Le Castellard, Montagne de Mélan |
La vallée des Duyes se ferme du côté nord-ouest par des pentes qui culminent à l'ouest par la crête du sommet de Vaumuse et au nord par celle de la Montagne de Mélan. Elles y forment en contrebas, depuis le col de Mounis jusqu'à la latitude de Thoard une succession de glacis étagés pentés vers le sud-est, dont le plus beau s'étend entre les ruines de Mélan et le village du Castellard. Il correspondent grossièrement aux surfaces structurales des couches successives des conglomérats fluviatiles de Valensole (attribués au Pliocène). Leur entaille, du côté ouest, par le profond ravin des Graves en montre la stratification, particulièrement calme et peu déformée.
Du côté nord, aux abords du col de Mounis, ces couches s'enfoncent vers le NE sous celles, jurassiques, de la montagne de Mélan : cette disposition correspond au front d'érosion de la tranche de terrain appelée "écaille* de Valavoire" qui a été poussée en chevauchement sur le bassin tertiaire de Valensole.
d'après une image extraite de "google-earth" Les pentes nord-occidentales de la vallée des Duyes vues de l'ouest. ØV = surface de chevauchement de l'écaille de Valavoire ; f.A = faille d'Ainac ; d.M = décrochement de Mélan (masqué sous la formation de Valensole supérieure). Les flèches obliques indiquent l'origine probable des tassements de Mélan (plus hypothétique pour le paquet inférieur que pour le supérieur). version totalement muette de cette image |
En fait les couches de conglomérats pliocènes y décrivent sous la surface de ce chevauchement, une splendide charnière synclinale déversée vers le sud (le "synclinal d'Auribeau"), que l'on voit bien se dessiner, plus au nord, dans les escarpements de la rive gauche du torrent du Vançon (pages Saint-Geniez et Saint-Symphorien).
Coupe simplifiée de la bordure septentrionale du bassin néogène de Valensole. SA = synclinal d'Auribeau ; AP = anticlinal du Pérouré - Géruen ; SF = synclinal de Feissal ; AM = anticlinal des Monges. N.B. : l'orientation de cette coupe est inversée par rapport aux deux figures ci-dessus et ci-dessous. |
Mais ce pli n'est pas visible sur le versant de Mélan et du Castellard parce que, sur cette transversale à l'axe du pli, l'on est plus au sud que l'endroit où les couches qu'il affecte sont rebroussées sous la surface de chevauchement de l'écaille de Valavoire.
Par contre il apparaît sans ambiguïté que, le Miocène, renversé vers le sud, qui affleure entre Mélan et le col d'Ainac (et plus à l'est jusqu'au "vélodrome" d'Esclangon, dans la vallée du Bès), représente le flanc inverse de ce même pli. Compte tenu de l'azimut WNW-ESE de l'axe de ce pli, il est assez clair que cela signifie que le flanc nord et la charnière de ce grand pli sont décalés d'environ quatre kilomètres dans le sens dextre, de part et d'autre d'une ligne presque N-S que sa localisation porte à qualifier de "décrochement de Mélan".
d'après une image extraite de "google-earth" L'extrémité méridionale de l'écaille de Valavoire et sa place dans son contexte régional, vue depuis le sud-ouest. s.A = synclinal d'Auribeau et du Haut Vançon ; ØV = chevauchement de Valavoire ; d.M = décrochement de Mélan ; f.A = faille d'Ainac (= accident des Monges) ; f.B = faille du Bès. Les demi-flèches indiquent le sens relatif du compartiment sur lequel elles sont placées, par rapport à celui qui lui est juxtaposé. image totalement muette |
Il est cependant à remarquer qu'aucune observation de terrain ne permet de mettre en évidence le passage d'une cassure dans les pentes des abords de Mélan. Toutefois on y observe que l'organisation et la disposition des couches tertiaires subit un changement majeur le long de l'échine qui descend vers le sud, du Château Duyes jusqu'au fond de la vallée des Duyes.
Les couches de conglomérats, globalement pentées modérément vers le sud, qui forment cette échine appartiennent aux niveaux élevés de la formation supérieure de Valensole (dont le matériel est "local", provenant des chaînes subalpines). Or on constate :
1 -
qu'elles y reposent en discordance angulaire, tour à tour de bas en haut, directement sur les marnes continentales de la formation de Valensole basale (Tortonien ?), puis sur les molasses marines miocènes ;
2 - que ces couches sous-jacentes sont affectées de pendages beaucoup plus forts (voire renversés à la hauteur de Mélan) et de plis à axes E-W ;
3 - enfin que ces couches sous-jacentes, si elles se prolongeaient vers l'ouest en tunnel sous les quelques bancs de conglomérats de Valensole qui les recouvrent ici, devraient réapparaître dans l'entaille des ravins plus occidentaux, notamment celui des Graves : or l'on n'y voit en réalité qu'une monotone succession de lits de conglomérats de Valensole inférieur (à matériel d'origine lointaine "durancienne"), qui sont doucement et régulièrement pentés vers le S-SE.
Ces observations s'interprètent aisément si l'on considère que la succession miocène plissée qui affleure dans la vallée amont des Duyes ne se prolonge guère à l'ouest du tracé de cette surface de discordance parce qu'elle y est tranchée par un accident N-S (le décrochement de Mélan) ; quant au fait que cet accident ne soit pas observable en surface il signifie que sa trace est masquée ("cachetée*") par des bancs de conglomérats de la formation de Valensole supérieure qui se sont déposés après le fonctionnement syn-sédimentaire, mio-pliocène, de cette cassure. Cette interprétation paraît clairement confirmée par l'absence, du côté est de cet accident, des épais conglomérats à matériel exotique de la formation de Valensole inférieure. Si l'on considère enfin la forte épaisseur des conglomérats continentaux de Valensole qui sont juxtaposées par cette cassure aux couches miocènes de sa lèvre orientale (et qui manquent du côté oriental) on constatera que, outre sa composante coulissante dextre, elle a eu un fort rejet de surélévation de cette lèvre orientale. |
Par ailleurs l'analyse de détail des différents secteurs révèle l'existence de complications dont l'interprétation est facilitée par la prise en compte de ce cadre structural :
A/ à l'ouest de Mélan, au nord du Castellard (les Planes),
les couches des conglomérats de Valensole disparaissent, recouvertes par un paquet
de grès du Miocène marin dont les couches sont disposées en série renversée.
Ces affleurements supportent d'autre part, un peu plus au NE, dans l'échine qui s'élève depuis les ruines de Mélan, une succession liasique, qui en est au contraire disposée à l'endroit et qui est identique à celle des escarpements de la Montagne
de Mélan, qui dominent cette échine. Ce dernier groupe d'affleurements appartient clairement à un paquet tassé* effondré depuis ces escarpements, dans lesquels on distingue d'ailleurs l'ébauche de cirque correspondant à leur crevasse d'arrachement.
Par contre la mise en place du paquet de grès miocènes des Planes, si elle peut être hypothétiquement attribuée à une cause similaire, pose néanmoins le problème de son origine, car on ne trouve pas de couches de ce niveau du tertiaire dans la partie du versant sud-occidental de la montagne de Mélan dont il devrait alors provenir.
Une interprétation faisant intervenir des déplacements tectoniques doit donc sans doute être envisagée. On peut penser notamment qu'il s'agit d'un lambeau arraché par le chevauchement au flanc renversé du synclinal du Vançon et traîné vers le sud ; on peut également envisager le rôle éventuel du décrochement de Mélan qui vient précisément se connecter là à la surface de chevauchement de l'écaille de Valavoire : en effet ce lambeau a pu être entraîné en navette* le long de cette cassure et surhaussé, du fait de la composante verticale de cet accident, par rapport au conglomérats de Valensole de sa lèvre ouest, ce qui aurait causé son effondrement par dessus cette lèvre. |
B/ Au nord-est de Mélan le versant est couronné par la Montagne de Mélan. C'est un crêt* qui regarde vers le sud-ouest, dont les couches du Lias et du Dogger plongent vers le NE : elles appartiennent au flanc méridional du grand synclinal d'Authon-Feissal, lequel est le pli le plus méridional de la grande unité tectonique de l'"écaille de Valavoire".
A l'est de Mélan le tracé de la surface de chevauchement de cette entité structurale, qui suit plus au nord la base triasique de la succession de ces couches, s'infléchit là pour devenir E-W. Il s'engage alors, à l'est de La Grande Aiguille et du tracé de la route D.3, dans les Terres Noires du revers nord du col de l'Hysope : il y est seulement jalonné par un alignement d'affleurements d'Oligocène, de sorte qu'il semble s'y amortir plus ou moins complètement. Ce changement d'attitude semble correspondre au fait que l'on se trouve ici au front atteint par l'avancée vers le sud de l'écaille de Valavoire.
De fait, au sud de ce chevauchement, dans le revers sud de ce col et de la crête de la Roche des Brigands, affleurent des couches du Jurassique supérieur, sub-verticales et orientées E-W (voir la page "Auribeau"). Leur succession "base au nord" se poursuit par les molasses marines miocènes appartenant au flanc nord du synclinal d'Auribeau, lesquelles reposent transgressivement sur le Tithonique. C'est visiblement celle d'un flanc sud d'anticlinal, dont la montagne de Mélan représentait sans doute originellement le flanc nord et dont la charnière (sans doute érodée à l'Oligocène) a été rompue par le chevauchement de la Grande Aiguille : ainsi le jeu de ce chevauchement n'apparaît plus ici que comme celui d'un accident secondaire purement local dont la flèche ne permettait pas au front de l'écaille de Valavoire de s'être avancé là au point de recouvrir le Miocène autochtone d'Auribeau (il est à noter cet "amortissement frontal" implique sans doute que le Miocène d'Auribeau ait absorbé une partie du mouvement vers le sud qui a déplacé l'écaille de Valavoire).
C/ En contrebas sud de Mélan la bordure orientale du glacis pliocène du Castellard-Mélan
suit l'échine N-S qui descend depuis le Château
Duyes vers la butte des Ardarets et se poursuit en rive gauche du torrent des Duyes par celle de Maucollet. On a vu ci-dessus que, sur son revers oriental, les couches de la formation de Valensole
sont en discordance vis-à-vis du contenu, formé de Miocène
marin, du synclinal d'Auribeau, lequel est énergiquement plissé selon des directions axiales proches de E-W.
Cette géométrie très discordante s'accompagne du fait que, le long de cette échine, les couches de conglomérats
de Valensole se montrent plissées, avec
un net déversement vers l'ouest, selon des axes dont l'azimut
est de l'ordre de N160, donc presque orthogonaux à l'axe
du synclinal d'Auribeau.
La vallée des Duyes donne, en aval de Saint-Estève,
une bonne coupe de ce système de plis, visiblement tardifs
par rapport à la formation du synclinal d'Auribeau puisqu'ils
ne sont pas déformés par ce dernier.
Il est remarquable que cette disposition se limite à une étroite frange, large d'environ 1 km que l'on peut donc désigner du nom de bande plissée de Mélan : elle souligne la frontière entre un domaine occidental où la sédimentation néogène s'est poursuivie jusqu'à la fin sans perturbation tectonique, et celui plus oriental où le Néogène s'est froncé sous l'avancée de l'écaille de Valavoire.
L'origine de la différence d'azimut des plis de la bande de Mélan par rapport à celle des autres plis observables dans le néogène de la haute vallée des Duyes semble être indiquée par l'observation que ces plis se limitent à une bande qui se situe à l'aplomb de l'emplacement présumé du décrochement de Mélan. Cela suggère que ces plis ont dû se former, en échelons (à angle aigu par rapport aux limites de la bande plissée), par l'effet d'un coulissement dextre orienté à peu près N160, c'est-à-dire par le jeu du décrochement de Mélan. D'autre part on doit remarquer que, en rive gauche (sud-orientale) du torrent des Duyes, la direction de cette bande plissée la fait se diriger vers le bord occidental du lobe de la Robine où elle se met dans le prolongement nord de l'accident de Courbons (ce qui porte à envisager que ce dernier prolonge le décrochement de Mélan). Or dans ce secteur la marge orientale des affleurements non déformés de la formation de Valensole se montre rebroussée par un "synclinal de la Bègue" dont la direction axiale de ce pli est la même que celle des plis de la bande de Mélan et dont la formation a été, apparemment, syn-sédimentaire si l'on en juge par les onlaps des couches de conglomérats de sa charnière (voir la page "Martignon"). |
En définitive les divers aspects de la tectonique des environs de Mélan convergent pour témoigner du fait que le Tertiaire autochtone y a été affecté par un accident subvertical, le décrochement dextre de Mélan, qui semble connecter le front sud-occidental de l'écaille de Valavoire avec l'accident de Courbons.
Cet accident dont le jeu s'avère très tardif, puisque à peu près contemporain de la fin du remplissage du bassin tertiaire de Valensole, a eu un rôle localement important ;
- d'abord en décalant d'environ 4 km la charnière du synclinal d'Auribeau, pli majeur qui représente le résultat final de l'évolution de la marge septentrionale du bassin néogène de Valensole ;
- ensuite en limitant le domaine réellement autochtone de celui, situé plus à l'est, qui a été affecté peu ou prou par les mouvements liés à la mise en place de la nappe de Digne et de l'écaille de Valavoire qui lui est associée.
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Enfin il semble que le décrochement de Mélan ne représente finalement qu'un tronçon d'une longue cassure dont on suit le tracé vers le nord sur une trentaine de kilomètres, successivement par ses autres tronçons de Saint-Geniez (chevauchement de Valavoire), Clamensane (faille de Vermeil) et de Turriers (faille de Turriers) jusqu'au cœur du dôme de Remollon. A cette échelle régionale d'observation on notera que le tracé de cet accident dessine une courbe à concavité vers l'est : ceci implique un pivotement anti-horaire de l'ordre de 40° de son compartiment oriental (y inclus l'autochtone relatif du secteur d'Auribeau) par rapport à l'autochtone "absolu" constitué plus à l'ouest par l'anticlinorium de Laragne au nord et le bassin tertiaire de Valensole au sud.
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plus à l'ouest : de Sisteron à Mélan |
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Saint-Symphorien |
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Auribeau |
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