Deux-Soeurs, Pas de l'Oeille

la barrière orientale du Vercors au nord-est de la dépression de la Gresse

La barrière orientale du Vercors septentrional dessine un promontoire saillant vers le sud au delà duquel s'ouvre l'extrémité septentrionale de la dépression de la Gresse (voir les pages "Rochers de la Balme" et "Moucherolle"). Cette ligne de falaises est celle d'un crêt* presque typique, qui regarde vers la vallée du Drac (vers l'est) et qui est armé par les couches urgoniennes, pentées en moyenne à 35 - 40° vers l'ouest, c'est-à-dire vers l'intérieur du massif (en général elles appartiennent à la seule masse urgonienne inférieure, la masse supérieure ayant été enlevée par l'érosion).

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La barrière orientale du Vercors à la latitude de la Grande Moucherolle, vue de l'est depuis le sommet de la Peyrouse (Montagne du Conest).

L'extrémité septentrionale de ce promontoire, où l'orientation de la falaise urgonienne devient E-W de part et d'autre de la Grande Moucherolle (voir la page "Moucherolle"), est constituée par les Rochers des Deux Sœurs.

L'éperon rocheux des Deux-Soeurs : vue hivernale depuis le N-NE.

Agathe, la Grande Sœur (2183), est au centre du cliché ; en arrière-droit, se profile la bosse 2113 de l'arête est de la Moucherolle, par dessus Sophie, la Petite (2162).
En arrière plan s'ouvre la combe monoclinale de Gresse (Saint-Andéol), creusée dans les couches du Crétacé inférieur, qui fait dessiner à la corniche urgonienne un grand rentrant vers la droite c'est-à-dire vers le nord-ouest.

À partir de ces derniers le crêt se poursuit vers nord sans interruption jusqu'au Pas de l'Oeille, où il traverse en biais le flanc oriental du synclinal de La Fauge. Il s'y connecte par un raccord en baîonnette aux arêtes du Gerbier mais se prolonge au-delà, du côté ouest de ces arêtes (dont il est alors séparé par le vallon de La Grande Combe), en s'abaissant à l'intérieur du massif (voir la page "La Fauge").

A/ Les rochers des Deux Sœurs eux mêmes sont affectés par un petit jeu de failles seondaires qui se croisent peu au NW de leurs sommets, à l'extrémité méridionale de ce vallon de La Fauge (ce fait doit contribuer d'ailleurs à l'aplanissement de la partie haute de celui-ci).

1) du côté nord les sommets jumeaux des Deux Sœurs sont séparés par la petite faille des Deux Soeurs. Elle détermine le col qui les sépare et a pour particularité que sa lèvre méridionale (supérieure et abaissée) a été érodée au point de mettre à nu la surface de cassure (encore portée par la lèvre inférieure) presque jusqu'au pied de la falaise urgonienne. C'est sur cette surface de faille que s'inscrivent les lacets supérieurs du sentier qui permet de franchir aisément le col des Deux Sœurs pour descendre vers celui de l'Arzelier.

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Détail des falaises des Deux-Soeurs
vues de l'est, d'avion.
La faille des deux Sœurs (f.S) est vue ici presque dans l'enfilade presque E-W de son plan de cassure. Celui-ci est décapé par l'érosion en un plan incliné dont on ne voit bien que deux portions (petites notations "sF") ; "pcO" = niveau des pseudo couches à Orbitolines.
Le tracé vert, bien repérable, des bancs de base de l'Urgonien montre que le rejet vertical (extensif) de la faille ne dépasse pas10 à 20 m ; mais cela ne traduit pas la totalité du déplacement relatif de ses deux lèvres, qui s'avère avoir en outre une composante de coulissement dextre (voir la page "Moucherolle").
Le niveau marneux, très mince ici, qui est juste au dessus de la ligne de tirets rouges est celui des "marnes du Pas de la Balme", qui s'épaissit vers le sud-ouest (voir la page "Pas de la Balme").

2) du côté ouest les abrupts sud-occidentaux de la pointe d'Agathe sont affectés par deux cassures également mineures (à rejet vertical décamétrique), dont l'intérêt est surtout que l'on peut scruter la manière dont elles coupent les couches, de haut en bas.

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Le versant occidental de la pointe d'Agathe, vu du sud-ouest depuis le pied du Pas de la Balme. (cliché original obligeamment communiqué par M. M. Cognet).
f.A = faille d'Agathe, N-S et presque verticale ; f.S = faille du col des deux Sœurs ; f.S? = son prolongement éventuel vers le bas, décalé par la faille d'Agathe ?
Les orientations des surfaces de cassure de ces failles ne sont pas déterminables sur cette image : on sait par ailleurs qu'elles sont différentes l'une de l'autre et qu'aucune n'est perpendiculaire à la falaise.


La plus proche du sommet ("faille d'Agathe") détermine un couloir très proche de la verticale, son tracé est sensiblement N-S et la lèvre orientale abaissée de plusieurs dizaines de mètres. Compte tenu de l'inclinaison de sa surface de cassure et du pendage vers le nord des couches induit par le plongement axial du synclinal de la Fauge il est plausible qu'il s'agisse d'un décrochement dextre.

La seconde, extensive et inclinée vers le SE, présente toutes les caractéristiques (y compris son tracé, orienté N75, repérable sur le plateau urgonien) pour être la réapparition de la faille du Col des Deux Sœurs. Elle se perd vers le bas en rejoignant le tracé de la faille d'Agathe. Or on retrouve un tracé similaire affectant la partie basse de la lèvre orientale de cette dernière. Compte tenu des orientations obliques de ces deux cassures il ne semble pas interdit d'envisager que cela résulte d'un décalage dextre de "f.S" par le jeu de "f.A".

B/ A la latitude du Pas de l'Oeille, un kilomètre au nord du sommet de Sophie, la ligne de falaise subit un décalage plus important, excédant une centaine de mètres. Il se révèle lié à la présence d'une cassure, la faille du Pas de l'Oeille, dont le tracé se prolonge franchement vers le nord en déterminant le vallon de la Grande Combe (ce qui lui fait traverser en oblique très aigu le flanc oriental du synclinal de La Fauge).

Or, dans les abrupts sud-orientaux du Pas, le tracé de la faille vers le bas est bien visible et s'avère orienté presque orthogonalement à la ligne de crête. Ceci est lié à l'orientation transverse qui est celle des abrupts méridionaux des Aiguilles des Sultanes au pied duquel l'érosion le met à nu. Mais cela n'explique pas pourquoi ce tracé ne se poursuit pas vers le haut en traversant la crête aux alentours du point coté 2105.

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La falaise orientale du Vercors au niveau du Pas de l'Oeille, vue du SE d'avion.
(notations stratigraphiques comme au cliché suivant).
La surface de cassure de la faille du Pas de l'Oeille est orientée N-S.
- Le tracé inférieur ("f.pOi") est celui qu'en donnent les abrupts méridionaux du Pas de l'Oeille, à la faveur de ce qu'ils sont orientés W-E : on voit que ce tracé ne se poursuit pas vers le haut dans les abrupts orientés N-S du sommet 2105.
- Le tracé supérieur "f.pOs", qui passe (approximativement) par le Pas de l'Oeille y est quant à lui N-S : cela découle du fait que la section de la cassure est proche de l'horizontale car effectuée par surface topographique du vallonnement du col.

Le suivi précis du tracé de cette faille répond à cette question en révélant ses particularités un peu inattendues. On doit d'abord notée son orientation N-S révélée par l'endroit où le sentier venant du col de l'A rejoint le fond de ravine .

Vue rapprochée de la faille du Pas de l'Oeille
sur le sentier du versant sud-est (astérisque de la coupe ci-dessus)

Ce splendide miroir de faille, garni d'une brèche de faille très broyée, épaisse de plus d'un mètre (moitié supérieure droite du cliché) est en premier lieu un bel exemple de dalle structurale*.

D'autre part on se trouve là à un endroit où le sentier décrit un lacet pointant vers le nord en rencontrant le fond du grand ravin (ce dernier correspond précisément à la limite entre la dalle, sa rive sud et la brèche, sa rive nord).

Cet affleurement montre que la surface de cassure est orientée perpendiculairement au ravin , c'est-à-dire N-S : elle n'est pas E-W, comme le fait croire son tracé cartographique qui suit, à ce niveau le fond de ravin.
Cette conclusion est d'ailleurs confirmée par son tracé au nord du Pas de l'Oeille, également N-S du fait qu"il affecte une surface proche de l'horizontale (qui est celle du vallonnement amont de la Grande Combe, qu'elle y détermine).

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Le versant oriental des Deux-Soeurs au nord de Sophie, vu du sud, depuis le sentier qui monte depuis la baraque des Clos (pentes du col de l'Arzelier)
Il est clair que la faille, N-S, du Pas de l'Oeille (FpO) a un rejet extensif (le compartiment supérieur, d'arrière-plan, est en effet abaissé par rapport à celui d'avant-plan). Mais on est étonné de voir qu'elle ne décale pas les couches de la falaise qui culmine au point coté 2105.
On pourrait penser qu'elle est cachetée* par les couches supérieures de l'Urgonien (ce qui serait d'ailleurs très problématique). Mais les observations faites aux alentours du tracé du sentier portent à une autre interprétation (qui est explicitée dans les figures suivantes) : elle a été partagée en deux tronçons et le supérieur (fpOs) a été décalé vers l'est par rapport au tronçon inférieur (fpOi). Les tirets roses indiquent la surface suivant laquelle s'est fait ce déplacement.

Ensuite la vue d'ensemble révèle que la surface de cassure comporte deux tronçons, qui sont décalés à mi-hauteur des falaises, par le jeu de glissements couches sur couches.


Coupe d'ensemble du dispositif visible sur la photo précédente.
L'astérisque indique l'emplacement où a été prise la photo du miroir de faille (ci-après). Les portions de surfaces de strates soulignées de rose sont celles sur lesquelles s'est fait le glissement qui a décalé le tronçon supérieur de la faille par rapport au tronçon inférieur .
Noter la présence d'un affleurement de Lumachelle du sommet du Pas de L'Oeille (il n'est pas indiqué sur la carte géologique "Vif") .


Il est en outre logique de penser que ce dernier a dû être occasionné par le plissement qui a créé le synclinal de la Fauge, ceci postérieurement au jeu extensif de la faille.


Schéma interprétatif
1/ formation de la faille 2/ Plissement ultérieur
Le plissement a induit, au niveau des couches à Orbitolines et au dessus, un glissement couches qui explique le décalage en baïonnette de la surface de cassure


Ces caractéristiques conduisent en définitive à y voir une cassure extensive ancienne, antérieure au plissement, comparable aux failles aptiennes de Chartreuse (voir la page "failles de Bellefond") et que l'on peut sans doute attribuer à la même étape précoce de déformation.

On trouvera plus de développements sur la faille du Pas de l'Oeille dans la publication176 [GIDON M. (1996)].

C/ Le revers occidental du crêt des Deux Sœurs montre une structure foncièrement simple, qui se caractérise par une large inflexion synclinale des couches, le synclinal de La Fauge, qui prend naissance au sud d'Agathe sur la transversale entre les Deux-Soeurs et la Grande Moucherolle (voir la page "La Fauge").

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Les crêtes fermant du côté méridional le vallon supérieur de la Fauge vues d'avion du nord.
f.A = faille N-S d'Agathe ; f.S = faille E-W du col des Deux Sœurs ; f.Me = faille orientale de la Moucherolle ; a.Jx = anticlinal N-S des Jaux ; s.cO = synclinal NW-SE de la Combe de l'Ours ; f.Gw = faille ouest du Gerbier ; s.F = synclinal N-S de la Fauge ; f.pO = faille du Pas de l'Oeille, à lèvre orientale (gauche) abaissée, qui recoupe en biais le pli précédent.
Les tracés de teinte pourpre correspondent aux niveaux de vires attribuables aux couches à Orbitolines. Mais ici la vire majeure ("pcO") est sans doute située plus bas dans la succession urgonienne, séparée des vraies couches à Orbitolines par un niveau massif désigné ici comme "Um" = urgonien moyen.

Dans sa partie la plus méridionale, sur la tranversale Deux-Sœurs - Moucherolle, le fond de ce synclinal s'aplanit et s'élargit à la faveur de son interférence avec les autres structures et notamment avec la flexure synclinale de la Combe de l'Ours (voir la page "Moucherolle").

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L'élargissement sommital du val supérieur de la Fauge vu des pentes orientales de la crête à l'ouest du Pas de l'œil (sous le point 2105). (cliché original obligeamment communiqué par M. M. Cognet).
a.gM = voûte anticlinale de la Grande Moucherolle ; f.A = faille d'Agathe, N-S et presque verticale ; f.S = faille du col des deux Sœurs ; fl.O = flexure de la combe de l'Ours ; f.Me = faille orientale de la Moucherolle.

Plus bas, au nord de cet entrecroisement, en aval d'une zone de prairies appelée le Pré de l'Achard, le cœur du synclinal héberge un amas de blocs éboulés qui résulte d'un arrachement pae glissement sur les dalles structurales* de son flanc oriental.

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Les pentes supérieures du val supérieur de la Fauge vues du sud-ouest, depuis l'arête orientale de la Grande Moucherolle
On distingue dans la pente de la crête occidentale du Pas de l'Oeille, des gradins surplombants : ils correspondent aux crevasses d'arrachement selon lesquelles les dalles structurales d'Urgonien (maintenant garnies d'une mince pelouse) se sont dénudées par éboulement de tranches successives (voir la page "dalles structurales").
Sous cet angle on voit surtout le flanc oriental du synclinal de la Fauge : la mention "flanc ouest" concerne ce pli (mais c'est en même temps le flanc oriental de l'anticlinal des Jaux) ; "U.ms" désigne le banc supérieur de l'Urgonien "moyen", immédiatement sous les couches à Orbitolines.


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Les pentes supérieures du val de La Fauge, vues du sud depuis les abords du sommet de la Grande Sœur (Agathe).
s.F = synclinal de la Fauge (vu dans son axe) ; a.Jx = anticlinal des Jaux ; s.O = flexure synclinale de la Combe de l'Ours.

Deux coupes des abords des Deux Sœurs :


Deux coupes des abords de la Grande Moucherolle
en haut : à la latitude du sommet des Rochers des Jaux : la partie profonde est extrapolée à partir de la coupe inférieure, plus méridionale ;
en bas par le sommet de la Grande Moucherolle (coupe observable dans les falaises méridionales de la montagne).

a.M = anticlinal des Jaux (charnière orientale de la coupole de la Grande Moucherolle) ; s.F = synclinal de la Fauge ; f.PO = faille du Pas de l'Oeille (pour plus de détails à son sujet se reporter à la page "Deux Soeurs").
n.m. = niveau repère des marnes du Pas de la Balme
La faille ("f.S") du Pas des Deux Soeurs et de la Petite Moucherolle, d'orientation E-W (cf. photo ci-dessus), passe immédiatement au sud du tracé de la coupe inférieure, parallèlement à celui-ci (elle ne peut donc pas être représentée sur ce schéma).


Voir, au sujet de l'ensemble de ce secteur, la page "Vercors nord-oriental".


cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuilles Vif


Carte géologique très simplifiée du rebord oriental du Vercors à la latitude de Villard de Lans et de Vif
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074.
légende des couleurs


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