La faille de la moyenne Tarentaise

une interprétation nouvelle (2004) des rapports structuraux à la marge occidentale des zones internes en Savoie

La partie moyenne de la vallée de la Tarentaise (cours de l'Isère en amont d'Albertville) comporte trois tronçons, les tronçons aval et amont étant orientés de façon orthogonale aux bandes structurales alpines (c'est-à-dire NW-SE), le tronçon moyen (entre Moûtiers et Bourg-Saint-Maurice) étant au contraire grossièrement paralléle à ces bandes structurales (c'est-à-dire NE-SW).
La rive gauche (orientale) de cette partie du cours de l'Isère se rattache à la Vanoise. Si l'on en excepte les basses pentes entre Aime et Moûtiers, elle est formée par un ensemble relativement peu diversifié, appartenant pour l'essentiel à la zone briançonnaise au nord et au domaine subbriançonnais au sud de Moûtiers.
Au contraire les pentes de rive droite (occidentale), qui se rattachent au Beaufortain oriental, sont traversées en oblique par une série de bandes structurales que l'on rapporte, avec un certain flou dans les attributions, aux domaines dauphinois oriental et valaisan (ainsi que, au nord de Bourg-Saint-Maurice, aux domaines subbriançonnais et briançonnais).

Carte structurale schématique de la moyenne Tarentaise

La faille de la moyenne Tarentaise (f.m.T) est représentée par le trait bleu

Partie ultradauphinoise de la Zone des brèches de Tarentaise (en beige) : u.N = unité du Niélard ; u.cT = unité de Créve Tête ; u.Q = unité du Quermoz ;

Partie valaisane de la zone des brèches de Tarentaise (en brun) : u.M = unité de Moutiers ; u.R = unité du Roignais ; u.V = unité du Versoyen.

Zone subbriançonnaise (en jaune) : u.gM = unité de la Grande Moendaz ; u.SB = unité du Petit Saint-Bernard ; u.S = unité de Salins ; u.RE = unité du Roc de l'Enfer ;

z.HB (en orangé) = zone houillère briançonnaise
en rose, le domaine de la Vanoise orientale, à socle de paléozoïque métamorphique et en beige, les unités de schistes lustrés.

(légende des couleurs comme pour le schéma structural des Alpes, sauf pour le détail des unités valaisanes).

Les limites entre les unités successives du Beaufortain oriental sont orientées à peu près N30, comme le sont aussi, en majorité, les plis qui en affectent les couches. Cette orientation est nettement plus méridienne que celle de la vallée de la moyenne Tarentaise. Il en résulte que ces unités sont tranchées à tour de rôle par la coupe naturelle de la vallée et s'y succèdent, des plus externes aux plus internes, entre Moutiers et Bourg-Saint-Maurice.

Toutefois en rive gauche (sud-est) de la vallée les diverses unités valaisanes ne poursuivent que très brièvement, uniquement dans les basses pentes du versant entre Aime et Moûtiers. Chacune d'entre elles, à tour de rôle, s'y termine en s'y biseautant le long d'une ligne qui court à une distance moyenne de 1 kilomètre du cours de la rivière, peu au dessus du fond de la vallée

Cette terminaison semble correspondre à un accident majeur, en dépit du fait qu'il ait été méconnu en tant que tel à ce jour, que l'on désignera ici du nom de "faille de la moyenne Tarentaise".
L'orientation de cette cassure est en moyenne N45. Le fait que cette orientation soit très voisine de celle de cette portion de la vallée suggère fortement qu'elle en ait déterminé le tracé. Le cours de la rivière s'est sans doute écarté par la suite du tracé de la cassure vers l'ouest, au fur et à mesure qu'il s'encaissait, en raison du fait que le plan de cassure est incliné vers l'est (c'est là un processus courant dans ce genre de situation).
Le sens du biseautage des unités et le dessin en virgule de leurs extrémités aux approches de la faille de la moyenne Tarentaise, ce qui évoque un crochonnement dextre, amènent à penser que le jeu de cette cassure comportait une composante de mouvement coulissant dextre. Ce jeu est en tous cas extensif puisque les unités de sa lèvre occidentale sont remontées par rapport à celles de sa lèvre orientale (en effet elles se situent nettement plus bas dans l'étagement originel de la pile des nappes imbriquées).

Du côté du nord-est la géométrie structurale des environs de Bourg-Saint-Maurice porte en outre à penser que la faille de la moyenne Tarentaise se prolonge vers le nord-est en passant par le col du Petit Saint-Bernard. Cette interprétation fournit en effet une explication très satisfaisante de la terminaison "en sifflet" de l'unité du Petit Saint- Bernard et de celle du Versoyen du nord vers le sud, terminaison qui est visiblement due à un sectionnement en biseau de ces unités selon une géométrie très comparable à celle qui concerne les unités valaisanes au sud d'Aime.
De plus il ressort clairement de l'étude de cette unité par P.Antoine
(1971, fig.67, p.249) que les plis couchés qui en affectent les calcaires et calcschistes liasiques ont un plan axial moins incliné que le front de la zone briançonnaise et sont tranchés par ce dernier.

Un problème de détail est posé par les affleurements houillers de rive droite de l'Isère, entre Aime et Bourg-Saint-Maurice. En effet leur contact avec les unités plus occidentales, tout en sectionnant celles-ci, dessine un net chevron pointant vers le nord-ouest. Ceci indique une surface assez peu inclinée vers le SE, beaucoup moins en tous cas que plus au nord ou plus au sud) On peut envisager deux explications : la première est que la surface de cassure s'infléchit en se couchant vers l'ouest dans ses parties hautes ; la seconde est que ce contact est une cassure secondaire branchée sur la faille principale, celle-ci suivant le cours de l'Isère et restant masquée sous les alluvions du fond de vallée et les glissements de terrain de son versant ouest...

Du côté du sud-ouest l'examen des rapports entre les unités subbriançonnaises est celles situées plus à l'ouest (unités rapportées avec doute au domaine valaisan, puis au domaine ultra-dauphinois) conduit à prolonger la faille de la moyenne Tarentaise assez loin vers le sud, jusqu'à la latitude de Saint-Martin de Belleville. En effet le contact tectonique entre ces deux ensembles ne consiste pas en un chevauchement des unités orientales (subbriançonnaises) mais correspond à une cassure très redressée, sectionnant les contacts de chevauchement entre les unités situées du côté nord-ouest.

Cette interprétation ne présente pas de difficulté sur la majeure partie de la rive gauche du Doron de Belleville où le travé des contacts est assez rectiligne. Toutefois les choses sont un peu confuses aux abords sud de Moûtiers (secteur de Fontaine-le-Puits). Là quelques affleurements de houiller reposent sur l'unité du Quermoz et "débordent" assez largement à l'ouest du tracé qui semble être celui de la faille : on peut se demander s'ils ne sont pas dans une situation un peu comparable à celle du houiller des abords sud de Bourg-Saint-Maurice (cf. supra). Mais il faut remarquer que ces affleurements semblent tous rattachables non au houiller briançonnais mais à l'unité de Moûtiers. D'autre part ils sont plus ou moins emballés dans une matrice gypso-cargneulique qui semble être celle de la base de cette unité, de sorte que l'importance de ce "débordement" pourrait en outre résulter d'un phénomène d'extravasion diapirique, à partir du matériel gypseux pris ici dans la faille de la moyenne Tarentaise. ...

À la latitude de Saint-Martin de Belleville la faille de la moyenne Tarentaise semble se terminer en se raccordant à la surface frontale des unités subbriançonnaises qui s'avancent en chevauchement sur l'ultradauphinois des crêtes de rive droite de la Maurienne (Mont du Fût, Valbuche, Grand Coin) (voir la page "Nant Brun"). Ceci se fait au prix d'une inflexion du tracé du contact tectonique, dont l'azimut passe de N40° à N-S, En fait cette géométrie correspond à celle du raccord "en bord de tiroir*" entre une rampe latérale de chevauchement et la surface du chevauchement lui-même. Compte tenu de l'orientation des cassures un tel raccord suppose un jeu dextre : or c'est précisément celui que l'on est amené à attribuer à la faille de la moyenne Tarentaise.

On peut ajouter que dans ce secteur où s'effectue la terminaison méridionale de la faille de la moyenne Tarentaise on observe une torsion dans le sens horaire (dextre) des structures qui affectent le matériel subbriançonnais. Cela se manifeste notamment en ce qui concerne le coeur de Lias inférieur de l'anticlinal de la Tête de Fer (qui est en fait une synforme de série renversée : voir la page "Tête de Fer") et celui de l'anticlinal rompu des Crozats (au nord-ouest de la Sauce : voir la page "Nant Brun") : les plans axiaux de ces plis orientés presque N-S du côté sud-est s'incurvent pour se disposer selon le NE-SW vers le nord-ouest, aux approches de la limite occidentale des affleurements de matériel subbriançonnais. En outre Le pli de la Tête de Fer est tranché du côté sud par un décrochement dextre NE-SW qui détermine le gorge inférieure du Torrent des Encombres.

Un fait autre marquant qui caractérise (notamment à la latitude d'Aime) cette transversale alpine est la disparition vers le nord des unités charriées rattachables à la zone subbriançonnaise, qui devraient logiquement y occuper une place intercalaire. Celles-ci se biseautent en effet, du sud vers le nord depuis les chaînons situés au sud de Moutiers, entre le domaine briançonnais proprement dit et le domaine ultra-dauphinois. La zone valaisane, dont les affleurements se développent précisément à partir de Moutiers vers le nord, prend dans ce secteur le relais cartographique de la zone subbriançonnaise. Si l'on ne prenait en compte que sa position tectonique on serait donc tenté de considérer la zone valaisane comme le prolongement septentrional de la zone subbriançonnaise, le relais d'unités (en "festons" successifs) qui la caractérise prolongeant vers le nord celui mis également en évidence dans la zone subbriançonnaise plus au sud (notamment en Briançonnais et en Embrunais - Ubaye). Elle en a cependant été séparée, depuis plusieurs décennies, en raison de ce que sa succession stratigraphique s'écarte très nettement de toutes celles rattachées, plus au sud, au domaine subbriançonnais (encore que celles-ci se caractérisent aussi par leur grande variabilité).

L'origine du remplacement brutal, du sud-est vers le nord-ouest le long de l'arc alpin, des unités subbriançonnaise par celles de la zone valaisane a fait notamment l'objet d'une interprétation paléogéographique (M.Lemoine et al., 1989) : celle-ci propose d'y voir la trace d'une ancienne faille transformante qui aurait joué, à l'époque de l'extension alpine, en juxtaposant ces deux domaines tranversalement à l'arc alpin.
Sans nier une telle possibilité, force est de constater que les données de terrain évoquées ci-dessus tendent surtout à montrer que ce relai structural correspond sur le terrain à une cassure bien plus tardive, puisque son jeu a été postérieur à l'imbrication des unités charriées qui s'intercalent entre la zone ultradauphinoise et la zone briançonnaise (on a vu qu'elle tranche en oblique, aussi bien cartographiquement qu'en coupe transversale, les surfaces de charriage par lesquelles s'empilent les unités).
L'auteur de ce site tend donc beaucoup plus volontiers à voir dans la faille de la moyenne Tarentaise l'un des accidents coulissants tardifs associés à la formation de l'arc alpin dans le cadre d'un mouvement rotatif anti-horaire des zones internes par rapport aux zones externes (voir la publication063).

Un autre point à prendre en considération dans cette analyse est la signification même des accidents tectoniques qui limitent, plus au sud, la zone subbriançonnaise du côté externe et du côté interne. On les a considèré de longue date comme représentant deux des surfaces de chevauchement majeures dans l'imbrication des nappes internes (prolongeant le "chevauchement pennique frontal" de Suisse).
L'analyse des faits de terrain concernant la géométrie de ces contacts
conduit à y voir plutôt des fractures redressées, qui sectionnent notamment les structures plicatives affectant la zone subbriançonnaise (voir la page "zone subbriançonnaise"). Cela porte à envisager qu'ils résultent de mouvements plus complexes que ceux, purement transversaux aux zones tectoniques que l'on relie au dispositif fondamental des imbrications de nappes.

N.B. La partie méridionale des secteurs dont il est question ici a fait l'objet d'une étude détaillée récente (2004) par MM. CERIANI et SCHMID (voir la page "bibliographie alpine") : elle est en accord avec les vues exprimées ici en ce qui concerne le caractère de cassures indépendantes des charriages à la fois de la faille de la moyenne Tarentaise et de celle de la marge orientale de la zone subbriançonnaise entre Maurienne et Tarentaise (cf. page "zone subbriançonnaise : tectonique").


première version de cette page sur le WEB le 1° octobre 2004 , version témoin déposée le 15.10.2004 à l'adresse
http://www.geol-alp.com/h_mt_blanc/mt_blanc_general/faille_moy_Tarent_copie.html/


vue d'ensemble sur le Beaufortain oriental

structure de la zone subbriançonnaise entre Tarentaise et Maurienne

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