La bordure occidentale du massif cristallin de Belledonne |
Entre le Grésivaudan et les crêtes de Belledonne (cartes géologiques Domène et Vizille) s'étend un ensemble de pentes, essentiellement boisées, où se développe la bordure sédimentaire du massif cristallin. Cette bordure occidentale de la chaîne de Belledonne est analysée dans les pages successives suivantes (du Sud au Nord) :
Vizille, Champagnier, Quatre Seigneurs, Uriage, Revel, Saint-Mury, Les Adrets, Prapoutel.
Le pages suivantes concernent plus précisément la bordure occidentale de la partie nord de la chaîne, c'est-à-dire du massif d'Allevard (voir la page "Collines bordières septentrionales") :
Theys, Allevard, Pontcharra, La Rochette, Les Huiles.
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On peut y distinguer plusieurs bandes de roches qui s'étagent parallèlement:
1) Les Collines bordières du Grésivaudan constituent une ligne de reliefs culminant entre 1000 et 1200 m au dessus du Grésivaudan, que recoupent les gorges de raccordement des torrents affluents de rive gauche de l'Isère. Elles sont constituées d'alternances de marnes et de calcaires argileux sombres, plus ou moins calcarénitiques ("sableux" selon le terme peu approprié utilisé sur la carte géologique), du Jurassique moyen.
Bien qu'initialement cet ensemble ait été désigné du nom de collines liasiques on sait maintenant [Barféty & al., 1972] qu'il est entièrement formé par du Bajocien inférieur (zones à Humphriesianum , Sauzei et Sowerbyi). Les couches basales de celui-ci sont à forte prédominance de marnes et seront qualifiées ici de Bajocien marneux. Les niveaux plus élevés comportent des bancs de calcaires argileux décimétriques à métriques alternant avec les lits marneux et seront qualifiés de Bajocien calcaire (on peut d'ailleurs y distinguer deux niveaux plus calcaires séparés par un niveau plus marneux). L'épaisseur totale de ces couches excède au total 1500 m, ce qui a incité de longue date à envisager qu'elle soit multipliée par des complications tectoniques [Bernard & Lory, 1936 ; Gignoux & Moret, 1952].
2) Le Balcon de Belledonne sépare
les collines bordières de la chaîne de Belledonne
proprement dite. C'est un replat jalonné de cols, qui sont,
du nord au sud, les cols du Barioz, du Lautaret, des Mouilles,
de Pré Long, de Pré Raymond et, pour finir, du Pinet
d'Uriage et du Noyarey d'Herbeys. C'est une combe monoclinale
ouverte dans les argilites à fines lamines de l'Aalénien
moyen et supérieur.
Ce n'est que plus à l'est, dans les pentes qui s'élèvent
vers les crêtes du massif cristallin, qu'affleurent les
terrains liasiques et triasiques de la couverture immédiate
de Belledonne, puis le Permien et le Houiller.
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(le nord est à gauche et l'allongement du bloc est perpendiculaire à celui de la chaîne de Belledonne)
Dans les deux étapes de gauche on a omis délibérément de représenter les dépôts molassiques miocènes, qui auraient masqué la structuration du mésozoïque (et dont on ignore jusqu'où ils s'étaient avancés en direction de l'est).
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Carte géologique simplifiée des collines bordières septentrionales au nord de
Gières Carte géologique simplifiée des collines bordières méridionales au sud de Gières |
1 - Dans la représentation
que l'on en a longtemps donné, les collines bordières
étaient le siège d'imbrications de l'ensemble de la
couverture, qui était censée y former un empilement de plis
couchés plongeant vers l'ouest ; cette structure était en outre supposée résulter du glissement
de cette couverture sur la pente créée par le soulèvement
de Belledonne [Gignoux et Moret, 1952].
Ce schéma n'a pas été confirmé par les études récentes basées sur une cartographie fine, sur l'étude attentive des pendages de strates et de schistosité et sur une analyse stratigraphique détaillée, étayée par de nouvelles récoltes paléontologiques [J.C. Barféty et al., 1996] : elles n'ont mis en évidence aucun pli couché reployant en accordéon la succession des couches, mais au contraire une succession stratigraphique continue, seulement affectée d'ondulations à faible déversement vers l'ouest.
Certes des imbrications par plis couchés existent bel
et bien dans la partie haute des collines septentrionales, à
la latitude des Bauges, dans les collines
de La Table (feuille La Rochette). Mais les plans axiaux des
plis et les éventuelles surfaces de chevauchement y sont
inclinés vers l'est et ces imbrications n'intéressent,
au demeurant, que la partie haute, bajocienne, de la série
stratigraphique.
Les plus hautes des collines bordières montrent également,
au sud d'Allevard,
l'existence de surfaces de chevauchement qui ne semblent également impliquer que la partie bajocienne de la succession. Mais
ces accidents (dont le principal est le chevauchement
de Sainte-Agnès) ne sont nullement plongeants vers l'ouest mais faiblement inclinées
vers l'est ; en outre ils n'apparaissent en aucune manière comme
des cassures associées aux plis (à la façon
d'un étirement de flanc inverse de pli-faille) et coupent
même obliquement les axes de ces plis : ils semblent plutôt représenter les prolongements des chevauchements des massifs subalpins plus occidentaux, dont le plus notable à cette latitude est le chevauchement du Margériaz.
Deux interprétations des traits structuraux majeurs des collines bordières Ce schéma, extrêmement simplifié, montre la différence fondamentale entre : (en haut) - la conception structurale ancienne : (en bas) - la conception qui découle des études
les plus récentes : Au plan des observations la différence réside essentiellement dans le pendage des plans axiaux des plis, plus modérément inclinés que supposé dans l'hypothèse ancienne. Cette attitude est d'ailleurs en grande partie attribuable au basculement général des couches du flanc ouest de la chaîne de Belledonne. |
En réalité l'architecture des collines bordières est essentiellement régie par un système de plis modérément déversés vers l'ouest et surtout très ouverts, dont les flancs orientaux ont souvent un pendage très faible (voire faiblement incliné vers l'ouest). Les différentes vallées affluentes de l'Isère coupent en petites cluses ces plis, qui ne sont en définitive que des ondulations sur le flanc ouest de la grande voûte anticlinale dessinée par le socle cristallin. Comme en Chartreuse les axes de ces plis plongent vers le nord, de sorte que leur tracé s'élève en diagonale, du nord vers le sud sur le flanc de la chaîne cristalline et que les voûtes anticlinales sont à tour de rôle sectionnées, dans cette même direction, par l'érosion qui a décapé la couverture de Belledonne (ainsi d'ailleurs que par le chevauchement de Sainte-Agnès, voir le bloc ci-après).
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Ces plis ne sont donc pas parallèles à la bordure de la vallée alluviale (contrairement à ce que suggère la morphologie, dépourvue de sinuosités, de cette rive du Grésivaudan) ni surtout à l'axe de la chaîne de Belledonne. Ils leur sont au contraire obliques, car orientés de façon plus N-S, et s'enfoncent à tour de rôle, par plongement vers le nord, sous la plaine alluviale du Grésivaudan (sauf vers le nord, dans le secteur de Goncelin, où le bord du Grésivaudan est orienté beaucoup plus N-S qu'au niveau de Domène).
Bloc diagramme schématique d'ensemble des collines
bordières, montrant le plongement des plis sous les alluvions du Grésivaudan
et la disposition des deux principaux accidents cassants qui
se surajoutent à ces plis
Ce tectonogramme schématique montre les
rapports entre les plis de l'unité inférieure des collines bordières, le chevauchement de Sainte-Agnès (base de l'Unité supérieure) et le colmatage alluvial
du Grésivaudan, à l'est et au nord-est de Grenoble.
Le symbole de pendage, en haut à gauche, concerne l'orientation
moyenne des flancs de plis (obliques aux axes) dans la moitié
sud du bloc (c'est celle qu'y adopte la bordure de la plaine
alluviale du Grésivaudan).
2 - L'hypothèse, si séduisante de prime abord, d'une ouverture du Grésivaudan par décollement et glissement des massifs subalpins [Gignoux & Moret, 1952] ne s'avère pas fondée car elle suppose, au niveau des Terres Noires, une désolidarisation dysharmonique que l'analyse tectonique contredit. En effet, outre que les plis de la rive gauche du Grésivaudan ont la même attitude et notamment le même plongement que les plis de la Chartreuse, on retrouve dans les collines bordières, en dessous du niveau des Terres Noires, le prolongement précis de certaines structures des massifs subalpins qui sont reconnaissables à leurs particularités remarquables.
Tel est le cas notamment de l'anticlinal de Perquelin et du "chevauchement du Baure", qui se poursuivent de façon assez évidente, au sud-est du Grésivaudan, par l'anticlinal du Mûrier et la "faille de Romage".
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Le Grésivaudan immédiatement en amont de Grenoble vu du sud, depuis un avion de ligne, d'une altitude de l'ordre de 8000 m, vers 1980. a.E = anticlinal de l'Écoutoux ; s.S = synclinal du Sappey ; a.P = anticlinal de Perquelin ; a.M = anticlinal du Mûrier (prolongement de celui de Perquelin dans le Jurassique moyen) ; f.B = faille du Baure ; f.R = faille de Romage (prolongement vers le sud de la faille du Baure). |
Plus au nord, au-delà du fort hiatus d'affleurements du Grésivaudan septentrional, il n'y a aucune difficulté géométrique à voir dans les accidents du secteur de Tençin et de Goncelin (voir la carte en fin de page) les prolongements méridionaux de ceux que l'on observe à l'extrémité sud des Bauges dans la trouée de Chambéry (voir la page "Bauges occidentales"). Il est vraisemblable en effet que l'anticlinal de Goncelin prolonge vers le sud l'anticlinal de la Boisserette et que le chevauchement du Margériaz s'y poursuit par le chevauchement de Sainte-Agnès, même si le Tithonique de la trouée de Chambéry semble moins replissé que le Bajocien des collines bordières et dépourvu des chevauchements secondaires qui accompagnent celui de Sainte-Agnès (et qui semblent en être les satellites).
Par contre une dysharmonie plus marquée
se manifeste partout au niveau de l'Aalénien. En effet
les plis larges et les chevauchements des termes les plus élevés
de la série s'y amortissent, vers le bas de la succession,
pour faire place aux plis plus fermés et de plus courte
longueur d'onde du Lias et du Trias. Cette différence de style de déformation témoigne
sans doute d'un déplacement, par rapport au
socle et au Lias calcaire, de la couverture d'âge jurassique moyen et plus récent (y compris sans doute les massifs subalpins) ; mais elle a sans doute eu lieu avant le soulèvement de Belledonne et ne saurait en tout cas pas
expliquer en quelque façon que ce soit l'"ouverture" du Grésivaudan, vu la situation trop orientale des niveaux qu'elle concerne.
3 - Un point qui n'est pas tranché est
de savoir si la grande épaisseur du Bajocien des
collines bordières est due à une cause purement
stratigraphique ou si elle ne résulte pas d'un redoublement par
un chevauchement plat ancien, antérieur au plissement. En effet les récoltes paléontologiques, bien que rares,
semblent indiquer que les deux barres calcaires qui s'individualisent au sein des 1500 m de cette succession y appartiennent à la même zone paléontologique du Bajocien inférieur (zone à Humphriesianum) et que le niveau
marneux qui les sépare est de même âge (zone à Sauzei) que celui de la base de la formation (on lira plus de détails à ce sujet en se reportant à l'article correspondant).
En dépit de ces fortes présomptions il reste qu'aucune preuve
géométrique directe de ce chevauchement présumé n'a été
trouvée : c'est donc seulement à titre hypothétique
que le dessin de cet accident a néanmoins été indiqué sur les coupes illustrant
les pages du site geol-alp.
En définitive la tectonique des collines bordières s'inscrit donc harmonieusement dans le contexte régional des massifs subalpins voisins. En effet, outre que leurs structures sont similaires (et les prolongent même) elles se répartissent, comme ces dernières, entre trois phases successives de raccourcissement est-ouest (phases P1, P2, et P3, [Gidon, 1981 b]). Ceci témoigne de la continuité fondamentale, à travers les divers niveaux de la série stratigraphique, des thèmes structuraux reconnus dans ces massifs subalpins.
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