La formation des Alpes ?
Il s'agit là de la formulation la plus fréquemment rencontrée dans les recherches effectuées avec les différents moteurs disponibles sur le WEB (notamment via Google). A une aussi vaste interrogation on ne peut répondre brièvement, mais on trouvera ci-après diverses manières d'aborder les différentes facettes du problème. On pourra également se reporter aux indications fournies à la page qui porte cet intitulé, dans laquelle je fournis des pistes pour explorer ce sujet plus avant.
Quel est l'âge des Alpes ?
On ne peut d'abord pas chiffrer une date de formation car les
Alpes sont nées à la suite d'une gestation qui s'est
étalée sur une longue période (plus de 100
millions d'années)
Quand cette gestation a-t-elle commencé ? il faut distinguer
deux étapes successives, très différentes
:
1- la "conception" , par la formation d'une
toute première entité alpine.
Cet embryon est un sillon marin dont la formation est due à
une submersion par extension horizontale de la croûte terrestre
(formation d'un océan "alpin").
Ce sillon marin commence à s'ébaucher à la
fin du paléozoïque (= ère primaire) soit à
environ 240 MA, par un affaissement accompagné de déchirures.
Il s'y fabrique de nouveaux fonds, à croûte océanique
(par volcanisme sous-marin), au Jurassique moyen -supérieur
(160 MA).
2- la vraie naissance , par l'apparition d'un bourrelet
saillant à l'emplacement de l'ancien océan (orogenèse)
Ce relief s'est formé par rapprochement des bords du sillon,
qui ont pincé et expulsé son contenu puis sont entrés
en collision. Il s'est accru ensuite plus ou moins progressivement
par l'effet d'écrasement résultant de cette collision.
Cette histoire orogénique proprement dite des Alpes comporte
elle-même plusieurs épisodes majeurs, qui sont à
répartir en deux lots :
- ceux de la fin du Crétacé (souvent dits "éo-alpins"),
remontant à 80 - 90 MA, surtout connus en Autriche,
- ceux de la fin du Tertiaire (néo-alpins) particulièrement
prédominants dans les Alpes françaises. Les mouvements
de serrage transversal à la chaîne sont plus spécialement
importants autour de - 28 MA puis de - 5 MA.
Si l'on veut délivrer un acte de naissance de la chaîne on a donc le choix de prendre en compte l'apparition de ses premiers reliefs montagneux, soumis à érosion (vers -28 en France) ou la fin des mouvements de raccourcissement créateurs du relief (autour de - 5).
Qu'y avait-il à l'emplacement des Alpes, avant leur formation ?
Le domaine alpin appartenait, à la fin du Permien,
au vaste continent unique de la fin du paléozoïque,
la Pangée,
Le relief était aplani : c'était celui de la "pénéplaine
anté-triasique" qui a fait suite à l'arasement
de la chaîne hercynienne.
Le soubassement des futures Alpes était, avant cet aplanissement
un tronçon de la chaîne hercynienne qui se poursuivait
vers l'ouest par l'actuel massif central notamment
La largeur de cette chaîne était plus grande que
celle des Alpes et sa disposition globalement différente,
mais localement, dans le secteur des Alpes françaises,
l'orientation de ses structures n'était pas très
oblique à l'allongement de la future chaîne alpine.
Les Alpes ont-elles fini de se former, ou bien continuent-elles ?
Elles se soulèvent encore, avec une vitesse qui décroît
progressivement vers les marges de la chaîne : les zones
les plus hautes (plus de 3000 m) sont celles dont le soulèvement
est le plus rapide (jusqu'à 1,5 mm/an).
Mais ce mouvement est essentiellement vertical et ne semble pas
poursuivre ce qui s'est produit d'essentiel dans la formation
de la chaîne, savoir son raccourcissement transversal. En
effet les mesures par GPS indiquent plutôt un allongement
transversal à la chaîne et seulement des raccourcissements
très localisés et modestes.
La formation des Alpes est donc maintenant terminée en tant qu'accumulation de matériaux et l'on est rentré depuis longtemps dans leur phase de destruction par l'érosion.
Jusqu'à quelle altitude se sont élevées les Alpes avant d'atteindre l'altitude actuelle ?
Si l'on essaie de reconstituer les structures que l'on sait
déchiffrer et d'évaluer ce qui manque on serait
tenté de penser qu'elles aient pu dépasser 10.000
m. Il en va de même si l'on se base sur les accumulations
de matériaux d'érosion qui en sont issus (et notamment
ceux accumulés au Miocène dans le sillon péri-alpin).
Mais ce raisonnement est faux car il néglige le fait que
l'érosion a toujours contrecarré le soulèvement
en abaissant les reliefs au fur et à mesure de leur formation.
De plus une bonne partie de l'accumulation de matériaux
crée par le raccourcissement transversal à la chaîne
s'est faite par enfoncement (en particulier lors du fonctionnement
des "subductions"). Le soulèvement s'est produit
en grande partie après, lorsque les forces qui faisaient
plonger la croûte terrestre vers la profondeur du manteau
ont cessé d'agir : cette remontée est encore en
cours et semble même par places gagner le match qui l'oppose
à l'érosion.
Les Alpes n'ont donc peut-être jamais beaucoup dépassé leur altitude actuelle (une valeur de 6000 m est plausible).
Dans quelles conditions (à quelle profondeur) se sont formés les plis et les failles ?
La réponse ne saurait être univoque car il y a
beaucoup de variétés de plis et de failles, qui
correspondent à des conditions physico-chimiques différentes.
Les failles les plus communes sont en général
des structures qui apparaissent à de faibles profondeurs,
ne dépassant guère, pour la plupart quelques centaines
de mètres. Mais il existe aussi des failles majeures qui
affectent presque toute l'épaisseur de la croûte
continentale. L'évolution d'une faille est un phénomène
lent mais qui se produit par une multitude de ruptures mineures
instantanées successives (ce sont elles dont le "bruit"
constitue la plupart des tremblements de terre)
Les plis peuvent apparaître à la surface du
sol ou (de préférence) sous l'eau, dans des roches
particulièrement malléables telles que sédiments
gorgés d'eau (cas des slumpings*).
Ils se forment plus souvent dans des conditions de surcharge correspondant
à quelques centaines ou milliers de mètres de roches,
par des processus de dissolution aqueuse qui permettent à
la roche de se déformer lentement. C'est ainsi que se forment
la plupart des beaux plis bien réguliers, plus ou moins
cylindriques, dont le rayon de courbure dépend avant tout
de l'épaisseur des plaques de roches ainsi cintrées.
C'est un phénomène lent qui demande des milliers
d'années.
De nombreux plis, parmi les plus contournés se forment
dans les parties profondes de la croûte, là où
la pression et la température transforment les roches les
plus résistantes en de simples pâtes à modeler
: pour cette raison on parle souvent à leur égard
de "plis chauds". Il caractérisent les roches
dites "métamorphiques" qui résultent précisément
de recristallisations qui s'apparentent à une véritable
cuisson.
Qu'entendait-on par "géosynclinal" alpin ?
L'existence d'une étape embryonnaire, marine, avec accumulation
de sédiments, dans l'histoire des chaînes de montagnes,
avait été reconnue dès la fin des années
1800. On avait alors pensé que cela avait été
le résultat d'une simple torsion (flexion vers le
bas) de la surface de l'écorce, plus ou moins équivalente,
en beaucoup plus grand, de celle des synclinaux (que l'on avait,
depuis assez peu, appris à reconnaître à l'échelle
régionale et locale). Cette vision de synclinaux à
l'échelle de l'écorce terrestre fut exprimée
par le terme de "géosynclinal" qui a eu un grand
succès et un large pouvoir explicatif. Sa conception a
fait au milieu du XXe siècle l'objet de vues un peu trop
systématisantes associées à un vocabulaire
analytique un peu rebutant ("miogéosynclinaux",
"eugéosynclinaux" etc..).
Ce terme a été répudié lorsque l'on
a compris que le sillon marin résultait en fait d'un étirement
de l'écorce et de sa rupture (accessoirement) par un système
de cassures "normales" (extensives). On peut regretter
la disparition de ce vocable commode, qui n'a pas été
remplacé, ce qui conduit à pratiquer des périphrases,
du genre "domaine des fonds océaniques et des marges
passives alpines" pour désigner la même chose.
Quelle a été la cause de l'ouverture océanique ?
A l'origine de tout ça il y a la fragmentation
de la pangée. La cause en est la surchauffe qui se produit
dans les régions où l'écorce terrestre est
protégée de la déperdition de chaleur par
une "couette" de croûte continentale. Cela produit
une dilatation et donc une baisse de densité de l'écorce
centrale par rapport à celle des bordures de la plaque
(extérieures au domaine à croûte continentale),
qui s'alourdit au contraire en se refroidissant. Il en résulte
un déséquilibre avec une traction par les bords
(qui tendent à sombrer dans le manteau).
Les mouvements de plaques qui s'ensuivent divergent à partir
d'une crevasse (idéalement en forme d'étoile) qui
est l'ébauche de futurs sillons océaniques.
Quelle a été la cause de la fermeture du domaine océanique alpin ?
Indéniablement il y a eu rapprochement, collision et
écrasement avec chevauchement des deux bordures océaniques
qui s'étaient précédemment écartées.
La tectonique des plaques nous conduit désormais a conclure
que cela signifie que le sens des mouvements relatifs s'est inversé,
partant d'une divergence pour arriver à une convergence
(plus ou moins oblique ?).
L'origine de tout cela est à rechercher dans le scénario
global du mouvement des plaques terrestres au cours des temps,
avec ses blocages locaux par collisions continentales et ses ouvertures
continentales nouvelles dues à l'échauffement sous
la couverture de la croûte continentale.
Quelles traces principales peuvent permettre aux géologues de dire que la formation des alpes est due à la collision de deux continents ?
La réponse à cette question est que la partie la plus interne des Alpes (proche de la région frontalière avec l'Italie) est constituée de roches sédimentaires déposées sur un fond océanique (les témoins de ce dernier sont reconnaissables à la nature de ses constituants). Cette bande de roches sédimentaires "océaniques" est encadrée, sur les deux flancs de la chaîne, par d'autres roches sédimentaires déposées sur de la croûte continentale. L'intervention d'une collision est déduite du fait que ces trois bandes de roches sont rétrécies par écrasement transversal, comme en témoigne leur structure.
Le déversement vers l'ouest des structures tectoniques les Alpes n'indique-t-il pas le sens de la poussée qui a causé leur surrection ?
NON ! : ce qu'il faut comprendre, au sujet du "sens de la poussée", c'est que cette notion qui se veut "intuitive" est dénuée de signification tectonique et porte à des erreurs de raisonnement. A l'origine d'une déformation tectonique il n'y a pas de poussée orientée dans un sens donné mais un serrage plus ou moins symétrique (selon la disposition des mors) : le fait que l'un des bords d'un ensemble rocheux déformé se soit avancé sur l'autre ne veut pas dire que ce soit le fait d'une "poussée" venant du côté du premier mais celui d'un cisaillement c'est-à-dire d'une torsion avec effet de basculement entraînant le déplacement relatif les parties hautes et basses de la tranche de roche concernée, les premières tendant à passer par dessus les secondes (dans un sens ou dans l'autre suivant le cas).
Dans le cas de la chaîne alpine ce n'est pas un énigmatique "sens d'un mouvement" de rapprochement qui, lors des serrages, a déterminé le déversement des structures (en direction de l'Europe) ; mais c'est le sens d'un cisaillement des roches prises entre la plaque européenne et la plaque africaine, la première étant conduite à s'engager sous la seconde (en rason du sens de la subduction qui a précédé la collision).
En l'occurrence, d'ailleurs, dans le cas de la collision des plaques européennes et africaines, c'est plutôt la plaque européenne qui se déplaçait d'ouest en est, car c'est elle qui était tirée vers le bas (en "subduction") sous la plaque africaine (et non cette dernière qui s'avançait vers l'ouest !). Il en est résulté que les tranches de roche les plus élevées de la première de ces plaques ont subi un cisaillement vers l'ouest par rapport à leur soubassement qui tendait à s'enfoncer vers l'est. À partir de là ce cisaillement s'est propagé de proche en proche, en décroissant d'intensité, jusque dans les zones les plus éloignées, aux marges occidentales de la chaîne.
Mais en fait nous ne disposons d'aucun référentiel absolu qui permette de dire que l'une des deux plaques était stable et l'autre mobile (ce qui aurait fait de cette dernière la responsable de cette mythique "poussée"). Aucune plaque n'est fixe et ne peut être comparée à une enclume passive recevant des coups de marteau... Toutes bougent !
En fait si la collision avait été un simple affrontement bien symétrique des deux plaques il n'y aurait pas eu de déversement (ou il y aurait eu un double déversement dans deux sens opposés). Le sens de déversement prédominant que l'on observe dans les Alpes est donc principalement déterminé par celui de la subduction de la plaque européenne sous l'africaine.