Ravin d'Aiguebelle |
Le torrent d'Aiguebelle coule du nord vers le sud pour se jeter dans le Bès à Esclangon. Son thalweg suit pratiquement la limite entre la nappe de Digne et son autochtone.
L'autochtone y culmine, au pied des pentes de la crête de Blayeul, à la crête de Beilet qui s'élève depuis le village ruiné du Collet d'Esclangon en direction des pentes occidentales de la crête de Blayeul. Elle est essentiellement formée par de la Molasse Rouge qui prolonge vers le sud celle des ravins du Rousset.
Panorama vers le NE depuis le Serre d'Esclangon. f.M = faille méridionale de la Maurière (on voit qu'elle est cachetée* par les brèches et conglomérats de la base de l'Oligocène) ; a.P = anticlinal du Pérouré ; éc.d'Aig. = écaille d'Aiguebelle ; ØD = surface de chevauchement de la nappe de Digne : les tirets couvrent en fait aussi l'"unité intermédiaire", trop mince pour être distinguée ici (voir cliché ci-après) Plus de détails sur les ravins du Rousset, entre La Maurière et le Collet |
Au point le plus haut du ravin d'Aiguebelle, là où il prend naissance au revers sud de la crête de Beilet on observe en outre la terminaison méridionale de l'unité intermédiaire, représentée par des copeaux de Tithonique pris entre molasse rouge autochtone et gypses du Keuper de la nappe.
Le versant nord de la crête de Beilet vu depuis le Serre d'Esclangon : détails d'une portion de la base de la nappe de Digne. ØD = surface de chevauchement de la nappe de Digne (elle disparait transitoirement derrière l'énorme bloc de Tithonique, en raison de la perspective en contre-plongée) ; Øi = surface de chevauchement de l'"unité intermédiaire" ; FR = failles extensives "de Riedel" (en jaune pâle), sectionnant l'unité intermédiaire en bloc-klippes* disjoints (ce qui aboutit à son étirement horizontal). autres commentaires et contexte explicatif à la page "ravins du Rousset". |
Dans la masse de la Molasse Rouge qui occupe presque tout le versant jusqu'au ravin à l'est du Serre apparaisent, à plusieurs niveaux, des imbrications dues à des cassures chevauchantes qui ont une vergence ouest à sud-ouest. La plus haute d'entre elles intercale, vers 1160 sur la crête de Beilet, une pincée de molasses marneuses grises de l'Aquitanien dans la Molasse Rouge.
Plus à l'ouest c'est une telle imbrication que représente le chevauchement de l'écaille d'Aiguebelle (voir les commentaires**, en fin de page). Il se manifeste par le fait que les molasses marneuses grises de l'Aquitanien qui affleurent sous les ruines des maisons du Collet s'enfoncent, à l'est du cimetière, sous la Molasse Rouge de la crête de Pierre Guerdis.
Au sud du Collet ce chevauchement
suit le pied ouest de l'échine de Pierre Guerdis puis traverse le ravin d'Aiguebelle pour en suivre la rive gauche jusqu'au chef-lieu d'Esclangon. |
Esclangon et le débouché du ravin d'Aiguebelle Vue plongeante, prise de l'ouest depuis Tanaron Ce cliché montre la fermeture aval de la demi-fenêtre de Barles, laquelle résulte de ce que la nappe de Digne s'enfonce rapidement sous le lit du Bès. s.E = synclinal d'Esclangon (son axe est pratiquement orthogonal à la direction du regard) ; éc.Aig. = écaille d'Aiguebelle (sa surface de chevauchement, figurée en rose, est enroulée, comme la barre de la molasse miocène inférieure de la crête du Serre, sur laquelle elle s'avançait d'est en ouest). La partie frontale (occidentale) de cette unité tectonique se dilacère, à droite du village, dans les premières couches de la formation olistolitique de Tanaron (foT), qui a continué à se déposer après la mise en place de l'écaille d'Aiguebelle (mais que chevauche la nappe de Digne). La même structure, dans un cadre plus large, en vue plongeante depuis le sud |
Du côté oriental, qui domine le ravin d'Aiguebelle la nappe de Digne, recouvre tout cet ensemble de son épaisse chape où tous les termes de la succession stratigraphique sont représentés en continu, depuis le Carixien de la Crête de Blayeul jusqu'aux gypses du Keuper. Ces derniers en représentent la base stratigraphique normale, même si l'on peut imaginer que leur présence (d'ailleurs souvent amincie) a facilité le déplacement de cette énorme dalle rocheuse. C'est un peu en contrebas du contact direct de ces gypses sur les Molasses rouges que s'inscrit le lit du torrent.
Du point de vue tectonique il est remarquable que la surface de chevauchement se tord là fortement : elle décrit en effet une demi voûte anticlinale à axe incliné vers l'est : cette inflexion des couches fait que ces dernières deviennent presque verticales et d'azimut E-W à la retombée sud de ce pli, c'est-à-dire là où la nappe est traversée par le lit du Bès, au sud même d'Esclangon. |
figure agrandissable
Structure de la rive gauche du Bès, à l'E
de Barles (coupe passant peu à l'W du Pas de Blayeul)
Les clichés ci-dessus montrent seulement l'extrème droite de cette coupe, qui donne le contexte général des structures.
Un autre aspect assez remarquable du versant occidental de la crête de Blayeul à cette latitude a trait au relief de ses basses pentes. En effet elles conservent assez largement les traces de l'épaisse jupe d'éboulis qui avait envahi tout ce pied de montagne (voir aussi à la page "Barri"). Ces éboulis ont dû s'y accumuler à une époque remontant à un Quaternaire relativement ancien (interglaciaire Riss-Würm ?). Les ravines actuelles dissèquent profondément cet ancien garnissage sans être parvenues à le déblayer complétement. Ses restes sont découpés en crêtes acérées, en forme de chevrons pointant vers le haut, et sculptés par places en cheminées de fées.
Contrairement à ce que l'on attendrait a-priori, en raison de sa situation, l'écaille d'Aiguebelle n'est pas une structure d'entraînement due au charriage de Digne. Il y a plusieurs arguments en ce sens : 1/ elle a fonctionné avant ou au début du dépôt de la formation de Valensole (donc bien avant la mise en place de la nappe de Digne). En effet l'on voit, à Esclangon (sur les deux rives du Bès) que sa partie la plus distale se disloque en olistolites au sein de cette formation ; 2/ du côté où elle prend naissance (dans les ravins du Rousset) sa surface de chevauchement s'"enracine" sur des glissement couches sur couches au sein de la molasse rouge autochtone, au lieu de se connecter à celle du chevauchement de l'Unité Intermédiaire (comme le font les failles de Riedel qui affectent cette dernière, vis à vis du chevauchement de la nappe) ; 3/ enfin sa direction de mouvement n'est pas NNE-SSW, mais presque E-W car son crochon de chevauchement, le synclinal d'Esclangon, a un axe presque N-S. Elle est, par contre, très vraisemblablement en rapport avec les plis, de même vergence et d'orientation axiale similaire que l'on observe, au nord du Collet d'esclangon, dans le ravin du Vèze. Vu dans une optique plus large la formation du synclinal d'Esclangon apparaît liée au soulèvement, au cours du Miocène, de la marge orientale du bassin molassique. Or celui-ci s'est comblé, dès le Miocène moyen, par les éboulements (qui ont alimenté la formation de Valensole) en provenance de cette marge, c'est-à-dire d'est en ouest (voire même du SE vers le NW) : l'écaille d'Aiguebelle semble avoir été l'un des accidents qui ont joué lors de la surrection de cette marge du bassin en même temps que son fonctionnement a dû contribuer à alimenter la formation de Valensole (expliquant la présence au sein de cette dernière de faciès rouges, voir d'intercalations d'olistolites de molasses rouges). |
voir aussi la carte structurale interprétative |
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Serre d'Esclangon |
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Prads |
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