D/ LES FACTEURS NON STRUCTURAUX DU RELIEF |
Un facteur du cisellement du relief, qui joue ici un rôle très important, est la dissolution des roches calcaires. Elle est à l'origine de nombreux gouffres répartis surtout à la surface des plateaux formés d'Urgonien mais aussi sur des dalles de calcaires du Tithonique. Le massif de la Chartreuse est un des terrains de jeux de prédilection des spéléologues, qui y ont exploré des centaines de kilomètres de réseaux souterrains (notamment à la Dent de Crolles). Il est à remarquer que l'orifice supérieur ("aven") de ces gouffres est parfois ouvert dans un niveau supérieur à celui ou se développe le réseau karstique (respectivement dans le Sénonien inférieur et le Berriasien inférieur) : On en trouvera notamment de beaux exemples dans les prairies du Charmant Som.
Orifice d'un aven dans les prairies du Charmant Som La marge supérieure de l'aven est formé
de bancs bien lités de calcaires crayeux du Sénonien
inférieur. Il faut gagner le fond de la dépression
pour atteindre l'Urgonien, dans lequel est creusé le réseau
souterrain. |
D'assez grandes surfaces d'Urgonien et de Tithonique sont sculptées de lapiaz, c'est à dire que la dalle structurale dégagée par l'érosion a été ciselée de rigoles de dissolution, de profondeur décimétrique à métrique. L'orientation du pendage des dalles structurales et celle des fractures ou diaclases qui les affectent sont des éléments déterminants dans le tracé des lignes de relief de cette forme de modelé.
Vue rapprochée de la surface d'un lapiaz (versant oriental du Charmant Som)La dalle urgonienne, toujours inclinée
vers l'observateur, est ici profondément et largement
disséquée : presque rien ne subsiste de sa surface
originelle (qui peut être reconstituée en imaginant
une grande plaque posée à plat sur les aspérités
rocheuses). |
Chacun sait que les glaciers ont envahi les vallées des Alpes au Quaternaire. Mais ils n'ont pas eu un rôle essentiel dans le dessin du relief de la Chartreuse car ils n'y ont jamais occupé une grande surface.
Au cours des derniers épisodes de glaciation (c'est
à dire ceux de Würm, qui ne remontent qu'à
quelques dizaines de milliers d'années, et sans doute aussi
ceux de Riss, plus vieux de 100.000 ans), le massif n'a guère
été englacé que par de minuscules appareils,
reconnaissables à leurs moraines formées de matériel
exclusivement local occupant des fonds de vallons encaissés
et plutôt ouverts vers le nord. On peut citer :
- celui de Perquelin qui a abandonné, au sud de Saint-Pierre-de-Chartreuse,
la moraine de Mollard Bellet
- celui de Valombré dans le versant nord du Charmant Som
- celui de La Plagne
au pied sud du Granier.
Les glaciers de l'Isère et du Rhône n'ont pratiquement pas pénétré en Chartreuse au Würm, sauf un peu par son extrémité nord (col du Granier), car leur niveau était inférieur à ceux des autres cols de la périphérie. Par contre aux épisodes antérieurs (Riss) les glaces ont amené des dépôts morainiques d'une part dans la vallée des Entremonts (par le col du Granier) et d'autre part dans le bassin de Saint-Pierre-de-Chartreuse (par le col de l'Émeindras) ; dans ce dernier les restes morainiques, observables notamment autour de Saint-Hugues, ont été remaniés et recouverts par des cônes de déjections plus récents.
Une des actions des glaciers a été d'accentuer
le creusement de certaines gorges grâce à l'accroissement
de débit procuré par l'apport de leurs eaux de fonte.
Telle est l'origine de plusieurs vallées mortes, notamment
de celle du col de la Cluse,
qui évacuait vers Corbel les eaux issues de la langue qui
pénétrait par le col du Granier (sans doute au Riss
surtout) et surtout de celle du Crossey, à travers le chaînon
du Ratz.
La présence de ces deux accumulations de glaces, en bordure
du massif, à cependant barré les vallées
qui s'en échappaient vers l'ouest. Cela a induit la formation,
dans ces vallées, de dépôts dits "d'obturation"
consistant principalement en sables
et limons lacustres : on les observe en divers points des
vallées du Guiers
Vif et du Guiers Mort et notamment à leur débouché
amont dans la dépression axiale du sillon de la Chartreuse orientale (Saint-Pierre-d'Entremont
et Saint-Pierre-de-Chartreuse). Ils encombrent également
les vallées affluentes de la cluse de l'Isère (Col
de la Placette, Chalais,
Mont-Saint-Martin,
Proveysieux, Le
Sappey)