crête du Pic Saint-Michel
Le chaînon oriental du Vercors, entre le Moucherotte et le col de l'Arc

La longue "Crête de la Grande Roche Saint-Michel", qui court depuis les abords sud du Moucherotte jusqu'au col de l'Arc, culmine au dessus de ce dernier, au Pic Saint-Michel (1966 m). C'est un crêt bien typique dont les pentes occidentales sont pratiquement des dalles structurales et dont l'abrupt, qui regarde vers l'est, couronne le rebord subalpin du Vercors (voir la page "Varces-Vif").

image sensible au survol et au clic

L'enfilade des crêtes de la "Grande Roche Saint-Michel" vue du nord vers le sud, depuis les abords sud du Moucherotte (Les Ramées), l'hiver.
Le sommet du Grand Cheval y représente un point culminant intermédiaire, moins individualisé, dont le nom (racine "caval") correspond certainement à un grand ravin.
Le sillon subalpin, creusé dans les terrains sous-jacents à l'Urgonien est masqué sous la mer de nuages (qui atteignait ce jour là une altitude comparable à celle du sommet du glacier du Drac à l'époque würmienne).
Bel exemple de "crèt", à "regard" vers la gauche et à "revers" vers la droite.

1 - Du côté oriental le rebord subalpin, qui regarde vers la vallée du Drac, présente la particularité de montrer un redoublement de la corniche urgonienne, ce qui est un trait particulièrement visible relief au sud de Claix mais qui disparaît plus au nord (voir la page "Comboire"). En effet ses escarpements y sont interrompus à mi-versant par une succession de replats qui, s'ils viennent presque se raccorder vers le nord avec le Plateau du Peuil, ont une origine totalement différente. Le plus important est le Plateau Saint-Ange, situé à l'ouest du village de ce nom et que draine le Ruisseau de la Pissarde.

image sensible au survol et au clic

Le rebord subalpin du Vercors entre le Pic Michel et le Moucherotte, vu du NE d'avion
ØsA = chevauchement de Saint-Ange ; ØsA? = son prolongement septentrional masqué sous le tassement du Peuil ; ØCb (en rose) = redoublement du Tithonique de Comboire (voir la page "Comboire").

En effet, à l'ouest de ce hameau s'ouvre une surface faiblement déclive en direction du nord, qui se développe jusqu'au pied du talus boisé de l'Hauterivien et des calcaires du Fontanil du soubassement du Crêt de Saint-Michel. Les ravins supérieurs du torrent de La Pissarde, qui l'entaillent, montrent que, sous l'épandage alluvial glaciaire, s'étendent de larges affleurement de marnes de Narbonne. En outre le fond de leurs entailles montre que ces couches y reposent sur du Sénonien : cette disposition, typique d'un recouvrement par chevauchement, est désignée sous le nom de "fenêtre* (ici "de Saint-Ange").

Les couches ainsi chevauchées se biseautent en direction de l'est, les marnes de Narbonne reposant sur des niveaux de plus en plus anciens (notamment le Sénonien inférieur puis la lumachelle) qui s'avèrent finalement représenter la couverture stratigraphique de la falaise urgonienne des Rochers de La Bourgeoise et de Chabloz, celle-ci constituant la lèvre inférieure ainsi chevauchée.

Coupe au sud de Claix, selon le cours aval (gorges) du Torrent de la Pissarde.
Le tassement du Peuil masque la zone supposée d'amortissement (du NW vers le SE) du chevauchement du Moucherotte (ØM).
f.B = faille des Blancs ; s.V = flexure orientale du synclinal de Villard-de-Lans ; ØSA = chevauchement de de Saint-Ange.


En définitive le redoublement de l'Urgonien qui affecte ce versant est donc dû à un chevauchement de Saint-Ange dont le pendage est essentiellement dirigé vers le nord-ouest et dont le sens de mouvement est indiqué par le crochon* à vergence ouest que dessine la base de l'Urgonien aux Rochers de Chabloz (voir la coupe ci-dessus et le cliché ci-après).

image sensible au survol et au clic

Le rebord oriental du Plateau Saint-Ange vu d'avion, depuis le sud.
ØsA = chevauchement de Saint-Ange : noter le crochon* synclinal que dessine l'extrémité orientale des affleurements urgoniens chevauchés aux Rochers de Chabloz : il indique le sens de déplacement du chevauchement.
A l'extrème gauche (ouest) du cliché on voit se détacher la navette* d'Urgonien qui forme le toit de la grotte du Pré du Four (voir la page "Col de l'Arc").
En arrière-plan le paquet tassé du Peuil est indiqué une flèche qui symbolise le trajet du tassement de la dalle urgonienne, maintenant disloquée.
On a en outre figuré les replis d'axe N-S à déversement est qui affectent l'Urgonien du Moucherotte (ces derniers sont sans doute des indices d'un mouvement relatif NE vers SW du soubassement (socle de Belledonne).

Vers le sud on suit le tracé de cet accident jusqu'au collet du Pré du Four (point coté 1269, où se termine l'arête est du Pic Saint-Michel). Au revers sud de cette l'épaule les affleurements de la grotte du Pré du Four, permettent d'observer les détails structuraux qui y illustrent le passage de ce chevauchement de Saint-Ange.

La grotte elle-même est évidée dans la Lumachelle du compartiment chevauché, qui y dessine un joli petit crochon à vergence ouest.
Le toit de cette grotte est formé par une dalle d'Urgonien d'épaisseur décamétrique, qui s'effile là au point de disparaître vers l'est. Cette lame urgonienne de la grotte du Pré du Four a les caractéristiques d'une navette* étirée le long de la surface de chevauchement (voir la page "Col de l'Arc").
On peut remarquer enfin que la surface de chevauchement y plonge doucement vers l'ouest, dans le sens de déplacement du compartiment chevauchant et ne remonte nullement dans cette direction, contrairement aux interprétations (ici récusées) qui voulaient lui faire traverser la série chevauchante en remontant vers le haut pour aboutir au col de l'Arc.



L'entrée de la grotte du Pré du Four : vue rapprochée, prise du sud (l'ouest est à gauche), à peu près dans l'axe du crochon qui rebrousse la Lumachelle chevauchée.
Le toit de la grotte
La lame d'Urgonien chevauchante est teintéé d'ocre par les ruissellements qui y déposent un enduit d'argiles oxydées provenant des marnes de Narbonne qui affleurent quelques dizaines de mètres plus haut.
La base de la dalle d'Urgonien chevauchante est débitée en lames secondaires par des surfaces de chevauchement annexes (on en a souligné deux) : l'étirement tectonique et la vergence ouest du chevauchement sont évidents.
À la droite du cliché on voit le toit, lisse et surplombant, de l'entrée de la grotte : il est constitué par la surface de base du chevauchement, qui a été mise à nu par le creusement des couches chevauchées, bien moins massives.

Du côté sud-ouest du Pré du Four le versant dessine un fort rentrant vers l'ouest occasionné par le ravin des Charbonniers (qui draine le versant dominant Saint-Paul de Varces). Le talus boisé qui masque Hauterivien et calcaires du Fontanil est limité là à sa base par une barre rocheuse qui est à l'évidence le prolongement de la lame intermédiaire de la Grotte. C'est donc au sommet de cette barre que passe le tracé vraisemblable du chevauchement, dont le tracé cesse définitivement d'être discernable plus de 500 m en contrebas sur le versant est du Col (voir la page "Col de l'Arc").

Les abrupts supérieurs de ce versant sud-oriental du Pic Saint-Michel révèlent quelques détails tectoniques dont l'interprétation est examinée à la page Col de l'Arc. On y distingue notamment une inflexion synclinale qui s'avère être en réalité plutôt transverse au chaînon car son axe, presque E-W, passe peu au sud de l'antécime SW (point 1961). Elle traduit en fait un jeu postérieur à celui du chevauchement de Saint-Ange.

image sensible au survol et au clic

Les abrupts sud-orientaux du Pic Saint-Michel
, vus du sud-est, d'avion.
ØCr = chevauchement des Crocs ; f.sA = faille sud du col de l'Arc.
Parmi les autres détails qui apparaissent sur ce cliché on notera :
- la faille nord du Col de l'Arc (f.nA), qui est visiblement dotée d'un rejet extensif de quelques dizaines de mètres (voir aussi le cliché en fin de page);
- une torsion des couches du compartiment ouest de cette faille qui dessinent une charnière en genou déversée vers le sud-ouest (indice d'un rejet compressif dans ce sens).
- Ør : un petit chevauchement au contraire rétro-déversé (à vergence est), résultant apparemment de le rupture d'un repli analogue à ceux de l'Urgonien du sommet du Moucherotte (photo plus haut dans cette page).
- f.aC : la faille de l'antécime qui est selon toutes apparence syn-sédimentaire ; en effet elle abaisse les calcaires massifs de l'Urgonien inférieur aux dépens d'une lacune de l'ultime sommet du Barrémien inférieur. ...


Sur le versant opposé (occidental) de l'entaille du col de l'Arc la pente topographique du vallon de Font Froide, orientée NW-SE coupe en biais le flanc occidental de cette inflexion, ne montrant ainsi que la composante vers l'ouest du pendage des couches (voir le cliché plus loin dans la présnte page).

2- Les pentes occidentales du Pic Saint-Michel, qui descendent, au sud de Lans, vers l'intérieur de la vaste dépression synclinale du Vercors oriental (val de Villard-de-Lans) sont un typique revers de Crêt*. En partant de la crête elles sont d'abord constituées par des dalles structurales d'Urgonien à faible pendage (environ 20°) qui s'étendent jusqu'au plateau de La Sierre (stade de neige de Lans). A l'ouest de ce dernier, où affleurent aussi un chapeau presque horizontal de Lumachelle, ces pentes tombent brutalement sur le vallon N-S de Combe Claire (qui s'élève jusque au Collet du Furon) : ce vallon est une simple combe monoclinale ouverte dans les couches marneuses, d'abord verticales puis de moins en moins pentées vers l'ouest, du Sénonien inférieur du flanc ouest de la charnière en genou du Moucherotte.

De fait, contrairement à ce que pourrait faire penser la raideur de l'escarpement urgonien qui supporte le plateau de La Sierre et domine le Sénonien de la Combe Claire il ne correspond pas à un accident de chevauchement caractérisé : c'est ce que prouve la présence de couches de Lumachelle plaquées verticalement sur l'Urgonien de cet escarpement (elles ont été mises à nu par l'entaille de la nouvelle route qui va du stade de neige de Lans au Collet du Furon). Il est donc essentiellement dû à une flexure en genou prolongeant l'anticlinal du Moucherotte, même si sa brutalité suggère qu'il poursuive tout de même une trace du chevauchement de la Croix des Ramées, mais avec un rejet fortement réduit traduisant son amortissement)

image sensible au survol et au clic

Vue globale de la bordure orientale du val de Lans, à l'est et au sud-est de cette localité.
ØM = chevauchement du Moucherotte ; d.T = décrochement de la Tinette ; a.M = anticlinal du Moucherotte ; s.V = flexure orientale du synclinal de Villard-de-Lans ; f.A = faille du Col de l'Arc ; f.Cl = faille des Clots ; ØCr = chevauchement des Crocs ; s.C = cœur synclinal du Cornafion .
"Mcg" = conglomérats miocènes (bord inférieur du cliché).
Le raccord de la faille du col de l'Arc avec de celle des Clots suppose un dessin antiforme qui est assez visible sous cet angle. Cette géométrie porte à penser que le bombement lié au synclinal du Cornafion, qui affecte le compartiment droit (sud) de leur affrontement, n'est pas simplement une juxtaposition contre le compartiment nord mais qu'il s'emboutit sous lui. Ceci est d'ailleurs une conséquence du pivotement de sens horaire, de l'ordre de 30°, que subit ce dernier (et qui se manifeste par le changement d'orientation des pendages).

Plus à l'ouest encore, l'échine boisée de la Croix des Suifs est constituée par les couches plus élevées des calcaires sénoniens. D'abord fortement pentées vers l'ouest comme celles de la Combe Claire, elles dessinent dans le versant occidental de cette échine un synclinal dissymétrique, déversé vers l'ouest avant de dominer par un escarpement le fond alluvial du val de Lans. Il s'agit sans ambiguité du prolongement de la flexure orientale du grand synclinal de Villard-de-Lans (voir la page "Lans").

La disposition d'ensemble des couches de ce versant est donc celle d'une succession stratigraphique plissée mais continue : elle ne met pas en évidence de discontinuité des strates pouvant traduire le passage du chevauchement du Moucherotte (voir la page "Lans").

image sensible au survol et au clic

Détail du versant sud-ouest du Pic Saint-Michel
vu du sud-ouest, d'avion, depuis l'aplomb du village de la Conversaria.
f.aC = faille de l'antécime (synsédimentaire : voir plus haut la photo des abrupts sud-orientaux) ; f.nA = faille nord du Col de l'Arc ; f.A = faille du Col de l'Arc (voir la page "Col de l'Arc") ; ØCr = chevauchement des Crocs ; f.S = faille de Saunier : à droite de la limite du cliché son tracé est interrompu par celui du chevauchement des Crocs (sous lequel passe cette faille : voir la page "Col de l'Arc").
Uss = partie supérieure de la masse urgonienne supérieure ; psL = niveau de calcaires spathiques plaquetés dont l'aspect est très proche de ceux de la "Lumachelle" ; Usi = partie inférieure de la masse urgonienne supérieure ; c.O = niveau des "couches à Orbitolines" ici avec lits de conglomérats calcaires à huîtres, pectens et gastéropodes ; Ui = masse urgonienne inférieure.

3 - Au sud du Collet du Furon la dalle urgonienne du Pic Saint-Michel est tranchée, selon une direction proche de E-W, par un système de 3 failles qui convergent vers le bas (au sein duquel la faille du Col de l'Arc coupe en sifflet le chevauchement des Crocs). Ce faisceau de cassures tranche du côté nord la terminaison méridionale de l'anticlinal du Moucherotte (voir aussi la page "Lans") et du côté sud le volumineux synclinal du Cornafion. Il a un rôle majeur en dissociant les structures au nord du col de celles au sud (voir à ce sujet la page Col de l'Arc).


Deux coupes
de part et d'autre du Col de l'Arc (nord en haut, sud en bas).
L'espace blanc séparant les deux coupes figure la disjontion tectonique occasionnée par l'accident transverse constitué à l'ouest par la faille du Col de l'Arc (f.A), que prolonge la faille des Charbonniers (f.Ch) du côté est. Sur la coupe inférieure on a représenté par un trait blanc le profil topographique correspondant au Roc Cornafion.
ØB = faille des Blancs; s.bC = synclinal du Bec du Cornillon ; ØM = ultime éventuel prolongement méridional du chevauchement du Moucherotte (?) ; ØsA = chevauchement de Saint-Ange ; ØCr = chevauchement des Crocs ; ØE? = chevauchement (supposé) de l'Éperrimont.

En bref ce que l'on sait de la structure du Pic Saint-Michel se limite au fait incontestable du transport vers l'ouest, par le chevauchement de Saint-Ange, d'une tranche rocheuse couvrant l'intervalle du Valanginien au Sénonien supérieur soit au moins 600 m d'épaisseur, et ceci selon un palier* qui plonge vers l'ouest. Mais, dans le versant occidental de la crête du rebord subalpin, le front de ce chevauchement ne réapparaît nulle part de façon convaincante, en dépit des deux hypothèses qui ont été formulées pour l'y trouver.

- La première est qu'il y correspondrait chevauchement du Moucherotte. Toutefois ce dernier correspond seulement à une imbrication inclinée vers l'est qui n'affecte que la partie supérieure de cette tranche rocheuse (de l'Urgonien au Sénonien inclus) De plus son rejet s'amortit progressivement du nord vers le sud dans les pentes occidentales du Pic Saint-Michel et s'annule pratiquement à la latitude de ce sommet lui-même.

- La seconde est qu'il s'agisse de la faille des Blancs, qui est située plus à l'ouest, à la marge du val de Villard-de-Lans (voir la page "Lans"). Toutefois le caractère chevauchant que lui font attribuer le tracé de la carte à 1.50.000° et l'article de J.DEBELMAS est seulement basé sur l'interprétation de la manière dont il se termine au nord et au sud. Or ses supposées connexions avec une grande ligne de chevauchement se révèlent erronées au nord et tout-à-fait incertaines au sud. Sous l'angle de l'observation ce caractère chevauchant n'est avéré à aucun égard et notamment pas par son tracé tout-à-fait rectiligne. En fait cet accident s'interprète de façon bien plus satisfaisante comme le prolongement méridional de la faille (dite chevauchement) de Sassenage.

Enfin l'entaille transversale du col de l'Arc ne fournit aucune autre indication au sujet de la prolongation probable de ce grand accident en profondeur car les terrains de sa lèvre méridionale de cette coupure structurale transversale masquent très vite la partie basse de sa lèvre septentrionale.

En définitive il est donc tout-à-fait loisible d'envisager que le chevauchement de Saint-Ange s'amortisse tout ou partie dans les plis situés au delà à l'ouest du synclinal de Villard-de-Lans, voire même qu'il ne réapparaisse que plus à l'ouest encore, où le chevauchement de Rencurel semble tout-à-fait susceptible s'assumer ce rôle.

 

Voir, au sujet de l'ensemble du chaînon du Moucherotte, la page "Vercors nord-oriental"


cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuille Vif

Carte géologique très simplifiée de la partie orientale du Vercors à la latitude de Grenoble.
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M. Gidon (1977), publication n° 074
légende des couleurs

Lans

Moucherotte

(Comboire)
Villard-de-Lans

LOCALITÉS VOISINES

(Varces)

Corrençon

Col de l'Arc

(Vif)
N.B. Les localités entre parenthèses appartiennent à une autre section du site et leur page s'ouvrira avec l'en-tête correspondant à cette dernière.

 accueil VERCORS

début de la page
Pic Saint Michel

sommaire de GEOL_ALP

Page d'accueil générale du site
Dernières retouches apportées à cette page le 30/05/23