Courbons, Saint-Véran |
Le village de Courbons, au nord-ouest de Digne, est posté en sentinelle, en rive droite de la Bléone, sur l'extrémité méridionale du chaînon du Martignon. Il est en effet perché sur un rocher allongé à flanc de pente, à la limite entre les derniers reliefs rocheux de ce chaînon et le talus garni de prairies et de cultures qui descend vers la partie de la vallée de la Bléone qui s'ouvre en aval de Digne.
En se rapprochant de la limite sommitale de ce talus on voit sortir sur la pente des rochers, la plupart constitués de Tithonique, qui sont isolés ou s'alignent en chapelet à flanc de pente (c'est-à-dire selon la trace topographique des strates de la formation de Valensole). Il s'avère que ce sont des blocs inclus dans le sédiment, en d'autres termes des olistolites*, sans doute éboulés au tertiaire récent depuis des reliefs voisins.
Par contre les pentes escarpées qui dominent le village sont constituées par des couches bien stratifiées et disposées à l'endroit de la base de la succession stratigraphique du mésozoïque, débutant par des dolomies jaunes du Keuper et se poursuivant par les différents niveaux du Lias jusqu'au sommet de La Clapière ou affleurent même les couches plus argileuses du Bajocien.
Les pentes méridionales de Courbons vue d'ensemble, du sud, depuis les Hautes Sieyes. ØC = accident (à composante chevauchante) de Courbons |
Il passe donc là, juste au dessus du village, un contact tectonique important, que l'on peut appeler l'accident de Courbons, par lequel des terrains jurassiques, appartenant de la marge sud du lobe de la Robine de la nappe de Digne reposent sur le contenu tertiaire du bassin de Valensole (le contact entre les deux s'avère très redressé mais mais constitue néanmoins un chevauchement).
Le rocher sur lequel a été édifié le village est formé de Tithonique, dont les bancs ont une disposition analogue à celle des olistolites que l'on trouve inclus, jusque à son pied, dans les termes les plus élevés de la formation de Valensole. On peut donc être tenté de le considérer comme l'un d'entre eux particulièrement gros. Toutefois il semble ne semble pas noyé dans les cailloutis de Valensole car il est coiffé directement par les terrains triasico-liasiques de la nappe de Digne, sans autre intercalation de cailloutis tertiaires. D'autre part l'énorme lame de Tithonique du Rocher de Najon, qui, au sud-est du ravin du Riéou est dans la même situation tectonique, s'avère reposer stratigraphiquement, en position renversée et par l'intermédiaire d'un peu de molasses rouges, sur des grès verts du Miocène marin.
De plus, au nord de Courbons,
à flanc les basses pentes de la montagne du Martignon,
on constate, tout le long de l'accident de Courbons, la présence continue d'un chapelet de lames
de terrain qui sont toujours en position renversée. Par
exemple la lame de Tithonique de Courbons se complète vers
le bas pas du Berriasien et vers le haut par de l'Argovien, des
Terres Noires et même du Bajocien à l'est du village. Tous ces affleurements viennent se connecter
vers le nord-ouest (ravin de la Bègue)
à une succession stratigraphique que l'on voit s'enfoncer
vers l'ouest, à l'endroit (à la faveur d'une inflexion
synclinale), sous les cailloutis de la formation de Valensole.
Ces lambeaux apparaissent donc comme les éléments,
tectoniquement dilacérés, d'un crochon créé
dans son autochtone relatif par le chevauchement de l'accident
de Courbons, bien plus que comme de véritables olistolites.
Carte géologique simplifiée des abords immédiats de Digne. On y a localisé les différents points qui permettent des observations importantes pour la compréhension de la structure : 1 = zone de quasi continuité stratigraphique entre le Jurassique supérieur dilacéré et la série charriée du lobe de la Robine.
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En définitive le Rocher de Courbons et celui de Najon apparaissent non pas comme des olistolites mais comme une lame de terrains provenant du soubassement mésozoïque du bassin tertiaire, qui ont été ramenés au jour par le rebroussement de sa bordure, en crochon*, sous le chevauchement de Courbons. Il est même probable qu'ils appartiennent aux reliefs, soulevés par ces mouvements tectoniques, qui constituèrent la source des éboulements ayant alimenté en olistolites.
Cette disposition indique que l'accident de Courbons n'est pas la surface de chevauchement majeure de la nappe de Digne, par laquelle cette dernière se serait avancée "à plat" sur le remplissage du bassin de Valensole. Au contraire cet accident a remonté du matériel qui avait, précédemment, été recouvert par les dépôts de la formation de Valensole : comme ce matériel appartient néanmoins, pour des raisons de quasi continuité des affleurements, à la partie frontale du lobe de La Robine, lui-même indiscutablement relié à la nappe de Digne, cela veut dire que le charriage majeur s'est produit bien avant la fin du du colmatage du bassin et que le fonctionnement de l'accident de Courbons correspond à une remise en mouvement tardive du seul matériel de la nappe qui n'était pas trop scellé par la sédimentation tertiaire à son front.
Coupe simplifiée du lobe de La Robine de la nappe de Digne, montrant ses rapports avec son autochtone : désigne l'accident de Courbons. |
Enfin, plus au nord encore, l'accident de Courbons semble être en rapports avec le décrochement dextre de Mélan (voir la page "Mélan"), lequel pourrait donc en représenter le prolongement septentrional.
À l'est de Courbons les couches liasiques de la crête sud de l'Andran appartiennent déjà au flanc ouest du synclinal de Givaudan ; elles ne forment plus, au sud du Rocher de Najon, que la crête orientale de l'échine qui en descend vers l'hôpital de Digne : à l'ouest du vallon de Bonnette le reste de cette échine appartient au soubassement tectonique l'accident de Courbons.
Le tracé de cet accident plonge, par le vallonnement de Bonnette, vers l'hôpital de Digne. Dans toute la portion de son tracé comprise entre Courbons et la vallée de la Bléone on observe clairement que cet accident tranche en biseau les plis et les couches du lobe de la Robine (notamment celles du Rhétien et de l'Hettangien du flanc ouest du synclinal de Givaudan, que l'on voit traverser en biais l'échine dominant l'hôpital).
Ce fait signifie que la formation de ces plis n'est aucunement liée à un jeu partiellement chevauchant de l'accident de Courbons, qui leur est en réalité postérieur ; par contre leur écrasement et leur torsion d'azimut sont clairement des effets du rejet coulissant dextre de la faille du Bès ; cela a affecté des plis pré-existants, qui étaient beaucoup moins fermés (comme on le voit encore à l'est de cette faille) avant que l'avancée du lobe de la Robine ait écrasé ces plis, du fait qu'elle a été bloquée contre l'obstacle des conglomérats de Valensole qui s'étaient accumulés sur la partie, un peu plus avancée, précédemment atteinte par le front de la nappe. |
voir l'aperçu général sur les environs de Digne et Le cadre structural des chaînons de Digne
L'histoire tectonique des chaînons de Digne
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