Structure alpine et surrection de la chaîne de Belledonne |
voir aussi la page "tectonique du massif de Belledonne proprement dit" |
La déformation subie par le chapelet
des massifs cristallins externes dont fait partie le massif de
Belledonne, lors de la formation de la chaîne alpine, se
déduit de la géométrie actuelle de la surface
de séparation entre socle cristallin et terrains sédimentaires
(ancienne surface de la pénéplaine anté-triasique).
Cette géométrie est fondamentalement d'une grande
simplicité puisqu'elle consiste, à des détails
près, en une vaste et ample voûte anticlinale.
Cette voûte culmine sur deux de ses transversales, d'une
part au Mont-Blanc et d'autre part à la traversée
de la vallée de l'Arc ; elle s'abaisse d'une part au nord,
en Valais, plus au sud en Beaufortain septentrional, et d'autre
part vers le sud à la latitude de Grenoble (partie sud
du massif de Belledonne proprement dit). Elle est d'autre part
très dissymétrique :
- le flanc occidental de cette voûte du socle
cristallin supporte en contact stratigraphique normal une couverture
sédimentaire dont les termes compris entre le Trias et
le Bajocien constituent le balcon de
Belledonne et ses collines bordières. On trouve en
de nombreux points des témoins de la surface de l'ancienne
pénéplaine anté-triasique et l'on peut constater
que celle-ci est simplement incurvée, son pendage s'accentuant
en s'éloignant de la voûte du pli
- du côté sud-est au contraire un système
de failles à fort pendage vers l'est effondre en marches
d'escalier la limite socle - sédimentaire, et ce sont souvent
des termes d'âge nettement post-triasique qui viennent en
contact plus ou moins direct avec le socle cristallin.
même fenêtre < image plus grande, muette > nouvelle fenêtre Coupe schématique à la latitude du massif de la Chartreuse Le "synclinal bordier de Belledonne" correspond,
en profondeur, à la zone de changement de pendage de l'interface
socle cristallin - couverture. Il est représenté
plus au nord, dans les Bornes,
par le trans-synclinal de Serraval. |
Pour expliquer la formation de ce bombement
et pour interpréter les données gravimétriques,
qui suggèrent que l'enfoncement du socle cristallin s'accroît
d'ouest en est sous les massifs subalpins septentrionaux (jusqu'à
un maximum assez peu distant du faîte de la chaîne),
on a proposé l'hypothèse selon laquelle le cristallin
de Belledonne chevaucherait en profondeur, un coin de matériel
sédimentaire, lequel représenterait en quelque
sorte un enracinement*
des massifs subalpins sous les massifs cristallins externes.
Cette hypothèse a été accueillie avec faveur
par beaucoup de chercheurs, en grande partie parce qu'elle s'inscrivait
bien dans un schéma interprétatif devenu classique
depuis qu'il a été importé du "nouveau
monde" dans les années 70, savoir celui selon lequel
- 1) tout pli serait la traduction superficielle d'un raccourcissement
qui s'exprimerait en profondeur par une faille inverse et
- 2) toute chaîne serait le fruit d'un empilement de chevauchements.
Malgré la pertinence que ce schéma
a pu manifester dans beaucoup de cas, hors des Alpes surtout,
il ne semble pas qu'il soit réellement en accord avec la
structure révélée par les recherches de terrains
dans le cas présent. Celles-ci montrent en effet que les
cassures du socle sont le plus souvent des failles extensives
anciennes qui ont été redressées par la tectonique
compressive plus récente et qu'elles ne peuvent être
considérées comme l'émergence de chevauchements
profonds.
L'un des accidents majeurs supposés par les tenants de
la tectogenèse par failles inverses du socle est
le prétendu "chevauchement de Belledonne et du Mont-Blanc".
Disons tout net que rien, pour le géologue de terrain,
ne confirme sa présence. Plus précisément
il est patent que là où il est supposé émerger
à l'air libre, c'est-à-dire en bordure occidentale
du Mont-Blanc il n'y a tout simplement aucune cassure mais une simple torsion anticlinale,
en demi arche, de l'interface cristallin / sédimentaire.
Voir le schéma interprétatif de ce secteur que suggèrent les observation de surface |
L'hypothèse du chevauchement de Belledonne a en général pour corollaire plus ou moins implicite que le plissement des massifs subalpins septentrionaux en était la conséquence. Mais on observe, d'une façon générale et plus spécialement en Beaufortain, que, au dessus des voûtes des blocs de cristallin qui sont juxtaposés par des failles très redressées, la couverture est déformée par cisaillement sub-horizontal (parallèle à l'interface socle / couverture).
Ceci montre que la tectonique de déplacement
vers l'ouest de la couverture n'est pas induite par des chevauchements
dans le socle mais plutôt par un mouvement imposé
par le haut (sans doute lié à la progression des
nappes internes). La plupart des études ont d'ailleurs
mis en évidence le fait que ce glissement de la couverture
par rapport au socle sous-jacent a été une étape
initiale de la déformation, antérieure notamment
au plissement principal des chaînes subalpines septentrionales.
A l'appui de cette manière de voir s'inscrit notamment
le fait que les plis de la couverture sont obliques à la
voûte anticlinale dessinée par le massif de Belledonne
(au sens large), qu'ils sont enroulés par elle, car les
axes de ces plis se relèvent à l'approche de la
chaîne et qu'ils se poursuivent de part et d'autre. C'est
ce que l'on l'observe de façon particulièrement
nette à l'extrémité méridionale de
Belledonne, où cesse le hiatus d'érosion qui affecte
ailleurs la voûte de la chaîne.
D'autre part on ne peut qu'être frappé
par le grand contraste entre cette tectonique très tangentielle
de la couverture au dessus de la voûte des blocs cristallins
et l'enfoncement subvertical des bandes de couverture, qui sont
restés pincées dans d'étroits synclinaux
entre ces blocs. Cet aspect est évidemment lié à
la déformation du socle lui-même et résulte
(à l'évidence en certains points comme la région
de Bourg-d'Oisans) de l'écrasement d'anciens hémigrabens*
jurassiques entre les blocs basculés qui les jouxtaient
: les flancs de ces derniers ont été fortement redressés,
parfois jusqu'à la verticale, mais on n'y observe aucune
trace d'un rejeu en faille inverse des anciennes failles extensives
(contrairement à ce qui a souvent été affirmé
gratuitement en parlant de leur "inversion").
Les blocs de socle cristallin eux-mêmes sont très
généralement ployés en larges voûtes
anticlinales.
La déformation du socle traduit donc un écrasement
NW-SE, sans qu'on y relève d'indice de cisaillements en
imbrications d'écailles.
Plus au sud, en Oisans, on observe des traces de déformations
par chevauchements vers le NW et vers le SE :
elles semblent se rattacher à la phase anté-Nummulitique
des plis du Dévoluy et, en tous cas, sont également
sans rapports avec une inversion des failles extensives jurassiques.
Enfin il faut bien remarquer que les profils sismiques profonds tels ceux de la campagne ECORS n'ont strictement mis en évidence aucune structure susceptible de s'accorder avec l'hypothèse de départ des tenants du charriage de Belledonne, savoir un enfoncement de matériel sédimentaire sous les massifs cristallins externes : au contraire c'est apparemment par une douce inflexion synclinale que la surface du socle de ces derniers se raccorde à celle du soubassement des massifs subalpins septentrionaux.
figure agrandissable
La couverture se distingue du socle cristallin par l'existence d'une multitude de réflecteurs, en moyenne parallèles à l'interface socle / couverture.
On relève l'absence totale d'indice du "coin" de matériel sédimentaire qu'aurait dû dessiner l'interface socle / couverture à l'ouest de la chaîne de Belledonne pour satisfaire à l'hypothèse proposée pour expliquer les résultats gravimétriques. |
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a) Bombement par écrasement La déformation en bombement anticlinal
du socle cristallin implique un raccourcissement orthogonal à
l'axe de l'anticlinal qui en résulte. Elle implique donc
nécessairement, par effet de compensation, une surélévation
de la voûte du pli. Cela veut dire qu'il y a eu écrasement
du matériel cristallin, ce qui a pu se produire de deux
manières : On notera que l'élévation de
la voûte de l'interface cristallin - couverture s'accroît,
de façon apparemment assez régulière, depuis
le SW (environs de Grenoble) vers le NE, pour atteindre un maximum
dans le massif du Mont-Blanc. La théorie du charriage
ne rend en aucune manière compte de ce phénomène,
si ce n'est en invoquant un épaississement de la tranche
charriée, dont l'origine serait ici totalement énigmatique.
Mais surtout le grand obstacle est que précisément
l'absence de charriage est patente et indiscutable sur cette
transversale de surrection maximal e qu'est celle du Mont-Blanc
... b) Coulissements longitudinaux Au niveau de la région grenobloise la voûte du cristallin de la chaîne s'abaisse très régulièrement vers le sud-est (au point de disparaître sous sa couverture au SE de Vizille). Cette géométrie a pour effet qu'un éventuel coulissement dextre entre cette chaîne et sa bordure ouest (parallèlement aux limites actuelles de affleurements du socle) aboutit à une surélévation relative de la voûte du cristallin. Ceci porte à envisager également que la surrection du socle cristallin ait pu, au moins partiellement, résulter de tels mouvements de coulissement longitudinal. Or plusieurs groupes de données portent à prendre en considération cette hypothèse d'un déplacement dextre du socle de Belledonne par rapport à celui des massifs subalpins septentrionaux : 1 - Les massifs subalpins septentrionaux du Vercors, de Chartreuse et des Bauges présentent des caractères structuraux qui permettent d'y voir un large couloir de cisaillement horizontal, d'une largeur de l'ordre de 20 km. Le principal est que l'on y observe une torsion sigmoïde des axes des plis et des chevauchements post-miocènes. (voir à ce sujet, notamment, les pages "relations Chartreuse - Jura" et "Chartreuse orientale : plis"). À la marge sud-est de ce couloir, à l'aplomb
du massif de Belledonne, ces accidents traversent en biais la
voûte du massif. La torsion des plis s'observe réellement
dans la couverture à l'extrémité sud des
affleurements du socle cristallin, dans la Matheysine septentrionale,
où cette couverture est conservée. On y constate
que les accidents compressifs de la couverture prennent, à
l'est de l'axe de la chaîne de Belledonne, une direction
N160 à N150 (qu'ils conservent d'ailleurs jusque loin
vers le sud dans les massifs subalpins méridionaux). Entre les deux, c'est-à-dire dans les massifs
subalpins septentrionaux, et tout spécialement en Chartreuse,
ces accident prennent un azimut beaucoup plus méridien,
NNE-SSW (en moyenne N15). Ce pivotement des azimuts dans le sens
horaire s'ajoute au fait que ces plis s'avèrent : 2 - L'existence de failles de coulissement, grossièrement
orientées selon l'allongement de la chaîne (c'est-à-dire
N45) est avérée. Il s'agit du faisceau des failles
de Vizille (voir la page "Vizille") et de leurs prolongements méridionaux, qui
semblent être constitués par les failles de La Queyrie
et du Jasneuf en Vercors. 3 - Le flanc sud-ouest de l'anticlinal dessiné par
l'interface socle / couverture montre au sud-est de Grenoble
un déversement qui va croissant vers le bas. Ce phénomène,
dont on n'a aucun indice au nord de Grenoble, apparaît dès
le massif du Grand Serre et s'accentue en Matheysine méridionale
et en Beaumont (là cette interface bascule au delà
de la verticale et fait finalement reposer le socle cristallin
sur le Jurassique, par l'intermédiaire d'un tégument
triasique étiré). 4 - Des accidents (plis et chevauchements) qui ont une
vergence opposée au déversement général
des structures alpines se développent dans l'axe de
la chaîne, aux abords des secteurs où le socle cristallin
s'enfonce sous sa couverture(voir à
ce sujet, notamment, les pages "Chartreuse orientale : plis","Bec Charvet"
et "Gresse").
Il découle de tous ces faits que les massifs subalpins septentrionaux semblent bien avoir été le siège d'un coulissement dextre, entre les affleurements de socle de la chaîne de Belledonne et les affleurements du remplissage molassique du sillon miocène périalpin. Associé à l'écrasement transversal du socle, ce phénomène parait susceptible constituer une explication suffisante à la surrection des massifs cristallins les plus externes de nos Alpes occidentales françaises, sans invoquer un mythique chevauchement profond que l'on n'observe nulle part ni d'aucune manière. N.B. : ce texte exprime des positions personnelles de l'auteur du site. Il reprend de façon plus formelle et plus explicite des indications publiées de façon dispersée et peu cohérente dans diverses notes antérieures ... |
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