur lesquelles s'est fait le glissement qui a décalé le tronçon supérieur de la faille par rapport au tronçon inférieur .



Schéma interprétatif
1/ formation de la faille 2/ Plissement ultérieur
Le plissement a induit, au niveau des couches à Orbitolines et au dessus, un glissement couches qui explique le décalage en baïonnette de la surface de cassure


 

Vue rapprochée de la faille du Pas de l'Oeille
sur le sentier du versant sud-est (astérisque de la coupe ci-dessus)

Splendide miroir de faille, garni d'une brèche de faille épaisse de plus d'un mètre (moitié supérieure droite du cliché).
C'est un bel exemple de dalle structurale*.


On trouvera plus de développements sur la faille du Pas de l'Oeille dans la publication176 [GIDON M. (1996)].

C/ Le revers occidental du crêt des Deux Sœurs montre une structure foncièrement simple, qui se caractérise par une large inflexion synclinale des couches, le synclinal de La Fauge, qui prend naissance au sud d'Agathe sur la transversale entre les Deux-Soeurs et la Grande Moucherolle. Il s'affime vers le nord oû l'érosion a évidée en un petit val*, d'abord pierreux puis de plus en plus ouvert et herbeux vers le nord. Le tracé de la faille du Pas de l'Oeille s'y poursuit de l'autre côté de la crête, d'abord en coupant en long le flanc oriental du synclinal puis en le franchissant à la latitude de la "Perte" et du Chalet de La Fauge. (voir ci-après et à la page "La Fauge").
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Les crêtes fermant du côté méridional le vallon supérieur de la Fauge vues d'avion du nord.
f.A = faille E-W d'Agate ; f.Me faille est de la Moucherolle ; a.Jx = anticlinal N-S des Jaux ; s.cO = synclinal NW-SE de la Combe de l'Ours ; f.Gw = faille ouest du Gerbier ; s.F = synclinal N-S de la Fauge ; f.pO = faille du Pas de l'Oeille, à lèvre orientale (gauche) abaissée, qui recoupe en biais le pli précédent.
Les tracés de teinte pourpre correspondent aux niveaux de vires attribuables aux couches à Orbitolines. Mais ici la vire majeure ("pcO") est sans doute située plus bas dans la succession urgonienne, séparée des vraies couches à Orbitolines par un niveau massif désigné ici comme "Um" = urgonien moyen.

Dans sa la plus partie méridionale, en amont de cet entrecroisement, le synclinal héberge, en amont d'un amas de blocs éboulés résultant d'un arrachement sur dalles structurales*, une zone de prairies appelée le Clot d'Aspres et, plus haut, le Pré de l'Achard occupe le cœur même du synclinal.

Dans la partie plus septentrionale du synclinal la surface de faille change de pendage en basculant vers l'est (de 45° est il devient à peu prés vertical : ceci atteste clairement de l'ancienneté de la faille par rapport au pli.

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Les pentes supérieures du val synclinal de la Fauge vues du sud-ouest, depuis l'arête orientale de la Grande Moucherolle
On distingue dans la pente de la crête occidentale du Pas de l'Oeille, des gradins surplombants : ils correspondent aux crevasses d'arrachement selon lesquelles les dalles structurales d'Urgonien (maintenant garnies d'une mince pelouse) se sont dénudées par éboulement de tranches successives (voir la page "dalles structurales").
Sous cet angle on voit surtout le flanc oriental du synclinal de la Fauge : la mention "flanc ouest" concerne ce pli (mais c'est le flanc oriental de l'anticlinal des Jaux).


Dans la partie plus septentrionale du val (au nord du Chalet) la surface de faille change de pendage en basculant vers l'est (de 45° est il devient à peu prés vertical) : ceci atteste clairement de l'ancienneté de la faille par rapport au pli.
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Le vallon de la Fauge vu d'aval, du nord-est, depuis les abords du chalet Roybon (pentes occidentales du col Vert)
Le synclinal de la Fauge est ici vu presque dans la direction de son axe, qui plonge vers le nord, plus vite que le fond du vallon, permettant ainsi à la succession de son coeur de se compléter avec l'Albien - Cénomanien des prés de la Fauge et des pentes du col Vert.
a.Mouch. = anticlinal des Jaux : il plonge aussi vers le nord ;
f.PO = faille du Pas de l'Oeille : elle coupe le synclinal de la Fauge en oblique et fait ainsi buter l'Albien du coeur du synclinal contre l'Urgonien inférieur de l'anticlinal des Jaux. Le pendage de sa surface de cassure est basculé à l'occasion du changement de flanc de synclinal qui la traverse : il est proche de la verticale dans la moitié droite du cliché (mais le sens de rejet n'est pas modifié, ce qu'indiquent les demi-flèches).

Ce val est dominé du côté nord-est par les escarpements de l'échine occidentale du Roc Cornafion, dont les couches sénoniennes appartiennent au flanc oriental du pli, moins érodé que son fond sur cette transversale septentrionale.

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Le vallon de la Fauge vu d'amont (du sud), depuis les pentes de la Cote 2000.
ØE = chevauchement (supposé) de l'Éperrimont ; s.F = synclinal de la Fauge ; a.J = anticlinal des Jaux ; f.Cl = faille des Clots ; f.pO = faille du Pas de l'Oeille (voir la page "Deux-Soeurs").


À son extrémité septentrionale (aval), entre les Mourets et La Conversaria au nord-est et Les Cochettes au sud-ouest, le val de la Fauge se ferme sur des échines boisées qui le barrent et le séparent de la dépression du Val de Lans. Elles sont formées par les calcaires du Sénonien supérieur, qui pendent doucement vers le nord pour s'enfoncer sous le Miocène du coeur du synclinal de Lans.
Cette disposition est due au passage de l'importante faille des Clots, orientée NNE-SSW, dont le compartiment nord-occidental est abaissé
voir la page "Villard-de-Lans"). Ceci a pour effet (par exemple à l'extrémité nord de la prairie des Plâtres) de faire buter, du côté nord (aval), les grès verts du coeur du synclinal contre les calcaires du Sénonien supérieur : ces derniers font un barrage que les ruisseaux de la Fauge et de la Combe du Beyle, qui drainent le val, doivent franchir en gorges.

 La recherche d'un prolongement vers le nord de la faille du Pas de l'Oeille au delà de son interruption par la faille des Clots, amène à constater son apparente disparition. Mais cela n'interdit pas de penser qu'elle puis se s'y prolonger car son âge ancien la conduit sans doute à y être masquée sous le Miocène du synclinal de Villard-de-Lans. Une hypothèse très plausible consiste à la voir réapparaître au delà sous les traits de la faille de la Croix Perrin (voir la page "villard-de-Lans"), ceci au prix d'un décalage vers l'ouest de moins de 1 km, aisément attribuable à son entrecroisement avec le grand synclinal de villard-de-Lans.

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L'extrémité nord du vallon de la Fauge vus de l'est, depuis le col Vert.
En premier plan on distingue la crête de la moraine abandonnée par le glacier qui occupait le vallon de la Fauge : elle ferme du côté nord (droit) le val (synclinal) de la Fauge. Les buttes boisées des Plâtres et des Clots, qui se profilent devant Villard-de-Lans, sont formées par le Sénonien du flanc oriental du synclinal de Villard-de-Lans, décalé en sens dextre par la faille des Clots (f.Cl).
En arrière-plan les gorges de la Bourne tranchent en zigzag une série de monts* jurassiens. D'avant en arrière on localise les plis suivants :
s.F = synclinal de la Fauge ; a.Jx = anticlinal des Jaux ; s.VL = synclinal de Villard-de-Lans ; s.A = synclinal d'Autrans.

Les pentes de rive droite du bas vallon de la Fauge présentent en outre un trait de relief assez particulier qui est le petit vallon suspendu des Plâtres ; il est souligné par une bande de prairies que parcourt la piste pastorale menant au chalet Roybon et bordé à l'ouest par une crête boisée parallèle au fond du vallon de la Fauge. Or cette dernière s'avère être constituée par des cailloutis glaciaires : il s'agit donc clairement d'une moraine latérale abandonnée sur sa rive droite par un glacier local qui occupait le val de la Fauge à l'époque wurmienne. Quant au vallon des Plâtres il représente le sillon marginal externe de cette moraine, par lequel s'écoulaient les eaux de fonte et de ruissellement des pentes de ce versant.

Il existe en fait deux moraines parallèles dans ce secteur. La seconde, plus élevée de 50 m, détermine la crête du Mont Chillon et son sillon marginal externe est représenté par la Combe de Lurbeillet : cette dernière représente sans doute la moraine du maximum d'extension de Würm.

Deux coupes des abords des Deux Sœurs :


Deux coupes des abords de la Grande Moucherolle
en haut : à la latitude du sommet des Rochers des Jaux : la partie profonde est extrapolée à partir de la coupe inférieure, plus méridionale ;
en bas par le sommet de la Grande Moucherolle (coupe observable dans les falaises méridionales de la montagne).

a.M = anticlinal des Jaux (charnière orientale de la coupole de la Grande Moucherolle) ; s.F = synclinal de la Fauge ; f.PO = faille du Pas de l'Oeille (pour plus de détails à son sujet se reporter à la page "Deux Soeurs").
n.m. = niveau repère des marnes du Pas de la Balme
La faille extensive, d'orientation E-W, du Pas des Deux Soeurs et de la Petite Moucherolle (cf. photo ci-dessus) passe immédiatement au sud du tracé de la coupe inférieure, parallèlement à celui-ci (elle ne peut donc pas être représentée sur ce schéma).



Carte géologique très simplifiée du rebord oriental du Vercors à la latitude de Villard de Lans et de Vif
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074.
légende des couleurs


cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuille Vif

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