|
Sassenage, basse vallée du Furon. |
La ville de Sassenage (qui fait maintenant partie de la banlieue ouest de Grenoble) est située 5 km en aval de l'entrée sud-ouest de la trouée de l'Isère qui, à partir de Fontaine, sectionne l'extrémité nord-orientale du massif du Vercors. Grâce au travail des glaciers, qui a rendu abrupte la limite entre roche et alluvions fluviatiles, elle en donne une belle coupe (même s'il faut tenir compte de ce que l'orientation de celle-ci n'est pas orthogonale mais assez sensiblement oblique aux axes des plis : voir la page sur les rapports entre Vercors et Chartreuse).
Le fond, très plat mais incliné vers l'est, de la partie droite (occidentale) du synclinal
de Villard-de-Lans est limité du côté est par la flexure synclinale de Sassenage (rompue par le chevauchement) et du côté ouest par
la flexure des Engenières (raccord avec son flanc ouest,
flanc oriental de l'anticlinal de Sornin). |
A/ L'agglomération de Sassenage elle-même est dominée par une imposante falaise où les couches dessinent un pli spectaculaire dont l'image a été diffusée par bien des manuels (y compris dans ceux de l'enseignement secondaire). Contrairement à ce qui a souvent été dit et écrit ce pli n'est aucunement un exemple de pli-faille*, car la faille qui rompt les couches de son flanc ouest ne détermine aucun retournement ni étirement des couches en bordure de ses lèvres : celles-ci sont au contraire tranchées net, presque orthogonalement aux strates.
![]() L'anticlinal de Sassenage, vu du nord, dans l'axe du pli, depuis l'autoroute A.48 (Grenoble - Lyon), en rive droite du lit de l'Isère (pour ne pas encombrer la figure certains détails sont délibérément omis). Noter que les bancs du flanc ouest (coté droit) de l'anticlinal ne se renversent pas : ils sont tranchés franchement par le chevauchement de Sassenage (c.Sa). La formation du chevauchement de Sassenage est donc probablement indépendante de celle du pli ; mais est-elle antérieure ou postérieure ? (on trouvera une tentative de réponse plus bas dans cette page). |
Les couches du Sénonien qui affleurent sous le chevauchement y dessinent une inflexion synclinale, le synclinal de Sassenage. C'est dans ces couches, presque à la charnière du pli, que s'ouvrent les grottes de "Cuves de Sassenage" par lesquelles ressortent beaucoup des eaux infiltrés dans les fissures et gouffres du karst urgonien, sur le plateau de Sornin : il est clair que cette inflexion synclinale des couches joue le rôle d'une véritable gouttière collectrice pour ces eaux.
La charnière de ce pli, à axe N.15°, est observable immédiatement au sud du rond-point où s'embranche le début de montée de la D.531 montant en Vercors par les gorges d'Engins. Son prolongement en Chartreuse est constitué par le Rocher Cornillon (voir la page "Saint-Égrève"). |
B/ Le cours aval du Furon draine par le nord le Val de Lans par une entaille dans le fond du synclinal de Sassenage, dont les couches s'élèvent vers l'ouest avec un pendage modeste avant de se redresser pour constituer l'anticlinal de Sornin (voir la page "Sornin").
Le thalweg du Furon s'y inscrit pratiquement selon une orientation parallèle à l'axe du pli, qui est incliné vers le nord mais plus faiblement que le lit du torrent. De ce fait en remontant son entaille l'on traverse successivement les niveaux de plus en plus jeunes de ses couches, pour finir en amont d'Engins par le Sénonien supérieur qui y occasionne le rétrécissement terminal des gorges et en déboucher au village de L'Olette.
Un décalage de leurs limites d'affleurements est seulement introduit peu en aval d'Engins par le passage de la faille d'Engins, orientée à peu près N45 qui surélève sa lèvre sud-orientale : elle représente peut-être le prolongement sud-occidental de celle de Mollard Gargot (voir cliché plus haut) ; les données cartographiques indiquent que c'est apparemment cette faille d'Engins qui met un terme au prolongement sud-occidental du chevauchement de Sassenage.
Une entaille est pratiquée dans la corniche des calcaires du Sénonien supérieur de la rive orientale de la vallée par la gorge du Pas du Curé. |
![]() L'ensemble du val de Lans vu d'avion, du nord, depuis l'aplomb des Engenières de Sassenage. a.Sa = anticlinal de Sassenage ; c.Sa = chevauchement de Sassenage ; f.E = faille d'Engins (prolongement de celle du Mollard Gargot ?) ; s.Sa = synclinal de Sassenage ; d.B = décrochement des Bruziers ; ØM = chevauchement du Moucherotte (se raccordant au précédent) ; s.VL = synclinal, N-S, de Villard de Lans. Alluvions glaciaires wurmiennes (en bleu clair) : mW1 = moraine des Guillets (1° stade de retrait) ; mW2 = moraine des Charvets (2° stade de retrait). Le tracé de ces moraines, au flanc de la vallée du Furon, indique qu'une langue glaciaire s'engageait dans cette vallée ; tirets bleus fléchés = écoulements d'eaux de fonte. Le synclinal de Villard de Lans, dont le flanc ouest est constitué par la flexure des Engenières (fl.E), est vu d'enfilade dans la moitié droite du champ de la photo. Le plancher du val de Lans est disséqué, en avant de Lans, par la vallée du Furon (Engins). Celle-ci perce la carapace du Sénonien supérieur et ouvre, jusque très en aval d'Engins, une combe monoclinale dans le Sénonien inférieur du fond (à faible pendage vers la gauche) du synclinal de Villard de Lans (s.VL). |
C/ Les pentes de rive gauche de la vallée du Furon, qui s'élèvent vers Sornin et la Dent du Loup montrent, à peu près à mi-hauteur, une inflexion qui les redresse fortement. Si cette inflexion est relativement atténuée au sud d'Engins elle s'accentue au contraire vers le nord au débouché de la vallée du Furon. De ce fait le dessin des couches qui est à l'origine de ce trait de relief est particulièrement bien mis en évidence par la coupe naturelle de la trouée de l'Isère.
On y remarque notamment qu'entre le fond du synclinal de Villard-de-Lans et la voûte de l'anticlinal de Sornin (qui lui fait suite du côté ouest) le flanc commun à ces deux plis ne montre pas d'inflexion progressive : il est constitué par un panneau, presque plat lui aussi mais à fort pendage, que délimitent deux flexures monoclinales*, celle des Engenières et celle de Noyarey. Ces traits confèrent à ces plis la forme peu arrondie, plutôt anguleuse, qui est caractéristique des plis coffrés et qui est commune dans ceux du Jura. Cela rapproche clairement le style tectonique du Vercors de celui de cette dernière chaîne. |
Cette flexure synclinale des Engenières représente le bord occidental de la large gouttière tectonique qui a été appelée de longue date le synclinal de Villard-de-Lans. Cette observation met en évidence le fait que le dessin de ce pli et celui d'un pli coffré* possédant un large fond plat (mais doucement déclive vers l'est) encadré par les deux inflexions synclinales symétriques que sont la flexure synclinale des Engenières et, à l'ouest, le synclinal de Sassenage (voir la coupe d'ensemble, plus haut dans la page).
D/ Remarques concernant la formation du pli faillé de Sassenage :
L'interprétation la plus simple, qui vient immédiatement à l'esprit, est que la formation de l'anticlinal de Sassenage découle du jeu chevauchant de la faille de Sassenage et qu'il représente en quelque sorte un crochon d'entraînement dû au jeu de cette dernière. Mais, outre l'absence de déformation cisaillante telle que torsion et étirement en marge de la faille, plusieurs faits jettent le doute sur cette manière de voir : ils portent à se demander si la faille de Sassenage ne serait pas plutôt une ancienne faille extensive dont le plan de cassure aurait ultérieurement été basculé lors du plissement.
a) En premier lieu du côté septentrional (en Chartreuse) la faille de Sassenage se place exactement dans le prolongement du chevauchement de Mont-Saint-Martin, dont l'azimut et le sens de rejet sont identiques : elle en est donc le prolongement plus que vraisemblable.
Or ce dernier accident s'avére être une ancienne faille verticale déformée par un cisaillement compressif. En effet, au niveau du Jurassique supérieur - Berriasien, au Pas de l'Âne et surtout dans les gorges de la Roize, le miroir de cette cassure se révèle formé de tronçons sub-verticaux connectés en escalier par des tronçons sub-horizontaux chevauchants, ces derniers correspondant à des surfaces de glissement couches sur couches. Cela suggère qu'une cassure originellement sub-verticale a ultérieurement été déformée par un cisaillement à vergence* ouest de la pile des couches, évidemment identifiable à celui qui est associé au plissement général. |
On peut se demander si un tel schéma ne peut pas expliquer la dysharmonie affectant la voûte de l'anticlinal de Sassenage laquelle se manifeste par l'existence du chevauchement de Mollard Gargot : elle correspondrait à un glissement de la tranche supérieure des couches (Sénonien), quasiment à plat vers l'ouest, tandis que les niveaux moins élevés (Urgonien) étaient seuls affectés par le plissement.
b) D'autre part vers le sud le devenir de la faille de Sassenage pose problème. En effet son tracé peut être suivi en rive droite du Furon, grâce à plusieurs affleurements miocènes en amont sud du pont Charvet. Il y suit la bordure occidentale des pentes du Bois du Blanc, jusqu'à l'altitude de 650 m, selon un tracé orienté N.30. Plus au sud on le perd totalement, alors que l'inflexion synclinale des couches sénoniennes y reste perceptible, jusqu'à l'altitude de 850 m à Combe Curte, mais avec un tracé divergent, puisqu'orienté N.15.
![]() Coupe en rive droite du Furon, en amont du Pont Charvet (et du monument à la Résistance). Les schémas en pied de figure indiquent les deux étapes de déformation envisagées : la faille est supposée antérieure au plissement puis avoir été basculée par ce dernier. |
Cette dissociation entre azimuts de la faille et du pli, l'inexistence d'un dessin synclinal dans le Miocène observable et la disparition de ses couches vers le haut de la structure, là où le cœur miocène devrait logiquement d'épanouir, sont autant de faits qui interrogent sur la réalité d'une liaison entre la formation de la faille et celle des plis.
c) A cette altitude la carte géologique (feuille Grenoble) indique que la faille de Sassenage se raccorde du côté sud à la faille d'Engins. De fait en rive droite du Furon, la lèvre sud-orientale de cette dernière cassure surhausse la corniche des calcaires sénoniens du flanc ouest du synclinal de Sassenage. Mais l'azimut du tracé de cette cassure (N.50) est tout de même bien moins méridien que celui de la faille de Sassenage (ce qui impose un coude anti-horaire, bien visible sur la carte, qui manque de plausibilité).
Il est en fait bien plus aisé de considérer que la faille d'Engins se prolonge vers le NE à travers le plateau des Charvets et son garnissage de dépôts glaciaires (voir l'avant-dernier cliché de la présente page). Cette option est beaucoup plus séduisante car elle mène à raccorder son tracé à celui de la faille de Mollard Gargot selon un parcours à flanc de pente vers l'altitude de 850 m et à fournir ainsi une réponse à la question de son devenir au SW de la Ferme Durand (le tracé presque N-S que la carte lui attribue est dénué tant de fondement observationnel que de vraisemblance).
Cela revient d'ailleurs à poser la question du rapport entre le jeu de cette faille de Mollard Gargot et les autres accidents du secteur (voir ci-dessus).
En définitive, l'analyse (à la fois du nord au sud et de bas en haut) de ce dispositif structural semble mettre en évidence le fait que la disparition du pli et du chevauchement vers le sud, au sein du synclinal de Villard-de-Lans, semble lié à un amortissement du bas vers le haut de la succession.
|
|
Carte géologique très simplifiée de l'extrémité septentrionale du Vercors.
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble
des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°",
par M.Gidon (1977), publication n° 074
légende
des couleurs
|
|
|
Sornin | LOCALITÉS VOISINES | (Grenoble nord) |
|
|
|
|
![]() Sassenage |
|