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Relief de la Chartreuse

C/ QUELQUES ASPECTS DES RAPPORTS ENTRE LE RELIEF ET LES DÉTAILS LOCAUX DE LA STRUCTURE TECTONIQUE


Sommaire de cette page :
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Reliefs générés par les éboulements :  Dalles structurales
   Chaos et éboulements
Reliefs générés par les failles :  failles et tracé des vallées
  abrupts de failles
 Interférences entre les failles et le relief : caractérisation des failles vues en falaise
  failles inapparentes
  failles et franchissement des barres rocheuses

1 - Les reliefs générés par les éboulements

a) Dalles structurales (fig. 1A)

Les dalles structurales sont des surfaces de strates ou de cassures, mises à nu par l'érosion qui a déblayé tout ce qui se trouvait au dessus et s'est trouvée arrêtée par le changement lithologique correspondant à cette surface.

Leur origine est fréquemment un arrachement de bancs, par glissement sur un niveau (dit "de décollement") où l'adhérence des couches est faible : lorsque la pente des strates est assez forte (une trentaine de degrés suffit largement). Cela se produit surtout lorsque la pile des couches est déstabilisée par un creusement qui la sape : la tranche de roche située au dessus du niveau à glissement facile, n'étant plus retenue par l'aval, s'arrache d'un bloc le long d'une ligne de diaclases qui se transforme en un mur surplombant.

On en voit de beaux exemples, notamment en bord de route, l'entaille de celle-ci ayant bien souvent déclenché le ripage des tranches de roche qui a dénudé les dalles

C'est tout spécialement le cas entre Saint-Laurent-du-Pont et le col de la Charmette, en amont du tunnel des Agneaux (cet exemple est analysé d'assez près à la page "Curière - Agneaux").

On peut partiellement pallier à ce phénomène par des travaux de consolidation, consistant en "épingles" d'acier de plusieurs centimètres de diamètre, que l'on scelle dans la roche perpendiculairement aux bancs pour les solidariser entre eux. C'est notamment ce qui a été fait dans les gorges du Guiers Mort, entre les trois tunnels de la Molière et le Pont Saint-Pierre (fascicule 1K).

Le versant oriental du Charmant Som est formé, sur plusieurs centaines de mètres de haut, par une dalle structurale qui plonge vertigineusement vers l'est. Elle correspond à-peu-près au sommet de la masse urgonienne inférieure, débarrassé des couches qui la recouvraient par un éboulement. Ses débris se sont accumulés au sud-ouest des Revols, où ils forment une crête ressemblant à une moraine.
Un autre dispositif tout à fait analogue s'observe peu au nord du Petit Som, sur le revers est de ce sommet, qui tombe dans le vallon de Léchaud.

autres exemples (hors Chartreuse)
- page Luc-en-Diois (section Diois) : exemple typique.
- page Rouinon (section Gap-Digne) : dalles structurales sans éboulement.

Il est important de préciser que de nombreux éboulements se détachent de façon "ordinaire", par l'ouverture de crevasses qui tranchent les couches et que leurs matériaux s'évacuent par glissement parallèle à la déclivité de la pente, sans utiliser le glissement sur des surfaces de couches (voir ci-après).



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Modalités et origine des divers types d'éboulements

A = Éboulements ordinaires : du côté gauche, basculement ou tassement de tranches verticales découpées selon les diaclases. Du côté droit, formation de dalles structurales par glissement d'un paquet de bancs sur un "niveau de décollement" des strates (le phénomène se répète en gagnant de plus en plus vers l'amont.

B = formation d'un Chaos par débitage, le long de ses diaclases, d'un panneau rocheux qui a commencé à glisser. Ici l'arrachement n'arrive pas à son terme, sans doute parce que le glissement se déclenche lorsque le niveau de décollement se gorge d'eau, et que la fragmentation du panneau calcaire en occasionne au contraire le drainage (les couches à Orbitolines, alternant marnes et bancs calcaires, sont très propices à ce phénomène).

exemples (hors Chartreuse) d'éboulements dont l'origine est sans rapports avec la dénudation de surfaces de couches.
- page Quatre-Têtes (section Bornes) : page Platé (section Chablais)


b) Chaos et éboulements (fig. 1B)

Ces deux types d'amas de blocs, de taille décamétrique dans les deux cas, diffèrent par la manière dont leurs éléments sont juxtaposés :

Les plus gros blocs des vrais éboulements sont en général largement noyés dans du matériel de calibre plus fin dont ils ne font guère qu'émerger à leur sommet. C'est notamment le cas dans l'immense éboulement des Abîmes de Myans. Un autre exemple (parmi beaucoup d'autres) est l'éboulement du vallon de Marcieu, au nord du col de Bellefond.

Au contraire dans les "chaos" de Chartreuse, comme celui de Tracarta (au dessus de Saint-Même) ou celui de Bellefond (au dessus de Perquelin) les énormes blocs sont en fait presque en place et seulement isolés par des crevasses à peine comblées.

En outre les chaos sont situés en amont d'une falaise alors que les éboulements se trouvent en pied de pente, en contrebas de la falaise qui leur a donné naissance en s'effondrant. En fait les chaos correspondent à une tranche de roche qui a commencé à se disloquer sous la traction du glissement vers l'aval, à la surface d'une dalle structurale mais dont l'arrachement a avorté (peut-être provisoirement), en raison surtout d'une pente insuffisante des couches.

Un exemple typique d'arrachement d'une plaque rocheuse
(versant est du Petit Som, vu du vallon de Leschaux)
version normale , commentée, de cette image
version plus grande , muette, de cette image

Ce cliché montre à la fois une zone de dalle structurale dénudée par un éboulement, un lambeau résiduel détaché par une crevasse béante mais ayant échappé à l'éboulement et, plus à gauche, un miroir de faille à rejet sénestre.
Cette dernière particularité est une bonne occasion de souligner la distinction entre la "faille" au sens tectonique, reconnaissable par son rejet, et la "faille" au sens commun, qui est celui d'une brèche autorisant le passage (qui est illustré ici par la crevasse béante).
environnement de cet affleurement page Petit Som.

En Chartreuse il existe un très bel exemple d'éboulement que l'on peut qualifier de fossile car il date de plus de 400.000 ans : c'est celui du Sappey (rochers de l'Eglise, au N de Proveysieux).

Les "paquets glissés*" représentent une forme de relief apparentée mais dans laquelle le contexte structural ne joue qu'un rôle nul ou accessoire.


2 - Les reliefs générés par les failles

a) Failles et tracé des vallées

On pense souvent a priori que ce sont des failles qui déterminent et dirigent les vallées des rivières et notamment les gorges où elles choisissent de franchir les passages rocheux les plus résistants. Mais au fur et à mesure qu'il examine les multiples cas qui se présentent le géologue de terrain est amené à réviser cette opinion.

Si l'on prend, pour commencer, l'exemple de la Chartreuse force est de constater qu'aucune des multiples gorges que l'on y rencontre ne s'avère avoir une telle origine. Aucune n'emprunte le tracé d'une faille notable, sauf sur des trajets très brefs. Toutes, au contraire, sont dirigées transversalement ou obliquement aux failles que l'on rencontre dans le secteur concerné
voir en particulier les pages "Guiers Vif", "Petit Frou" et "Guiers Mort".

En réalité, d'une façon générale, l'existence d'une relation entre failles et tracé des vallées s'avère très rare, même si certains auteurs ont récemment cherché à soutenir cette hypothèse sur des exemples absolument pas convaincants (origine du Grésivaudan par exemple). En fait on ne peut guère citer comme exemple de quelque importance que le cas de la faille de la moyenne Tarentaise.
De plus, d'une façon générale, lorsqu'une telle relation semble exister (et plus précisément dans le cas suscité) il est encore plus rare que le cours d'eau suive réellement le tracé de la faille : le plus souvent son trajet semble avoir été guidé par la cassure, mais il est cependant décalé du tracé de la faille et ne le suit qu'à une distance d'ordre kilométrique.

Un cas qui a été particulièrement discuté à cet égard est celui des cluses* et notamment des grandes trouées séparant les massifs subalpins septentrionaux, qui leur sont généralement assimilés. L'exemple le plus connu est la prétendue "cluse de l'Isère" en aval de Grenoble (le terme de "trouée de Grenoble" paraît bien mieux adapté pour désigner cette portion de la vallée).

voir la page "Trouée de Grenoble" et l'article consacré à ce sujet ( publication175)
voir aussi les pages "Trouée de Chambéry - Montmélian" , "Trouée de Faverges-Ugine" et "cluse de l'Arve".

b) Abrupts de faille :

Les miroirs de faille dégagés en falaises sont assez fréquents, même s'il ne s'agit le plus souvent que de falaises peu élevées. En réalité cette faible hauteur des beaux miroirs vient souvent de ce que la partie haute de l'abrupt de faille a été attaquée par l'érosion qui l'a ainsi fait reculer par rapport au tracé de la faille.
Un exemple parfaitement représentatif de ce genre de situation est fourni, en Chartreuse, par la falaise sud du Granier (
voir à la page "Granier").

Des exemples de beaux miroirs de faille, mais de taille plus modeste (pluri-décamétrique), sont répertoriés, en ce qui concerne le massif de la Chartreuse, à la page "lèvres de faille"


3 - Interférences entre les failles et le relief

a) Caractéristiques des failles d'après leur observation en falaise :

C'est dans des falaises qui tranchent obliquement des cassures que les décalages de couches, qui sont la caractéristique des failles, sont le plus souvent observables.
À cet égard il faut noter, en premier lieu, qu'un couloir entaillant une falaise (une "faille" au sens de défaut de continuité, permettant le passage, dans le langage courant) n'est souvent qu'une simple crevasse due à l'érosion. Pour un géologue il ne sera considéré comme une faille qu'après mise en évidence d'un décalage de repères géologiques de part et d'autre de ce couloir.

Un point souvent difficile à saisir, car cela implique un effort de représentation géométrique dans l'espace, est la manière dont s'exprime, dans le paysage ou sur la carte, le déplacement relatif des deux compartiments d'une faille.
voir à ce sujet l'article de glossaire consacré au rejet des failles
Le résultat du déplacement d'un repère (par exemple une surface de strate) est le rejet* de la faille, qui se manifeste par le décalage du tracé de ce repère sur la surface d'observation. Si l'on examine les choses d'avion ou sur une carte cette surface est à peu près horizontale. Mais dans le cas d'un paysage vu du sol la surface permettant l'observation d'un rejet sera, le plus souvent, l'abrupt dénudé qu'offre une falaise (ceci suppose d'ailleurs que la falaise soit peu ou prou orthogonale à la faille). Dans ce cas le seul décalage visible est celui qui correspond à une une dénivellation dans le sens vertical (il est donc proche du "rejet vertical" qui affecte la surface). On ne sait rien toutefois de l'éventuelle composante horizontale du déplacement.

Si la ligne repère décalée correspond à une surface horizontale l'existence d'un rejet vertical implique évidemment un mouvement vertical de la surface considérée. Mais si les couches affectées par la cassure ne sont pas horizontales un rejet vertical n'indique pas que le mouvement l'était aussi. Il peut alors aussi bien résulter d'un coulissement horizontal, c'est à dire avoir été induit par une faille de décrochement. C'est là un cas représenté à plusieurs exemplaires en Chartreuse : un exemple tout-à-fait représentatif est donné par le cliché ci-après :


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Le Granier sud et l'extrémité septentrionale de l'Alpette
vus depuis le sommet du Roc du Pinet.

Le décrochement de l'Alpette est pratiquement vu d'enfilade. La dénivellation verticale liée à cette cassure (= son "rejet vertical, au niveau du col de l'Alpette) est très visible sous cet angle : sa valeur est de plus de 400 m
Si l'on s'en tient à cette seule vue, rien ne permet de déterminer que cette faille est un décrochement...

Le rejet vertical induit par un décrochement a d'autre part une valeur variable d'un point à un autre, en fonction de la valeur et du sens de l'inclinaison des couches décalées, par rapport à la direction du déplacement correspondant au jeu de la faille (il est nul dans le cas particulier où le déplacement se fait selon le pendage des couches).

Variabilité des rejets induits par un décrochement
en fonction de la position où l'on se trouve dans le pli et de l'inclinaison du déplacement.
(inspiré par le cas du décrochement de Bellefond dans sa traversée de l'anticlinal de Perquelin et du synclinal chartreux oriental)

Le rejet vertical indiqué est celui qui concerne la charnière du synclinal.
En traçant des lignes d'une inclinaison proche de la verticale (figurant des sections topographiques selon des falaises) on mettra en évidence les variation du rejet vertical correspondant aux différents cas possible d'érosion de la structure représentée.
(voir les exemples figurés dans les pages Chamechaude et Roc d'Arguille)


Les décrochements qui traversent le synclinal oriental de la Chartreuse fournissent des exemples tout-à-fait remarquables de la variation des rejets apparents qu'ils induisent, selon le point considéré.


Déplacements et rejets le long du décrochement de l'Alpette

Cette figure se compose de deux coupes, très schématiques, projetées l'une sur l'autre selon la direction de l'axe du synclinal oriental. L'une, en tiretés-points (repérée par un N cerclé = compartiment nord), passe par le Granier ; l'autre, en traits continus (repérée par un S cerclé = compartiment sud), passe par le Pinet et les Rochers de l'Alpe.

La projection de ces deux coupes sur un même plan, perpendiculaire à l'axe synclinal, montre les relations introduites entre ces deux tronçons du grand synclinal de la Chartreuse orientale par le mouvement dextre du décrochement de l'Alpette :
a · Lorsque ce mouvement affecte, dans les deux compartiments, des couches qui pendent vers l'est, la dalle urgonienne du compartiment sud (décalé vers l'ouest) se trouve, sur une même section verticale, avoir une altitude inférieure à celle qu'elle atteint dans le compartiment nord : on a indiqué notamment, par une flèche à l'aplomb du col de l'Alpette, le rejet vertical résultant.
b · L'opposition des pendages entre les deux compartiments tend à aboutir au contraire à un rejet vertical inverse (compartiment sud surélevé) : c'est le cas à la crête des rochers de l'Alpe. Au niveau de la Porte de l'Alpette toutefois la situation est intermédiaire car, à l'emplacement où l'on se trouve sur le flanc est du compartiment sud, on est encore en contrebas des mêmes niveaux stratigraphiques (sommet de l'Urgonien) du compartiment nord.

Il faut ajouter que le mouvement de la faille comportait aussi une faible composante verticale, c'est à dire que le mouvement décrochant se faisait avec une faible obliquité, vers le bas en direction de l'ouest pour le compartiment sud (flèche en bas à droite de la figure). Ceci se manifeste par une différence d'altitude du fond du synclinal (qui est abaissé dans le compartiment sud) et s'additionne dans la plupart des cas à l' effet précédent

Dans le cas où ce sont les couches du flanc incurvé d'un pli qui sont affectées par un décalage horizontal, cela donne une géométrie qui est caractérisée par la divergence verticale des sommets des falaises de chacun des deux compartiments (fig. 2B).
On décrit souvent cela sous le nom de failles "en ciseaux" ou "en touche de piano".
Mais ces expressions suggèrent (de façon erronée) que la variation du rejet résulterait d'un d'un jeu en bascule de la faille. En fait,, dans la majorité des cas (et en tous cas ici), c'est le résultat de son fonctionnement coulissant (comme le montre le schéma).

Le flanc est de la Roche Veyrand, ou la faille des Balmes, à la montagne de Ratz donnent d'excellents exemples de tels reliefs induisant une interprétation erronée du rejet des failles.


figure plus grande (nouvelle fenêtre)
Décalage vertical de falaises par suite d'un décrochement
(les falaises représentées ici sont des miroirs de failles)

A) un décrochement (ici dextre) (D) induit un rejet vertical (rv), de même valeur sur toutes les sections verticales si les couches sont inclinées et planes

B) l'ampleur de ce rejet varie, selon l'emplacement, si le pendage des couches n'est pas constant (cas des plis) : c'est ainsi que, dans le cas représenté, les couches, inclinées vers la droite, du compartiment situé en avant sont juxtaposées, par suite du déplacement horizontal, à des couches moins inclinées du compartiment situé en arrière (voire aux couches horizontales de la voûte du pli, à l'extrême gauche de ce compartiment).
Dans le cas B on a souvent utilisé l'expression de "failles en touches de piano", car le rejet vertical croît de gauche à droite
Noter que le rejet vertical mis ici en évidence ici s'observera aussi si la falaise est orientée perpendiculairement à la surface de faille (par exemple parallèlement à la face de droite du bloc A)

Il est en outre assez fréquent que la valeur du déplacement horizontal le long d'un décrochement soit telle que ce soient les deux flancs opposés d'un même pli qui sont ramenés l'un contre l'autre. Ainsi, dans le cas d'un décrochement dextre, le flanc ouest du compartiment nord s'aboute-t-il au flanc est du compartiment sud. Cet affrontement de bancs à pendages de sens opposé peut alors surprendre, puisque faille semble alors avoir provoqué un basculement des couches d'une de ses lèvres à l'autre, ce que, bien évidemment elle ne fait pas (car elle peut seulement déplacer des ensembles rocheux mais non les basculer !).

Une telle disposition s'observe notamment au débouché amont du second tunnel de la route du Guiers Mort (point 6c du schéma perspectif ci-après), où le flanc oriental de l'anticlinal médian (en amont du pont) est reporté vers l'ouest par un décrochement et se trouve plaqué ainsi contre le flanc ouest du même pli (compartiment en aval du pont, dans lequel est creusé le 2° tunnel).


figure agrandissable (nouvelle fenêtre)

On en trouvera un autre exemple dans l'anticlinal de Perquelin, décroché par la faille de Bellefond, au Collet de Pravouta.

b) Failles inapparentes

Un cas "piège" pour qui se limiterait à une observation à distance est celui où une même falaise se révèle formée par deux barres rocheuses d'âge différent mais d'aspect analogue, mises bout à bout par le jeu d'une cassure. Sous l'effet d'une sorte de "mimétisme stratigraphique" entre les deux formations la faille n'apparaît alors que comme une simple fissure sans rejet, dans une falaise qui semble formée par une seule barre rocheuse homogène et continue.
Cela implique évidemment qu'il y ait une coïncidence entre la valeur du rejet vertical de la cassure et l'espacement stratigraphique séparant les deux niveaux durs qu'elle a ramené bout à bout.

Une telle situation s'observe notamment en rive droite du Guiers Vif, où l'Urgonien de la falaise du Petit Frou semble se prolonger par les calcaires du Fontanil du soubassement de la Roche Veyrand (voir la page "Guiers Vif : Sermes").

 Structure de la rive droite du Guiers Vif, au niveau du Petit Frou

Schéma interprétatif montrant comment le décrochement de l'Alpette induit, à l'emplacement de la ligne de falaise, un rejet vertical qui a pour résultat de juxtaposer les calcaires du Fontanil (au NW) à l'Urgonien (au SE).

NB. Pour simplifier on a représenté le décrochement comme s'il était orthogonal à l'axe du pli, alors qu'il fait avec lui un angle de 45°.

figure agrandissable

On trouve d'autres beaux exemples de mise bout à bout de falaises de niveau stratigraphique différents en divers points, notamment au Pas Dinay ou dans les abrupts orientaux de la cime de la Cochette.

Cette disposition est trop souvent réalisée, notamment en Chartreuse, pour que son origine soit aussi fortuite qu'il pourrait sembler a priori.
Il est probable que cela traduit le fait que le travail de l'érosion qui fait reculer la position des lignes de falaises est plus efficace, au niveau d'une faille, si l'une des lèvres est formée de terrains plus facilement érodables que l'autre. Au contraire l'érosion perd de son efficacité lorsque deux falaises s'appuient l'une contre l'autre de part et d'autre de la faille, en formant un mur continu : le recul de la falaise tend alors à se réduire, aboutissant à la conservation de cette situation.

c) Failles et franchissement des barres rocheuses

En Chartreuse on connaît beaucoup de "cheminées" empruntées par des sentiers pour franchir les falaises qui ne sont pas déterminées par des failles. Telles sont par exemple celle de Fontanieu aux lances de Malissard, celle de la face ouest de la Grande Sure, celle du sentier du Colonel au nord de la Dent de Crolles ou la cheminée Arnaud dans la face est de Chamechaude. Il est difficile de dire pourquoi ces passages sont plus praticables que d'autres : sans doute la roche y est-elle plus diaclasée ou quelque autre facteur, invisible maintenant, est-il intervenu.

D'autre part le fait qu'une barre rocheuse soit traversée par une faille ne suffit souvent pas à y déterminer un passage commodément praticable. C'est notamment vrai si le rejet vertical n'est que modeste. En effet le passage que l'érosion est susceptible de pratiquer le long du tracé de la faille ne sera souvent que très étroit, car limité à l'épaisseur de la zone broyée qui correspond au couloir de faille entre les deux lèvres (elle est parfois réduite à moins de 1 m).
De plus, si la surface de cassure est verticale, le fond de l'étroit couloir ainsi aménagé sera, dans bien des cas, à peine moins escarpé que la falaise elle-même ou que les autres couloirs déterminés par de simples diaclases* sans rejet notable (c'est le cas pour la cheminée de Corde, sous la crête d'Arpison).

Le cas le plus favorable à l'aménagement d'un passage là où passe une faille est celui où le rejet vertical de cette dernière est égal ou supérieur à l'épaisseur de la barre rocheuse. En ce cas le sommet de la barre, sur l'une des lèvres, est abaissé au niveau (ou même en contrebas) de la base de cette barre sur l'autre lèvre.
Le sentier ne suit alors pas la faille mais il passe directement, par un tracé horizontal, du niveau tendre situé sous la barre d'un côté à celui situé au dessus sur la lèvre opposé. Ce cas est particulièrement bien réalisé en ce qui concerne le tracé des sentiers qui montent l'un au col de Bellefond depuis le col de la Saulce, l'autre au col de l'Alpette depuis le village de La Plagne (
voir cliché ci-dessus).

Dans ces deux exemples, comme dans celui (moins remarquable) des accès au col de l'Alpe, la cassure qui détermine le passage est une faille de coulissement qui traverse un synclinal perché. Cette circonstance semble donc particulièrement favorable. Il est vraisemblable que cela soit lié à l'intervention d'une étape préliminaire d'érosion par aplanissement (croquis suivant). Cette histoire semble d'ailleurs expliquer également la formation, lors de l'érosion "normale" ultérieure, des ébauches de cirques qui se sont ouvertes dans ces trois secteurs.

Schéma expliquant la formation du cirque de Saint-Même
(vu du nord-ouest, c'est-à-dire à 90° dans le sens inverse des aiguilles d'une montre par rapport à la photo ci-dessus)

1) Après le jeu du décrochement du col de l'Alpe, l'érosion du massif de la Chartreuse débute par un aplanissement qui enlève les parties saillantes des plis, quelle que soit la nature de la roche.

2) L'érosion ultérieure se fait surtout par ruissellement. Elle enlève avant tout, au contraire, les terrains les plus tendres, là où ils sont déjà mis à nu, c'est-à-dire à l'emplacement de Saint-Même. La tranche de l''Urgonien du compartiment méridional du décrochement est ainsi dégagée et le fond de la gouttière urgonienne du synclinal oriental peut laisser sortir à l'air libre les eaux qu'elle draine. Ces écoulements provoquent progressivement le retrait de la falaise, ce qui accentue le renfoncement du cirque, là où se trouvent maintenant les sources du Guiers Vif.

La disposition résultante a pour particularité que, dans le compartiment sud du décrochement dextre, les couches les plus résistantes du flanc occidental du synclinal (Urgonien en général) s'avancent en formant un éperon saillant vers le nord-ouest. Ceci découle de ce que leur déplacement vers l'ouest les a juxtaposées à des couches moins résistantes (Berriasien à Hauterivien en général) du compartiment plus septentrional, lesquelles sont rapidement affouillées.
Cet éperon est de ce fait plus exposé à l'érosion, ce qui est sans doute cause du fait que dans certains cas (comme au sud du décrochement de Bellefond) il ait été abattu par l'érosion (
croquis suivant) et que seul le volet oriental du synclinal soit conservé au sud de la faille.


figure agrandissable (nouvelle fenêtre)
Décalage vertical des falaises dans le cas d'un synclinal décroché
(inspiré de l'Urgonien du synclinal oriental de la Chartreuse, notamment au niveau du col de Bellefond)

Les parties représentées en tirets sont celles qui sont souvent enlevées par l'érosion, parce que cette dernière a évidemment tendance à rectifier l'alignement des falaises (c'est le cas du rebord du Grésivaudan mais aussi celui du versant occidental du synclinal perché de la Chartreuse orientale).
Les rejets verticaux ainsi observables sont différents, selon les points, dans ces falaises. Ils sont notamment de sens opposé dans le flanc ouest (rvO = abaissement du compartiment méridional) et dans le flanc est (rvE = abaissement du compartiment septentrional).
rh est le rejet horizontal., ASs l'axe synclinal dans le compartiment sud et ASn dans le compartiment nord.

 



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