La vallée du Guiers Mort |
La vallée du Guiers Mort est la plus méridionale des deux vallées presque E-W qui permettent d'accéder à l'intérieur du massif en venant de l'ouest. C'est notamment par elle que l'on atteint le couvent de la Grande Chartreuse et le village de Saint-Pierre-de-Chartreuse. Elle traverse d'est en ouest tout le massif, orthogonalement à ses plis, par une succession de cluses* correspondant aux flancs urgoniens de ces derniers et séparant des combes affluentes ouvertes dans leurs coeurs (les synclinaux ne se manifestent pratiquement pas dans ce relief en raison de l'écrasement qui affecte leur contenu).
Les nombreux liens insérés dans cette page permettent d'accéder aux descriptions plus détaillées des différents secteurs de cette vallée et de ses flancs. |
A/ En amont de Saint-Pierre-de-Chartreuse :
La source du Guiers Mort, située 4 km en amont de Saint-Pierre-de-Chartreuse, est une résurgence* typique. Elle s'ouvre à la base de l'Urgonien de la partie septentrionale du plateau de la Dent de Crolles, pratiquement à la charnière du synclinal chartreux oriental (c'est-à-dire au point le plus bas des affleurements de ce terrain).
Elle tranche d'abord, par une première cluse, qui correspond aux gorges de Perquelin, le coeur jurassique de l'anticlinal le plus oriental du massif (anticlinal de Perquelin), et en donne, dans les pentes méridionales de la Scia, une assez belle coupe naturelle.
Le versant occidental de la Scia et le débouché de la cluse de Perquelin, vus du sud-ouest, depuis les pentes de Morinas. a.P = anticlinal de Perquelin ; ØS = chevauchement de la Scia (il est masqué au nord des Essarts par un éboulement ancien provenant de la falaise tithonique supérieure de la montagne) ; s.S = synclinal du Sappey. Le replat de prairies de Saint-Hugues, de Mollard Bellet et de Saint-Pierre-de-Chartreuse représente le sommet du colmatage de la dépression ouverte dans les marnes de Narbonne du synclinal du Sappey lors du maximum de la glaciation de Würm. |
même figure, plus grande coupe selon la rive droite du cours du Guiers Mort (partie amont), à l'est de Saint-Pierre-de-Chartreuse pour plus de détails et pour les explications qu'appelle cette coupe, voir le fascicule n°1B |
Elle traverse ensuite le sillon longitudinal de la Chartreuse orientale (= alignement des trois cols routiers) en entaillant son lit dans les alluvions qui comblent cette dépression à Saint-Pierre-de-Chartreuse.
Le Guiers Mort quitte d'abord, à La Diat, les pentes déboisées et ouvertes portant le village de Saint-Pierre-de-Chartreuse pour s'engager dans une traversée en gorges qui affecte la Chartreuse médiane ainsi que celle occidentale et qui est jalonnée par un chapelet de cluses.
version plus grande coupe d'ensemble des gorges du Guiers Mort, en aval de Saint-Pierre-de-Chartreuse. Pour plus de détails et pour les explications qu'appelle cette coupe, voir le fascicule n°1K |
B/ Le tronçon amont des gorges du Guiers Mort
Les gorges commencent modestement à la maison forestière de La Diat (point 787), où une première entaille rocheuse (d'ailleurs boisée) concerne des couches faisant encore partie de la Chartreuse orientale : il s'agit de calcaires du Fontanil qui sont faiblement pentés vers le NE : ce pendage est dû à ce qu'ils appartiennent au fond (plongeant vers le nord) du synclinal du Grand Som (pli le plus occidental de la Chartreuse orientale).
Au sortir de cette première gorge, après un bref élargissement déboisé, la rivière s'engage dans l'étroit défilé de la Porte de l'Enclos qui tranche l'Urgonien du flanc oriental de l'anticlinal médian. Entre le pont amont du Grand Logis, qu'emprunte la N.520b, jusqu'au pont d'où part la route de Valombré, 200 m plus en aval, les bancs massifs de la base de l'Urgonien y dessinent un synclinal qui se manifeste par une inversion très progressive du sens des pendages.
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Le fond de ce pli se situe sensiblement au pont aval du Grand Logis et l'on constate, 50 m plus en amont sur les deux rives mais surtout en rive gauche, que les dernières couches, qui affleurent à la marge orientale des falaises, sont constituées de nouveau par les alternances calcaréo-argileuses du Barrémien inférieur. En outre on les voit, se rebrousser énergiquement et même se renverser un peu au delà de la verticale : cette torsion représente la charnière d'un crochon* qui est clairement induit par la cassure qui les sépare des calcaires du Fontanil affleurant à l'est du pont amont. Cette dernière est en fait le chevauchement de la Chartreuse orientale lequel détermine là, en rive gauche, l'étroit vallonnement comblé d'éboulis qui s'amorce à l'appui même du pont (en rive droite il passe quelques dizaines de mètres un peu plus haut que l'autre appui, à l'ouest cependant du fond du vallon de Combe Chaude).
Il est à remarquer que la disposition des couches (notamment leur torsion) se correspond parfaitement d'une rive à l'autre du torrent, notamment si on la compare en prenant en compte la direction sensiblement N-S des strates : cette absence de décalage montre que, contrairement à des suppositions qui ont parfois été hasardées, il ne passe là aucune faille que l'on puisse accuser d'avoir dirigé le tracé de ce défilé rocheux. |
En fait, pas plus à cette altitude que plus haut dans les deux versants (sauf au niveau des plus hautes crêtes du Grand Som au nord et du Charmant Som au sud), le chevauchement de la Chartreuse orientale ne laisse se développer dans sa lèvre occidentale un véritable contenu synclinal avec un flanc oriental si modeste soit-il. |
En aval du défilé, à partir du petit pont de la Porte de l'Enclos, le Guiers traverse les terrains sous-jacents du flanc oriental de l'anticlinal médian, qui y restent pentés vers l'est sur plus d'un kilomètre. C'est dans ceux-ci que s'ouvre le vallon du ruisseau de Saint-Bruno, au flanc duquel sont constuits les bâtiments du Couvent de la Grande Chartreuse et ceux, annexes, de La Correrie.
Le Guiers y décrit des sinuosités (qui affectent également la route) au gré de la variation de nature des niveaux traversés : l'une d'elles est l'éperon saillant que déterminent les calcaires du Fontanil, en aval immédiat du débouché de la route descendant de la Correrie vers le SE. Plus à l'ouest la traversée des terrains marno-calcaires du Berriasien moyen correspond à l'échine déboisée des maisons de la Côte du Moulin. Elle se termine au pont Saint-Pierre, point où se détache la route (D.103) qui monte au couvent, avec les couches basales du Berriasien, qui y affleurent en même temps que la vue s'ouvre sur le Charmant Som.
voir la page spéciale "Couvent". |
En aval de ce pont la route principale (D.520b), suit d'abord la rive septentrionale du vallon de Saint-Bruno en dénudant des dalles structurales, jusqu'à atteindre celles formées par les calcaires du Tithonique supérieur. À leur extrémité elle reprend, par un tournant brutal, la direction du lit du Guiers Mort et tranche alors les bancs calcaires de plus en plus anciens du Tithonique, qui affleurent là au coeur de l'anticlinal médian.
Le Guiers Mort traverse ce coeur de pli par le défilé du secteur des trois tunnels (points 6 à 7 de la coupe) qui est une cluse des plus caractérisées. Les complexités de ce secteur, où le chevauchement de la Chartreuse occidentale est recoupé par deux décrochements, sont analysées à part :
voir les pages spéciales "Trois tunnels" et "route des Chartreux" . |
On retiendra que, là encore, aucune des multiples failles de ce secteur ne guide le cours du Guiers, car toutes sont recoupées par ce dernier, plus ou moins obliquement.
Les pentes supérieures de ce versant sont en outre étudiées à la page
"Chartroussette. |
Au sortir du tunnel aval la gorge finit de traverser la puissante barre de l'Urgonien, dans lequel la route, d'abord en encorbellement, se fraie localement un passage entre la falaise de rive droite et un monolithe détaché coté torrent, appelé "Pic de l'Oeillette".
détails concernant le "Pic de l'Oeillette". |
C/ Le tronçon aval des gorges du Guiers Mort
En aval de la corniche urgonienne du Pic de l'Oeillette le Guiers Mort donne, jusqu'à la cimenterie de La Pérelle, une coupe continue de la succession du flanc oriental de la Chartreuse occidentale. La coupe des crêtes du versant sud (rive gauche) de la vallée montre que ce long monoclinal* y est cependant affecté d'ondulations (flexures de Génieux et de la Petite Vache).
Ces ondulations ne sont visibles qu'en rive gauche, car l'érosion n'a pas préservé, en rive droite, leur prolongement dans les couches de l'Urgonien ni des calcaires du Fontanil (elles y interfèrent en outre, au niveau du Tithonique, avec l'anticlinal de Fourvoirie, moins méridien, qui les recoupe à 45°). |
plus de détails concernant les parties moyenne et septentrionale de la rive gauche du Guiers |
En aval du parking - dépôt de bois de "Roche Morte", qui est situé à la base de la falaise urgonienne de la Molière, on peut observer les couches de base de l'Urgonien (alternances calcaréo-argileuses du Barrémien inférieur)G. En aval de ce parking les talus dominant la route sont constitués de beaux affleurements d'Hauterivien, fossilifère.
Les abords du Pont Saint-Bruno sont particulièrement intéressants pour l'étude des calcaires du Fontanil. En amont comme en aval de ce pont le bedrock est localement masqué par des alluvions limoneuses qui représentent les témoins résiduels de l'ancien colmatage lacustre qui s'y est produit dans toute la vallée, entre son débouché aval et Saint-Pierre-de-Chartreuse, à l'époque du maximum d'extension du Würm.
plus de détails concernant le secteur du "Pont Saint-Bruno". |
En aval du Pont Saint-Bruno, jusqu'au pont de l'Orcière (parking de Pré Martinet immédiatement en amont), la vallée donne une coupe presque continue de la succession du Berriasien, dont les faciès deviennent de plus en plus marneux vers le bas (voir la coupe explicative). Le pont de l'Orcière est uniquement emprunté par la voie ferrée des exploitations souterraines de pierre à ciment, d'âge Berriasien inférieur.
en rive droite du Guiers Mort : la mine souterraine de L'Orcière. |
En aval de ce pont la vallée donne une coupe continue du Jurassique supérieur, depuis le Tithonique jusqu'au Séquanien, qui affleure au niveau de la cimenterie de La Pérelle.
la rive gauche du Guiers Mort entre L'Orcière et La Pérelle. |
D/ Le débouché aval des gorges et leur partie terminale
1) Le défilé de Fourvoirie qui étrangle le thalweg en aval de la Pérelle correspond à sa traversée de la charnière anticlinale de la Chartreuse occidentale. Sa voûte n'est pas observable au niveau du lit du Guiers mais elle est dessinée avec une belle ampleur dans les pentes élevées des deux rives, aussi bien par la puissante corniche tithonique (surtout en rive gauche) que par celle des calcaires du Fontanil (surtout en rive droite). Par contre la voûte urgonienne a été crevée par une érosion précoce, sans doute dès l'Oligocène et n'est conservée qu'assez loin des gorges, tant au nord qu'au sud, là ou l'érosion du front de la Chartreuse occidentale n'a pas trop fortement fait reculer ce dernier.
Le rebord occidental du massif de la Chartreuse occidentale, vue du sud, depuis le sommet de la Petite Vache. Ø1 = chevauchement de la Chartreuse occidentale ( = faille de Voreppe) ; a.É. = anticlinal des Égaux (crochon* du chevauchement = anticlinal chartreux occidental) ; s.C = synclinal de Couz ; d.C = décrochement de Cambise nord ; Ø2 = chevauchement de la Chartreuse médiane (décalé par le décrochement de Corde) ; a.M = anticlinal médian. On a indiqué d'une ligne de tirets rouges les deux secteurs où la voûte des anticlinaux sont tranchés par l'ancienne surface d'aplanissement. |
Mais au niveau du lit de la rivière, à l'entrée amont du défilé de Fourvoirie (peu en aval de l'usine de la Pérelle), ce pli est rompu au niveau de son cœur, de sorte que le jurassique du flanc oriental repose sur le crétacé du flanc ouest. Là encore, le tracé du cours du Guiers ne se révèle dirigé par aucune faille et tranche orthogonalement toutes les cassures de ce secteur. Le trait de scie de la gorge de Fourvoirie correspond essentiellement à la traversée en cluse du flanc ouest de l'anticlinal occidental, dont la largeur est d'ailleurs fortement amoindrie par des dislocations tectoniques annexes, associées au déplacement relatif (en partie coulissant) des deux lèvres du chevauchement.
voir la page spéciale "Fourvoirie". |
Cette grande cassure, que l'on peut donc nommer chevauchement de la Chartreuse occidentale marque, au plan tectonique, le front occidental du domaine subalpin* (dont fait partie la Chartreuse) et sa frontière structurale vis-à-vis des chaînons jurassiens* (c'est elle qui est appelée plus au sud la faille de Voreppe).
2) En sortant du défilé de Fourvoirie le Guiers Mort entre dans le synclinal de Voreppe, dont le contenu miocène s'intercale entre les affleurements jurassico - crétacés des chaînons subalpins et des chaînons jurassiens (ces derniers sont représentés, immédiatement à l'ouest de Saint-Laurent-du-Pont, par la montagne de Ratz). Les molasses miocènes du flanc oriental de ce synclinal sont toutefois assez largement masquées par les alluvions quaternaires et affleurent surtout au niveau de la maison forestière.
voir aussi la page spéciale "Fourvoirie". |
La rivière débouche enfin dans la plaine alluviale de Saint-Laurent-du-Pont, qui correspond au colmatage d'un lac de surcreusement glaciaire ouvert au Würm dans le coeur de molasses miocènes, facile à évider, de ce synclinal de Voreppe.
En définitive on ne manquera pas de remarquer qu'en aucun endroit le cours du Guiers Mort ne suit un accident tectonique (ni une faille ni un abaissement de voûte de pli) qui ait été susceptible d'en avoir dirigé le tracé. Au contraire il recoupe en oblique plusieurs cassures et notamment (au niveau des trois tunnels) les prolongements du grand décrochement du col de l'Alpe. La succession de cluses qui le constitue n'a donc pas une origine structurale ...
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