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Le Moucherotte, Trois Pucelles, Saint-Nizier. |
Le chaînon du Moucherotte (1901 m.), qui constitue le fond de tableau sud-occidental des grenoblois, est le promontoire septentrional de la longue barrière orientale du Vercors, qui s'abaisse là, vers le nord, jusqu'au niveau de la vallée de l'Isère. Il constitue, à la latitude de Comboire, l'extrémité septentrionale du crêt d'Urgonien qui domine du côté oriental le sillon subalpin, parcouru ici par le cours tout-à-fait inférieur du Drac juste en amont de son confluent avec l'Isère.
A/ À l'extrémité nord-est de ce chaînon le sommet du Moucherotte domine les pentes de Seyssins. Un trait important et remarquable de ce versant est que sa partie haute est affectée par plusieurs paquets glissés* de grandes dimensions, étagés à plusieurs niveaux de la pente. Ces tassements se sont sans doute formés lorsque les glaciers quaternaires ont fondu, cessant ainsi de soutenir le versant abrupt de la montagne.
![]() Le versant nord-est du Moucherotte, vu d'avion du nord-est (la localité des Bruziers est située peu en contrebas des Arcelles, hors des limites du cliché).. Sous cet angle on voit dans son ensemble le système constitué par deux paquets tassés et un éboulement qui s'étagent sur ce versant de la montagne (voir plus bas le détail de la partie supérieure de ce système). Les crevasses d'arrachement sont soulignées de tirets émeraude et les limites de la zone éboulée sont indiquées par un tireté bordé d'un alignement de v orientés dans le sens du mouvement. Noter par ailleurs les replis que dessine l'Urgonien au sommet et, dans son versant oriental, à Château Bouvier. |
Deux paquets d'Urgonien, chacun délimité à son sommet par une crevasse en croissant de lune, s'étagent en contrebas de la crête qui court du Moucherotte aux Trois-Pucelles. La crevasse la plus élevée est celle du Vallon des Forges. En contrebas des Tours des Forges un fort replat (qu'emprunte le sentier "de la Vie") correspond à l'éboulement d'une troisième tranche d'Urgonien, beaucoup plus disloquée et dont les débris forment la ligne de bosses du Bois de Poussebou. Cet étagement correspond sans doute à la chronologie des évènements par arrachements successifs, l'instabilité progressant du bas vers le haut.
![]() Détails des abrupts nord-orientaux du Moucherotte vus du sud, depuis le replat de la crête, au nord du sommet (est du point coté 1875) |
Ces paquets glissés masquent largement la structure tectonique de leur substratum, qui n'est guère analysable, de ce fait, qu'à leurs bords méridional (Château Bouvier) et septentrional (secteurs des Trois Pucelles). Les limites sud et nord du berceau dans lequel se sont affaissés ces masses rocheuses en glissement sont constituées très différemment : du côté oriental, au sud-est de l'éperon de Château Bouvier, le soubassement de la crête urgonienne affleure en succession normale avec un pendage ouest proche de l'horizontale (voir la page " Comboire") ; du côté nord-occidental se dessine au contraire une incurvation des couches qui est cause de l'évidence presque spectaculaire d'un anticlinal du Moucherotte.
B/ Au nord-ouest du rentrant des Forges les affleurements de roche en place reprennent en formant l'échine boisée des Bruziers. Cette ligne de relief, à peu près E-W est d'ailleurs bordée du coté SE par une cassure, le décrochement des Bruziers, qui se prolonge jusque dans le val de Lans, où il se connecte au chevauchement du Moucherotte. Son tracé passe plus précisément à l'ouest de la crête des Trois Pucelles et presque au pied des pentes boisées qui ferment au sud la cuvette de Saint-Nizier.
Vu du nord il est flagrant que la retombée occidentale de l'anticlinal du Moucherotte, à laquelle appartiennent les Trois Pucelles, est tranchée, presque à angle droit, par cette importante cassure. C'est pourquoi on a très longtemps cru y voir un "chevauchement du Moucherotte" en cohérence avec le fait que l'on voit effectivement s'avancer le Sénonien de ce flanc de pli sur le Miocène des douces pente des environs de Saint-Nizier (voir plus loin).
Mais cette conclusion est erronée car elle ne tient pas compte de la perspective : en effet la ligne assimilée à ce chevauchement est la "faille des Bruziers"qui passe en avant de la montagne du Moucherotte (voir le cliché suivant de la page) et la sépare des pentes douces, situées encore plus en avant, qui descendent de Saint-Nizier vers Pariset.
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Les Trois Pucelles, vues du nord - nord-est, depuis le village des Michallons (Saint-Nizier
est), presque dans l'azimut de leurs couches (dessin de J. DEBELMAS, 1954, modifié). ac.B = accident des Bruziers : il ne se connecte au chevauchement du Moucherotte que bien au delà du Roc de Bataillon, dans les pentes occidentales du Rocher de l'Âne ; s.sN = synclinal nord des Bruziers (= de Saint-Nizier). La = "lauzes" (Sénonien inférieur) ; Si = calcaires silex (Sénonien supérieur) ; mol = molasse miocène. |
Or cette cassure est verticale et peut donc être considérée comme ayant eu un rejet coulissant (donc un décrochement au sens large du terme). Mais les couches du Sénonien de son compartiment septentrional, qui constituent à Pariset le fond du synclinal de Proveysieux, dessinent à sa bordure un étroit synclinal nord des Bruziers dont l'axe est proche de celui de la cassure, soit N80. Ces rapports indiquent que cet accident a dû fonctionner comme une déchirure oblique à la direction de mouvement du chevauchement, refoulant les terrains de sa lèvre nord en les rebroussant comme le fait la lame en biais d'un soc de charrue. C'est en outre la preuve qu'il constituait, du côté septentrional de la tranche de roche chevauchante, sa "rampe latérale" qui coulissait en même temps qu'avançait le chevauchement : au sens strict des termes cela en fait une faille de déchirure, ce qui est différent des vrais décrochements, dont le jeu est postérieur à celui des accidents qu'ils traversent.
Il faut ajouter que cette cassure se prolonge très vraisemblablement, avec le même azimut, au delà de son intersection avec le faille des Perrières, jusqu'à Seyssins village et à la vallée du Drac. On la perd au delà sous les alluvions de Grésivaudan mais cela laisse à croire que la partie grenobloise de la vallée de l'Isère héberge, au moins jusqu'à Villard Bonnot, un décrochement (sensu lato) similaire à ceux de la bordure orientale de la Chartreuse.
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C/ Du côté nord-ouest les pentes occidentales du sommet du Moucherotte s'abaissent de plus en plus rapidement par une inflexion anticlinale de belle ampleur. Les pendages s'y accroissement du haut vers le bas, faisant décrire à la carapace urgonienne une charnière monoclinale en genou, qui est garnie par du Sénonien sur le bas son flanc ouest (cette charnière est en outre légèrement accentuée par un décrochement mineur passant au collet supérieur des Trois Pucelles).
Par coutume et commodité on nomme ce pli l'anticlinal du Moucherotte, bien qu'il ne manifeste pas de basculement du sens des pendages (ils sont tous dirigés vers l'ouest), ce qui n'en fait donc qu'une flexure. Mais en fait celle-ci correspond bien à un anticlinal, à ceci près qu'il a été basculé vers l'ouest, avec toutes les couches qu'il affecte, au même titre que tout le reste de la couverture occidentale du massif cristallin de Belledonne, lors du soulèvement de ce dernier. |
Le pied du versant montre qu'il y a un contact brutal, de chevauchement, entre ces couches devenues verticales et les molasses du Miocène (très souvent conglomératiques) qui garnissent le plateau de Saint-Nizier, c'est-à-dire la bordure nord-est du val de Villard de Lans. On voit même, à la faveur des pistes forestières du pied du versant ouest du Moucherotte, que les affleurements de molasse des abords de Saint-Nizier se poursuivent, selon un tracé proche d'une courbe de niveau, à flanc des pentes boisées sous les affleurements sénoniens à pendage fortement redressé du Rocher de l’Âne.
![]() Coupes de la partie septentrionale du chaînon du Moucherotte Cette coupe essaye de confronter les deux compartiments séparés par l'accident des Bruziers (emplacement "réservé" en blanc) en projetant celui du bas (septentrional) selon l'azimut N40 qui semble être celui orthogonal au déplacement tant du chevauchement du Moucherotte que du coulissement de l'accident des Bruziers. On y a ajouté le profil des pentes immédiatement au sud de Comboire (noms de lieu entre parenthèses). ØM = chevauchement du Moucherotte (et son prolongement vraisemblable en basse altitude) ; ØC = chevauchement mineur du Tithonique de Comboire ; ac.Br = accident des Bruziers ; f.Pe = faille des Perrières (= chevauchement de la Chartreuse orientale) ; s.dB = synclinal de la Draye Blanche ; a.M = anticlinal du Moucherotte ; ; s.V = synclinal des Vouillants (flexure de la bordure orientale du synclinal de Villard-de-Lans) ; s.P = synclinal de Proveysieux - Pariset (flanc ouest modérément penté vers l'est) ; s.mS = grand synclinal méso-subalpin. |
C'est donc en définitive là, seulement 1 km au sud de Saint- Nizier que s'observe un accident presque N-S qui est le véritable "chevauchement du Moucherotte" : il y masque, en la recouvrant sans doute, la flexure synclinale du flanc oriental du grand synclinal de Villard-de-Lans puisque celle-ci, tranchée au NE de Saint-Nizier par l'accident des Bruziers, réapparaît effectivement plus au sud (voir plus loin).
![]() Le versant ouest du Moucherotte, vu du NW depuis les pentes d'Engins (Les Merciers). d.B = décrochement des Bruziers ; s.SN = synclinal de Saint-Nizier ; Ø.M = chevauchement du Moucherotte ; s.V = flexure synforme des Vouillants (flanc est du synclinal de Villard-de-Lans) ; fl.E = flexure des Engenières = flanc ouest du synclinal de Villard de Lans. Au sommet du Moucherotte les affleurements d'Urgonien supérieur n'atteignent pas la crête elle même : ils occupent seulement le cœur de petites ondulations synclinales, en contrebas du sommet (voir les clichés précédents). La charnière de l'anticlinal en genou du Moucherotte est dessinée par l'Urgonien inférieur des abrupts soutenant le plateau de la Croix des Ramées. A l'est de Roche Rousse c'est le tracé en jaune qui est considéré (à tort) par la carte géologique comme le prolongement du chevauchement du Moucherotte (voir la page "Lans"). |
Au sud des Volants, le chevauchement du Moucherotte doit se prolonger à peu près horizontalement dans la longue partie du versant où il disparaît sous les éboulis du Bois des Mures. Ils garnissent le fort rentrant du versant qui correspond aux sources du Bruyant mais au pied duquel des affleurements miocènes sont observables au bord de la route D.106. Dans le fond de ce rentrant, au dessus des éboulis qui masquent donc le tracé du chevauchement, les escarpements inférieurs du rebord des Ramées dessinent clairement, dans l'Urgonien inférieur, la charnière d'ailleurs presque anguleuse de l'anticlinal du Moucherotte. Mais son flanc ouest ne montre aucune tendance au rebroussement en crochon : au contraire ses couches subissent, ici comme plus au nord, un sectionnement par la surface de chevauchement, qui en recoupe la succession vers le haut jusqu'à y rejoindre le niveau des couches à Orbitolines dans sa portion individualisée sous le nom de chevauchement de la Croix des Ramées (voir page "Lans").
Sur cette transversale, au sud du rentrant du Bois des Mures, le versant de la montagne se prolonge vers l'ouest par l'échine de la Roche Rousse. Elle est formée par des couches du Sénonien à fort pendage vers le NW qui sont flanquées à leur pied, par du Miocène (qui les recouvre par un contact vraisemblablement stratigraphique). Leur orientation les conduit en tous cas à s'enfoncer vers le NE sous le chevauchement : il est assez patent que l'on assiste simplement là au recouvrement du flanc oriental du synclinal coffré de Villard-de-Lans par le chevauchement du Moucherotte.
En effet il n'y a là aucun indice pour croire, comme le dessine la carte au 1/50.000° que ces pentes de Roche Rousse seraient traversées, du nord au sud et vers le bas, par le prolongement du chevauchement du Moucherotte (voir plus de détails à la page "Lans"). |
Il est en outre remarquable que l'on retrouve dans la structure de Roche Rousse une disposition similaire à celle de la flexure synclinale des Vouillants du nord de Seyssinet (voir la coupe) et qu'elle se situe même dans son prolongement azimutal. Cette flexure synclinale se poursuit donc entre les deux, masquée sous la dalle des terrains chevauchants (et cela confirme que cette faille des Bruziers en constitue la rampe latérale mais n'en tranche pas le substratum).
En conclusion il est inexact de considérer (comme on l'a longtemps fait) que c'est la formation de l'anticlinal du Moucherotte, qui a entraîné celle de son chevauchement, par rupture et étirement de son flanc ouest. Ce dernier est en réalité tranché orthogonalement aux couches et n'a pas du tout joué le rôle d'un flanc inverse de pli couché. En fait l'anticlinal représente bien plus vraisemblablement la partie supérieure d'un couple de plis "en genou"* qui constituait le flanc oriental du synclinal coffré de Villard-de-Lans. C'est postérieurement qu'il a été rompu par l'apparition du chevauchement, lequel n'a même pas affecté d'un crochon le flanc ouest du pli anticlinal qu'il transportait. |
Carte géologique très simplifiée de la partie orientale du Vercors à la latitude de Grenoble.
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble
des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°",
par M. Gidon (1977), publication n° 074
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des couleurs
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Méaudre |
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![]() Moucherotte |
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