Tectonique de la Vanoise |
La Vanoise (au sens large) est un vaste ensemble de nappes empilées, de différents ordres de taille, qui a en outre subi des déformations répétées, étagées dans le temps, dont les effets se sont superposés. Pour se faire une image appréhendable par l'esprit du dispositif tectonique très complexe qui en résulte on doit donc dégager d'abord les structures les plus vastes et les plus lisibles et n'examiner qu'ensuite les structures plus fines qui ne sont visibles que par une étude locale attentive.
Géométrie au niveau des ensembles majeurs
La répartition des affleurements de terrains "anté-alpins", d'âge paléozoïque ou plus anciens, correspond à trois gros bombements (plus ou moins anticlinaux), qui les ont portés assez haut pour que l'érosion les ait mis à nu et attaqués. Ils sont séparés par des sillons (plus ou moins synclinaux), plus étroits, où est conservée leur couverture "alpine" (terrains d'âge triasique à tertiaire ancien) :
Carte d'ensemble, extrêmement schématique, de la Vanoise La Vanoise occidentale n'est qu'une portion de la zone houillère briançonnaise (teinte orangée). La Vanoise "cristalline" est représentée en rose. La distinction entre couverture sédimentaire et soubassement "anté-alpin" n'est pas faite sur cette carte. u.M à u.pR = unités appartenant aux zones subbriançonnaise et Valaisanne (frangeant la zone briançonnaise du côté ouest) : u.M = unité de Moûtiers ; u.Q = unité du Quermoz ; u.cT = unité de Crève Tête ; u.N = unité du Niélard : u.gM = unité de la Grande Moendaz. On a souligné de couleur les couloirs de failles à fort pendage : f.m.T = faille de moyenne Tarentaise. ; accident de Brides - Longefoy (anciennement considéré comme chevauchement de la zone briançonnaise) ; cicatrice de Chavière - Champagny (limite orientale de la zone houillère briançonnaise). Les contours en noir sont des chevauchements ou des limites stratigraphiques (entre socle, en rouge, et couverture, en bleu). |
-1-- La Vanoise occidentale
est une large bande de terrains grossièrement N-S qui prolonge
au nord de l'Arc la "zone houillère" briançonnaise.
De fait un de ses traits majeurs est le fait que le soubassement
des dépôts permo-triasiques est formé d'une
énorme masse de grès, schistes et conglomérats
d'âge carbonifère (on pourrait la qualifier de Vanoise
houillère). Elle était donc préfigurée,
dès la fin du Primaire, par un profond bassin d'accumulation
de dépôts molassiques résultant de l'érosion
de la chaîne hercynienne.
Aucun témoin des nappes de schistes lustrés n'affleure dans ce
domaine, à l'exception de celui constitué par
la klippe du Mont Jovet, qui forme les crêtes au sud-ouest de La Plagne (mais sa mise en place à cet endroit semble résulter de phénomènes tectoniques plus tardifs que le charriage d'ensemble du matériel océanique liguro-piémontais, lequel ne semble donc pas avoir concerné le domaine de la Vanoise occidentale).
- Du côté ouest la Vanoise occidentale était sans doute originellement venue chevaucher les unités
des domaines plus externes, subbriançonnais et valaisan. Mais actuellement elle s'en sépare par un dispositif de cassures qui ne sont pas chevauchantes.
Dans ce site on l'a appelé "accident de Brides - Longefoy" (voir la page "Mont Jovet") : c'est un couloir tectonique rempli par des gypses qui emballent par places des lentilles tectoniques d'autres terrains ; il est limité par deux failles à fort pendage, localement même verticales, orientées N-NE - S-SW dont la plus occidentale était anciennement considéré comme la surface de charriage frontale du Briançonnais. Cet accident majeur (anciennement considéré comme le coussinet "lubrifiant" du charriage de la nappe briançonnaise) recoupe en fait obliquement les plis et imbrications, bien plus faiblement pentés, qui affectent les deux domaines situés de part et d'autre. Vers le nord il se connecte, à la latitude d'Aime, avec la "faille de la moyenne Tarentaise" et se rattache ainsi à un système plus vaste d'accidents affectant les confins occidentaux de la zone briançonnaise, dont
le jeu (relativement récent) a été extensif et/ou
coulissant.
- Du côté est la Vanoise occidentale est
limitée par rapport à la Vanoise orientale par un autre sillon tectonique, se rétrécissant vers le bas et s'épanouissant vers le haut, jalonné
de gypses et de cargneules, la "cicatrice de Chavière".
Cet accident n'est que le prolongement vers le nord du grand "linéament briançonnais oriental", connu dans le bassin supérieur
de la Durance et jusqu'en Val Maira, sur le versant italien des
Alpes (voir la page spéciale consacrée à
cet accident).
Plus au nord encore, dans les pentes nord-orientales
de la station de La Plagne, la trace du linéament briançonnais
oriental semble se perdre, car elle y est intersectée par le chevauchement
septentrional de la Vanoise orientale sur la zone houillère
briançonnaise. |
Les massifs qui sont situés à l'est de la cicatrice de Chavière, Vanoise proprement dite, Haute Maurienne et Haute Tarentaise, peuvent être englobés sous le qualificatif de Vanoise cristalline. En effet ils se distinguent globalement par l'absence de houiller et par la mise au jour d'un socle métamorphique (de constitution variable selon les transversales) qui supporte directement les dépôts permiens ou mésozoïques. Ils appartenaient donc à un bloc surélevé, en marge est du bassin molassique briançonnais formé à la fin de l'orogenèse hercynienne. En outre leur couverture sédimentaire briançonnaise y supporte de larges témoins des nappes de schistes lustrés piémontais, qui n'ont été que partiellement entaillés par l'érosion.
Cette Vanoise orientale est elle-même subdivisée transversalement par un accident transverse, orienté WSW-ENE, qui court depuis Pralognan jusqu'au pied nord de la Grande Casse sous l'aspect d'un sillon synclinal, le synclinorium de Pralognan. L'axe de ce pli semble trouver au delà, un prolongement représenté par un système de failles tardives, post-nappes, l'accident de Chardonnet-Rhêmes. Cette zone de fracture (d'existence toutefois douteuse : voir les pages Col du Palet , Tignes , Chevril et Franchet) court depuis le haut vallon de Champagny, en traversant la haute Tarentaise, jusqu'au nord-est de Val d'Isère dans le val de Rhêmes en Italie). Elle pourrait avoir fonctionné de façon relativement tardive car elle recouperait les unités imbriquées ainsi que les plis qui affectent leur empilement.-2-- La Vanoise sud-orientale correspond aux deux rives de l'Arc (Haute Maurienne) et aux bassins
versants de ses affluents (notamment ceux des vallons de la Leisse
et de la Rocheure, en rive droite).
Le matériel briançonnais de cet ensemble affleure
essentiellement dans la coupole oblongue, orientée N-S,
du massif de Chasseforêt - Dent Parrachée, dont le
coeur est formé de micaschistes anté-permiens (attribués
au paléozoïque inférieur, en raison de la présence
d'intrusions granitiques d'âge ordovicien).
Du côté est ce soubassement briançonnais disparaît
le plus souvent sous le matériel des nappes de schistes
lustrés piémontais, dans lesquelles s'inscrit en
totalité le cours supérieur de la vallée
de l'Arc en amont de Termignon. Entre Termignon et Modane le lit
de la rivière suit par contre la limite méridionale
de la coupole de Chasseforêt, là où son matériel
briançonnais plonge sous les nappes de schistes lustrés. Cette disparition du socle correspond à un grand pli NE-SW, parallèle au synclinorium
de Pralognan, que l'on pourrait appeler le synclinorium de la haute Maurienne. Le soubassement briançonnais de ces nappes est également
mis à nu en fenêtres (ouvertes du côté
italien) autour de Val d'Isère, au nord de Lanslevillard
et à Bonneval (où le socle appartient au massif
du Grand Paradis).
Coupe de la marge méridionale de la Vanoise, à peu près selon le tracé de la vallée de l'Arc Les relations géométriques entre les grands ensembles rocheux sont figurées de façon très schématique mais relativement objective, sans prendre en compte aucune hypothèse relative à leur mise en place. Noter que, de part et d'autre de cette coupe, le socle de Chasseforêt s'enfonce vers le sud tandis que celui d'Ambin et celui du Grand Paradis s'enfoncent vers le nord. De haut en bas s'empilent les unités tectoniques suivantes : SLss = unité des schistes lustrés sommitaux ; SLs, SLm = unités de schistes lustrés intermédiaires (" supérieures" et "médianes") ; SLi = unités de schistes lustrés inférieures. ts-e = séries carbonatées de type Grande-Motte (Trias supérieur à Éocène) ; tG = "nappe des gypses" ; tm-e = séries carbonatées briançonnaises (Trias moyen à Éocène) ; ti-P = Tégument siliceux du socle de la Vanoise orientale (Trias inférieur et Permien) ; hr-P = paléozoïque de la Vanoise occidentale. c.Ch = cicatrice de Chavière = faisceau de failles du linéament briançonnais oriental à cette latitude (voir la page spéciale consacrée à cet accident) |
-3-- La Vanoise nord-orientale
correspond aux bassins versants du Doron de Champagny et du Ponturin
(c'est-à-dire des affluents de rive gauche de l'Isère),
avec les sommets du Mont Pourri, de Bellecôte et du Grand
Bec. D'un point de vue structural elle se poursuit, en Haute
Tarentaise, en rive droite du cours de l'Isère dans le massif d'Archeboc.
La masse principale du socle y est constituée par une succession
riche en passées volcanogènes qui comporte en outre
d'épais micaschistes sombres charbonneux. Ce dernier caractère
avait fait penser qu'il s'agissait de carbonifère métamorphique,
mais l'analyse pétrogénétique de cet ensemble
conduit plutôt à y voir du Paléozoïque
inférieur. Sa structure est en outre complexe, avec une
partie inférieure disposée en série renversée.
De haut en bas s'empilent les unités tectoniques suivantes : js? = séries carbonatées et bréchiques minces reposant stratigraphiquement sur le socle cristallin ; noter que ce dernier est en série renversée sous cette surface de transgression et que cette coupe fait apparaître une réduction de l'épaisseur de ce soubassement cristallin, du sud-est vers le nord-ouest (voir l'interprétation proposée, plus bas dans cette page) |
Que ce soit en Vanoise nord-orientale ou sud-orientale il est un trait de la disposition tectonique du socle cristallin qu'il convient de bien prendre en compte : il s'agit de la très grande dissymétrie de ces coupoles de socle, qui fait que l'on ne peut pas les considérer comme de simples bombements anticlinaux affectant un banal interface "stratigraphique" correspondant à la surface de la pénéplaine anté-triasique.
En effet du côté occidental le socle, (garni par sa couverture siliceuse puis carbonatée) dessine une voûte anticlinale réduite à son seul flanc ouest (on peut donc parler de "demi-voûte). Il y est par ailleurs patent (en particulier sur le pourtour nord-occidental des glaciers de la Vanoise (de la cime de la Valette à la Réchasse) que la succession stratigraphique subit une réduction d'ouest en est, par disparition de certains niveaux à tour de rôle et par onlaps des couches jurassiques.
Au contraire du côté oriental les terrains sédimentaires, d'ailleurs réduits à des marbres et brèches attribuées au Jurassique, reposent en totale discordance, sans semelle sédimentaire siliceuse, et par une surface très oblique à ce que devait être celle de la pénéplaine anté-triasique, sur des niveaux variés du socle cristallin, parfois profonds et souvent disposés en série renversée.
Toutes ces dispositions plaident en définitive de façon convergente pour voir, dans ces affleurements de socle cristallin de Vanoise orientale, la partie haute d'un ancien bloc basculé, découpé au Jurassique comme les blocs similaires des massifs cristallins externes mais déformé ensuite bien plus intensément, au point que la faille majeure qui le limitait du côté oriental aurait été basculée vers l'ouest presque jusqu'à l'horizontale. La disposition, très divergente vers le bas, des deux surfaces "de base" supportant les sédiments qui s'appuient sur ces blocs de socle cristallin a, en outre, une conséquence géométrique qui n'a, à ma connaissance, jamais été remarquée. C'est le fait que le plissement transverse, d'axe grossièrement E-W, qui les affecte dans le secteur de Pralognan et du col de la Vanoise ne s'exprime pas par la même géométrie, d'un flanc à l'autre du bloc de socle : au synclinorium de Pralognan, dont l'axe descend vers cette localité du côté ouest, correspond, à l'est du col de la Grande Casse, l'antiforme de Rossolin dont l'axe plonge au contraire vers l'est ; de même le bombement anticlinal qui affecte le côté ouest du bloc de socle à la latitude du Grand Bec se traduit du côté est du bloc par les inflexions et pincements synformes du secteur de la Sauvire (où sont conservés les placages sédimentaires qui garnissaient peut-être la paléo-faille). Schéma très simplifié de la géométrie de la surface du socle cristallin à la latitude de Pralognan et plus au nord (essai d'interprétation par le basculement et la torsion d'une paléo-faille). Il faut remarquer que ce schéma ne prend pas en compte la structuration en pli couché qui concernerait le socle cristallin du massif de Bellecôte (laquelle concerne au moins le secteur de ce schéma situé au nord du Grand Bec). |
En outre le socle de la Vanoise septentrionale est découpé par une cassure globalement proche de la verticale dont le tracé est courbé de façon concave vers le nord. Elle correspond du côté oriental à la faille du Col du Palet et du côté occidental au chevauchement du col de La Chiaupe. Elle sépare une partie nord-orientale (Bellecôte et Vallaisonnay) d'une partie périphérique, sud-orientale (Roche de Mio et Grand Bec). Cette dernière dessine un croissant de lune à concavité ouverte vers le nord au creux duquel s'inscrit la précédente, cette torsion semblant être le résultat de l'emboutissement de la partie sud par un mouvement vers le sud de la partie nord. En définitive la géométrie des rapports entre les unités tectonique qui convergent ici évoquent le résultat d'une torsion spirale, véritable vortex sénestrogyre qui est centré sur la Glière de Champagny. le contenu de cet encadré est encore en cours de rédaction ! |
Il faut noter par ailleurs qu'en Vanoise sud-orientale (revers est du massif de Chasseforêt) la puissante série Norien-Éocène de la Grande Motte vient en contact direct avec des niveaux profonds du socle de la même façon que la série hyper-réduite de la Vanoise nord-orientale avec ceux du massif de Bellecôte - Grand Bec : cela conforte l'opinion (développée plus loin) selon laquelle cet ensemble lithologique de la Grande Motte, considéré initialement comme une klippe appartenant à une nappe d'origine plus ou moins lointaine, pourrait être presque à sa place originelle, et représenterait le contenu d'un profond hémigraben situé immédiatement à l'est des actuels affleurements de socle cristallin. |
--- Les marges nord et est de la Vanoise cristalline (vallée de la Tarentaise) se montrent affectées de complications supplémentaires qui ont trait aux rapports de ce socle cristallin avec les terrains sédimentaires des domaines limitrophes.
Sur sa bordure nord-ouest, dans le haut versant de rive gauche de l'Isère en moyenne Tarentaise (environs de Peisey), le socle cristallin de cet ensemble se révèle ployé en un important pli couché qui recouvre, par un chevauchement presque horizontal, le prolongement septentrional de la Vanoise houillère. La couverture siliceuse et carbonatée de cette dernière est affectée d'accident extensifs qui semblent prolonger vers le NE la "cicatrice de Chavière".
Vers l'est et le sud-est, en haute Tarentaise (surtout en rive droite de l'Isère en aval de Val d'Isère), ce socle cristallin s'enfonce sous les nappes de schistes lustrés piémontais dans lesquelles est presque partout sculptée la crête frontière. Mais sous cette couverture tectonique il se rebrousse vers le sud-est en chevauchant ces schistes lustrés ainsi que les unités de matériel sédimentaire siliceux et carbonaté les plus internes de la zone briançonnaise, qui en constituent là le soubassement ; ces dernières représentent assez vraisemblablement le prolongement de la couverture de la coupole d'Ambin de Vanoise méridionale.
L'origine de ces rapports, très complexes, semble pouvoir être recherchée dans la déformation du système de blocs basculés invoqué plus haut : une première déformation, proverse, aurait tordu les blocs de socle en basculant vers l'ouest leur partie la plus haute ; il est vraisemblable qu'elle ait été déclenchée par l'arrivée des nappes de schistes lustrés et associée au débitage de la couverture en unités tectoniques imbriquées ; une déformation ultérieure, au contraire rétroverse, aurait agi sur ces unités charriées et sur la crête du bloc de socle pour les déformer en plis déversés vers le sud-est (cf. schémas ci-après).
Essai de reconstitution des évènements tectoniques successifs de la bordure nord-orientale de la Vanoise, en Haute Tarentaise. |
Géométrie structurale au sein de ces trois ensembles
La tectonique alpine des terrains
anté-alpins (c'est-à-dire du socle, du houiller
et des terrains siliceux permo-triasiques) semble à première
vue assez simple, mais cette impression est illusoire.
- En Vanoise occidentale le matériel houiller montre
localement, surtout à sa marge orientale, des systèmes
de plis couchés impliquant la couverture mésozoïque.
Plus à l'ouest de telles structures ne semblent guère
présentes, mais cela vient peut-être de ce qu'elles
ne sont pas faciles à observer, en l'absence de niveaux
repères pouvant les souligner.
- En Vanoise proprement dite (orientale) les deux vastes coupoles qu'y
dessine la surface du socle cristallin cachent des dispositions
géométriques internes complexes dans lesquelles
il est difficile de faire la part de la tectonique anté-alpine.
En outre il s'avère que des phénomènes de
désolidarisation par rapport au socle ont permis aux terrains
siliceux permo-triasiques de s'imbriquer et même de se plisser
en plis couchés isoclinaux, indépendamment des structures
du socle sous-jacent
Les terrains mésozoïques montrent des structures plissées parfois spectaculaires, notamment dans les calcaires et dolomies triasiques, où les rayons de courbure des plis restent de grande taille et les charnières réglées sur de grandes distances. Dans les marbres du Jurassique supérieur et du Crétacé on observe souvent des plis très fermés, parfois isoclinaux, qui sont souvent reployés, parfois de façon complexe, et ne présentent pas toujours une grande continuité.
Le trait fondamental de la structure des terrains mésozoïques de Vanoise est d'être disposés en nappes empilées. On y distingue 3 groupes de nappes qui sont de bas en haut :
--- Les nappes briançonnaises
sont caractérisées par le développement de
leurs carbonates triasiques. Si leurs séries stratigraphiques
post-triasiques sont assez différentes (voir la page "stratigraphie"), ces variations (qui servent à
faire des distinctions locales et à rechercher les coordinations
entre unités) n'influent guère sur le style tectonique.
Celui-ci se caractérise d'une façon générale
par des répétitions de couches, par chevauchements,
donnant des structures imbriquées en "écailles"*.
Mais cela n'exclue nullement la présence de nombreux plis,
dont beaucoup reploient les surfaces de chevauchement des "écailles"
imbriquées (ce qui atteste de la superposition des effets
de plusieurs phases de déformation).
La couverture propre ("autochtone") du socle de la Vanoise
septentrionale se caractérise par un comportement tégumentaire,
en restant adhérente à ce socle cristallin. Ceci
ne l’empêche pas d'être entraînée par des
écaillages affectant ce socle, notamment en haute Tarentaise
et sur le versant italien.
--- Les nappes à
affinités piémontaises - dans l'acception large
adoptée ici (voir la page
"stratigraphie") - sont représentées par
deux groupes d'affleurements :
a - les deux gros blocs montagneux de la Dent Parrachée et de la Grande Motte, qui constituent un ensemble lithologique bien individualisé, sont classiquement interprétés
comme des fragments d'une vaste "nappe de la Grande Motte",
reposant par charriage sur les couvertures, à série
beaucoup plus réduite, du socle de la Vanoise méridionale. Ils montrent, particulièrement dans la partie haute de leur succession
(Malm et Crétacé supérieur), lorsqu'elle est
conservée, un système de plis complexes parfois
en forme de plis couchés isoclinaux (voir
en particulier la page "Pramecou").
** La signification et la mise en place tectonique de cet ensemble lithologique n'est pas
évidente : voir les remarques complémentaires en fin de page).
b - le groupe anciennement dénommé "faisceau du Prariond" est formé, dans le cirque des sources de l'Isère, d'écailles imbriquées entre les unités briançonnaises
et les nappes de schistes lustrés ; on peut y distinguer les deux lames tectoniques inclinées vers l'ouest que sont l'unité du Malpasset de caractère Piémontais externe accusé et l'unité du Prariond, dont le Trias supérieur supporte des schistes lustrés.
Le prolongement sud-oriental de cette dernière, surtout formé de cargneules, s'intercale plus ou moins entre les unités de schistes lustrés des confins de la Haute
Maurienne et ceux de la Haute Tarentaise. Anciennement
désigné dans la littérature sous le nom
de "faisceau de l'Iseran", il passe en contrebas oriental du
col de l'Iseran et dans les pentes orientales de Méan Martin
pour se terminer, en une boutonnière anticlinale déversée
vers le nord-est, dans les pentes de rive nord de l'Arc au niveau
de Lanslebourg. Le matériel qu'elle ramène là au jour
est en majeure partie rapportable au briançonnais
proprement dit.
--- Les nappes de schistes
lustrés, formées de calcschistes métamorphiques,
sont dotées ou non de matériel ophiolitique. Les
auteurs récents y ont distingué quatre groupes d'unités,
grossièrement superposés de haut en bas comme suit
:
- Des unités tout-à-fait supérieures ("sommitales"), rapportées à une nappe de la Pointe
du Grand Vallon. Elles sont formées par un flysch*
schisto-calcaire, à lits de quartzites (notation n.gV sur
les figures de ce site).
- Des unités supérieures, qui forment
les crêtes des sommets de la Grande Sassière,
de la Sana et des Lorès. Elles appartiendraient à une nappe de la
Grande Sassière et sont constituées par des schistes
lustrés en prédominance calcaires (notation n.Sa sur
les figures de ce site).
- Des unités "médianes". Au sein de ces dernières les
plus élevées dans l'édifice tectonique constituent
la nappe de Méan Martin (notation n.MM sur
les figures de ce site), qui
affleure surtout sur le versant Tarentaise de la crête de
partage des eaux entre Isère et Arc. Elle est constituée
de schistes lustrés à prédominance argileuse,
souvent riches en intercalations ophiolitiques (sans doute surtout
des olistolites, plutôt que des fragments de l'ancien fond océanique, d'ailleurs). Dessous vient la nappe du Charbonnel
(notation n.Ch sur les figures de ce site),
qui affleure surtout en rive gauche de la Maurienne. Elle est
constituée par des schistes lustrés en prédominance
calcaires dont le terme supérieur, particulièrement
carbonaté, est formé de marbres plaquetés.
- Des unités inférieures, affleurant
au pourtour du massif cristallin du Grand Paradis, aux abords
de Bonneval et dans les vallées de rive gauche de la haute
Maurienne. Elles sont constituées par des alternances schisto-calcaires
qui hébergent d'importantes masses de roches vertes. On
peut y distinguer une nappe de l'Albaron et de l'Aiguille
Pers (notation n.Al sur les figures de ce site)
recouvrant une nappe basale, des abords de Bonneval (notation
n.Bo sur les figures de ce site)
dont les calcschistes ne sont séparés du socle cristallin
que par des calcaires jurassiques et/ou des cargneules
--- Enfin un trait particulier
à la Vanoise est la présence de la "nappe
des gypses", constituée par des gypses du
Trias supérieur et des cargneules qui leur sont
associées. Ces gypses semblent indépendants à
la fois des unités briançonnaises et des unités liguro-piémontaises,
de sorte qu'il est commode de les considérer comme une
entité autonome mais dont le statut n'est sans doute pas,
comme pour les autres nappes, celui d'une tranche de terrain cohérente
transportée depuis un secteur paléogéographique
propre, caractérisé par une succession stratigraphique
particulière (encore que, aux environs de Termignon, elle
semble se rattacher à la nappe de la Grande Motte dont
elle pourrait constituer ici la partie la plus basale).
En effet ces roches occupent ici une place particulièrement
importante dans certains secteurs, où elles se sont accumulées
sur plusieurs centaines de mètres d'épaisseur. Vis
à vis des nappes de schistes lustrés elles jouent
le rôle d'un coussinet basal de charriage mais ne présentent
à l'évidence aucune liaison stratigraphique. Ces
amas de gypses et cargneules reposent souvent sur les terrains
briançonnais sous jacents en tranchant, comme par une surface
d'érosion, les dispositifs structuraux qui s'y développent.
Le matériel gypseux s'intrique même, parfois, de
façon extrêmement capricieuse avec le matériel
carbonaté briançonnais, comme si ce dernier avait
été bousculé et déplacé au
sein des gypses.
L'origine du matériel de la nappe des gypses est
totalement énigmatique. Mon avis est que l'on a sans doute
pas suffisamment examiné les implications qui résultent
de ses rapports avec le linéament briançonnais oriental
(voir la page spéciale), accident qui est précisément
caractérisé par l'abondance des gypses et cargneules
qui le jalonnent. De plus ces roches reposent souvent sur les
bordures de cette bande faillée de façon "flottante",
en reposant sur des surfaces d'abrasion, comme c'est le cas en
Vanoise : ceci suggère une mise en place par expulsion
puis étalement (extravasion*) le long de cet
accident.
** Concernant plus précisément l' "unité
de la Grande Motte", qui englobe ce dernier sommet et
la crête qui le joint à celui de la Grande Casse,
on peut s'interroger sur un certain nombre de caractères
bizarres qui cadrent mal avec l'interprétation qui consiste
à y voir presque une klippe, posée par charriage
sur des unités briançonnaises originellement plus
externes. Ces observations portent à envisager une hypothèse
relativement "autochtoniste". Celle-ci considère
que le matériel attribué à la nappe de la
Grande Motte n'est pas séparé de la couverture briançonnaise adhérente
au socle cristallin qui affleure plus à l'ouest, par une surface
de chevauchement majeure mais, au contraire, s'y raccorderait par un synclinal masquant l'emplacement d'une importante paléofaille anté-Malm. L'unité de la Grande
Motte correspondrait seulement à un gros anticlinal,
déversé vers l'ouest et le nord-ouest par dessus
le massif de Chasseforêt (et, plus au nord, sur la marge SE de celui de
Bellecôte - Mont Pourri). La formation de ce pli serait
due à l'expulsion, lors des serrages alpins, du contenu
de l'hémigraben à remplissage liasique originellement
situé au revers nord-oriental de l'actuel socle de la Vanoise
méridionale (voir la page "stratigraphie"). Le passage brutal d'une série d'hémigraben à une série de crête d'un bloc basculé, qui a fait croire à un contact tectonique de chevauchement, serait donc d'origine purement paléogéographique et correspondrait simplement au jeu de l'ancienne faille extensive, cachetée au Malm, qui limitait les deux domaines sédimentaires ici juxtaposés, |
Chronologie des déformations
Les travaux des auteurs récents ont conduit à distinguer au moins 4 étapes de déformation, chacune caractérisée par un style de déformation et une orientation propre des contraintes. Ce sont, en remontant le temps :
- Phase 4 : accidents
tardifs variés : bombements anticlinaux du socle cristallin,
notamment du Grand Paradis, de la Vanoise nord-orientale et
de la Vanoise sud-orientale (formation, entre ces deux derniers,
du synclinorium du col de la Vanoise) et chevauchement de la
Vanoise septentrionale sur la zone houillère en moyenne
Tarentaise.
On envisage aussi de lui attribuer le chevauchement des unités
briançonnaises classiques sur la couverture adhérente
(très réduite) de la Vanoise septentrionale et le recouvrement, par un déplacement d'ensemble
des unités de schistes lustrés et de la "nappe
des gypses" (leur servant de semelle) pour venir recouvrir
la surface d'érosion qui tranche les parties les plus élevées de beaucoup
d'unités briançonnaises.
Enfin, pour certains, ce serait l'étape d'un jeu (coulissant
sénestre ?) de la "cicatrice de Chavière"***.
- Phase 3 : Plis souvent ouverts, parfois pincés, déversés vers le sud le sud-ouest ou le sud-est ("rétro-déversement"). Certains envisagent que ce soit aussi l'étape du jeu principal de la "cicatrice de Chavière".
- Phase 2 : Plis couchés souvent isoclinaux, accompagnés du développement d'une schistosité intense, déversés grossièrement vers le nord, formés sous des conditions métamorphiques indiquant une surcharge progressivement décroissante.
- Phase 1 : Charriage des différentes nappes, sous conditions métamorphiques (sauf en Vanoise occidentale), et décollement de la couverture briançonnaise par rapport à son socle cristallin (Vanoise orientale) ou par rapport à son soubassement houiller (Vanoise occidentale)
*** Cette manière
de dissocier les mouvements de la couverture en Vanoise nord-orientale
par rapport aux mouvements similaires qui l'affectent en Vanoise
sud-orientale peut soulever un certain scepticisme.
En effet il ne semble pas y avoir de différence notable
dans l'allure des structures formées aux dépens
du matériel briançonnais classique, ni dans leurs
rapports avec le matériel de la "nappe des gypses". On voit par ces quelques remarques (parmi d'autres non formulées ici), que la chronologie et les mécanismes de la structuration de la Vanoise ne sont pas encore élucidés avec une totale clarté... |
1/ Entités tectoniques majeures :
Br = nappe du Briançonnais au sens large
- ØVs = chevauchement du socle de la Vanoise septentrionale sur la zone houillère (au nord-est de La Plagne)
- n.gM = nappe de la Grande Motte (et "faisceau du Prariond") ; ØgM = sa surface de chevauchement.
- n.G = "nappe des gypses" ; ØG = sa surface de chevauchement.
Diverses unités secondaires de la couverture carbonatée briançonnaise :
- u.rP = unité du Roc de la Pêche,
- u.A = unité de L'Aliet,
- etcSL = nappe des schistes lustrés (zone liguro-piémontaise) ; ØSL = surface de chevauchement basale.
Au sein de cette vaste nappe on reconnaît plusieurs surfaces de chevauchement, correspondant aux diverses nappes "ligures" imbriquées, qui sont en général disposées dans l'ordre suivant (de haut en bas) :
- n.gV = nappe "sommitale" (à faciès flyschoïdes) du Grand Vallon ;
- n.Sa = nappe "supérieure" (à faciès calcaires) de la Grande Sassière, de la Sana ;
- n.MM = nappe "médiane" (à faciès schisteux) de Méan Martin etc... ;
- n.Ch = nappe "médiane" (à faciès calcaires prédominants) de Charbonnel
- n.Al = nappe "inférieure" (très riche en roches vertes) de l'Albaron et de la Pointe Pers .
- n.Bo = nappe "basale" des alentours de Bonneval
c.Ch = c.C = "cicatrice" de Chavière - Champagny
consulter aussi : Tectonique du Briançonnais (pour comparaisons et analogies) |
Stratigraphie - Relief de la Vanoise |