Les chaînons drainés par l'Ubayette |
Les deux rives de la vallée de l'Ubayette sont très différentes, tant par leur relief que par leur constitution, car la rivière a inscrit son cours à la limite entre le domaine des flyschs de l'Embrunais et celui de la zone briançonnaise.
Dans le domaine briançonnais l'ensemble des couches des nappes de cette zone décrit un gros bombement, l'anticlinal du Rouchouse ; en rive gauche au contraire le flysch des nappes de l'Embrunais est ployé en une grande charnière synclinale, le synclinal de Meyronnes, qui est d'ailleurs le prolongement méridional de celle de Saint-Clément dans la coupe de la Durance.
La vallée de l'Ubayette elle-même est un sillon structural que l'on peut comparer à une combe monoclinale* car elle est ouverte entre ces deux structures, en bordure sud-ouest de la bande de schistes noirs et gris de l'unité de Serenne**, qui s'y intercale et qui en a certainement dirigé le creusement. Ce sillon prolonge vers le sud-est la dépression du col de Vars et de Saint-Paul-sur-Ubaye et se poursuit en haute Stura (voir la page "Argentera") avec pour accidents les plus marquants à ces deux extrémités, la faille de la Durance au NW et celle d'Argentera au SE . Il jalonne en fait le tracé du linéament tectonique du Briançonnais occidental.
**La signification tectonique précise de l'unité de Serenne, qui s'intercale, en position subverticale, entre la zone briançonnaise et la nappe du Parpaillon, avec une largeur moyenne de l'ordre de 3 à 4 km, est encore ambiguë. En effet elle avait été rattachée aux flyschs de l'Embrunais, mais considérée ces dernières décennies comme une entité tectonique indépendante. Toutefois diverses données, stratigraphiques comme tectoniques, portent à envisager qu'elle ne représente que la base stratigraphique de la succession du flysch à Helminthoïdes de la nappe du Parpaillon, qui aurait été simplement désolidarisée de cette dernière par des accidents tectoniques d'ordre secondaire (c'est l'option qui a finalement été retenue ici).
Ces coupes mettent en évidence un trait structural majeur qui se surajoute à la structuration par nappes empilées : les nappes de flysch de l'Embrunais sont conservées dans le synclinorium* de La Condamine (dont le pli le plus oriental est le synclinal de Meyronnes) et les nappes de la zone briançonnaise sont ployées ensemble par le vaste bombement anticlinal du Rouchouse ; il s'agit à l'évidence de méga-structures tardives postérieures aux charriages briançonnais mais aussi à ceux des nappes de l'Embrunais.
On peut replacer ces coupes dans le contexte général que donne la coupe très schématique ci-après (qui ne tient pas compte des fracturations longitudinales à la chaîne) :
En définitive le principal accident tectonique de la vallée de l'Ubayette est une dislocation qui court à flanc de pente de sa rive droite et y met en contact la bande de schistes de l'unité de Serenne avec les formations calcaires des unités briançonnaises, surhaussées par rapport à elle. Ce contact tectonique, qui est noté f.sO sur les figures, peut être désigné du nom d'"accident de Saint-Ours" car il passe au village de ce nom. Son pendage est en général difficile à préciser mais il est fortement incliné vers le NE. Son tracé, souvent masqué sous les formations quaternaires, se poursuit néanmoins assez clairement, au nord du col de Mirandol, pour couper transversalement la vallée de l'Ubaye au village de Petite Serenne (voir les cartes de ce site) et s'y raccorder à la faille du Paneyron qui se place bien dans son prolongement azimutal. C'est sans doute aussi par cette dernière faille que se poursuit (en s'y connectant par une hypothétique branche oblique, plus E-W) l'extrémité NW de la faille du Ruburent qui court au SE de Fouillouse, 2 km plus au NE que l'accident de Saint-Ours et parallèlement à lui. Cet accident de Saint-Ours constitue, à cette latitude, le front d'extension de la zone briançonnaise ; il était considéré à ce jour comme une surface de charriage associée à la mise en place des nappes de flysch de l'Embrunais. Or plusieurs de ses aspects portent à y voir plutôt une cassure majeure à jeu coulissant, tardive par rapport à aux charriages briançonnais. Deux arguments justifient cette manière de voir : |
A / Rive gauche de l'Ubayette
La ligne de partage des eaux entre la vallée
de l'Ubayette et le bassin de Barcelonnette, à l'ouest
de Larche, est constituée
par le long chaînon Lauzanier - Tête
de Fer - Siguret.
Il appartient presque entièrement à la zone des
flyschs de l'Embrunais, plus précisément à
la nappe du Parpaillon. Il est très dissymétrique,
à la façon d'un crêt*, ce qu'il est plus ou
moins car, globalement, les couches y sont toutes inclinées
vers le nord-est.
Du côté sud-ouest il forme un haut abrupt pratiquement
continu (regard du crêt) tandis que du côté
nord-est (revers du crêt) il s'en détache de nombreuses
arêtes secondaires, à peu près orthogonales
à la vallée de l'Ubayette, qui sont séparées
par autant de vallons qui donnent des coupes transversales successives.
Le plus méridional est le vallon du Lauzanier, qui traverse
entièrement la bande des affleurements de la nappe du Parpaillon
et en montre le substratum autochtone (mais celui-ci ne montre
guère que le sommet de sa succession, surtout formé
par les grès d'Annot, d'âge nummulitique).
image sensible au survol et au clic
La rive gauche de l'Ubayette
vue du nord-est, depuis le Fort de la Viraysse.
La première caractéristique des
montagnes de flysch à Helminthoïdes de la nappe du
Parpaillon est la monotonie de la répétition des
séquences (le plus souvent décamétriques)
d'alternances schistes - grès (ou schistes - lits calcaires),
qui peut se développer sur plus de 1000 m d'épaisseur.
Leur tectonique est caractérisée par un plissement
intense et apparemment très capricieux, qui frappe l'observateur
par la multiplicité des charnières, souvent anguleuses
("en chevrons") et de toutes tailles. Ces plis confèrent
à ces montagnes une structure d'ensemble en vaste accordéon
de plis majeurs de flèche kilométrique, eux-mêmes
affectés de plis mineurs, hectométriques à
décamétriques.
En fait on peut y reconnaître
au moins trois familles de plis : - 1 - des plis d'axe NW - SE, parallèles à l'allongement de la zone briançonnaise voisine, modérément déversés vers le SW et de forme souvent "en genou", plus ou moins arrondi ou anguleux. Leur ensemble constitue un vaste synclinorium de La Condamine, qui abaisse la surface de charriage de la nappe de Parpaillon bien en dessous du niveau de la vallée de l'Ubaye. Comme les grands plis longitudinaux de la zone briançonnaise ils sont dû se former après les charriages. Le plus représentatif est le synclinal de Meyronnes. Peut-être doit-on considérer ce dernier grand synclinal comme un crochon associé au fonctionnement de la grande ligne de cassure (faille d'Argentera en Italie) qui suit la vallée de l'Ubayette et qui marque la limite avec le domaine des nappe briançonnaises. - 2 - des plis d'axe proche de W-E à SW-NE, très déversés ou même franchement couchés vers le nord-ouest, avec des charnières souvent aigües et des flancs inverses bien développés. Leur plan axial plonge vers le nord-est, comme l'ensemble des terrains de la nappe : ce sont donc vraisemblablement des plis formés antérieurement au charriage de la nappe du Parpaillon et transportés en son sein. De fait ils sont tronqués à leur base par la surface de charriage et ils semblent avoir été tordus par la formation du synclinorium de la Condamine (ce qui expliquerait leur dispersion d'azimuts). Un exemple bien caractérisé est celui de l'anticlinal du Pas de Terre Rouge. - 3 - des bandes plissées déversées vers l'ouest, avec un dessin en Z vu du sud (ou en S vu du nord). Elles forment des trains parallèles, dont le plan axial traverse en biais la succession des strates, parfois sur plusieurs kilomètres, avant de s'amortir. Un exemple très représentatif s'observe aux abords même de La Condamine. On peut penser que ces plis, à la différence de ceux des deux catégories précédentes se sont formés lors du charriage. |
B / Rive droite de l'Ubayette
La rive droite de l'Ubayette vue vers l'aval depuis l'entrée du vallon du Lauzanier (au petit matin) : Contraste entre les ravines sauvages du fort de la Viraysse et du sommet de la Meyna, et les molles pentes d'alpages du versant oriental de Tête Dure, qui se profilent en avant-plan. |
image sensible au survol et au clic
Les chaînons qui forment, au nord et à l'est de Larche, les crêtes de rive droite de l'Ubayette appartiennent entièrement à la zone briançonnaise. Ils sont formés, comme ceux de la haute Ubaye, par une imbrication de nappes, mais ces dernières se placent plus bas dans l'édifice et s'enfoncent, par plongement axial des structures, sous les unités de la haute Ubaye. Ces nappes ont été enroulées ensemble, comme celles de la haute Ubaye, postérieurement à leur charriage. Mais ici il s'agit d'un pli plus externe (situé plus au sud-ouest) que celui de Marinet, l'anticlinal du Rouchouse. En plus ce pli est fracturé longitudinalement par une grande faille du Ruburent qui se poursuit vers le nord-ouest mais surtout très clairement vers le sud-est : elle y apparaît alors comme une branche satellite de la faille de Bersezio, qui affecte aussi le socle cristallin autochtone.
Ces chaînons forment deux lignes de crêtes parallèles à la vallée de l'Ubayette, séparées par une combe longitudinale, NW-SE dont le tracé suit grossièrement celui de la faille du Ruburent.
La crête située du côté sud-ouest de la combe axiale est constituée de Trias et de Dogger disposés en un un crêt* regardant vers le nord-est, qui forment l'"unité de Tête Dure".
En raison du sens de rejet de la faille du Ruburent (principalement étayé sur la coupe des Rochers de Saint-Ours), cette unité est sans doute à rapporter à la nappe du Rouchouse, soulevée par la faille par rapport à l'autre compartiment (et non à la nappe de Sautron comme admis dans la publication n° 024) : cette interprétation est d'ailleurs confirmée par la coupe naturelle que donne la transversale du Monte Oserot (voir la page "Oserot").
Cette ligne de crête occidentale est crevée orthogonalement par trois ravins qui s'apparentent à des cluses*. Ils drainent les trois tronçons correspondants de la combe, qui communiquent longitudinalement par les cols de la Viraysse, de la Gypière d'Orrenaye et du Ruburent.
Le long de la combe axiale, en bordure sud-ouest de la faille du Ruburent, affleurent, en fond de vallon, les terrains siliceux permo-triasiques de la semelle de la nappe du Rouchouse. Ils forment une bande relativement étroite qui s'élargit du nord-ouest vers le sud-est (où elle héberge les lacs d'Orrenaye et du Ruburent). Ces affleurements permo-triasiques constituent le soubassement stratigraphique normal de l'unité de Tête Dure, bien que le contact entre ces terrains et le termes carbonatés de la partie supérieure de la succession de cette unité soit localement affecté d'accidents tectoniques.
Au nord-est de la combe axiale les reliefs sont plutôt caractérisés par de molles ondulations car ils sont aménagés dans les terrains tendres du sommet de la série stratigraphique de la nappe du Rouchouse (marbres en plaquettes pour une large part), à la voûte de l'anticlinal du Rouchouse.
L'axe de l'anticlinal du Rouchouse plonge vers
le nord-ouest, de sorte que, dans cette direction, la combe axiale
se ferme lorsque la nappe du Rouchouse s'enfonce sous les crêtes
rocheuses, très escarpées, formées par les
calcaires triasiques de la nappe de Sautron (Tête
de Sautron, Rocca Bianca et Rocca Rossa sur le versant italien)
et par la nappe du Châtelet (la Meyna).
Du côté sud-est, malgré la nette montée
axiale de l'anticlinal du Rouchouse, l'érosion a laissé
subsister, à la voûte de l'anticlinal, la splendide
klippe de la Tête
de Moyse, qui est un fragment de la nappe de Sautron. Mais
immédiatement au sud-est de ce sommet (en territoire italien)
le coeur de l'anticlinal du Rouchouse est assez affouillé
pour montrer que le substatum de la nappe du Rouchouse est constitué
par une nouvelle unité briançonnaise, comportant
une succession très analogue, la nappe de Rocca Peroni (voir la page "Oserot").
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version
plus grande de cette image
(nouvelle fenêtre) Coupes successives, du nord-ouest (en haut) au sud-est (en bas), au travers des chaînons entre Ubayette et Mairaextrait brut de la publication n° 024 (voir, dans les pages correspondantes du site, les versions retouchées). L'examen comparatif de ces coupes montre comment l'érosion
éventre la voute de l'anticlinal du Rouchouse de plus
en plus profondément du nord-ouest (en haut) au sud-est
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