Le "Vélodrome" d'Esclangon |
Le nom de "Vélodrome" a été adopté par les géologues pour désigner le relief spectaculaire que montre le panorama de la rive droite du Bès depuis le petit sommet du Serre d'Esclangon (qui est devenu un but d'excursion géologique classique).
C'est dans leur publication fondamentale de 1974, sur ce sujet, que GIGOT, P., GRANDJACQUET, C. et HACCARD, D. ont surnommé "Le Vélodrome" cette combe annulaire. [pour les développements complémentaires, plus récents, voir la publication n°156 : GIDON M. & PAIRIS J.L. (1992)]. |
On y observe une coupe naturelle de l'extrémité orientale du bassin Tertiaire de Valensole, qui y est entaillée par la vallée du Bès entre Esclangon-mairie, au sud, et l'entrée aval de la clue de Pérouré, au nord. Le relief de la rive droite de la rivière s'y singularise, assez curieusement, par le dessin d'une demi combe annulaire* qui se ferme vers l'est en suivant le lit du Bès.
La partie orientale du panorama du Serre est illustrée et commentée à la page "Aiguebelle". |
version beaucoup plus grande, muette, de cette image Le "vélodrome", en rive droite du Bès, vu de l'est, depuis le sommet du Serre d'Esclangon [panorama de N 210 (à gauche) à N 310 (à droite)] (la localité d'Esclangon est située à l'extrémité gauche du cliché). À l'emplacement de l'entaille N-S de la vallée du Bès l'axe du synclinal d'Auribeau se relève rapidement d'ouest en est (c'est-à-dire transversalement à la vallée, vers l'observateur : l'axe du pli devient même vertical sous ses pieds) du fait de son interférence avec le synclinal d'Esclangon qui lui est orthogonal. À la faveur de cette disposition, l'érosion a sculpté une combe qui suit les niveaux marneux, relativement tendres, présents à mi-hauteur de la succession du Miocène marin, et s'enroule conformément à la torsion des couches par le pli. C'est la courbure des escarpements des grès qui forment le bord externe de cette combe (crêtes de la Colle et du Bau, en rive droite, et crête du Serre, en rive gauche) qui évoque la manière dont s'incline la piste cycliste dans les boucles d'un vélodrome. s.E = synclinal d'Esclangon (axe N160) ; a.M = anticlinal du Martellet (axe N110) ; s.A = synclinal d'Auribeau (axe N95) ; ØF = chevauchement de la Fubi ; ØD = chevauchement de la nappe de Digne (en arrière-plan des crêtes, sauf à gauche de Tanaron). |
Sous cet angle, qui est le seul connu par l'immense majorité des visiteurs, la vue suggère aisément que le renversement du flanc nord du synclinal d'Auribeau (s.A) est un crochon créé sous l'effet du passage de la nappe de Digne. Pourtant l'analyse attentive des divers éléments de cette structure démentit clairement cette interprétation: les faits sont plus complexes (car ce pli était déjà formé avant le passage de la nappe) ... mais il est beaucoup plus difficile de le faire admettre ! |
voir, à la page "Géométrie du Vélodrome" des considérations complémentaires sur les rapports entre les différents éléments structuraux constitutifs de cet ensemble, à la page "détails du Vélodrome" une analyse plus détaillée de la partie centrale du panorama et à la page "Tanaron" une analyse de sa partie gauche. |
La courbure annulaire que dessinent là les couches du Tertiaire (et plus particulièrement la molasse marine miocène) résulte de ce que le synclinal E-W d'Auribeau (le pli le plus visible) interfère là avec un pli d'axe presque orthogonal (pratiquement N-S), le synclinal d'Esclangon. Les flancs respectivement nord et est de ces deux plis se prolongent l'un l'autre en continu, donnant l'impression d'une torsion azimutale de l'axe du premier.
Toutefois une analyse plus détaillée (voir notamment la page "Esclangon") montre que ces deux plis se sont formés successivement avec des sens de mouvement des masses rocheuses qui sont différents, le synclinal d'Esclangon s'étant formé en premier (bien avant le dépôt de la formation de Valensole). D'autre part l'enroulement antiforme des couches du Serre, qui dessinent la fermeture orientale du "vélodrome", est renforcé par le fait que le synclinal d'Esclangon est reployé trans-axialement par un troisième pli, l'anticlinal du Martellet. Ce dernier, d'axe presque parallèle à celui du synclinal d'Auribeau, s'est formé encore ultérieurement car il reploie également le plan axial et le flanc inverse de ce dernier, ainsi que la surface de charriage de la nappe de Digne.
La coupe ci-dessous résume les rapports entre ces divers éléments structuraux du Vélodrome, tels qu'ils apparaissent dans coupe naturelle de la vallée du Bès que le panorama du Serre révèle (mais elle ne fait pas apparaître la disposition tri-dimentionnelle de la structure !) :
Coupe du Vélodrome : schéma synthétique, représentant les rapports géométriques tectono-sédimentaires visibles dans le Miocène de la coupe de la rive droite du Bès, au nord de Tanaron [extrait de M.Gidon et J-L. Pairis (1992)]. voir, à la page "détails du Vélodrome" une analyse plus détaillée de la partie haute de cette coupe (lame de La Fubi et coeur du synclinal d'Auribeau). N.B. 1 : dans la "formation olistolitique" de Tanaron les olistolites sont représentés de façon purement symbolique, avec un même figuré de hachures verticales, quelle que soit la nature de leur matériel constitutif : il s'agit le plus souvent de Tithonique garni d'enduits de brèches continentales (voir PAIRIS & GIDON, 1987). N.B. 2 : les indentations dessinées à la limite entre formation olistolitique et formation de Valensole correspondent à des ravinements de la seconde par la première (et non à des intrications de passage latéral, comme admis par erreur dans l'article pré-cité). |
Dans la coupe ci-dessus il y a lieu de remarquer principalement :
a) le cachetage du synclinal d'Esclangon par des formations tertiaires d'âge postérieur à la molasse marine (= formation de Valensole pro parte) : il s'est donc formé bien avant que la nappe de Digne soit venue s'avancer sur le remplissage du bassin tertiaire de Valensole ;
b)
le ploiement antiforme du plan axial du synclinal d'Auribeau, qui semble bien correspondre à un reploiement par l'anticlinal du Martellet : ce dernier est donc de formation plus tardive.
Concernant ce dernier pli il est à noter que son plan axial est légèrement déversé
vers la droite (vers le nord), c'est-à-dire en sens inverse
du mouvement de la nappe (ce fait est d'ailleurs cohérent avec le fait
que des plis mineurs décamétriques, également
déversés vers le nord, affectent son flanc supérieur)
: cela confirme que ce pli n'a pu être créé lors
du charriage.
D'autres commentaires peuvent être utiles pour replacer cette coupe dans un contexte plus large :
Le synclinal d'Auribeau est une structure majeure qui affecte
aussi, plus au nord dans la coupe du Bès, tous les plis
anté-miocènes (dont les parties hautes sont basculées
vers le sud). Il se poursuit axialement vers l'ouest jusqu'aux
approches de Sisteron (vallée du Vançon au nord
de Saint-Symphorien).
Le basculement
progressif de ce pli, dont le plan axial, très
redressé dans sa partie basse, se couche de
plus en plus vers le sud dans sa partie haute, semble bien se manifester également plus à l'ouest, notamment par l'enroulement
antiforme du Miocène du flanc inverse du synclinal d'Auribeau aux abords du col d'Ainac.
Les couches tertiaires affectées par le synclinal d'Auribeau présentent sur toutes les transversales des biseaux de discordance progressive* qui montrent bien que le pli s'est formé pendant le dépôt des couches du Miocène. On remarque sur la coupe ci-dessus que ces biseaux sont de sens opposé
entre le côté N (où ils affectent surtout la formation de Valensole) et le côté S (où ils affectent la base du Miocène marin d'Esclangon)
: cela tient à ce qu'ils ont été induits par des mouvements
d'orientation et d'âge différents (plus précoces à Esclangon). Toutefois on ne peut pas exclure que les biseaux d'Esclangon n'aient eu une orientation originelle identique, qui aurait été modifiée par un pivotement de sens horaire, postérieurement à leur formation, par l'effet d'une torsion de sens horaire appliquée ensuite à leurs affleurements (voir cette hypothèse à la page "formation du Vélodrome").
La coupe ci-après replace enfin le "Vélodrome" dans le contexte général de la rive droite du Bès :
image agrandissable Coupe de rive droite du Bès Noter les failles, à caractères de "Riedels de la nappe", qui découpent le Miocène de la Pousterle et sont à l'origine du détachement de la lame de La Fubi et de la Coustagne. On a noté par "CR" quelques points jalonnant le passage de la "charnière de renversement" qui affecte toutes les structures jusqu'à l'unité de Chine et dont le plan axial passe peu au dessus du niveau de la vallée du Bès. |
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voir aussi la carte structurale interprétative |
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Coustagne |
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