chaînon de Montbrison |
Le Chaînon de Montbrison, orienté N-S, constitue une puissante barrière entre les deux vallées de Briançon (vallée de la Guisane, prolongée en aval par celle de la Durance) et de la Gyronde (Vallouise), qui confluent à son extrémité sud, à L'Argentière. Il s'agit d'un ensemble d'une grande complexité tectonique.
Sous le nom de "Montagnes entre Briançon et Vallouise", il avait fait l'objet, au début du XXe siécle, d'une étude par Pierre Termier, qui fut très remarquée, notamment parce qu'il y avait mis en évidence une structure en lames tectoniques imbriquées, qu'il avait désignées du nom d'"écailles" (il en distinguait alors quatre, numérotées de bas en haut, de la "première écaille" à la "quatrième écaille"). |
Le corps du chaînon est effectivement constitué par un empilement d'unités tectoniques qui sont rapportés aux nappes briançonnaises "occidentales", c'est-à-dire à celles qui affleurent en marge ouest de l'anticlinorium du col des Ayes. On les rapporte, de haut en bas, aux nappes de La Condamine, de Champcella et de Roche Charnière (la "quatrième écaille" est désormais considérée comme une unité étrangère à cet ensemble occidental, car ayant une origine plus orientale, ultra-briançonnaise).
Dans le versant ouest et sur les crêtes ces nappes sont surtout représentées par la partie supérieure, calcaire et dolomitique, de leur succession de strates. Par contre dans le versant est de la montagne leur semelle siliceuse affleure assez largement et forme presque exclusivement les pentes inférieures. Enfin au pied de leur versant occidental la vallée de la Gyronde montre le soubassement de cet empilement, qui est constitué par les calcaires jurassiques et surtout les calcschistes néocrétacés de la zone subbriançonnaise.
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Ces nappes sont par ailleurs affectées de nombreuses complexités de détail, redoublements par imbrication, failles et plis, qui rendent particulièrement difficile (et finalement encore peu clair) le déchiffrage de la géométrie structurale de ce chaînon (qui s'avère être sans doute un des plus complexes des Alpes françaises).
On trouve au sommet de l'édifice un chapeau assez continu car peu fragmenté, formé par la dalle peu inclinée de la nappe de la Condamine. Cette nappe est bien caractérisée par son Trias moyen "normal", souvent surmonté de Carnien inférieur, et par sa série jurassique incomplète (souvent réduite aux seuls marbres de Guillestre du Malm), ce qui rappelle beaucoup les unités de la Font Sancte et du Châtelet du Briançonnais au sud du Guil et d'assez près celles de Roche Gauthier et des Cerces sur une transversale à peine plus septentrionale. Au dessous se superposent, dans la partie nord du chaînon (sous la Condamine), deux unités imbriquées (celle du Bas Morand et celle de Coste Blaou, cette dernière rapportable à la nappe de Champcella). Mais on en décompte quatre dans sa partie méridionale, où s'empilent de haut en bas, dans les abrupts de la Tête d'Aval (voir le cliché de la page "Salcette") : - l'unité supérieure de la Tête
d'Aval, dotée d'un jurassique réduit et d'une
épaisse série de marbres en plaquettes, ce qui
la rapproche plutôt de la nappe de la Condamine ; vers
le nord elle semble se poursuivre par l'unité supérieure
du Bas Morand (voir page Condamine). |
La rive gauche de la vallée de Vallouise (massif de Montbrison) : panorama d'ensemble, vu de l'ouest, depuis les environs nord-ouest du village de Puy Aillaud. Entre le fond de la vallée du Gyr et la crête du massif de Montbrison se succèdent des unités imbriquées allant de la couverture autochtone (NFl = Flysch nummulitique) en passant par les écailles sub-briançonnaises (SB) jusqu'aux unités briançonnaises "frontales", représentées par les nappes de Champcella (n.Cp ) et de la Condamine (n.Co) (on n'a pas distingué ici les subdivisions de ces nappes majeures : voir l'analyse plus détaillée en page "Montbrison"). Cet empilement, fondamentalement assez simple, est affecté par un réseau de failles : - La faille de Montbrison, orientée NW - SE, est particulièrement bien visible en contrebas du Pic de Montbrison (voir clichés de détail) - La plupart des autres failles sont orientées NE-SW et ont un rejet dextre comportant une composante d'abaissement de leur lèvre sud-orientale. La principale est la faille de la Grand Côte (f.C) qui représente très vraisemblablement le prolongement nord-oriental de la faille des Grésourières des pentes de rive gauche de l'Onde à l'ouest de Vallouise. Deux autres ont été figurées : f.B = faille des Balces ; f.PF = faille de la Peyre du Fey. concernant ces accidents lire la note explicative. |
Ces basses pentes correspondent à d'énormes paquets tassés* plus ou moins disloqués, qui masquent largement la structure tectonique de leur substratum. En particulier ils cachent presque totalement la surface de charriage des nappes briançonnaises sur les écailes subbriançonnaises, depuis la latitude de Saint-Antoine jusqu'au sud-est du Grand Parcher, soit sur une distance nord-sud de l'ordre de 5 kilomètres. Ce phénomène est à l'origine du fait que des terrains briançonnais (et notamment des calcaires et dolomies triasiques) affleurent, en formant des buttes à flanc de versant, dans une bande d'altitude comprise entre 1200 m et 1900 m, le long de laquelle tous les fonds de ravins montrent au contraire des marbres en plaquettes de la zone subbriançonnaise.
Les anciens auteurs s'étaient évertués à expliquer la présence, à basse altitude, de ces affleurements de matériel briançonnais en invoquant des complications tectoniques qui n'ont pas de réalité (par exemple les "écailles du Bois de Parapin"). La récente carte géologique au 1/50.000° (feuille Briançon) n'indique encore que très partiellement ces paquets tassés comme tels. Les coupes explicatives accompagnant cette carte les dessinent correctement, comme des paquets posés à plat sur la pente, mais suggèrent malencontreusement qu'il s'agit de klippes d'origine tectonique, en dessinant une inflexion vers le fond de vallée de la surface de charriage des nappes...). |
Du côté est le chaînon de montbrison est d'autre part accidenté d'arêtes et de cirques qui l'encochent et qui permettent un peu mieux d'y voir des coupes transversales, E-W. Or ces dernières révèlent des dispositions assez distinctes de celles qui sont observables sur le versant occidental.
La partie haute du versant s'avère toujours formée, bien sûr, par la dalle des calcaires et dolomies du Trias moyen de la nappe de la Condamine. La partie basse des abrupts montre un autre ensemble de terrains calcaréo-dolomitiques, qui ont donc été rattachés à la nappe de Champcella.
En fait les terrains calcareux des abrupts inférieurs se partagent en deux ensembles, l'unité des Tenailles (en haut) et celle de la Salcette (en bas). D'autre part leur géométrie est complexe et quelque peu incohérente (voir les coupes ci-après). En effet les imbrications visibles sur le versant ouest ne se prolongent pas ici de façon claire. Elles y font plutôt place à des plis énergiques, allant jusqu'au renversement de la succession stratigraphique, que l'on n'observe pas dans le versant ouest.
Enfin la semelle siliceuse de ces unités affleure également en bas des pentes (ce qui n'est pas le cas sur le versant ouest) et elle est également affectée de replis et imbrications assez complexes et difficiles à interpréter.
Tout cet ensemble de structures compressives bute dans les plus basses pentes, entre Bouchier et le col de Trancoulette contre une faille N-S sub-verticale. Il est clair que cette faille de Trancoulette est un accident tardif (postérieur aux charriages et plissements) puis qu'il tranche à tour de rôle toutes les unité empilées. Son pendage très fort et le fait que l'on ne retrouve pas de part et d'autre un empilement identique d'unités suggèrent fortement qu'elle a dû avoir un rejet en grande partie coulissant. Elle s'apparente clairement au faisceau de cassures qui est principalement représenté plus au sud par la faille de la Durance.
B/ Coupes sériées dans le chaînon (du nord au sud) :
En définitive
l'analyse des coupes et la comparaison des deux versants porte
à conclure que la structure de ce chaînon résulte
de la superposition de quatre thèmes de déformation
dont il est difficile de dire comment ils se sont combinés dans la chronologie de l'édification de la structure tectonique :
1 - l'avancée de la zone briançonnaise sur la zone
subbriançonnaise, qui s'est faite par une surface de chevauchement
coupant en biseau la pile stratigraphique. De ce fait les parties
les plus frontales de cette nappe ne sont constituées que par
les termes les plus hauts de la série, les termes inférieurs,
siliceux, n'étant représentés qu'en arrière
du front de charriage (voir la coupe de la Tête d'Amont).
2 - l'imbrication, au sein de cette partie frontale de la grande
nappe briançonnaise, d'unités élémentaires
individualisées par le jeu de failles inverses avec rampes
et paliers (le résultat est surtout visible dans le versant
ouest de la montagne)
3 - la formation d'un système de plis déversés
vers l'ouest, qui sont essentiellement observables sur le revers
oriental de la montagne. La question se pose de savoir si ces
plis se sont formés avant, pendant ou après les
imbrications. Or l'individualisation de la nappe de la Condamine
semble résulter de la rupture de l'anticlinal supérieur
de cet édifice, dont le flanc inverse serait représenté
par l'unité des Tenailles : cela pousse à croire
que plissement et imbrication se sont fait dans une même
étape de déformation ....
4 - le jeu tardif de failles orientées presque N-S, dont
les deux principales sont la faille de la Tête d'Amont,
extensive et pentée vers l'est, et la faille de Trancoulette,
subverticale mais à rejet assez mal déterminé
(à composante de coulissement très probable).
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(Pelvoux -Ailefroide) |
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