Structure géologique des alentours de l'agglomération de Digne


Cette page reprend, en le retouchant, l'essentiel du contenu des publications n° 132, 138 ; voir aussi la publication n° 156 pour des développements complémentaires.

La ville de Digne détient une position géologique stratégique, de gardienne de l'entrée dans les grandes Alpes du sud. En effet elle est implantée, le long du cours de la Bléone, à l'endroit où ce dernier franchit la limite structurale majeure qui sépare le domaine autochtone du bassin tertiaire de Valensole, au sud-ouest, et le domaine charrié de la nappe de Digne, au nord-est.

En fait l'étude des abords de la ville révèle
- d'une part que le domaine de la nappe se subdivise lui-même en deux ensembles assez différents (le lobe de La Robine et celui de Cousson)
- d'autre part que le schéma d'un simple chevauchement de la nappe sur son avant-pays est insuffisant pour expliquer tous les aspects des rapports entre ces deux domaines.
Ces complications paraissent liées au fait que l'avancée du bord sud-occidental de la nappe de Digne, dans ce secteur, s'est fait pendant qu'avait encore lieu le colmatage alluvial néogène du bassin de Valensole.

image sensible au survol et au clic

vue pseudo-aérienne extraite de "google-earth"
Traits structuraux majeurs des abords septentrionaux de la ville de Digne (crêtes du lobe de la Robine et confluent Bès-Bléone).
f.B = faille du Bès ; ac.C = accident de Courbons (en bleu = front d'érosion de la nappe de Digne) ;
Plis (du NE vers le SW) : s.M = synclinal de Marcoux (corps principal de la nappe) ; s.R = synclinal de la Robine ; a.B= anticlinal de la Bigue ; s.G = synclinal de Givaudan ; a.M = anticlinal du Martignon ; s.Cl = synclinal de la Clapière ; s.C = synclinal de Caramantran (est de Digne).
Tr = Trias ; Li = Lias inférieur (Hettangien - Lotharingien) ; Car = barre calcaire carixienne ; Ls = Lias supérieur (Domérien - Toarcien) ; Aal = Aalénien ; "olist" = frange d'olistolites bordant l'accident de Courbons ; "cgVi" = partie inférieure des conglomérats de Valensole ; "cgVs" = partie supérieure des conglomérats de Valensole (la ligne jaune correspond à son contact en onlap sédimentaire sur le front du lobe de la Robine).

 

  figure agrandissable
extrait de la publication n°132
Carte structurale schématique des abords septentrionaux de Digne.

  figure agrandissable
extrait de la publication n°138
Carte structurale très schématique des environs de Digne

On note (surtout sur la carte de gauche) la différence de longueur d'onde des plis, de part et d'autre de la faille du Bès et la torsion sigmoïde des plis (typique d'un cisaillement dextre) dans le lobe de La Robine. Aux abords mêmes de Digne le tracé de la faille du Bès subit une déviation en baïonnette dans le secteur où elle s'engage dans la bande triasique anticlinale de Digne.
Sur la carte de gauche on a délibérément omis les plis précoces, synsédimentaires du Miocène (synclinaux d'Esclangon et d'Auribeau)

1/ La bande triasique de Digne : ses rapports avec la faille du Bès

Sur plusieurs kilomètres au nord de Digne, le lit de la Bléone suit une bande de terrains triasiques orientée presque N-S. Bien que les calcaires du Lias affleurent symétriquement et avec des pendages opposés, sur l'une et l'autre des deux rives, il n'est pas possible de considérer que cette "bande triasique de Digne" représente simplement le coeur d'un anticlinal. Il y a, à cela, plusieurs raisons :

1.1 - L'existence d'un tel pli est une interprétation non fondée (et d'ailleurs l'orientation N-S qui serait la sienne apparaît incongrue par rapport au canevas général de ce secteur, lequel est régi par des plis orientés NW-SE). En effet, outre que la charnière de ce pli supposé n'est nulle part visible, on constate qu'aucun pli N-S ne prolonge cette structure, ni vers le nord, au-delà de la localité de La Molière, ni vers le sud, au-delà de Digne :
- Au nord, la bande triasique se connecte au coeur de l'anticlinal de la Bigue, orienté NW-SE, par le jeu d'une torsion du flanc sud-ouest de ce dernier, qui finit d'ailleurs par se biseauter avant d'atteindre le cours de la Bléone.
- Au sud de Digne, la bande triasique s'engage dans les collines à l'ouest de Saint-Jean et s'y montre limitée, du côté ouest, par une dislocation très redressée. Celle-ci tranche en biseau les deux flancs du synclinal de Caramantran (dont le coeur liasique arme la cluse en amont de laquelle est construite l'ancienne ville de Digne), puis se poursuit jusqu'au front de la nappe, qu'elle atteint aux Bâties de Cousson.

1.2 - La bande triasique de Digne sépare deux domaines qui apparaissent relativement étrangers l'un à l'autre tant du point de vue stratigraphique que structural.
En effet la succession liasique subit une réduction qui s'accentue beaucoup plus à l'ouest, dans les chaînons situés au sud de La Bigue, notamment aux abords de Courbons, qu'à l'est où la série reste relativement puissante dans la montagne de Cousson bien que celle-ci soit plus méridionale (il faut aller jusque dans la vallée de l'Asse pour observer une réduction de série comparable à celle qui affecte le Lias du front d'érosion de la nappe à Courbons).
D'autre part, du côté oriental, aucun pli n'affecte la succession des couches jurassiques, depuis le confluent Bès-Bléone (où passe le très ample synclinal de Marcoux) jusqu'aux Bâties de Cousson, alors que, du côté occidental on voit se succéder au moins quatre anticlinaux et synclinaux successifs (sans compter le synclinal de Caramantran, dont la position par rapport à celui de la Clapière peut être discutée).
Il est clair qu'une telle situation implique une dissociation de la nappe de Digne en deux compartiments qui se sont déformés de façon indépendante, l'oriental subissant un moindre raccourcissement en même temps que son front s'est déplacé plus loin vers le sud et l'occidental s'étant raccourci par un plissement dont le serrage s'accroît au fur et à mesure que l'on s'y rapproche du front d'érosion de la nappe. La constatation de cette partition tectonique a conduit à distinguer, dans la nappe, deux "lobes" charriés, celui de la Robine à l'ouest et celui de Cousson, à l'est.

1.3 - La bande triasique de Digne prolonge, vers le sud, la faille du Bès. Cette grande cassure, qui a déterminé le tracé de la basse vallée du Bès, court à faible hauteur au dessus du lit, sur sa rive gauche, en sectionnant le synclinal de La Robine et en lui juxtaposant, du côté est, la série monoclinale de la crête de Liman (qui représente le flanc nord du synclinal de Marcoux). Or les similitudes entre ces deux plis et notamment leur géométrie, également très ouverte, suggèrent qu'ils se prolongeaient l'un l'autre avant que la faille ne les décale, dans le sens dextre, de 3 kilomètres. Un tel décalage dextre intervient nécessairement à la latitude de la Molière ; il doit même y être aggravé par le raccourcissement supplémentaire infligé au compartiment occidental, du fait du plissement plus serré qui y règne.
Ce rejet dextre semble se conserver jusqu'au sud de Digne car, aux Bâties de Cousson, c'est-à-dire à l'endroit même où aboutit la bande triasique de Digne, on voit le tracé du front de la nappe s'infléchir pour avancer de 3 kilomètres en direction du sud-ouest, en tranchant d'ailleurs les axes de l'anticlinal et du synclinal de Cousson. On note en outre que, dans le même temps, les rapports entre le Mésozoïque de la nappe et le Tertiaire autochtone se modifient pour reprendre, à l'aplomb du sommet de Cousson, un caractère de franc chevauchement.

En définitive la bande triasique de Digne apparaît donc comme un couloir structural oblique aux plis, qui a été le siège d'un cisaillement horizontal dextre et que l'on peut assimiler à la faille du Bès. Les dissemblances entre les comportements tectoniques des deux compartiments de la partie frontale de la nappe de Digne qu'elle sépare, conduisent à voir dans cette faille du Bès sensu lato une déchirure qui les a dissocié et qui leur a infligé un jeu relatif dextre, à l'occasion du déplacement de la tranche de terrains triasico-jurassiques qui constitue cette nappe.

2/ Le front d'érosion de la nappe de Digne à l'ouest de la faille du Bès

Contrairement à ce qui se passe à l'est de la faille du Bès (dans la montagne de Cousson), on observe pas ici le franc chevauchement des terrains triasico-liasiques, sur les formations tertiaires qu'entaille la Bléone au sud-ouest de Digne.

figure agrandissable

Carte géologique simplifiée des abords immédiats de Digne

2.1 - Au sud-est de la Bléone, entre le quartier des Chauchets et les Bâties de Cousson, les conglomérats de la formation de Valensole reposent sur (et non sous) les terrains triasico-liasiques, qu'ils encroûtent et remanient à leur base. Des conglomérats fluviatiles, assimilables aux couches ultimes de la formation, ravinent le Lias et affleurent en poches sur le revers oriental de ces collines, c'est-à-dire dans le domaine de la nappe de Digne lui-même.
On doit donc admettre que les étapes les plus tardives du remplissage du bassin tertiaire de Valensole sont intervenues alors que le front de la nappe avait déjà atteint, dans son déplacement vers le sud, la latitude de Digne et que les apports fluviatiles de matériel conglomératique ont alors débordé en onlap par dessus ce front de nappe.

En outre la disposition des couches liasiques présente un caractère a priori paradoxal puisqu'elles sont ployées en un synclinal qui est d'autant plus déversé vers le nord-est que l'on s'élève dans les pentes. Cette observation suggère qu'il est intervenu un cisaillement de vergence nord-est à l'interface Lias de la nappe - Tertiaire du bassin, d'autant que les plis affectant les terrains de ce dernier en marge de cet interface n'ont également pas un plan axial deversé vers le sud-ouest comme on l'attendrait s'ils étaient associés au chevauchement de la nappe sur la formation de Valensole. On a proposé de l'interpréter par des mouvements tardifs, postérieurs à l'étape majeure, par lesquels la nappe aurait poursuivi quelque peu son mouvement vers l'ouest, en s'engageant sous sa couverture de Néogène récent : un tel "sous-charriage" peut en effet rendre compte du rétrodéversement des plis à l'interface nappe-Néogène).


Coupe synthétique schématique des abords de Digne : schéma regroupant les données de diverses transversales, pour montrer comment on peut interpréter leurs relations.
La partie basse de la coupe (niveau "Sud de Digne") correspond aux structures visibles en rive gauche de la Bléone (Caramantran, Basses Bâties). La partie haute (niveau "Nord de Digne") schématise la disposition observable en rive droite. La coupe est sensiblement orientée selon la direction de déplacement de la nappe, donc oblique à la faille du Bès.
La torsion des plans axiaux des plis du lobe de La Robine est interprétée comme le résultat d'un emboutissement, par le prisme de matériel néogène autochtone qui scelle le véritable front de la nappe, lors d'une réactivation tardive de la surface de charriage. La compression tardive qui en est responsable est également à l'origine du chevauchement mineur de l'accident de Courbons.
Le passage latéral des cailloutis à matériel exotique à ceux à matériel local en s'approchant du front d'érosion actuel de la nappe s'accorde avec l'interprétation, représentée ici, d'une sédimentation de la formation de Valensole en onlap* sur la partie frontale de la nappe.
Les déplacement de masses rocheuses aboutissant à la disposition ici schématisée sont illustrés dans une autre figure.


 

2.2 - Au nord-ouest de la Bléone, aux abords orientaux et septentrionaux de Courbons, le contact entre l'autochtone et la nappe (marge sud-ouest du lobe de la Robine) présente, à divers égard, un caractère d'ambiguité. Celui-ci est lié pour l'essentiel à son tracé (notamment par rapport aux plis), à son pendage et aux relations entre les couches du Mésozoïque et du Tertiaire, qu'il est censé séparer par chevauchement dans les publications de nombre d'auteurs.

2.2.1 - Le chevauchement y est peu tangentiel.

2.2.1.1 - Le tracé presque rectiligne du contact nappe/autochtone, orienté en moyenne N160, suggère qu'il a un fort pendage. De fait, les entailles d'érosion les plus profondes, telle celle du ravin de la Bègue, permettent de voir que les couches de conglomérats de la formation de Valensole, bien que peu perturbées jusqu'à une distance très faible du front d'érosion de la nappe, ne s'engagent cependant pas franchement sous elle.

Elles sont tranchées, selon un angle ouvert de plus de 45°, par un couloir tectonique redressé à plus de 50°. À son approche elles sont rebroussées ou froissées, sur une centaine de mètres, par des plis décamétriques à hectométriques à plans axiaux fortement pentés vers l'E.

Coupe du front d'érosion de la nappe de Digne, en marge sud-ouest du lobe de la Robine.
Cette coupe fait la synthèse des observations qu'offrent les rives nord et sud du ravin de la Bègue.
L'accident de Courbons (acc.C) y apparaît comme un couloir de faille, à fort pendage, qui s'amortit dans le substratum mésozoïque du Tertiaire autochtone, au sein d'un rebroussement de la marge de ce dernier, appelé ici le "synclinal de la Bègue" (s.B) : il ne peut donc pas être considéré comme la surface de chevauchement de la nappe de Digne et, vis-à-vis de cette dernière, ne représente qu'une cassure relativement mineure.
Le sommet de La Gomberge se situe peu au N de celui du Martignon ; il est constitué par le Carixien du flanc oriental de l'anticlinal du Martignon (a.M). L'anticlinal de la Clapière (a.C) et le synclinal de la Clapière (s.C) apparaissent ici comme des replis du flanc oriental du synclinal de la Bègue, dont l'accident de Courbons tranche d'ailleurs les charnières en biseau.
(pour la nomenclature des plis voir la carte)

2.2.1.2 - Ce couloir est souligné par une bande de Terres Noires de largeur hectométrique et beaucoup des plans de fractures observables en bordure de cette bande sont subverticaux (notamment au Rocher de Sainte-Madeleine, à l'E de Thoard). Enfin, à la latitude de Thoard on constate qu'il sectionne en biseau les axes d'un important faisceau de plis NNW-SSE qui affectent la formation de Valensole, au lieu de les faire s'engager sous le matériel charrié.

2.2.1.3 - Les plis de la nappe, d'orientation moins méridienne que ce couloir tectonique, viennent ausssi, à tour de rôle, du S au N, buter contre lui en biais. Ces plis, ainsi sectionnés en oblique, sont en outre débités, sur une frange large d'environ 2 km en marge E du couloir de cisaillement, par des failles de décrochement dextres N 170 à N 180 qui se branchent sur ce dernier. Il s'agit sans doute, comme pour les quelques autres petits décrochements qui affectent la marge du Tertiaire autochtone, de failles de Riedels R attestant d'une composante de coulissement dextre.

Au total ce couloir de cisaillement est donc assez peu chevauchant et son fort pendage suggère une forte composante de jeu coulissant dextre.

La marge W de la partie affleurante de la nappe bute donc ici contre les conglomérats de Valensole et les a comprimés latéralement, au lieu de les chevaucher. L'avancée horizontale de la nappe vers le SW devait donc s'en trouver contrariée et devait faire place à du coulissement vers le S. Ce blocage du charriage explique que la marge du lobe de La Robine ait subi un plissement intense, avec des plis dont le taux de fermeture croît aux approches du front. Plus au sud, au droit de Courbons, le contact est plus franchement chevauchant mais reste fortement penté.

2.2.2 - Le front de la nappe a été recouvert par la formation de Valensole.

2.2.2.1 - Dans les ravins particulièrement profonds situés au N de Courbons les conglomérats de Valensole, qui se rebroussent à la verticale le long de la bordure W du lobe de la Robine (ravin de la Bègue, cf ci-dessus), reposent en accordance sur des molasses marines miocènes. Or il s'avère que ces dernières reposent stratigraphiquement sur l'Oligocène, lui-même transgressif sur le Tithonique puis sur des Terres Noires. Enfin ces dernières se poursuivent en continu, vers l'est, par celles du coeur du synclinal de La Clapière, que dessinent le Dogger et le Lias du lobe de La Robine.

Cette disposition démontre que des terrains qui appartiennent pourtant à la nappe s'enfoncent néanmoins vers l'ouest, sous le Miocène du bassin de Valensole : il faut en conclure que le véritable front de la nappe est caché sous les termes plus élevés de la formation de Valensole. Le contact tectonique - peu chevauchant, comme on l'a vu - par lequel le mésozoïque de la nappe s'affronte ici avec cette formation n'est donc effectivement pas la véritable surface de charriage de la nappe. Il ne peut s'agir que d'un accident tardif, apparu en arrière du front de nappe, après le cachetage de ce dernier (observable en rive gauche de la Bléone, cf supra). On peut le distinguer de la vraie surface basale du charriage en le désignant du nom d'accident de Courbons.

2.2.2.2 - Une particularité de la marge W du lobe de La Robine est la présence de lambeaux de matériel mésozoïque, notamment Tithonique et Crétacé inférieur, au sommet de la formation de Valensole (alors que ce matériel est absent de la nappe, dans son état actuel d'érosion). C'est notamment sur un bloc hectométrique de Tithonique qu'est construit le village de Courbons. À ces blocs sont aussi associés des molasses miocènes qui sont parfois, comme au Rocher de Najon, en contact stratigraphique avec eux.
Au sud de Courbons ces lambeaux ont un caractère franc d'olistolites disséminés dans les conglomérats de Valensole. Mais le long de l'accident de Courbons ils s'organisent en un alignement de lames, disposées en chapelet, qui sont toujours en position renversée et apparaissent comme des lambeaux d'une succession continue formant le flanc inverse d'un anticlinal de la Clapière. Ils finissent d'ailleurs par se raccorder progressivement, vers nord, aux affleurements du flanc ouest du synclinal de la Bégue qui s'engagent, à l'endroit, avec leur Miocène transgressif, sous les cailloutis de la formation de Valensole.

Ces lambeaux apparaissent donc comme les éléments, tectoniquement dilacérés, d'un crochon créé, aux dépens de son autochtone relatif, par le chevauchement de l'accident de Courbons, bien plus que comme de véritables olistolites. Cette disposition indique que l'accident de Courbons n'est pas une surface de chevauchement par laquelle la nappe de Digne se serait avancée "à plat" sur le renplissage du bassin de Valensole. Au contraire cet accident a remonté du matériel qui avait, précédemment, été recouvert par les dépôts de la formation de Valensole (bien que ce matériel appartienne, pour des raisons de quasi continuité des affleurements, à la partie frontale du lobe de La Robine, lui-même indiscutablement relié à la nappe de Digne).

D'autre part, ces faits conduisent à penser que tous les copeaux post-liasiques du sommet de la formation de Valensole sont originaires de la tranche supérieure de la succession de la nappe, qui devait donc être encore présente, au dessus du Lias, lors du charriage principal (alors que maintenant l'érosion en a enlevé toutes traces en arrière du front de la nappe). Les affleurements du fond de ravin de la Bégue ont simplement été recouverts par l'avancée en onlap des dépôts de la bordure du bassin de Valensole ; ceux des lambeaux du nord de Courbons ont été incorporés à la zone cisaillée de l'accident de Courbons lors des mouvements tardifs de chevauchement induits par le blocage du front véritable de la nappe, après son cachetage par le Néogène ; les vrais olistolites du sud de Courbons, enfin, ont dû glisser depuis les parties encore émergées de la nappe de Digne, en marge orientale du bassin, et s'intercaler dans les sédiments en cours de dépôt (puis être éventuellement repris tectoniquement en copeaux, le long de l'accident de Courbons).

2.2.2.3 - Un problème plus difficile est posé par la klippe de Pié Gros, formée de Sénonien, qui repose sur la formation de Valensole, en avant du front du lobe de la Robine, et s'appuie vers l'est contre l'accident de Courbons 1 km à l'E de Thoard.

Cette klippe présente une nette analogie avec celle de l'Aubrespin, de la région de Turriers, car l'une et l'autre sont des lambeaux isolés de couches néocrétacées posés à la marge de la nappe, en avant de son front.
Ces lambeaux exotiques ne peuvent pas avoir été arrachés à l'avant-pays de la nappe, car l'on n'y trouve pas de couches néocrétacées qui aient été épargnées par l'érosion anténummulitique, et ne peuvent donc provenir que du domaine de la nappe. Mais il faut sans doute chercher leur patrie dans des secteurs assez orientaux de ce domaine, puisqu'il semble que sa partie frontale de la nappe de Digne ait aussi été érodée, avant le Nummulitique, jusqu'au niveau du Jurassique supérieur (en effet, à l'est de Digne la ligne suivant laquelle réapparait du Sénonien sous le Nummulitique correspond pratiquement à l'axe, N-S, du synclinal de Barrême).
Ces lambeaux ont donc probablement une origine analogue à celle des olistolites de Courbons, c'est-à-dire un glissement par décoiffement de la partie haute de la tranche charriée, mais ils ont probablement fait un plus grand chemin. La longueur de ce trajet suppose que se soit développé au dos de la nappe de vastes glissements de terrain sur une pente dirigée vers le front de la nappe. Cette déclivité vers l'avant pourrait correspondre au flanc sud-ouest d'un "pli de rampe frontal"* : dans le cas qui nous intéresse un tel pli est très probable et il devait être effectivement assez vaste, en raison de l'épaisseur de la tranche de roches charriée (cf fig., coupe 2).

3/ Essai de reconstitution des étapes de la mise en place de la nappe aux environs de Digne

En définitive on peut proposer l'enchaînement de schémas suivant, qui essaie de tenir compte de toutes les données exposées ci-dessus :

 Evolution tectonosédimentaire de la région de Digne.
(secteur au nord-ouest de la ville)

1 - Première étape de l'arrivée du front de la nappe de Digne dans le secteur de la ville de Digne (noter la déclivité frontale, propice au détachement de paquets glissés, futurs olistolites).
2 - Séparation des deux lobes de la nappe par le jeu en coulissement (oblique à la direction de déplacement de la nappe) de la faille du Bès. L'accumulation de sédiments, qui se poursuit dans le bassin de Valensole, bloque et cachète le véritable front de la nappe.
3 - Le lobe de Cousson poursuit son avancée, fronce latéralement le lobe de la Robine dont la partie frontale est ennoyée sous les sédiments du bassin (apparition, dans cette dernière, de structures rétrodéversées). Au nord-ouest de Digne le lobe de la Robine repart en chevauchement par le jeu de l'accident de Courbons.
4 - L'avancée de la nappe est terminée : le remplissage sédimentaire progresse vers l'amont en ennoyant, aux abords sud de Digne, les parties basses du lobe de la Robine (dépôt des cailloutis des Fontaines, etc...)

Pour simplifier le schéma, deux groupes de déformations n'ont pas été représentés : le cisaillement dextre des plis du lobe de La Robine et les plis NW-SE du Néogène autochtone.

figure agrandissable

Le jeu coulissant de la faille du Bès apparaît ainsi comme celui d'une déchirure de la nappe qui s'est créée en réaction au blocage de son front : ce blocage est intervenu en bordure sud-occidentale de l'actuel lobe de la Robine, avant la reprise des ultimes mouvements du charriage, sous l'effet du comblement du bassin qui y a recouvert de ses cailloutis néogènes supérieurs la partie la plus frontale de la nappe.


cartes géologiques à 1/50.000° (*) à consulter : feuilles Digne et La Javie

Carte géologique simplifiée des environs de Digne
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074
catalogue des autres cartes de la section Gap-Digne

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