Stratigraphie de la Vanoise |
On trouvera à la page "Formations stratigraphiques" la liste et la diagnose lithologique abrégée des formations constituant les diverses séries stratigraphiques. Des clichés des roches de cette région sont présents à la page "Roches des zones internes alpines". |
La Vanoise proprement dite est essentiellement
constituée par des terrains sédimentaires d'âge
secondaire qui appartiennent au domaine paléogéographique
désigné du nom de zone briançonnaise,
mais aussi par d'assez larges affleurements de leur socle d'âge
primaire.
Par contre la marge orientale de la Vanoise, au voisinage de la
frontière franco-italienne (Haute Tarentaise et surtout
Haute Maurienne) est essentiellement formée de roches sédimentaires
d'âge secondaire qui se rattachent aux dépôts
du domaine piémontais au sens large.
1) Semelle siliceuse
On peut ranger sous cette dénomination l'ensemble des terrains antérieurs au Trias moyen.
- a - Les terrains anté-permiens de cette semelle siliceuse ont une succession stratigraphique différente selon que l'on se trouve à l'ouest ou à l'est de la ligne de cassure majeure appelée "cicatrice de Chavière".
- la Vanoise "houillère", à l'ouest d'une ligne Pralognan - Modane, se caractérise par un soubassement de terrains primaires d'âge houiller, non métamorphique. Cette "zone houillère" prolonge simplement vers le nord celle du domaine axial des montagnes du Briançonnais. Le socle cristallin hercynien n'y affleure nulle part, peut-être parce que le houiller en a été décollé lors des charriages ou plus simplement parce qu'il est masqué en profondeur sous l'épaisseur considérable des dépôts du bassin houiller briançonnais.
De bas en haut on trouve tout d'abord les formations
schisto-gréseuses du Houiller. Ces dernières
hébergent accidentellement des bancs durs plus ou moins
massifs qui sont formés soit de grès massifs, soit
de conglomérats, soit de lits de laves (microdiorites principalement)
injectées entre les couches ("filons-couches").
Il s'y intercale aussi des lits, décimétriques à
métriques, de charbon (anthracite) qui ont été
exploités (surtout dans la vallée de la moyenne Tarentaise).
Le terme supérieur du houiller, ou "assise de
Courchevel" est formée par des grès
versicolores et surtout des conglomérats à galets de gneiss qui sont attribués
au Stéphano-Permien (plus précisément Stéphanien moyen-Autunien).
Cette succession se termine vers le haut par les gneiss du Sapey. Cette formation (dont le nom vient d'une localité des environs de Modane) est constituée de roches métamorphiques dont les conditions et l'époque de mise en place ne sont pas évidentes.
On a longtemps pensé que ces roches correspondaient à un ensemble de formations volcano-détritiques permiennes (appartenant à un ancien appareil volcanique) qui auraient fait preuve (en raison de leur nature) d'une sensibilité exceptionnelle aux effets du métamorphisme alpin. Cette interprétation de F. Ellenberger se basait sur l'observation du fait que ces gneiss affleurent de façon apparemment interstratifiée entre le Permo-houiller et le Trias inférieur. C'est ce qu'illustrent notamment les affleurements de la Saulire, près de Courchevel et ce que l'on observe au sud comme au nord de la frange orientale de la zone houillère (voir notamment les pages "Péclet", "Les Arcs" et "Peisey"). La mise en évidence du caractère d'anciens granites de leurs faciès oeuillés et la détermination par radio-chronologie de leur âge paléozoïque anté-varisque (plus de 430 MA) interdisent désormais cette interprétation. Elle conduit au contraire à voir dans les Gneiss du Sapey des témoins fragmentaires d'un socle métamorphique qui, à l'instar de celui de la Vanoise orientale (voir ci-après) serait dépourvu de couverture houillère et supporterait directement les dépôts permo-triasiques. En outre le fait que, presque partout où on les observe, les gneiss du Sapey recouvrent le Houiller avec accordance de leurs litages a conduit les auteurs récents (voir la notice de la carte "Névache" du B.R.G.M., p. 23) à expliquer cette superposition par l'intervention d'un charriage : ce serait celui d'une nappe originaire d'une "zone du Sapey" située à l'est de la zone houillère briançonnaise. Cette origine hypothétique est évidemment suggérée par l'extension des affleurements de gneiss du Sapey, qui se limite à la marge orientale de la zone houillère (même si un petit affleurement a été cartographié bien plus à l'ouest, dans le chaînon du Geffriand). Toutefois cette interprétation soulève plusiers objections difficilement négligeables. Tout d'abord on s'explique mal pourquoi un accident tectonique théoriquement aussi important se manifeste de façon si peu évidente sur le terrain. Cette faible visibilité se traduit d'ailleurs sur les cartes géologiques du BRGM (feuilles Moutiers et Modane) par le fait que son tracé probable n'est souligné par aucun trait gras. Elle est en outre particulièrement accentuée, dans le massif de Polset, par la complication des intrications entre gneiss et houiller que ce tracé est censé y dessiner. Mais surtout on ne s'explique pas pourquoi l'on ne voit nulle part s'engager des couches mésozoïques sous les gneiss du Sapey, ces derniers ne reposant jamais que sur du Houiller (voir notamment les pages "Les Arcs" et "Peisey) et jamais sur des terrains permo-triasiques ou plus récents. Ceci reste un argument très fort à l'encontre d'un âge alpin et en faveur d'un âge antérieur au Permo-Trias (phase saalienne ?) pour la mise en place de ces gneiss. Toutefois ce que l'on croit savoir du contexte tectonique varisque dans les Alpes ne rend que peu vraisemblable l'hypothèse que cette mise en place puisse résulter d'une tectonique compressive de cet âge. C'est pourquoi certains ont envisagé une tectonique extensive soulevant un massif de socle (prolongement méridional éventuel de celui du Ruitor) dont se seraient détachés, au Permo-Trias, des paquets glissés, resédimentés a sa marge occidentale. |
- la Vanoise "cristalline", à l'est de la ligne Pralognan - Modane (= Vanoise nord-orientale et sud-orientale), montre au contraire un socle primaire dépourvu de dépôts houillers. Il est formé de roches cristallines métamorphisées lors de la formation de la chaîne hercynienne. Les schistes et les grès permiens reposent directement sur cet ensemble peu métamorphique qui est constitué de façon un peu différente selon que l'on est au nord ou au sud de Pralognan :
- au sud de Pralognan , en Vanoise sud-orientale (et dans le massif d'Ambin) on voit essentiellement se superposer deux formations affectées par un métamorphisme faible, du niveau des micaschistes :
- en haut des micaschistes versicolores, verts à violacés, chloriteux et quartzeux, à niveaux conglomératiques ou gneissiques. Ils constituent le "groupe d'Ambin" de J.Ganne) ; anciennement confondus avec les schistes volcano-détritiques que l'on connaît dans le Permien du Briançonnais plus méridional, on leur attribue maintenant un âge paléozoïque (Ordovicien ?).
- en dessous des micaschistes gris "de l'Arpont" (à Ambin = "groupe de la Claréa" de J.Ganne). Ils hébergent par places des intercalations de roches vertes, plus ou moins volcaniques, d'âge
paléozoïque.
- au nord de Pralognan, en Vanoise nord-orientale (massifs du Grand Bec, de Bellecôte et du Mont Pourri) les auteurs ont distingué, au sein d'un ensemble dont l'intensité du métamorphisme alpin atteint également le niveau des micaschistes, trois formations qui sont de haut en bas :
- une formation supérieure, constituée de micaschistes gris
et noirs, parfois pyriteux et charbonneux à patine rouille.
Ils comportent des passées de grauwackes et de prasinites qui sont particulièrement développées dans le massif du Grand Bec. |
Cet ensemble paléozoïque avait anciennement été considéré comme du "Houiller métamorphique". Mais son terme supérieur héberge le petit pluton intrusif de microgranite de l'Aiguille Rouge du Pourri. Comme ce dernier a été daté radio-chronologiquement du Cambrien terminal les formations du Paléozoïque de la Vanoise nord-orientale doivent donc être encore plus anciennes, cambriennes ou même précambriennes (ce qui rend étonnant la faible intensité de leur métamorphisme).
- b - le Permien et le Trias inférieur reposent selon les cas sur le Houiller, sur des gneiss du Sapey (voir plus haut) ou directement sur le socle cristallin. Lors des déformations ces couches sont souvent restés solidaires de leur soubassement houiller ou gneissique, mais elles ont pu également se plisser indépendamment.
Ces niveaux sont essentiellement formés de grès,
presque totalement transformés en quartzites, reposant sur des conglomérats proches du Verrucano briançonnais, ces derniers attribués au Permien supérieur. La limite entre eux et les quartzites triasiques se présente souvent sous forme de schistes
albitiques blancs parfois talqueux.
Le Permien inférieur de la Vanoise orientale se singularise, à l'ouest du massif de Chasseforêt, par le développement d'une formation grèso-conglomératique massive épaisse de plusieurs centaines de mètres.
Le reste de la couverture mésozoïque
briançonnaise est formée de couches toujours plus ou moins calcaires (c'est-à-dire plus ou moins riches en carbonate de calcium).
Le terme inférieur de cette couverture
constitué par les calcaires et dolomies triasiques, dont l'épaisseur peut dépasser
300 m, ce qui en fait souvent la masse principale. Ces couches, presque toujours
d'âge Trias moyen, montent plus exceptionnellement (en Vanoise orientale) jusqu'au Trias supérieur.
En regard de cette puissante ossature calcaréo-dolomitique
les calcaires jurassiques (assez analogues à ceux du Subbriançonnais
par ailleurs) n'ont guère qu'un rôle subordonné
et ne s'en séparent souvent que par des vires peu marquées,
bien qu'ils puissent localement atteindre des épaisseurs
supérieurs à la centaine de mètres. Cette relative
minceur des dépôts du Jurassique et du Crétacé
inférieur (lesquels peuvent même manquer
totalement à plusieurs époques) est liée au fait que
le domaine briançonnais était dans l'ensemble un domaine de hauts-fonds à cette époque.
Par contre les calcschistes pélagiques du Crétacé
supérieur indiquent une profondeur plus notable
et atteignent des épaisseurs de plusieurs centaines de
mètres.
La succession se termine par des pélites noires ("schistes
de Pralognan"), attribuées à l'Éocène,
Ils sont comparables au "flysch noir"
du reste du Briançonnais mais n'atteignent que rarement
des épaisseurs telles qu'ils aient une certaine importance
dans le paysage.
Par rapport à cette succession-type on observe de nombreuses variantes, suivant le degré de conservation de la dalle carbonatée triasique et suivant le type de dépôts jurassico-crétacés qu'elle supporte.
Colonnes stratigraphiques des principales unités briançonnaises de la Vanoise et essai de reconstitution plausible (d'après J. Debelmas, 1997). |
On peut à cet égard distinguer un assez grand nombre de colonnes stratigraphiques (parfois profondément différentes) :
- La couverture propre du socle cristallin de la Vanoise orientale. Elle se caractérise par l'absence probable de Trias carbonaté et comporte au contraire un Jurassique (marbres et/ou brèches) qui repose directement sur le socle. Ce caractère la rattache donc au type dit "ultra-briançonnais" (voir la page "stratigraphie du Briançonnais").
- L'unité de la Tsanteleina, où le Trias moyen carbonaté est absent et où l'essentiel du matériel sédimentaire est constitué par des brèches et des méga-brèches en majorité attribuées au Jurassique et surtout au Crétacé supérieur. Ces dernières reposeraient sur des dolomies du Trias supérieur (Norien). Mais certains indices tectoniques et cartographiques suggèrent plutôt une liaison originelle avec les unités précédentes (voir la page "Tsanteleina").
- Les unités de type "Val d'Isère - Ambin" dont les séries stratigraphiques sont très perturbées par des réductions et des ravinements dans les niveaux jurassico-crétacés. Certaines ont conservé une bonne partie de leur Trias moyen carbonaté (cas de l'Aiguille des Aimes, à l'ouest de Tignes), d'autres ont subi une érosion plus importante au Lias-Dogger avec dépôt de brèches (souvent continentales) avant le Malm (cas des unités de la Calabourdane, au sud de Val d'Isère).
- Les unités de type "Briançonnais classique", comme celle du Roc de la Pêche (et plus généralement de la Vanoise occidentale), ont une succession des plus continues, avec des strates concordantes, en dépit d'un importante lacune allant du Trias supérieur au Lias inclus (mais non accompagnée d'érosions.
- Les unités
à affinités piémontaises, qui sont
principalement caractérisées par leur épais
Lias calcaréo-argileux qui repose en continuité
stratigraphique sur des dolomies du Trias supérieur (Norien).
Après une lacune du Dogger cette série comporte
des termes plus récents (Malm et Crétacé-Éocène)
qui sont nettement de caractère briançonnais.
Dans ces dernières on distingue deux groupes d'affleurements :
- 1/ ceux des unités rattachées de façon tectonique à la "nappe
de la Grande Motte" (Grande Motte, Grande Casse, Rochers
de Pierre Brune, Dent Parrachée).
L'origine de cet
ensemble a été discutée : on a d'abord envisagé
qu'il soit d'origine piémontaise externe, comme les unités
du Chaberton et de Rochebrune de la région de Briançon
; mais cette hypothèse se heurte au fait que que sa série
stratigraphique post-liasique diffère nettement de celle
de ces dernières unités (où l'on observe des
faciès à affinités de schistes lustrés).
On pense plutôt, désormais, qu'il est issu d'un sillon
intra-briançonnais (analogue à la nappe de Peyre
Haute de la région de Briançon) et représente
le contenu d'un hémigraben (voir
figure ci-dessus) situé
originellement à l'est des séries réduites
de couverture du socle de la Vanoise méridionale (qui se
seraient déposées sur la crête d'un bloc basculé).
Cette interprétation paraît en outre la plus vraisemblable
si l'on prend en compte les données tectoniques (voir le paragraphe qui lui est consacré,
à la page "tectonique
de la Vanoise")
- 2/ ceux de l'unité du Malpasset (ex "faisceau du Prariond"), qui affleure au
sud-est de Val d'Isère.
La série stratigraphique de
cet ensemble présente de grandes parentés avec celle
l'unité de la Grande Motte, à laquelle on l'a longtemps
assimilée, avant que les auteurs récents aient préféré
l'en séparer (plutôt sur des critères tectoniques
?) et la rattacher au domaine piémontais (voir ci-après).
Les terrains qui en proviennent affleurent essentiellement sur les marges orientales de la Vanoise au sens large, c'est-à-dire dans les vallées de la Haute Tarentaise (surtout sur sa rive droite) et de la Haute Maurienne (en aval de Termignon seulement sur sa rive gauche). On y distingue deux ensembles majeurs, le premier étant rapproché du domaine piémontais externe, le second du domaine ligure :
--- Les séries stratigraphiques
considérées comme proprement piémontaises,
auxquelles les auteurs récents rapportent deux ensembles
:
- 1/ la série du Malpasset, qui affleure au sud de Val
d'Isère. Elle comporte un épais Lias calcaréo-argileux
qui, comme dans l'unité de la Grande Motte, repose en continuité
stratigraphique sur des dolomies du Trias supérieur (Norien)
et supporte directement du Malm. La seule différence est
que le Crétacé supérieur y présente
un faciès proche de celui des schistes lustrés.
- 2/ les séries de couverture du socle cristallin du
Grand Paradis, qui affleurent autour de Bonneval. Elles ont
une succession de schistes lustrés qui débute par
des marbres attribués au Malm, sans doute transgressifs sur le socle, bien qu'elles en soient séparées par des cargneules
(elles ne se sont donc pas déposées sur un soubassement océanique).
--- Les séries de
schistes lustrés, dites "liguro-piémontaises",
formées de calcschistes (maintenant métamorphiques)
qui se sont déposés en domaine océanique,
"ligure", car dotées de matériel ophiolitique,
inégalement abondant qui représente soit des fragments
de semelle océanique soit des olistolites.
En se basant sur des nuances de faciès ainsi que sur l'âge
de leurs terrains (déterminé par des datations micropaléontologiques
récentes) on a pu y distinguer quatre grandes formations
:
- 1/ La formation "de la Pointe
du Grand Vallon" (slf [cF]) est formée par un flysch schisto-calcaire,
à lits de quartzites, daté du sommet du Crétacé
supérieur (Maestrichtien). On ne connaît pas du tout
son soubassement originel.
- 2/ Une formation de schistes lustrés à prédominance
calcaire (slm [csM]) qui forme notamment les crêtes
des sommets de la Grande Sassière, de la Sana
et des Lorès, ainsi que de Charbonnel. Elle est
constituée par des alternances schisto-calcaires, datées
de la base du Crétacé supérieur (Cénomanien
- Turonien) et couronnée par une succession, épaisse
de quelques centaines de mètres, de plaquettes marbreuses
(surtout développée en rive gauche de la Haute Maurienne).
- 3/ Une formation de schistes lustrés à prédominance
marneuse (schistes sombres peu carbonatés) qui affleure surtout dans
le massif de Méan Martin et les abords ouest
de l'Iseran. Elle est constituée de schistes argileux
sombres, souvent riches en intercalations ophiolitiques (sans
doute surtout des olistolites), datés également
de la base du Crétacé supérieur (Cénomanien-Turonien).
- 4/ La formation des schistes
lustrés riches en ophiolites, dans laquelle ces "roches vertes" représentent de
grands fragments de semelle océanique. Elle affleure dans
les écailles du pourtour du massif du Grand Paradis
(Albaron, environs d'Avérole).
Liste des notations utilisées pour les schistes lustrés (entre crochets correspondances avec celles des cartes B.R.G.M): |
consulter aussi (pour comparaisons et analogies) : Stratigraphie du Briançonnais |
Tectonique - Relief de la Vanoise |