Curière, Rochers des Agneaux |
Au sud de Saint-Laurent-du-Pont la Chartreuse de Curière est construite, en rive gauche du Guiers Mort, dans une clairière suspendue presque 400 m au dessus du lit du torrent. Celle-ci occupe le fond d'une ébauche de combe monoclinale qui est ouverte dans les marno-calcaires berriasiens du flanc oriental de la Chartreuse occidentale, au revers du mont tithonique de l'échine de None, formé par l'anticlinal de Fourvoirie. Deux particularités montrent la pertinence du choix de cet emplacement :
La première est la nature du soubassement rocheux du replat choisi, car s'il est cerné du côté amont par les éboulis ceux-ci n'y masquent plus les marno-calcaires de la base du Berriasien qui doivent en former le soubassement. La seconde est que ce replat est en partie garni et, en tous cas bordé, côté est, par des alluvions glaciaires. Celles-ci couronnent (au dessus de la cote 800) le raide versant rocheux de rive gauche du Guiers Mort et correspondent aux dépôts marginaux du glacier wurmien qui a barré la vallée lorsqu'il s'écoulait le long du front occidental de la Chartreuse.
Dans la partie inférieure des pentes qui soutiennent le replat de Curière, sur la rive opposée aux exploitations de pierre à ciment de l'Orcière, le repère fourni par la limite supérieur du tithonique permet de voir que le soubassement de ce replat est affecté de complications mineures : il s'agit de deux failles compressives qui imbriquent deux coins de marno-calcaires du Berriasien inférieur entre les couches du Tithonique sommital ainsi redoublées à deux reprises.
Le prolongement de ces cassures n'a pas pu être suivi en rive droite du Guiers en raison du couvert ébouleux et végétal. Il est vraisemblable qu'elles s'amortissent sous forme de "paliers de glissement" vers le haut au sein des marno-calcaires berriasiens, comme vers le bas au sein des calcaires tithonique. Elles attestent sans doute simplement d'un cisaillement tangentiel des couches, associé au plissement. On peut cependant se demander la raison de leur localisation et notamment si elle n'est pas en rapport avec les déformations plicatives qui affectent plus haut dans la succession des couches les calcaires du Fontanil (voir ci-après). |
La combe de Curière est fermée et dominée du côté sud par l'abrupt des calcaires du Fontanil dont la barre descend de la crête de la Charmille puis s'abaisse jusqu'au Guiers Mort en formant la crête des Rochers des Agneaux. Les couches y dessinent les deux flexures monoclinales successives, celle synclinale de la Petite Vache puis celle anticlinale de Génieux. On en perd la trace vers le nord où ils doivent se fondre dans le flanc oriental de l'anticlinal de Fourvoirie car on ne les voit pas de dessiner sur l'autre rive dans les calcaires du Fontanil des Rochers de Fétrus (voir la page "Arpison").
Le fait que les axes de ces ondulations sont sensiblement orientés entre N20° et N30°, comme celui de l'anticlinal des Égaux (qui représente le crochon frontal du chevauchement de la Chartreuse occidentale) porte à penser que ces plis sont vraisemblablement liés comme ce dernier au fonctionnement du chevauchement : leur forme fait penser qu'ils pourraient représenter des plis de rampe au toit de celui-ci. |
Les pentes de rive gauche du Guiers Mort, entre les trois tunnels et le pont Saint-Bruno, vues du nord depuis les Rochers de la Molière (alt. 1020) en rive droite du Guiers (l'ouest, donc l'aval, est à droite). (assemblage de 3 clichés communiqués par M. Jacques Durand) a.M = anticlinal médian (sa voûte urgonienne forme le Charmant Som) ; d.Ct = décrochement de La Cochette ; Ø2 = chevauchement de la Chartreuse médiane ; f.a.G = flexure anticlinale de Génieux ; f.s.V = flexure synclinale de la Petite Vache. On distingue, sur le revers sud (gauche) de la crête des Rochers des Agneaux le losange clair de la dalle structurale dénudée. belv = belvédère des Sangles. Pour avoir un schéma interprétatif de cette coupe naturelle de la Chartreuse médiane et occidentale, on se reportera à la coupe de la Grande Sure. |
La route forestière du col de la Charmette franchit la crête des Agneaux par un tunnel, long de 250 m, à peu près orthogonal aux couches. A sa sortie amont (sud) elle tourne pour s'orienter selon la direction des couches et progresser alors en traversant les dalles structurales. Ces dernières appartiennent à la partie moyenne (la plus massive) des calcaires du Fontanil (équivalent du membre de la Rivoire), que l'entaille de la route met à nu de façon continue jusqu'au ravin du ruisseau des Charmilles (en traversant un de ses bancs, spécialement massif, par le tunnel de la Galère).
Cette dénudation a créé là une dalle structurale typique, dont la surface correspond à une surface de stratification (dans ces couches ces surfaces correspondent souvent à de fins niveaux plus marneux séparant le bancs plus calcaires).
image plus grande, muette |
image plus grande, muette |
En fait cette dalle est composite et correspond à plusieurs surfaces de strates séparées par des petits rebords en surplomb. Un rebord plus important sépare la zone amont, encore garnie de végétation, du secteur dénudé. La position de cette ligne de surplombs a remonté vers le haut, au cours des ans, par arrachement et éboulement de nouvelles tranches de couches, comme en témoigne le fait qu'elle recoupe (depuis plusieurs dizaines d'années d'ailleurs) le tracé de l'ancien chemin. On notera le dessin en ogives emboîtées, à pointe vers le haut, des lignes selon lesquelles se sont découpés les bancs qui ont été successivement arrachés par la traction de la pesanteur ; ces lignes suivent en fait des diaclases* de deux familles quasi orthogonales et dessinent dans le détail un tracé en zig-zag. Sur le cliché de droite on voit bien les abrupts, surplombants car orthogonaux aux surfaces de strates, qui correspondent chacun, un par banc, à la crevasse d'arrachement d'une strate de roche. |
À l'origine du phénomène
se trouvent :
- 1 - le sapement par le bas de la tranche manquante, qui résulte
du creusement occasionné par le ruisseau des Charmilles
(ce dernier court en suivant le pied de la dalle pour se jeter
dans le Guiers Mort en amont du Pont Saint-Bruno). On peut également
penser que l'entaille réalisée pour tracer la route
a joué un rôle analogue et a additionné ses
effets.
- 2 - l'existence de joints (éventuellement marneux) séparant
les bancs, qui ont servi de surfaces de glissement pour les tranches
de roche qui avaient perdu leur appui aval : ce phénomène
se produit par étapes successives, du bas vers le haut
de la pente (par fragments successifs d'un même banc) et
en progressant du haut vers le bas dans la succession des couches
(par sapement de plus en plus profond). Le second terme de cette
évolution semble provisoirement stoppé, comme en
témoigne le fait que la route ne montre aucun indice de
tassement.
- 3 - le pré-découpage des bancs (et notamment de
celui qui recouvrait originellement la surface du banc maintenant
dénudé) par les diaclases. Celles-ci se sont ouvertes
sous l'effet de la traction exercée par le poids de la
portion de banc mise en surplomb par l'éboulement précédent.
Ce sont elles qui ont délimité vers le haut les
tranches successivement arrachées.
L'ONF a interdit au public la circulation en
voitures sur cette route : en effet on peut redouter deux causes
d'accidents : |
Au sud de la zone d'arrachement, entre le tunnel de la Galère et le pont sur le torrent des Charmilles, d'autres dalles sont également dénudées, mais sur une surface bien moindre. Leur dégagement naturel, sans effet de friction, permet d'y faire d'intéressantes observations d'ordre sédimentologiques, par les traces qu'elle ont enregistrées. L'une d'entre elles se révèle garnie de ripple-marks* bien typiques qui témoignent de mouvements oscillatoires de l'eau et donc d'une profondeur sans doute modeste.
La dalle à ripple-marks de La Galère,
vue depuis la route forestière. (cliché original obligeamment communiqué par M. Thierry Billon) Les crêtes de ces empreintes, que le mouvement oscillatoire de l'eau a créé à la surface du sédiment, sont espacées de 5 à 10 cm. |
Vue rapprochée d'une portion des ripple-marks
de la dalle de La Galère Les crêtes de ripple-marks, soulignées de bleu, sont traversées part des pistes d'animaux à tracé contourné et ramifié (terriers ?) |
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Charmille, St Joseph de Riv. | LOCALITÉS VOISINES | Pont Saint-Bruno |
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Curière |
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