1 . LA ZONE BRIANÇONNAISE |
A/ Structure d'ensemble |
La zone briançonnaise s'avère découpée longitudinalement en grandes lanières par des structures apparues tardivement par rapport aux charriages. Ces structures tardives méritent d'être décrites en premier car ce sont elles qui sont le plus visibles au premier examen.
Ce sont d'abord trois vastes voûtes
antiformes, allongées WNW-ESE, savoir, du SW vers le
NE : l'anticlinal du Rouchouse, l'anticlinal de Marinet
et l'anticlinal d'Acceglio (séparé du précédent
par le synclinal du Val Mollasco, au N d'Acceglio.
Ces grands anticlinaux affectent tout ou partie de l'empilement
des nappes. Ils sont plutôt déjetés vers l'E,
et ce d'une façon d'autant plus accusée qu'ils sont
eux-mêmes plus orientaux. Les deux premiers s'allongent
à peu près parallèlement l'un à l'autre
; au contraire les deux derniers se rejoignent vers le S, selon
un angle d'une trentaine de degrés, car ils sont tronqués
en biseau par la faille de Ceillac (voir ci-après).
Ce sont ensuite trois grandes failles
:
- la faille du Ruburent. Il s'agit pratiquement du prolongement
méridional de la faille de la Durance (feuille GUILLESTRE).
Elle manifeste encore de nos jours une activité sismique
(séisme du 5.4.59). Cette faille, subverticale et dotée
d'un rejet à la fois normal et coulissant dextre, sectionne
longitudinalement, à la marge W de la Zone briançonnaise,
l'anticlinal du Rouchouze. Elle est relayée du coté
W par la faille de Bersezio qui pénètre jusque dans
le massif cristallin de l'Argentera (feuille LARCHE).
- la faille de Ceillac. Cet accident est en fait l'extrémité
méridionale d'un grand linéament qui parcourt longitudinalement
toute la zone briançonnaise à sa marge orientale,
depuis Pralognan en passant par la vallée de la Clarée
et le col Izoard. Il a eu un jeu relativement tardif car il recoupe
des unités déjà rétrodéversées
(toutefois il n'est pas exclu qu'il ait encore rejoué dans
les étapes de rétrocharriage les plus tardives).
Il possède (selon les points) un pendage sud-ouest moyen
à fort, plus important que celui des différentes
unités empilées, qui se biseautent donc contre lui
(mais souvent sous un angle assez aigu, ce qui simule alors une
imbrication).
Il pénètre sur la marge N de la feuille par le Col
Tronchet puis passe à Maljasset, au col de Mary et atteint,
au S d'Acceglio, la région de Preit (il s'y prolonge, ou
y est relayé, au S des limites de la feuille, par une faille
très similaire qui y a été qualifiée
de "cicatrice de Preit"). Dans ce dernier secteur il
sectionne les anticlinaux de Marinet et d'Acceglio, dont il juxtapose,
en les biseautant, les unités empilées.
- La faille des Houerts passe peu à l'E du col de
ce nom et traverse la vallée de l'Ubaye aux abords du débouché
du vallon du même nom. Elle se suit ensuite vers le S en
rive droite de la haute vallée de la Maira, à la
limite des affleurements calcaires à l'W et siliceux à
l'E, au moins jusqu'à la latitude d'Acceglio. Elle ne semble
guère se poursuivre, vers le N, au delà de la limite
N de la feuille (vallon d'Escreins).
Elle tranche tout l'empilement des nappes. Son pendage, dirigé
vers le SW, est en général fort mais s'atténue
vers le haut. Son rejet possède une nette composante de
chevauchement vers le NE, attestée par des crochons hectométriques
(Jurassique du flanc W du Pic de Panestrel, Permo-Trias du flanc
W de l'anticlinal de Marinet, sur les deux rives de l'Ubaye, à
La Blachière), ce qui porte à la ranger dans les
structures de rétrodéversement les plus tardives.
Des fractures extensives qui ont fonctionné
durant le dépôt des couches du Jurassique et du Crétacé
ont été signalées en différents points,
notamment au S de Fouillouse dans les falaises des Passets (fonctionnement
anté-Malm), à la Rocca Blanca et à la Meyna.
Les exemples les plus spectaculaires s'observent dans le chaînon
de la crête de Vallon Laugier - Pic des Houerts. Là
ces failles dessinent un réseau d'entrecroisements entre
deux familles respectivement NNE-SSW et E-W, l'une et l'autre
cachetées au Malm puis au Crétacé supérieur
(avant de rejouer postérieurement au charriage des nappes).
Le jeu de failles NW-SE comportant un abaissement important de
leur compartiment nord-oriental semble attesté par le repos
transgressif des "marbres en plaquettes" néocrétacés,
voire du flysch noir, sur la tranche de bancs anisiens, aux abords
du col des Houerts et en rive gauche du vallon de la Sellette.
Ce système de fractures est maintenant sectionné
par une surface tangentielle de rétrocharriage mais l'emplacement
même de cette dernière a vraisemblablement été
prédéterminé par l'existence même de
ces cassures extensives.
D'autres failles NW-SE à rejet de même sens traversent
dans toute sa longueur le massif d'Escreins. Elles sont déformées
par les mouvements de rétrodéversement mais il est
moins certain que leur jeu soit antérieur au charriage,
aucune preuve de la transgressivité des marbres en plaquettes
sur la surface de faille n'ayant été observée
là.
On peut évidemment envisager que la localisation des lignes
de séparation des unités tectoniques successives
soient originellement celle de telles failles extensives. Ces
dernières seraient responsables des changements parfois
brutaux dans la séquence des couches post-triasiques, qui
permettent souvent de distinguer les unités les unes des
autres, et auraient été ultérieurement reprises
en chevauchements (inversion). Il ne s'agit toutefois guère
encore que d'une hypothèse insuffisamment étayée.
En fait ces voûtes anticlinales et ces
failles affectent un empilement de nappes superposées.
Ces dernières peuvent être réparties, dans
la majorité des cas, entre deux catégories, selon
qu'elles ont été découpées dans la
"semelle siliceuse" de la zone (Carbonifère à
Trias inférieur) ou dans sa couverture calcaire (Trias
moyen et reste de la série). En effet il est commun d'observer
le décollement de ces deux ensembles, à la faveur
du niveau des gypses et argilites du Werfénien supérieur.
Toutefois, plus exceptionnellement (essentiellement du fait de
l'absence stratigraphique des gypses werféniens), la série
calcaire a pu rester "adhérente" à sa
semelle siliceuse, ce qui est le cas dans les unités du
coeur de l'anticlinal de Marinet et dans les unités les
plus élevées des bandes du Roure et d'Acceglio (ces
dernières appartenant au domaine "ultrabriançonnais").
La plupart de ces nappes s'étaient comportées originellement,
lors de leur mise en place, comme des dalles relativement rigides,
glissant les unes sur les autres ; toutefois cela n'excluait pas
le développement de plis, de différentes tailles,
présents notamment dans les formations les moins compétentes,
tant à l'occasion de cette mise en place que dans des étapes
ultérieures de déformation.
Sur les coupes ainsi que sur le schéma structural, les
unités tectoniques ont été individualisées
(par une teinte ou une notation spéciale) au niveau de
la semelle siliceuse et de la couverture carbonatée triasico-jurassique.
Par contre les terrains néocrétacés à
paléogènes, qui constituent le reste de la couverture,
n'ont été représentés que comme un
ensemble autonome indifférencié. Cela est justifié
par le fait que, dans ces dernières formations, il n'y
a pas assez de repères lithostratigraphiques pour pouvoir
suivre le tracé des limites séparant les unités
tectoniques. De ce fait ces terrains semblent (sans doute de façon
illusoire) jouer le rôle d'une sorte de tissu conjonctif
emballant les diverses unités reconnues dans les formations
plus anciennes.
Les diverses unités qui peuvent objectivement être distinguées sont décrites ci-après en suivant l'ordre originel présumé de leur succession paléogéographique, des plus externes aux plus internes. Cet ordre découle d'une reconstitution essentiellement basée sur la géométrie de leur empilement actuel. Une certaine marge d'incertitude subsiste cependant, en raison surtout de l'importance jouée par les mouvements de rétrocharriage (susceptibles de ramener une unité externe sur une autre plus interne), au cours de l'édification de l'empilement actuellement observable.
Pour plus de clarté on répartira ces unités en plusieurs ensembles, en utilisant pour critère leurs relations vis-à-vis des anticlinaux tardifs qui les affectent et on regroupera les moins importantes en les considérant comme des digitations d'un nombre plus réduit de nappes élémentaires. Les fig.7a et la fig.7.b montrent les relations objectives entre les principales de ces unités, telles qu'on les voit dans la coupe naturelle de la gorge de l'Ubaye. C'est en effet cette coupe qui constitue la clé principale d'interprétation de la structure de la zone.
Ce sont les plus occidentales et les plus basses
de l'empilement, qui sont enroulées par les deux anticlinaux
de nappe les plus occidentaux (A. du Rouchouze et A. de Marinet).
Elles n'affleurent que peu, ou pas du tout, au N de la vallée
de l'Ubaye.
On peut les répartir en deux groupes :
1°/ Unités enroulées par l'anticlinal du Rouchouse
Ces nappes affleurent seulement à la
marge S de la feuille, dans les montagnes de rive droite de l'Ubayette.
Elles sont recoupées par la faille du Ruburent qui surélève
leur partie W, la plus frontale. Les structures rétrodéversées
ne s'y manifestent guère que par le redressement de leurs
portions les plus internes, qui deviennent à peu près
verticales sur le versant italien. Sous l'angle stratigraphique
elles ne se caractérisent guère, vis à vis
des unités plus internes, que par la présence seulement
sporadique des calcaires du Malm et elles ne présentent
entre elles aucun caractère distinctif. Sous le Dogger,
le Trias moyen y est généralement complet et terminé
par les faciès schisto-dolomitiques du Carnien et souvent
par des brèches (Carnien ou Lias ?). Dans le cadre de la
feuille elles ne comportent que des termes de la série
calcaire.
- La Nappe du Rouchouse représente l'unité
la plus basse affleurant sur le territoire de la feuille, où
elle affleure au coeur de l'anticlinal du Rouchouse ; sur le territoire plus méridional de la feuille Larche elle se complète par une semelle siliceuse permienne et s'avère recouvrir à son tour une nappe encore plus basse, celle de Rocca Peroni.
Il est à noter que l'on y observe le chevauchement direct de ses calcaires triasiques sur des nappes de matériel subbriançonnais : ceci est très différent de qui se passe dans la région de Briançon où les nappes calcaires les plus basses ont un puissant soubassement de matériel houiller.
- La nappe de Sautron repose sur la précédente
aux abords de la crête frontière, où elle
forme la voûte de l'anticlinal du Rouchouse. Il faut sans
doute rapporter aussi à cette nappe une bonne partie des
Marbres en plaquettes qui affleurent dans la gorge de l'Ubaye
entre le Pont du Chatelet et le Pont voûté (Becs
de la Grand Roche).
2°/ Unités enroulées par l'anticlinal de Marinet
Elles affleurent surtout bien dans la gorge de l'Ubaye, ainsi que plus au S, jusqu'en rive droite de la haute vallée de la Maira. Elles peuvent être rapportées à deux nappes principales :
- L'Unité de Marinet constitue
la nappe inférieure, caractérisée par son
matériel essentiellement siliceux et sa couverture adhérente
réduite. Celle-ci comporte en outre souvent, directement
au dessus des calcaires anisiens, un niveau de brèches
dolomitiques (Ladinien atypique, Carnien, Lias ?) que le Malm
recouvre en général directement et qu'il remanie
souvent. Cette unité, qui occupe une grande surface sur
le versant italien peut se subdiviser en trois digitations, dont
les parentés restent assez marquées. Ce sont :
1. L'Unité principale de Marinet, qui affleure,
dans la coupe de l'Ubaye, au coeur de l'anticlinal de Marinet
et y fait donc figure d'autochtone relatif. Elle est par contre
imbriquée sur la nappe de Sautron en rive droite de la
haute vallée de la Maira et s'y clive en plusieurs digitations.
Elle se caractérise par le repos presque direct du Verrucano
sur le Carbonifère (vallon de Chillol). Sa couverture carbonatée
n'est que partiellement et rarement conservée (vallon des
Houerts, rive gauche du Valle del Maurin en amont de Chiapera),
par suite d'une ablation tectonique.
2. L'Écaille des andésites de Marinet (="de Mary"), qui n'affleure
que sur le flanc NE de l'anticlinal de Marinet, où elle
s'imbrique sur la précédente. Elle s'en distingue
par l'absence de Carbonifère visible et par la présence
d'une puissante semelle andésitique (dans laquelle est
ouverte la dépression des lacs de Marinet). Sa couverture
carbonatée est d'épaisseur très variable
par suite de réductions d'origine stratigraphique parfois
très importantes (à la Tête du Sanglier, en
rive droite de l'Ubaye le flysch noir repose sur une dizaine de
mètres seulement de marbres en plaquettes eux mêmes
transgressifs sur 2 m. de Trias calcaire). Enfin, en plusieurs
points (Col de Mary, versant SW du Monte Boulliagna), des observations
récentes semblent montrer que le Trias calcaire y reposerait
directement sur les andésites, par contact stratigraphique
(ce qui serait un fait tout à fait exceptionnel en Briançonnais).
3. La digitation de Preit, plus élevée, qui
n'apparaît qu'à la marge S de la feuille (Monte Midia).
- La nappe des Aiguilles de Chambeyron
est la plus haute. Elle possède une série exclusivement
carbonatée, caractérisée par une érosion
antérieure au Malm qui a supprimé le Dogger et peut
atteindre un niveau assez profond dans le Trias moyen. Les Marbres
en plaquettes néocrétacés-éocènes
y possèdent un fort développement relativement aux
autres terrains de la série.
Elle n'affleure que sur le flanc SW de l'anticlinal de Marinet,
où elle se trouve pincée entre la nappe précédente
et celle de Sautron. De plus ses contacts tectoniques sont surtout
rétrochevauchants. De ce fait il est difficile de savoir
avec certitude quelle était sa position originelle : on
peut envisager qu'elle ait été intermédiaire
entre la nappe de Sautron et l'Unité principale de Marinet
mais il est plus vraisemblable qu'elle soit d'origine plus interne
que cette dernière. En ce cas on peut envisager qu'elle
se soit située originellement soit au NE soit au SW de
l'Ecaille des andésites de Marinet (= "de Mary"). La seconde hypothèse,
qui a été retenue dans les plus récentes
études, rend sans doute mieux compte de l'ordonnance des
variations stratigraphiques (fig.5).
A cette nappe appartiennent trois digitations : Le corps principal
forme les crêtes de l'Aiguille de Chambeyron et de Chillol.
La digitation de Chauvet, plus basse, est présente
dans la coupe de l'Ubaye et, de façon discontinue plus
au S. La digitation du Sommet Rouge, la plus basse, n'existe
guère qu'au N de cette rivière car elle se biseaute
vers le S.
Elles sont relativement indépendantes des anticlinaux de nappes du Rouchouze et de Marinet, par suite de phénomènes de disharmonie (sans doute introduits par le fait que leur soubassement comporte un important coussinet calcschisteux). Elles se développent surtout au N des gorges de l'Ubaye (entre les villages de Serenne et de Maljasset), et peuvent se répartir en deux groupes assez distincts selon qu'elles affleurent plutôt au SW ou au NE de l'anticlinal de Marinet :
1°/ Unités coiffant les anticlinaux du Rouchouse et de Marinet
Elles sont constituées par deux nappes superposées, l'une et l'autre à série exclusivement carbonatée, qui plongent vers le SW et disparaissent par érosion, "en l'air", du coté NE, peu au delà de l'aplomb da la voûte de l'anticlinal de Marinet (plus au N, dans la région de Ceillac elles sont au contraire enroulées autour de ce pli).
- La nappe du Chatelet, la plus basse
de ce groupe, affleure de part et d'autre du verrou aval de la
gorge de la Haute Ubaye. Elle se distingue par une série
jurassique relativement complète et épaisse (Dogger
à couches basales charbonneuses et présence à
peu près systématique de Malm à faciès
de marbre de Guillestre au sommet de la barre calcaire jurassique).
Le contact du Jurassique moyen sur le Trias se fait par l'intermédiaire
de Carnien (suivi de brèches éventuellement liasiques),
de façon comparable à ce qui s'observe dans les
unités basales. Le Crétacé supérieur
pélagique y est souvent peu épais ou absent du fait
d'une ablation antérieure au dépôt discordant
de la formation du Flysch Noir.
On lui rattache trois unités, en fait assez peu indépendantes
:
1. L'Unité des Rochers de Saint-Ours, relativement
externe et seulement séparée du corps de la nappe
par la faille du Ruburent (qui la soulève). Elle semble
représenter le front originel de la nappe et repose sur
la nappe de Sautron par des écailles imbriquées
("écailles du ravin du Pinet", au NE de Saint-Ours)
rattachables à l'une ou à l'autre.
2. La digitation du Brec de Chambeyron, relativement interne,
est à peine séparée du corps principal de
la nappe. Elle n'affleure qu'au S de l'Ubaye, où elle repose
directement sur la nappe de Sautron.
3. La digitation de la Font Sancte, relativement interne
également, affleure au N de l'Ubaye et n'est isolée
du reste de la nappe que par une zone de chevauchements rétroverses
(dirigés vers le NE) qui passe au col des Houerts. Sa série
est d'ailleurs identique à celle du reste de la nappe,
encore qu'elle se singularise, à sa marge orientale (versant
E de la Font Sancte), par une érosion de plus en plus profonde
du Ladinien : Ce dernier est alors remplacé par de puissantes
brèches carniennes transgressives sur l'Anisien (ceci est
analogue à ce que l'on observe dans l'écaille des andésites de Marinet (= "de Mary"), mais il ne semble pourtant pas y avoir eu de
continuité originelle entre ces deux unités).
En rive droite de l'Ubaye cette digitation recoupe par une surface
de rabotage les diverses unités inférieures. C'est
vraisemblablement elle aussi qui constitue la klippe du Pas sud
de Chillol, qui y repose sur l'écaille des andésites de Marinet (= "de Mary"), rabotée jusqu'à ses andésites.
- La nappe de Peyre Haute constitue l'élément sommital de l'édifice des nappes briançonnaises de l'Ubaye. Elle n'affleure qu'au N de l'Ubaye, sur les plus hautes crêtes aux limites NW de la feuille (Pic des Houerts et crête de Vallon Laugier). Uniquement formée de couverture carbonatée, elle se singularise par l'age norien de l'épaisse série calcaréo-dolomitique qui y supporte le Jurassique (ce dernier, enlevé par l'érosion dans les limites de la feuille, ne devient visible que plus au NW, aux environs de Vars).
2°/ Unités affleurant sur le flanc E de l'anticlinal de Marinet.
Elles constituent une entité complexe
qui a été appelée la bande de Ceillac-Chiapera
et qui est limitée du coté NE par la grande "faille
de Ceillac". Cette dernière est une cassure longitudinale
sans doute assez tardive car elle coupe en biseau les diverses
unités empilées de part et d'autre.
La bande de Ceillac-Chiapera est apparemment dépourvue
de semelle siliceuse et se signale par la place importante qu'y
occupe la formation des Marbres en plaquettes. Le reste de la
couverture calcaire est proche de celle de la nappe du Chatelet
et plus précisément de celle de la digitation de
la Font Sancte. En outre on observe, plus au N, dans la région
de Ceillac, un raccord anticlinal (rompu au niveau de l'Ubaye
par rétrochevauchement) entre cette digitation et la bande
de Ceillac. Cette bande doit donc être considérée
comme originellement immédiatement plus interne que la
nappe du Chatelet.
La disposition tectonique des calcschistes néocrétacés
(Marbres en plaquettes) y est difficile à démêler
mais lorsque les entailles d'érosion montrent leur substratum
ce dernier se révèle structuré en un éventail
de plis à vergence NE (mais non renversés). Ces
plis sont surtout visibles en rive droite de l'Ubaye, au voisinage
des villages de Maurin, et dans le vallon de Tronchet. Les coeurs
des anticlinaux ne montrent pas de termes plus anciens que les
brèches post-ladiniennes (Carnien, Lias ?), d'ailleurs
particulièrement épaisses.
Au S de l'Ubaye plusieurs unités de
matériel carbonaté (parfois d'âge seulement
antérieur au Néocrétacé) s'individualisent
au sein de cette bande :
- Les écailles du vallon de Mary sont formées
de lambeaux de Trias calcaire, dilacérés en lames
d'épaisseur décamétrique et emballés
dans une bande cicatricielle de gypses et de cargneules. Elles
affleurent immédiatement au S de l'Ubaye, le long de la
faille de Ceillac.
- L'Unité du Monte Boulliagna se développe
sur le versant italien, au N d'Acceglio, où elle affecte
la forme d'une amygdale de taille plurikilométrique. Elle
est dotée d'une succession post-triasique complète,
parfaitement semblable à celle de la nappe du Chatelet
mais où les calcschistes néocrétacés
n'ont qu'une importance modeste. Cette série est affectée
de plis renversés vers l'Est, eux-mêmes sectionnés
par des failles presque plates à vergence E (fig.8).
- La Bande carbonatée de Chialvetta, qui la prolonge
au S de la Maira (cf fig.10), représente le témoin
le plus méridional de la bande de Ceillac-Chiapera. Cette
dernière s'effile en effet, à la limite S de la
carte, entre des unités essentiellement constituées
de matériel siliceux.
On désignera ici sous ce nom le groupe des unités qui sont situées au NE de la "faille de Ceillac", aux confins du pays des schistes lustrés. La plupart sont caractérisées par l'importance particulière qu'y prennent les terrains de la semelle siliceuse par rapport à ceux de la couverture calcaire. Elles affleurent selon deux bandes distinctes qui convergent et se réunissent vers le S.
1°/ La Bande du Roure.
C'est la plus occidentale des deux. Elle représente
toutefois, en Haute Ubaye, l'élément le plus oriental
du domaine briançonnais proprement dit, où elle
jouxte presque directement la zone piémontaise. Elle est
globalement renversée et couchée sur cette dernière
par rétrodéversement. Du coté W c'est par
la faille de Ceillac qu'elle est en contact avec la bande de Ceillac-Chiapera.
La succession de la semelle siliceuse des unités qui constituent
la Bande du Roure montre principalement des termes supérieurs
aux anagénites et jamais de termes inférieurs à
ces dernières ; la couverture est réduite, souvent
avec un Trias carbonaté très érodé
voire absent du fait d'érosions anté-Malm.
Cette bande est recoupée par l'Ubaye en amont de Maurin.
Mais elle n'affleure que mal au fond de la vallée parce
qu'elle y est biseautée tectoniquement, vers le bas, par
l'accident de Preit (dont le pendage est plus fort). Elle se développe
plus largement sur les pentes de la vallée, au N et surtout
au S, où sa largeur d'affleurement s'accroît de plus
en plus en allant vers l'Italie.
Au S de la vallée de l'Ubaye on y reconnaît
les unités suivantes, en partant des unités les
plus occidentales (donc originellement les plus basses et sans
doute les plus externes) :
- L'Unité du Roure, presque exclusivement formée
de semelle siliceuse mais couronnée par une bande de cargneules
contenant des lambeaux de Trias calcaire,pincés sous le
chevauchement de l'unité supérieure. Il s'agit sans
doute des restes d'une série de couverture carbonatée
plus complète (éventuellement en partie décollée
et représentée par les unités de la bande
de Ceillac-Chiapera).
On a proposé d'y distinguer deux digitations, l'écaille
de la Spera et l'écaille de Cialancioun, cette dernière
étant la plus interne. Mais ces unités ne semblent
pas être séparées par de véritables
discontinuités tectoniques et représentent plutôt
des flancs de vastes plis déversés vers l'E, dont
les axes (d'orientation N100 à N130) sont d'ailleurs sensiblement
obliques aux limites de la bande du Roure.
- L'Unité de Combe Brémond à semelle
siliceuse et mince couverture adhérente caractérisée
par le caractère "ultrabriançonnais" de
sa stratigraphie : repos du Malm (souvent chargé de détritique
siliceux) sur un Trias profondément érodé,
voire souvent sur les terrains permo-werféniens de la semelle
siliceuse (voir la page Maurin). Le tout est fortement plissé isoclinalement,
ce qui confère aux affleurements de la couverture calcaire
une géométrie en étroites lanières.
Deux digitations secondaires y ont été distinguées,
mais elles ne correspondent également qu'à deux
grands anticlinaux déversés à l'Est ; ce
sont l'Unité du Monte Maniglia, relativement externe, dont
la couverture comporte encore, sous le Malm, quelques décamètres
de carbonates triasiques ("couches du Maniglia") et
l'Unité de la Pointe Haute de Mary, plus interne, sans
carbonates triasiques sous le Malm.
Au N de la vallée de l'Ubaye les terrains
siliceux de la bande du Roure occupent une place plus restreinte.
Cela est dû en premier lieu à ce que l'unité
de Combe Brémond disparaît vers le N par biseautage,
en rive droite du vallon Albert (comme on peut l'observer au point
coté 2824 de la Crête du Rissace).
Elle chevauche là, par un contact maintenant renversé
(fig.9), un ensemble qui parait attribuable à l'unité
du Roure, bien que les terrains siliceux y occupent une place
plus subordonnée. Il est surtout développé
sur la feuille Guillestre, où il a été subdivisé
en deux unités, l'Unité de Rasis, essentiellement
constituée par du Jurassique et du Crétacé
supérieur, et l'Unité de la Chapelue, dépourvue
de ces terrains mais montrant une série carbonatée
triasique ainsi qu'une puissante semelle siliceuse.
En effet l'une et l'autre se biseautent vers le S, avant d'atteindre
la vallée de l'Ubaye (la première à la Crête
du Rissace et la seconde entre le col Tronchet et Maljasset),
entre l'unité de Combe Brémond et la faille de Ceillac.
Or cette disposition est symétrique du biseautage qui affecte
la semelle siliceuse de l'unité du Roure, contre le même
accident, sur la rive opposée de la vallée de l'Ubaye.
L'ensemble de l'Unité de la Chapelue et de celle de Rasis
est en outre ployé en un synclinal ouvert vers l'Est, qui
représente apparemment le crochon de son chevauchement
par l'unité de Combe Brémond.
2°/ La Bande d'Acceglio - col du Longet.
Elle correspond aux affleurements les plus
orientaux du Briançonnais interne. Elle est ployée
par l'anticlinal tardif d'Acceglio, qui enroule tout l'empilement
de ses unités constituantes. Elle n'affleure pas dans la
coupe de l'Ubaye, hormis au Col du Longet lui-même, car
elle y est masquée par les nappes piémontaises de
schistes lustrés.
Du point de vue purement lithologique la bande d'Acceglio - col
du Longet se singularise en ceci que le soubassement des anagénites
y affleure souvent assez largement, ce qui laisse même voir
une lame de socle anté-alpin. Comme dans la bande du Roure
le caractère ultrabriançonnais des unités
s'y fait plus accusé des plus externes aux plus internes.
Ces unités sont, de bas en haut (fig.10 et 11) :
- L'Unité inférieure d'Acceglio, comparable
à celle du Roure car également caractérisée
par la présence d'un Trias calcaréo-dolomitique.
Celui-ci est en fait amputé (tectoniquement ?) de ses termes
supérieurs et n'est conservé que localement et d'une
façon assez fragmentaire sous les unités plus élevées.
Cette unité ne se possède donc pas vraiment le type
ultrabriançonnais qui caractérise la "zone
d'Acceglio". Elle constitue le coeur de l'anticlinal de nappes
d'Acceglio et y fait donc figure d'autochtone relatif. Dans la
coupe naturelle de la Maira, elle montre de façon remarquablement
continue la succession de sa semelle siliceuse, caractérisée
par la grande épaisseur et la faible déformation
tectonique de ses porphyres rhyolitiques. Plus au N, en Val Varaita,
on lui rattache l'Unité de Cruset de même position
structurale inférieure.
- L'Unité de Rocca Corna, plus analogue à
celle du Monte Maniglia. Elle montre en effet le repos direct
du Malm sur des termes plus ou moins bas du Trias carbonaté
ou sur la semelle siliceuse (et se rapproche donc beaucoup du
type ultrabriançonnais).
Au Sud de la Maira elle est représentée sur les
deux flancs de l'anticlinal d'Acceglio, alors qu'au N de la vallée
elle n'est présente qu'au flanc W de cet anticlinal où
elle constitue les lambeaux discontinus de l'Unité Marchisa
- Pence. Du coté E de l'anticlinal sa disparition parait
attribuable au jeu d'une importante surface de sectionnement à
pendage W qui affecte toute la pile de nappes.
- L'Unité du Pelvo d'Elva, très analogue
à celle de Combe Brémond car franchement ultrabriançonnaise
: sa couverture est réduite au Malm et au Néocrétacé.
Surtout puissante sur le flanc E de l'anticlinal d'Acceglio cette
unité est souvent débitée ailleurs en écailles
réduites qui ne montrent le plus souvent que sa semelle
siliceuse. Celle-ci se caractérise par un fort développement
de faciès gneissiques dérivés du complexe
volcano-sédimentaire acide.
Au S de la Maira cette unité n'affleure qu'en une bande
relativement étroite. Au contraire, au N de la vallée,
elle couvre rapidement une surface beaucoup plus large pour constituer
à elle seule toute la largeur de la bande siliceuse d'Acceglio,
aux abords du col du Longet. Au N de la Maira et en flanc W de
l'anticlinal d'Acceglio, on peut aussi lui rattacher l'unité
du Buch de Sparviers ainsi que quelques écailles, minces
mais montrant parfaitement leur couverture carbonatée ultrabriançonnaise,
qui jalonnent la base des nappes piémontaises de schistes
lustrés jusqu'aux abords mêmes d'Acceglio.
4. Éléments attribuables aux "écailles intermédiaires"
Aux confins des unités briançonnaises internes et des unités piémontaises on observe souvent la présence de fragments de séries que leurs caractéristiques (type de succession, absence de continuité longitudinale) ont conduit à rapporter à des "Écailles intermédiaires" (voir le chapitre "Structure d'ensemble et paléogéographie"). Dans le cadre de la feuille les affleurements que l'on peut envisager d'assimiler à ce groupe d'unités se répartissent entre les deux types de séries reconnus ailleurs, savoir :
- des séries typiquement ultrabriançonnaises (du type "Acceglio sensu stricto"). Elles sont représentées sur la carte par un seul témoin, constitué de matériel essentiellement siliceux, qui affleure en rive droite du vallon Albert, entre la Crête du Rissace et le col Albert (limite N de la carte, au NE de Maurin). En fait cette lame, qui se biseaute vers le N, constitue très vraisemblablement (fig.9) l'extrémité septentrionale de l'unité ultrabriançonnaise de Combe Brémond, masquée entre la vallée de l'Ubaye et le col Albert par l'unité à série classique de La Chapelue-Rasis (actuellement renversée sur elle).
- des séries à brèches.
Les brèches de ces séries, souvent grossières
et chaotiques (olistostromes), sont essentiellement alimentées
aux dépens du domaine Briançonnais (et spécialement
de sa semelle siliceuse, parfois "reconstituée"
en pseudo-quartzites et pseudo-micaschistes). Elles résultent
donc, sans doute, d'éboulements de talus sous-marins aux
dépens de secteurs de la zone ultrabriançonnaise
surélevés par la tectonique crétacée.
On doit ranger dans ce deuxième groupe :
.-. L'Unité de la Cula. Elle est intercalée
dans les unités typiquement piémontaises de la région
du col du Longet, peu au dessus du toit des unités ultrabriançonnaises.
Elle est essentiellement formée de calcaires, avec une
base constituée par les puissantes mégabrèches
du Longet. La présence, dans cette unité, d'un lambeau
d'ophicalcites (qui affleure peu au delà de la limite N
de la feuille) porte à y voir un élément
de situation assez particulière ni franchement briançonnaise
ni piémontaise.
.-. La série de L'Alpet. Elle affleure surtout au
S. de la vallée de l'Ubaye (en rive gauche du ravin de
l'Alpet, mais non au sommet de l'Alpet...), en marge E de la bande
du Roure, au toit de l'Unité de Combe Brémond, avec
laquelle elle est renversée. En fait il n'est pas certain
qu'elle soit allochtone par rapport à ce soubassement ultrabriançonnais
dont elle semble constituer, plus simplement, les termes stratigraphiques
sommitaux (et dont elle n'a pas été séparée
structuralement ni sur la carte ni dans les schémas structuraux).
Au N de l'Ubaye elle affleure encore à la limite N de la
feuille (Crête du Rissace) puis se poursuit de façon
plus discontinue, cette fois sous forme d'un chapelet d'écailles,
sur la feuille Guillestre, en direction du Col Izoard.
.-. Les séries du revers E de l'anticlinal d'Acceglio-Longet,
qui affleurent au toit (renversé) de l'unité du
Pelvo d'Elva et ont été rattachées à
cette dernière.
2.
LA ZONE PIÉMONTAISE 3. LES NAPPES DE L'EMBRUNAIS-UBAYE VUES GÉNÉRALES |