environs du Pont Saint-Bruno |
Le Pont Saint-Bruno est situé à mi-longueur de la zone boisée relativement ouverte qui sépare les défilés des Trois tunnels à l'amont et de Fourvoirie à l'aval et qui correspond à la succession crétacée du flanc oriental de la Chartreuse occidentale. Il fait passer la D.520b de la rive droite du Guiers Mort (en amont) à sa rive gauche (en aval) en enjambant le Guiers Mort au niveau où ce dernier franchit la falaise boisée et relativement peu massive qu'y détermine l'épaisse succession des calcaires du Fontanil (c'est ce qui occasionne le rétrécissement particulièrement marqué du thalweg, lequel justifie le choix de l'emplacement du pont).
A/ Du côté amont la vallée est barrée par la puissante falaise de la Molière (nommée par erreur Rochers de Corde sur la carte IGN au 1/25.000°. Le monolithe dénommé Pic de l'Oeillette s'en détache, en rive droite du fond de la gorge du Guiers Mort, car il en est séparé par une crevasse d'une cinquantaine de mètres de profondeur au fond de laquelle passe la route D.520b.
Cette crevasse correspond
probablement à un ancien tracé du lit du Guiers
mais elle ne suit pas le moindre accident tectonique, pas plus d'ailleurs
que ne le fait l'actuel lit du Guiers en passant au sud du monolithe (à droite en montant).
Par contre obliquement à la route mais parallèlement au lit amont du Guiers, s'engage une cheminée garnie de broussailles
qui s'élève dans la masse rocheuse, du côté
nord de la crevasse (à gauche en montant). Ce couloir
est dû au passage d'une faille verticale, presque E-W (N80) qui réapparait 250 m plus en amont en traversant la route à angle très aigu et y
manifeste les caractéristiques d'un décrochement
dextre : elle mérite d'être appelée faille de l'Oeillette : l'étude de son prolongement oriental (voir la page "Trois tunnels") montre qu'il s'agit d'un décrochement dextre.
Photo prise d'aval, depuis le tunnel des Agneaux (sur les pentes de rive gauche) d.Oe = décrochement de l'Oeillette (D1 du schéma). |
Le Pic de l'Oeillette, vu d'aval (du nord-ouest),
depuis la route D.520b La faille qui détermine la cheminée boisée est le décrochement de l'Oeillette. |
En aval du Pic de l'Oeillette la route D 520b finit de traverser en encorbellement l'Urgonien inférieur de la falaise de la Molière, pour déboucher sur un élargissement entaillé dans les éboulis grossiers de sa falaise (parking - dépôt de bois de Roche Morte). On peut observer là les couches rousses litées du Barrémien inférieur qui sont dégagées sur 5 à 10 m en pied de falaise. Au delà, la route entaille de beaux affleurements d'Hauterivien, qui livrent abondamment des spatangues (oursins).
Les affleurements de marnes à spatangues de l'Hauterivien au bord de la D 520b, en contrebas du parking de Roche Morte |
Ces affleurements sont séparés de ceux des calcaires du Fontanil supérieurs (calcaires brunâtres à lits et rognons de silex) qui affleurent dans les 500 derniers mètres en amont du Pont Saint-Bruno. par quelques lambeaux d'alluvions limoneuses lacustres qui sont plaqués là à flanc de pente.
Affleurement de limons lacustres dans les gorges du Guiers Mort (300 m en amont du pont Saint-Bruno) on devine (surtout au sommet de l'affleurement) le fin litage en "varves" horizontales. Ces dépôts argileux et finement sableux sont "ravinés", en haut à droite, par des cailloutis grossiers torrentiels. |
Ces lambeaux alluviaux sont les témoins d'un ancien colmatage lacustre qui s'est produit dans toute la vallée, entre son débouché aval et Saint-Pierre-de-Chartreuse, à l'époque du maximum d'extension du Würm (dernière des glaciations du Quaternaire). Ce remplissage de la vallée a été alimenté par les matériaux que transportait le Guiers Mort et ses affluents des deux rives. Cette sédimentation a été occasionnée par la présence, à cette époque, de langues de glace qui contournaient alors le massif et occupaient notamment la dépression molassique de Saint-Laurent-du-Pont et des Échelles. Elles barraient, à leur débouché, du côté ouest les vallées issues du massif, et ce jusqu'à une altitude de 1100 à 1000.
À cet endroit, 300 m en amont du Pont Saint-Bruno, débouche un sentier qui permet de rejoindre le lit du Guiers Mort. On y peut voir que le torrent a sculpté dans les calcaires du Fontanil de splendides "marmites de géants" (ces formes d'érosion sont le résultat du mouvement tourbillonnaire des galets que le torrent transporte lors de ses crues) : on accède aux plus spectaculaires par une passerelle grâce à laquelle le sentier traverse d'une rive à l'autre.
à gauche : dominant les marmites de géant du lit du Guiers (250 m en amont du pont Saint-Bruno). ci-dessus : |
B/ La coupe fournie par l'entaille de la route aux environs du Pont Saint-Bruno permet d'analyser la succession des couches qui forment la barre principale des calcaires du Fontanil (globalement visible dans les abrupts de rive droite).
La falaise principale des calcaires du Fontanil en rive droite de la
vallée du Guiers Mort À la différence de celle de l'Urgonien la corniche des calcaires du Fontanil est rubanée d'une succession de vires, même dans ses secteurs les plus massifs comme ici : les ressauts successifs qu'elles séparent sont couronnés par les bancs spécialement massifs qui marquent le sommet des séquences de strates. L'abrupt visible ici ne correspond qu'à la partie
moyenne des calcaires du Fontanil (séquences s3, s4 et s5 de la coupe ci-après), notée cFm sur la plupart des photos. |
Cette entaille met également à nu le soubassement de cette barre, moins riche en bancs résistants (ailleurs noté cFi), qui est masqué sous les éboulis en rive droite du torrent. La comparaison de ce relevé avec celui de la coupe de référence du Fontanil permet d'en présiser les attributions probables en termes de membres successifs et donc d'étages.
Ceci conduit (voir ci-après) à rapporter la "barre des calcaires du Fontanil", telle qu'on la repère dans les paysages, au Berriasien supérieur (contrairement son attribution ancienne, au Valanginien, traditionnellement restée souvent dans les mémoires ...).
Schéma de la succession stratigraphique des calcaires du Fontanil, le long de la D520b, en aval du pont Saint Bruno.
s1 = membre de Sautaret , s2 = membre du Peuil, s3 = membre des Oullières, s4 = membre de Valetière, s5 = membre de la Rivoire, s6 = membre du Pas du Boeuf, s7 = membre des Bannettes. |
C/ En aval du Pont Saint-Bruno jusqu'au Pont de l'Orcière le Guiers coupe la succession des couches berriasiennes sur plus de un kilomètre. Toutefois le long de la route, jusqu'à une distance de 400 m en amont le pont, les plus basses de ces couches (qui sont aussi les plus argileuses) sont masquées par des alluvions limoneuses varvées, similaires à celles qui affleurent plus haut en amont du Pont Saint-Bruno.
Le Pont de l'Orcière n'est pas emprunté par la route D520b mais seulement par une petite voie ferrée qui sert à transporter la pierre à ciment qui est exploitée en rive droite par des galeries souterraines pour la cuire plus en aval à la cimenterie de La Pérelle, située à l'entrée amont du défilé de Fourvoirie.
Les mines de l'Orcière s'enfoncent dans le versant jusqu'à plus de 2 km vers le NE en suivant les couches du Berriasien inférieur et leurs galeries s'étagent à plusieurs niveaux plus élevés que celui du pont pour y exploiter les deux niveaux productifs successifs de marno-calcaires à ciment naturel du Berriasien tout-à-fait inférieur. Certaines se sont ainsi rapprochées suffisamment de la surface topographique pour y provoquer des effondrements dangereusement masqués en sous-bois (des effondrement similaires, encore plus nombreux, parsèment également le versant de rive gauche : ils y sont dûs aux exploitations les plus anciennes de ce secteur). |
En aval de ce pont la voie ferrée passe en rive gauche du Guiers puis longe la D.520b du côté ouest. Ce faisant elle traverse d'abord, sur 50 m., les couches à ciment du Berriasien basal puis perce, par un petit tunnel, les calcaires du sommet du Tithonique. À la sortie nord de ce tunnel elle recoupe une petite faille inverse qui se manifeste par la présence d'une intercalation, sur quelques mètres, de marno-calcaires berriasiens. Après ce petit redoublement la succession descendante de la série des bancs calcaires du Jurassique terminal, modérément pentés vers le SE (vers l'amont) se poursuit sur environ 1 km jusqu'aux bancs régulièrement lités du Séquanien. Ces derniers affleurent du côté ouest de la route, immédiatement au nord de la cimenterie de La Pérelle : l'un d'entre eux y est dégagé en une dalle structurale qui met en évidence le redressement des couches aux approches du coeur de l'anticlinal (voir la page "Fourvoirie")
Les pentes plus élevées de cette partie de la rive gauche du Guiers sont décrites à la page "Curière - Agneaux".
aperçu d'ensemble sur la Vallée du Guiers Mort. |