La bordure orientale du massif du Pelvoux |
La bordure orientale du massif du Pelvoux se caractérise par deux faits essentiels :
1/ Le socle cristallin est presque partout recouvert directement, en transgression, par la succession marine nummulitique, qui est sur la plus grande épaisseur constituée par la formation du "flysch des Aiguilles d'Arves" (qui passe vers le sud aux "Grès du Champsaur", fondamentalement similaires).
2/ Ces couches autochtones plongent de façon de plus en plus accentée vers l'est, dessinant ainsi une sorte de demi-voûte, avant de s'enfoncer sous les terrains charriés des nappes d'origine interne, en commençant par ceux de la zone sub-briançonnaise.
image sensible au survol et au clic
La partie orientale du massif du Pelvoux, à la latitude
de Vallouise vue d'avion, du sud, depuis l'aplomb de la crête de Reychard. (cliché original obligeamment communiqué par M. Alexandre LAMI)
ac.A = accident d'Ailefroide ; f.G = faille des Grésourières.
Un aspect d'abord négligé de la manière dont les couches nummulitiques reposent sur le massif concerne l'existence de dispositifs paléotopographiques et leurs conséquences. Ces dernières sont de deux ordres, les unes portant sur la nature des sédiments les autres sur l'aspect du contact lui-même.
Les deux traits marquants sont d'une part le fait que l'on observe des paléofailles fossilisées par le Nummulitique (en particulier à la Rouya, près de Pelvoux) et d'autre part que l'on rencontre en divers points (au nord comme au sud) des olistolites inclus dans la base de la succession nummulitique (en particulier à l'Aiguille de Cédéra, au Rocher de l'Yret, à la Croix de Cibouit et aux abords sud et nord du col du Lautaret).
Plusieurs aspects des dispositifs structuraux affectant la surface de transgression peuvent être examinés de plus près : ce sont en particulier les caractères de la déformation associée au charriage des nappes internes et leurs rapports avec les déformations de l'intérieur du massif, qui se manifestent par la présence de bandes de terrains sédimentaires d'âge secondaire qui y sont intercalées entre les blocs de socle. En fait l'aspect sous lequel de présentent ces problèmes est assez différent selon que l'on considère la partie sud-orientale du massif, où les choses paraissent relativement simples, et sa partie nord-orientale où elles sont plus complexes, et où les interprétations encore controversées dans une certaine mesure.
Au sud de Pelvoux, notamment dans les vallées de La Selle, du Fournel et de Dourmillouse, on constate que les terrains sédimentaires d'âge secondaire n'affleurent que dans des dépressions structurales (éventuellement de véritables synclinaux) sous la surface de transgression nummulitique, sans qu'il soit nécessaire d'envisager la moindre déformation post-nummulitique pour expliquer leur situation.
Toutefois trois aspects méritent d'être examines de plus près :
1/ Les effets de la tectonique de charriage
sur la couverture autochtone :
Ils sont très manifestes dans les flancs des vallées
précitées, qui donnent des coupes profondes de la
puissante formlation du flysch autochtone et y révélent
une multitude de plis dont les charnières suivent un même
thème répétitif. Ce plissement s'est révélé
(P.Tricart, 1980) être l'aspect le plus apparent d'un intense
cisaillement global de la couverture, dont le taux s'accroît
en se rapprochant de son interface avec le socle cristallin, mais
sans qu'il apparaisse la moindre discontinuité tectonique
(il s'agit en somme d'un charriage sans surface de charriage,
par l'intermédiaire d'un étirement de la base de
la succession charriée).
L'interprétation adoptée sur la feuille Orcières de la carte géologique au 1/50.000°, qui place un contact tectonique à la base de la série nummulitique sur le versant Champoléon, paraît d'autant plus injustifiée dans ce contexte. En fait elle était inspirée par le fait que, dans ce secteur, le flysch repose parfois directement sur le substratum anté-nummulitique (par exemple à l'est du col de Méollion). En fait il s'agit là, beaucoup plus vraisemblablement, d'un dispositif sédimentaire de onlap sur paléoreliefs, plutôt que d'un sectionnement tectonique. De même il n'existe pas, contrairement à ce qu'indique cette carte et à ce qu'ont pu croire certains auteurs, de grande faille prenant en long, de façon continue, le vallon de la Selle, en suivant la limite cristallin - sédimentaire.
2/ L'existence de structures affectant les
terrains sédimentaires d'âge secondaire, qui ont été qualifiées
par les anciens auteurs de "synclinaux pincés en ombilic",
"synclinaux inapparents", etc..., ces termes indiquant
que leur géométrie n'est pas celle de simples plis
ni de chevauchements : leur interprétation précise
n'est pas évidente mais ils paraissent tous s'expliquer
par les jeux superposés de failles anté- et post-
nummulitiques...
C'est notamment le cas de l'"accident d'Ailefroide".
Anciennement qualifié de synclinal car il est représenté
par une bande de terrains sédimentaires enserrés
entre deux mords de cristallin, il se ferme vers le haut en direction
du NE en atteignant le vallon de Chambran.
Cette géométrie particulière semble s'expliquer
par la superposition des déformations suivantes :
- Au Jurassique il devait constituer un hémigraben,
limité du côté ouest par une faille extensive
surélevant l'actuel massif de Clouzis
- La tectonique anté-Nummulitique a probablement
causé, compte tenu de son orientation NE-SW, idéale
pour celà, son pincement, voire un début de chevauchement
de son flanc sud-oriental. Celui-ci, porté en relief par
les érosions antérieures à la transgression
nummulitique a été la source des olistolites de
cristallin du Rocher de l'Yret
et de la Croix de Cibouit.
- Il a dû rejouer en décrochement dextre (et peut-être
subir un écrasement complémentaire) dans les compressions
post-nummulitiques. C'est alors que les olistolites de la
base du Nummulitique ont été redéformés
par le cisaillement lié à l'entraînement vers
l'ouest de la série stratigraphique nummulitique par rapport
à son soubassement, sous l'effet de l'avancée des
nappes internes* (donnant l'impression de former la base d'une
écaille parautochtone).
3/ Le comportement du socle dans la
déformation post-nummulitique :
Un aspect important est qu'il a été impliqué
par un système décrochant, impliquant sans doute
la plupart des accidents préexistants (dont l'accident
d'Ailefroide notamment), dont le rejet global est dextre selon
une direction NE-SW.
La cassure principale est la faille
des Grésourières dont l'importance est soulignée
par la différence de constitution du socle cristallin dont
les bandes N-S sont clairement décalées de valeurs
plurikilométriques de part et d'autre de son tracé.
Cet accident se poursuit vers l'est jusque dans le domaine briançonnais
et se termine du côté SW en se connectant au chevauchement
du Sirac (elle en constitue la "rampe latérale").
Au nord de Pelvoux, notamment dans les vallées
d'Ailefroide, de Chambran et dans celles du Grand et du Petit
Tabuc, ainsi que dans le vallon d'Arsine (sur le versant Romanche
de la ligne de partage des eaux) les conditions d'affleurement
des terrains sédimentaires d'âge secondaire sont
plus ambigües et peuvent laisser à penser que leur
intercalation entre des blocs de socle cristallin résulte
d'une tectonique post-nummulitique, plus ou moins liée
au charriage des nappes d'origine interne.
Cette opinion, essentiellement mise en avant dans les années
50-60 à la suite des travaux pionniers de Paul Gidon et
de Jean Vernet, s'est exprimée par un schéma "en
artichaut" où la structure de l'est pelvousien est
décrite comme une imbrication d'écailles de socle
concentriques, s'incurvant sur son pourtour, de sorte que l'azimut
de leurs surfaces de chevauchement, orienté NE-SW dans
le sud, devient NNW-SSE au nord. La question de leur âge
n'était même pas discutée, tellement leur
liaison avec le charriage des nappes internes paraissait aller
de soi.
Toutefois l'étude de la géométrie de ces accidents tectoniques, et celle des rapports exacts entre le Nummulitique et les terrains (sédimentaires et cristallins) sur lesquels il repose, a conduit à envisager que l'on observe en fait là l'interférence d'une tectonique anté-nummulitique de chevauchement vers le nord-ouest, avec une tectonique de compression-cisaillement vers l'ouest, post-nummulitique (combinée, plus accessoirement, avec un système de décrochements).
Carte structurale de la bordure nord-est du massif du Pelvoux (M.GIDON 1979) Noter le système des décrochements conjugués qui affectent la marge nord-orientale du massif du Pelvoux et qui trahissent son rôle de môle résistant à l'avancée des nappes internes. figure
agrandissable On trouvera une carte plus précise et plus récente
de la zone briançonnaise à la même
latitude, à la page |
La haute vallée de la Guisane vue d'avion, du sud, depuis l'aplomb du lac de l'Eychauda (cliché original obligeamment communiqué par M. Alexandre LAMI) (la rive gauche de la vallée est vue par dessus les crêtes de sa rive droite). ØP = chevauchement de la Ponsonnière ; ØB = chevauchement de l'Unité briançonnaise du Grand Galibier (tirets roses) ; ØSB = chevauchement des écailles subbriançonnaises (tirets bleus). d.Ch = décrochement du Chardonnet ; d.RR = décrochement de Roche Robert ; d.L = décrochement du Lautaret ; d.LI = décrochement du Lauzet. concernant l'interprétation des crêtes de premier plan (Montagnolle - Yret) se reporter à la page Yret. |
C'est ainsi que les "écailles" du secteur de l'Eychauda, dont les imbrications sont particulièrement bien visibles, se révèlent avoir eu un déplacement orienté vers le nord, avant que la flexion en voûte de la marge orientale du massif leur ait conféré un pendage qui semble les faire s'enraciner à l'est. D'autre part leur prolongement vers le nord, en direction du Lautaret, paraît bien difficile à soutenir et leur cachetage par le Nummulitique explique mieux la structure de la rive droite de la Guisane en amont du Monêtier.
En ce qui concerne le chaînon du Combeynot,
considéré d'abord comme une "écaille"
particulièrement épaisse, poussée vers l'ouest
sur le "synclinal" d'Arsine, il apparaît comme
une entité d'origine plus complexe édifiée
en 3 étapes :
-1- au Jurassique il représente le flanc ouest d'un
bloc basculé que bordait à l'ouest l'hémigraben
du vallon d'Arsine ;
-2- au Crétacé supérieur (étape
des plis anté-Sénoniens du Dévoluy ?) il
est rompu en chevauchement vers le nord-ouest par un accident,
prolongement vraisemblable du chevauchement de la Meije, qui se
prolonge dans sa couverture par une imbrication (appelée
"écaille du Lautaret" par Reynold Barbier). Ce
chevauchement à vergence nord est ensuite cacheté
par la transgression du flysch des Aiguilles d'Arves, qui repose
ainsi sur le socle cristallin au sud du Lautaret et sur un empilement
d'écailles de couverture au nord de ce col.
-3- les charriages post-nummulitiques ont peut-être
repris dans une certaine mesure ce chevauchement en lui donnant
une vergence ouest dans le versant oriental du vallon d'Arsine.
Mais ce que l'on y observe surtout est un plissement intense du
contenu mésozoïque de l'ancient hémigraben
et le renversement vers l'ouest de l'interface cristallin - sédimentaire
et du Trias qui y est resté adhérent.
Au nord de la Romanche ces plis, comme toute l'enveloppe sédimentaire
de la bordure septentrionale du massif du Pelvoux sont basculés
et étirés vers l'ouest en plis couchés transformés
en chevauchements par la rupture de leur voûte et transformation
de leur coeur triasique en une lame servant de semelle de glissement.
On reconnaît là, mais affectant un ensemble de terrains
sédimentaires mésozoïques déja structurés
par la déformation anté-nummulitique, les effets
de la déformation cisaillante continue, entre le socle
cristallin et les nappes internes, qui se développe dans
partie sud du massif aux dépens de la seule série
nummulitique.
Les noms de lieux marqués au sein du cristallin
désignent les véritables écailles chevauchantes
(anténummulitiques). Les écailles distinguées
dans les terrains sédimentaires sont indiquées en
abrégé: LA = écaille du Lautaret; ANR= écaille
des Anrouchors; ALB = écaille des Albiez (nomenclature
conforme à R. BARBIER [1963] ).
Le " synclinal d'Arsine " est considéré
comme représentant à cette époque une structure
couchée ouverte vers le Nord, entre l'écaille de
la Meije et celle du Combeynot. Sa déformation post-nummulitique
consisterait essentiellement en un basculement vers l'Est, en
même temps que toute la bordure Est du massif du Pelvoux
(mais cela n'exclue pas un certain rejeu tangentiel, dans le sens
Est-Ouest, de l'écaille du Combeynot après le Nummulitique).
Depuis la date du dessin de cette figure le caractère
de la déformation anté-nummulitique du socle, en
pli-faille avec voussure du compartiment chevauchant et renversement
des couches sur le bord chevauchant (plus accusé même
qu'il n'est représenté ici), a été
confirmé par la cartographie du socle cristallin, qui a
mis en évidence, au Combeynot comme à la Meije,
l'enroulement des gneiss autour d'un coeur de granite, en un vaste
crochon d'axe NE-SW.
Plus de détails
sur les relations entre le chevauchement
de la Meije et les "écailles" de couverture.
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Pelvoux est |
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