Le Bas Vallon de Mary |
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La vallée de l'Ubaye s'ouvre en rive gauche, à la hauteur des villages de Maurin, par le débouché du bas vallon de Mary. C'est sur cette transversale à la vallée de l'Ubaye, entre les deux sommets de l'Alpet à l'est et de la Tête de Miéjour à l'ouest, que le lit de cette rivière quitte le domaine liguro-piémontais (dit "des schistes lustrés") pour entrer, vers l'aval, dans celui de la zone briançonnaise.
Cela ne se produit pas d'une façon brutale et franche, mais par le truchement de plusieurs accidents tectoniques parallèles appartenant au faisceau de cassures qualifié de "linéament briançonnais oriental". Ce dernier comporte essentiellement ici deux cassures NW-SE, la Faille de Ceillac et la Faille de La Barge. À cette latitude la Faille du col Fromage, que l'on suit depuis loin au nord (voir les pages "Château Queyras" et "Rasis"), se réunit en une seule cassure avec la faille de Ceillac, par un raccord à angle aigu qui a lieu en rive droite de la vallée (voir la page "Maurin").
Pour analyser ces pentes de rive gauche de la vallée il est plus commode d'examiner successivement ce que l'on observe en aval (rive gauche) de l'entaille du vallon de Mary, puis les pentes de sa rive droite (orientale), c'est-à-dire respectivement à l'ouest puis à l'est du tracé de la faille de Ceillac, lequel dirige clairement celui du talweg du torrent de Mary.
A) à l'ouest du Torrent de Mary :
La Tête de Miéjour, qui domine cette partie du versant sud de la vallée de l'Ubaye, doit son nom à sa position "à la mi-journée", c'est-à-dire au sud, par rapport à Maurin et plus précisément à son église. Si l'on en croit la coupe de sa crête nord-occidentale (qui descend vers La Barge), cette montagne est presque totalement sculptée, sur plus de 800 m de dénivelée, dans des calcschistes de type "marbres en plaquettes", d'âge Crétacé supérieur - Eocène.
Les affleurements de ces derniers prolongent sans problème ceux qui forment, en rive opposée, la Tête de Girardin, ce qui les rattache aussi à l'unité de Ceillac**. Mais la structure plissée de la rive droite ne se reconnait pas ici, peut-être simplement à cause de l'importante couverture d'éboulis qui masque le soubassement rocheux du versant jusque très haut : celle-ci s'étend en effet sur une grande largeur là où devraient se prolonger les plis qui affectent, en rive droite de l'Ubaye, les terrains triasiques et jurassiques du bas versant, au niveau du village de Maljasset.
**Cette bande de terrains où prédominent les calcschistes du Néocrétacé - Éocène, se poursuit vers le nord, par Ceillac, jusqu'au delà du Guil, aux abords du col Izoard ; vers le sud on la suit en Italie jusqu'à Chiapera et même au delà. Elle s'intercale en fait entre deux des failles constitutives du "linéament briançonnais oriental". |
Les affleurements beaucoup plus continus de l'échine raccordant ces pentes au versant de rive gauche du vallon de Mary montrent surtout une monotone succession de marbres en plaquettes plutôt calcaires. Toutefois il s'y intercale, vers l'altitude de 2300 m, au niveau de l'épaule boisée de La Tunette, un niveau assez puissant de schistes plus marneux. En outre ces schistes enveloppent une barre de calcaires triasiques qui se termine rapidement vers le sud en dessinant plusieurs intrications au sein de ces schistes.
En raison de la présence d'une lame de gypses qui coiffe les calcaires triasiques et semble indiquer une succession renversée on peut sans doute y voir l'équivalent des imbrications en succession renversée des affleurements orientaux de Maljasset .
B/ à l'est du torrent de Mary :
Les pentes du versant de la rive droite du vallon de Mary sont d'abord constituées par celles qui descendent de la Pointe Basse de Mary le long de la Crête de la Testeta, laquelle partage le versant entre sa partie sud, essentiellement formée par les terrains siliceux briançonnais, et sa partie plus septentrionale, constituée de schistes lustrés du domaine liguro-piémontais (voir la page "Pointes de Mary"). Ce dispositif prolonge assez bien celui que l'on observe en rive opposée de l'Ubaye (voir la page "Maurin"), à condition de n'en considérer que les basses pentes.
En effet on ne voit en rive gauche aucune trace des puissant affleurements de calcaires triasiques de l'unité de la Chapelue, qui y forment la Crête de l'Eissassa. Par contre les pentes de la Crête de la Testeta qui descendent de l'épaule du lac de Tuissier représentent de façon évidente la réapparition, au sud-est de l'Ubaye, de l'unité de Combe Brémond, y compris en ce qui concerne la disposition à l'envers de cette dalle rocheuse et son repos, dans cette attitude, sur les schistes lustrés .
f.C = faille de Ceillac ; ØCB = surface de charriage de l'unité de Combe Brémond ; ØSL = surface de charriage de la nappe des Schistes lustrés. csb = calcschistes à brèches de l'Alpet ; M = marbres du Malm et du Crétacé supérieur, reposant stratigraphiquement sur les quartzites de l'unité de Combe-Brémond. Cette vue souffre d'une perspective en contre plongée qui ne permet pas une vue correcte des hautes pentes (la Pointe Haute de Mary et notamment cachée derrière l'épaule de Tuissier : pour ces hautes pentes se reporter à la page "Pointes de Mary"). |
Dans cette unité la semelle de terrains siliceux, principalement quartzites triasiques
et Verrucano permien, forme une dalle de plus en plus inclinée vers le sud-ouest qui plonge vers le bas du versant. Son abrupt nord est au contraire constitué par une barre de marbres du Malm qui repose par l'intermédiaire de marbres en plaquettes sur des calcschistes plus argileux au sein desquels se développent des niveaux de brèches à éléments de matériel briançonnais : c'est là une succession en position complètement renversé dont les caractéristiques sont typiquement ultra-briançonnaises. |
D'autre part les pentes qui descendent de l'épaule du lac de Tuissier au revers sud-occidental de la crête de la Testeta sont formées, jusqu'au Clos de Balet, par des dalles rocheuses quartzitiques dont les termes sont disposés, au contraire, à l'endroit, les conglomérats permiens supportant du Verrucano lui-même recouverts par les quartzites werféniens de la bosse 2713. Cette succession appartient à l'extrémité septentrionale d'une unité du Roure (voir la page "Pointes de Mary"), inconnue au nord de l'Ubaye, qui repose sur la succession renversée de l'unité de Combe Brémond par une surface tectonique (qui est apparemment celle du chevauchement de cette dernière, mais renversée par le jeu du rétro-charriage).
En dépit de sa différence de constitution avec l'unité de La Chapelue, cette unité du Roure semble la relayer en direction du SE, car elle a une position tectonique similaire. Cette hypothèse est d'ailleurs soutenue par le fait que le Trias calcaire des Rochers de l'Eissassa s'avère dès le col Tronchet et plus au nord (voir la page "Beaubardon") jusqu'au Guil (voir la page "Bramousse"), n'être que la couverture renversée de la puissante dalle de matériel siliceux qui arme cette unité de la Chapelue. |
C'est le le long du talweg même du torrent de Mary, que le matériel siliceux de l'unité du Roure est juxtaposé aux calcschistes de l'unité de Ceillac, par un contact très redressé que jalonnent quelques affleurements de cargneules. Dans les basses pentes de rive droite du torrent de Mary, à partir du niveau du Clos de Balet, les escarpements de marge du talweg montrent que la dalle de quartzites et de Verrucano qui forme l'essentiel de pentes de cette rive repose sur des calcaires triasiques accompagnés de cargneules : il semble que ces couches doivent se rattacher à la couverture calcaire de l'unité du Roure plutôt qu'au matériel disloqué qui jalonne le tracé de la faille de Ceillac le long du talweg du torrent.
Quoi qu'il en soit ces affleurements sont tranchés par un jeu de cassures orientées NE-SW dont la plus méridionale et sans doute la plus importante peut être appelée faille du Clos de Balet. Ces failles ne semblent pas affecter la faille de Mary mais plutôt se brancher sur elle. Il semble bien en outre que ce système de fractures, en se prolongeant vers le NE, soit responsable de l'interruption des affleurements de l'unité de Combe Brémond et de son contact avec les schistes lustrés piémontais, ce qui témoignerait d'un rejet horizontal dextre.Plus au nord le ravin de l'Alpet suit à peu près le tracé de la surface tectonique majeure par laquelle la dalle renversée de l'unité de Combe Brémond repose certainement sur les calcschistes du domaine des schistes lustrés piémontais (lesquels affleurent au delà dans toute la montagne de l'Alpet). Sur le terrain l'on observe pourtant qu'un passage d'apparence progressive, sans changement brutal de nature des roches entre les schistes lustrés et les calcschistes qui sont considérés comme le terme supérieur de la succession stratigraphique de l'Unité de Combe Brémond.
Dans le détail on observe en effet , entre les marbres du Malm - Néocrétacé de l'unité de Combe Brémond et les schistes lustrés véritables, un ensemble de calcschistes plus ou moins argileux selon les niveaux, avec de fortes passées de calcaires à débit en "lauzes". Or ces couches hébergent, notamment à la hauteur des bergeries de l'Alpet, des brèches grossières (dont certains blocs ont la taille d'olistolites), les "brèches de l'Alpet". Ce sont ces "calcaires en lauzes" et les "calcschistes à brèches" que l'on rapporte à la partie supérieure de la couverture de l'unité de Combe Brémond car on les voit ailleurs (par exemple au Rissace) reposer directement et apparemment de façon stratigraphique sur les quartzites. |
La nature tectonique du contact entre les calcschistes à brèches de l'Alpet et les vrais schistes lustrés est cependant démontrée par la présence, le long de ce contact, de fragments ophiolitiques rapportables à la semelle "océanique" des schistes lustrés. Le plus important (de très loin) de ces lambeaux témoins de la semelle "océanique" des schistes lustrés est constitué ici par les affleurements de serpentinite fragmentée par des filons calcitiques ("ophicalcite") de la carrière de Maurin, Cette roche fut exploitée jusque dans les années 1960, comme marbre décoratif (elle avait notamment été utilisée, au siècle précédent, à l'opéra de Paris).
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Le front de taille (abandonné) de la carrière de marbre de Maurin. On distingue bien la structure de l'ophicalcite : c'est une brèche tectonique à éléments de serpentinite dont les filons de calcite remplissent les espaces formés par la fragmentation de la roche. Le front de taille, vertical, porte des stries presque horizontales, ici légèrement inclinées vers la droite (le fer du marteau est appuyé sur l'une d'entre elles). Ce sont les traces de passage du fil abrasif qui servait de scie pour débiter la roche. On trouvera des données complémentaires sur l'ancienne exploitation de ce marbre et son emploi ornemental à cette adresse. |
notations de la carte géologique au 1/50.000° : h5 = grès et conglomérats houillers ; ra = andésites ; rA = conglomérats permiens ; rt = Verrucano , tiQ = quartzites werféniens ; tiK = cargneules ; tmC = calcaires aniso-ladiniens ; tmD = dolomies ladiniennes ; js = Marbres du Malm ; c-e = calcschistes néo-crétacés ; js-c = marbres du Malm et du Néocrétacé ; cB = calcschistes à brèches de l'Alpet ; dB = ophicalcites. |
Il faut souligner, pour conclure, qu'entre la faille de Ceillac et les surfaces de chevauchement imbriquant les unités qui structurent sa lèvre nord-orientale (unités de Combe Brémond et du Roure) les rapports sont ceux d'un sectionnement par cette faille. Cela montre que, après le basculement vers l'est, par dessus la nappe des schistes lustrés, qui a affecté le matériel de ce domaine en tant que flanc ouest du méga-synclinal du Rio Mollasco (voir la page "Maira"), il a été sectionné, sans égard pour ses structure antérieures, par le jeu de cette faille, qui se différencie d'ailleurs, par son plus fort pendage, des autres accident qu'elle coupe. Cette faille de Ceillac se caractérise ainsi comme l'accident majeur qui limite du côté interne à l'arc alpin le grand couloir tectonique qu'est le linéament briançonnais oriental. |
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Maurin rive droite |
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