Lac de l'Eychauda |
Le lac de l'Eychauda, se situe à la partie tout-à-fait supérieure du vallon de Chambran. C'est un typique lac de verrou, retenu par une échine rocheuse que ne franchit même aucun émissaire : il est logé au creux d'un cirque que ferme, du côté nord, la Crête des Grangettes, du côté sud celle du Pic de l'Eychauda (qui appartient au groupe de Clouzis) et du côté est celle du Rocher de l'Yret.
Le lac de l'Eychauda, vu du nord depuis le Col des Grangettes f.E = faille du Lac de l'Eychauda : elle passe au Collet d'Avant Foran et détermine le verrou retenant le lac. |
Cette dépression correspond à un ombilic glaciaire* ouvert à l'extrémité aval du lit, maintenant largement abandonné, qu'y a creusé le glacier de Séguret Foran. La localisation de cet ombilic est liée à une disposition tectonique très particulière, qui est la présence, entre les roches cristallines formant les parois du cirque et celles de son fond, d'une intercalation de roches sédimentaires (comportant même un niveau relativement tendre de schistes noirs), que le glacier de Séguret Foran à pu affouiller jusqu'à le creuser à son front.
Les crêtes dominant le lac de l'Eychauda, vues du sud-est, depuis le verrou à l'est du lac (état en 1988). La fonte de la langue du glacier de Séguret-Foran a commencé à mettre à nu, dès les années 1950, les roches moutonnées de son bedrock (que n'avait pu observer P.Termier lors de son étude du massif aux alentours de 1900). Il s'agit des calcaires marbreux voire même quartzeux attribués au Lias-Dogger car ils supportent directement les Terres Noires du Jurassique supérieur (lesquelles affleurent plus haut sous la crête des Grangettes). On voit parfaitement le chevauchement ØG du cristallin de la crête des Grangettes mais la coupe naturelle n'est pas orientée selon la direction du mouvement : la direction d'axe, ENE-WSW, du crochon que dessinent ses couches dans les rochers du sommet 3310 indique un déplacement de l'écaille non pas vers la gauche mais vers l'arrière-plan (c'est-à-dire vers le N-NW). vue panoramique du versant opposé (face nord) de la crête des Grangettes. |
En effet le lac est logé à l'extrémité orientale d'une véritable demi-fenêtre*, percée dans une petite nappe de charriage, l'écaille des Grangettes (= "écaille de l'Eychauda", P.Gidon, 1954). Cette dernière, formée de matériel cristallin, s'est avancée sur les terrains sédimentaires du vallon anciennement occupé par le glacier de Séguret-Foran (mais ces derniers sont maintenant masqués presque totalement par le matériel morainique qu'y a abandonné la fonte de la glace).
Le secteur du lac de l'Eychauda se singularise d'ailleurs par une succession stratigraphique particulière, d'épaisseur réduite, ne comportant entre le Trias et les Terres Noires du Jurassique supérieur qu'une seule formation constituée de calcaires marbreux massifs, à intercalations quartzitiques. Il s'agit vraisemblablement de faciès de haut-fond, d'âge imprécis, qui sont attribués (surtout par encadrement) au Jurassique moyen - inférieur et qui indiquent qu'à cette époque on devait se trouver là à proximité de la crête d'un bloc de socle surélevé.
En outre l'emplacement même du lac semble déterminé par le passage d'une faille du lac de l'Eychauda, qui est une cassure verticale N-S bien visible dans les pentes qui tombent du Collet d'Avant-Foran et qui passe sensiblement au col des Grangettes.
En effet en contrebas nord de ce dernier (rive sud du vallon du Tabuc) la surface de chevauchement de l'écaille des Grangettes est brutalement abaissée d'au moins 100 m. Cette faille est masquée aux abords du lac par le colmatage de matériel morainique et dans les pentes du col des Grangettes par les éboulis et les panneaux rocheux fauchés ou tassés de ce versant. |
Il est probable que c'est la rencontre de cette faille verticale
avec la surface de chevauchement inclinée vers le SE qui
a délimité vers l'est la zone particulièrement facile
a éroder que la langue ancienne du glacier de Séguret-Foran avait évidée
en surcreusement.
Cette fracturation du bedrock explique sans doute aussi que le
lac n'ait pas de déversoir et que ses eaux s'évacuent
par la profondeur. En effet elles ressortent
dans le vallon de Chambran vers 2000 m d'altitude dans le secteur de la Coste du Laou, soit 500 m en contrebas du
verrou. Il est même assez probable que, pour y parvenir, ces
eaux suivent un certain temps la surface de
chevauchement abaissée par la faille : on peut d'ailleurs se demander, à la
suite de P.Gidon (1954), si cette surface tectonique n'est pas
remise passagèrement à nu, dans ce secteur, en une
petite fenêtre masquée sous les éboulis.
Du côté amont (occidental) la lame de gneiss qui forme l'essentiel de l'ossature de "l'écaille des Grangettes" se termine en dessinant un anticlinal qu'enveloppe le matériel sédimentaire de sa couverture, rebroussé en un crochon*. La surface de chevauchement sectionne ses couches et les fait reposer sur les Terres Noires qui affleurent désormais dans le vallon qu'occupait le glacier de Séguret - Foran.
Plus en amont, au sommet même de la butte 3406 (sommet du Dôme du Monêtier) affleure de nouveau un chapeau de Trias reposant sur des calcaires jurassiques, ce qui évoque une situation en klippe*. Toutefois la nature tectonique du repos de ces terrains sur les Terres Noires est moins évident et l'on peut penser qu'il s'agit plutôt du flanc inverse, rompu, d'un crochon synclinal autochtone à cœur de Terres Noires.
Les replis hectométriques du Dôme du Monêtier, vus du sud depuis l'altitude de 3300 sur le glacier de Séguret Foran. Le sommet du Dôme du Monêtier est une petite klippe séparée par l'érosion du front de l'écaille des Grangettes (ØG = sa surface de chevauchement) Les couches du Jurassique moyen - inférieur marbreux (jmi) et du Trias, reposant sur les Terres Noires sont affectées de plis d'axe NE-SW, déversés vers le N-NW. (cliché Paul Gidon, 1950, interprétation selon P.Gidon, 1954, fig. 12, p.57, retouchée) |
Les données fournies par l'analyse micro-tectonique (principalement la direction des axes de plis d'entraînement) montrent que l'écaille des Grangettes (comme celle de Montagnolle d'ailleurs) s'est déplacée vers le N-NW (et non vers l'ouest, comme le laisserait croire l'aspect de sa coupe naturelle au nord-ouest du lac de l'Eychauda). On voit d'ailleurs bien, sur le versant ouest des crêtes culminantes du chaînon de Clouzis, que cette surface perd rapidement de l'altitude vers le sud. Le fait que sa surface de chevauchement plonge actuellement vers l'est - sud-est, comme on le voit, est dû au basculement vers l'est, d'âge post-nummulitique, qui affecte toute la bordure orientale du massif du Pelvoux.
La structure chevauchante de "écaille" de la crête des Grangettes, sur le matériel sédimentaire qui est encore en partie masqué dans le vallon de Séguret - Foran, est visible sans interruption à la faveur de la coupe naturelle qu'en donnent les abrupts du versant nord de cette crête, en rive droite du haut vallon du Grand Tabuc.
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Eychauda |
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