L'arc des zones externes des Alpes occidentales |
Les Alpes occidentales décrivent globalement un arc convexe vers le sud-ouest, qui est centré sur le massif du Pelvoux et dont l'inflexion maximale se situe entre Grenoble et une transversale Die - Briançon. Cet "arc alpin occidental" correspond approximativement aussi à la zone de raccord entre deux ensembles géologiques assez différents, notamment par les orientations de leurs structures, que sont les massifs subalpins septentrionaux et les massifs subalpins méridionaux.
L'arc des Alpes occidentales françaises
En gris : Les massifs internes (à l'est du "chevauchement pennique frontal" des suisses) ;
Les principaux plis sont figurés par des traits gris (les plis anté-sénoniens sont en gris bleuté).
|
Vue perspective d'ensemble des massifs externes septentrionaux Image de synthèse extraite de Google-earth 02.2006 |
On doit faire une première remarque, qui est que cet arc alpin affecte les fractures extensives jurassiques et qu'il n'est donc pas hérité du paléozoïque ; en outre son dessin affecte le front des charriages internes ainsi d'ailleurs que les unités tectoniques charriées, qui s'allongent de façon grossièrement parallèle à ce front, ce qui veut dire que sa torsion est postérieure ou synchrone de ces charriages.
La cause de cette inflexion en arc et la manière dont elle s'est formée ont fait l'objet de diverses hypothèses. Celle présentée en 1974 par l'auteur du site Geol-alp pour la déformation d'âge tertiaire propose un "modèle"en grande partie tourbillonnaire ; elle a reçu depuis plusieurs confirmations implicites (et même certaines explicites ...). |
Une seconde remarque porte sur le fait que l'arc alpin global est en fait composite : à l'extérieur de l'incurvation du front pennique et des alignements d'unités structurales des zones internes il comporte une sinuosité indépendante, que l'on peut qualifier d'Arc des zones externes, qui affecte les blocs de socle créés par l'extension jurassique. Il s'exprime notamment par une rotation anti-horaire affectant les failles extensives jurassiques du massif du Pelvoux : celle-ci apparaît clairement sans rapport avec l'arc des zones internes et est donc intervenue antérieurement à leurs charriages. Ce pivotement est sans doute contemporain des vrais chevauchements de socle reconnus dans ce massif, lesquels sont orientés grossièrement E-W, car plusieurs (notamment le chevauchement du Chaillol) se sont avérés être anté-nummulitiques : on peut donc envisager qu'il en soit à l'origine et qu'il se soit donc fait dans une ambiance de serrage, donc de cisaillement compressif horizontal.
Or il est remarquable que, de part et d'autre du massif du Pelvoux, la couverture anté-nummulitique se singularise par le fait qu'elle est affectée de plis dont les axes sont grossièrement orientés E-W : il s'agit au nord du plissement "arvinche" (de la vallée des Arves) et au sud du plissement anté-sénonien du Dévoluy. En rapprochant ces deux faits (chevauchements de socle et plissement de couverture) on est porté à penser que la rotation du massif du Pelvoux est due à ce que ce dernier s'est trouvé pris dans une bande orientée grossièrement NNE-SSW qui a été soumise à un cisaillement sénestre : ceci a occasionné le pivotement, accompagné de serrage, du socle cristallin en même temps qu'un plissement en échelons de sa couverture. Sans doute peut-on rattacher cette déformation à celle, également anté-sénonienne (mais d'ampleur très supérieure), qui a affecté, 500 km plus à l'est, les Alpes autrichiennes. Par contre elle ne peut pas être considérée comme relevant de la phase dite "pyrénéo-provençale" car cette dernière n'est pas de même âge. |
Le propos principal de la présente page est d'exposer les données fournies par les études de terrain sur la structure de cet arc alpin occidental du domaine externe. Les déformations qui sont associées à la formation de cet arc seront analysées de proche en proche, depuis le NW vers le SE, en suivant l'extrados de la courbure que décrit la limite des affleurement du socle cristallin affectés par cet arc. Dans chaque secteur on verra au passage quelle part peut y être attribuée à la formation de l'arc "précoce", antérieur aux charriages et à celle de l'incurvation générale, plus tardive, liée à la tectonique post-nummulitique.
A/ Le massif de la Chartreuse correspond à l'extrémité méridionale de la branche nord de cet arc. Ses plis ont des axes orientés N10 à N20 et se disposent en échelons, à plus de 30°, par rapport à la limite occidentale des affleurements de socle cristallin de la chaîne de Belledonne.
D'autre part on observe, à la marge ouest de ce massif, l'incorporation de l'extrémité méridionale de plusieurs plis du Jura, tel celui du chaînon de la montagne du Ratz - Mont Tournier, celui de la montagne de L'Épine et du Mont du Chat et même celui de la Chambotte (dont le prolongement méridional est constitué par l'anticlinal médian de la Chartreuse), tous plis qui étaient déjà apparus à l'Oligocène, comme en témoigne l'érosion anté-miocène de leurs voûtes anticlinales . Or ceci a lieu au prix d'une torsion dextre par rapport à la direction axiale que ces plis possèdent plus au nord-ouest , savoir plutôt N150.
Schéma cartographique (extrait de la légende de la carte au 1/50.000°, feuille Grenoble, retouché). 1 = plis du Jura ; 2 = Plis jurassiens tordus après le Miocène, par cisaillement dextre mais sans ruptures importantes (simple rotation des axes dans le sens horaire) ; 3 = Plis jurassiens affectés par les chevauchements post-Miocènes et incorporés à la marge des massifs subalpins (ils sont rompus par des chevauchements et des décrochements associés) ; 4 = Plis subalpins proprement dits, des Bauges et de la Chartreuse orientale ; 5 = Direction de raccourcissement jurassienne (anté-Miocène) ; 6 = Direction de raccourcissement subalpine (post-Miocène) ; 7 = chevauchements post-Miocènes (a = chevauchement frontal des massifs subalpins septentrionaux ; b = chevauchement accessoires) ; 8 = position originelle des plis jurassiens avant leur torsion ; 9 = coulissement le long de la faille de Voreppe. même fenêtre < image plus grande> nouvelle fenêtre |
De plus c'est aussi à un pivotement dans le sens horaire, affectant les terrains constituant
la Chartreuse occidentale, qu'il faut attribuer la formation et le jeu de
la faille de Voreppe, dont le rejet chevauchant s'accroît
du nord vers le sud en prenant naissance, à la latitude des Échelles, dans la zone septentrionale de l'affrontement des plis du Jura avec ceux de la Chartreuse.
Cette torsion de l'azimut axial des plis du Jura et de la Chartreuse W, témoigne de ce
que ces plis anté-miocènes ont été bousculés
vers le SW, à la fin du Miocène, par l'avancée, obliquement à leurs axes, du chevauchement de la Chartreuse
orientale. Leur pivotement a induit une composante de coulissement
vers le S dans le jeu du front de ce chevauchement, ainsi que le tronçonnement des chaînons de la Chartreuse par une série de décrochements à jeu dextre.
La structuration post-miocène de la Chartreuse s'est donc faite par la combinaison d'un cisaillement d'ensemble dans le sens dextre et d'un serrage contre le butoir constitué par l'épais colmatage molassique de l'avant-pays (sous lequel les chaînons jurassiens avaient été en majeure partie enfouis et scellés). Finalement la place tectonique de la Chartreuse par rapport aux secteurs avoisinants peut se résumer très schématiquement par la figure ci-après (pour plus de commentaires voir la page "tectonique alpine de Belledonne") :
Tectonogramme très schématique Les grosses demi-flèches délimitent la zone
du cisaillement dextre des massifs subalpins septentrionaux : a.mB = accident médian de Belledonne ; |
B/ La Matheysine est située, symétriquement vis-à-vis de la Chartreuse par rapport à Grenoble, à l'emplacement même de la charnière de l'arc. Cela se traduit par le fait que toutes les bandes de terrain, de même
que le tracé des accidents tectoniques (notamment celui
de l'accident médian de Belledonne), décrivent une
incurvation, à convexité vers l'ouest, qui équivaut à un pivotement anti-horaire.
Plus précisément l'on y passe, en continu, de plis
et chevauchements d'axes N10 à N20, au nord (Chartreuse,
collines bordières), à des plis d'axes N160 à
N150 au sud de la Matheysine, notamment dans le Beaumont et le Dévoluy.
En fait un regard plus large conduit à remarquer que ces plis ne font que retrouver là l'orientation des plis jurassiens méridionaux, après que leurs axes aient dessiné une incurvation sigmoïde : cela suggère qu'en Chartreuse les plis et failles les plus précoces se poursuivaient
originellement avec une orientation N160, avant d'être pivotés
dans le sens des aiguilles d'une montre par un coulissement dextre, ce dernier étant localisé aux confins nord-ouest des affleurements du socle cristallin de Belledonne.
Or un tel cisaillement horizontal s'exprime effectivement dans le socle cristallin sous la forme des accidents coulissants dextres du faisceau de Vizille, qui courent précisément parallèlement
à l'axe de la chaîne de Belledonne en suivant sa bordure occidentale et en décalant fortement l'accident médian dans le sens dextre. Dans la couverture sédimentaire ils se prolongent vers le sud par les décrochements de la Chal et de Pétichet et leur tracé coïncide pratiquement avec celui de l'actuelle "faille de Belledonne" des sismologues dont le mouvement est également dextre.
En outre l'interface socle-couverture (c'est-à-dire l'ancienne surface de la pénéplaine anté-triasique) dessine sur cette transversale une charnière anticlinale qui se déverse fortement vers le sud-ouest, au point que la couverture commence à s'y engager sous le socle en série inverse (voir à ce sujet les pages Roizonne et Coiro), ce que l'on ne lui voit pas faire sur la transversale de Belledonne.
Ces données convergent pour faire penser qu'il s'est produit un déplacement coulissant du socle cristallin de Belledonne, en direction du sud-ouest par rapport aux secteurs plus occidentaux, à la faveur du jeu de cassures orientées NE-SW.
Dans ce contexte il faut tenir compte de ce que la tectonique de la couverture dans la Matheysine occidentale se fait remarquer par le déversement vers l'est du chevauchement du Sénépy. En fait de tels accidents à vergence est se multiplient plus au sud-ouest en commençant par ceux de Gresse (voir page "Gresse nord") et en se généralisant dans le Diois, jusqu'aux confins méridionaux des Baronnies, c'est-à-dire avec une répartition qui correspond grossièrement au prolongement sud-occidental de l'axe de la chaîne de Belledonne.
Cette constatation porte à penser que le socle de la chaîne de Belledonne, dans sa translation longitudinale vers le sud-ouest, s'est déplacé sans entraîner complètement sa couverture, laquelle s'est, de ce fait, rebroussée en sens opposé (on aura remarqué combien cette conception est en désaccord avec celle, pourtant fréquemment admise, d'un chevauchement vers l'ouest de la chaîne de Belledonne sur sa couverture).
On notera enfin que l'orientation des anciens accidents (hémigrabens et blocs de socle) hérités de l'extension jurassique a permis leur rejeu en coulissement dans la branche nord de l'arc (c'est-à-dire grossièrement au nord des gorges de la Romanche). Par contre, dans la branche sud, leur torsion selon un azimut plutôt NW-SE leur interdisait de continuer à y jour ce rôle : là ce sont donc de nouveau accidents, telles les failles de la Queyrie et de Jasneuf, en Vercors, ou des cassures extensives oligocènes, comme l'accident de Bonneval aux confins du Bochaine et du Diois, qui vont témoigner dans la couverture, par leur jeu dextre, des coulissements profonds au sein du socle (voir notamment la page "Chartreuse orientale : plis", la page "tectonique du Vercors oriental" et la page "Mont Aiguille").
C / Plus à l'intérieur de l'arc, aux environs de Bourg-d'Oisans, la paléofaille qui limite le bloc de socle de Belledonne par rapport à celui des Grandes Rousses est clairement affectée par la torsion de l'arc puisque son azimut passe, par une inflexion quasi-continue, de N45 (au nord = faille orientale de Belledonne) à N05 (au sud = faille du col d'Ornon). Mais il est non moins indéniable que cette faille a d'autre part fonctionné en coulissement dextre lors de l'orogenèse alpine : en particulier les limites entre bandes de roches cristallines, obliques à cette faille, sont décalées de 10 km entre le massif des Sept-Laux et celui des Grandes Rousses. Pourtant l'arc de ces massifs cristallins externes n'est recoupé par aucune cassure décrochante similaire à celles de la bordure ouest de Belledonne.
Cela porterait a envisager que le coulissement y ait été antérieur à l'arcuature ; mais ce serait oublier de prendre en compte un autre fait patent, savoir que le socle cristallin du massif des Grandes Rousses n'a pas subi l'arcuature mais a pivoté en bloc dans le sens anti-horaire, d'une valeur d'ailleurs comparable à celle de l'inflexion azimutale de la faille du col d'Ornon. En effet tous les éléments structuraux de ce massif, sous-blocs et failles les limitant, ainsi que plis de sa couverture (à son extrémité nord) viennent à tour de rôle se faire sectionner contre la faille orientale de Belledonne, selon un biseau s'ouvrant vers le sud, conforme donc à un mouvement de décrochement dextre.
En définitive il s'est donc produit à la marge occidentale de l'ancien hémigraben de Bourg-d'Oisans un mouvement de coulissement associé à du pivotement anti-horaire, sans que l'on sache vraiment déterminer si l'un à précédé l'autre, ou s'ils se sont produits simultanément...
Le mécanisme qui a permis l'incurvation du bloc interne de Belledonne peut apparaître, a priori, assez conjectural. Mais il s'agit vraisemblablement du jeu des failles transversales au crêtes des blocs de socle cristallin, qui affectent précisément le seul secteur où s'opère cette torsion (en ce qui concerne le bloc du "rameau interne" de Belledonne il s'agit plus précisément de la faille du Taillefer et de la faille de l'Armet, ainsi que de la faille du Vet, éventuellement). En effet ces cassures, fortement pentées vers le sud, présentent un rejet chevauchant à vergence nord qui décroît d'E en W et semble s'annuler avant le bord occidental du bloc. Cela implique qu'elles aient eu un jeu pivotant (en fermeture de ciseaux) autour d'un point situé du côté ouest, jeu à la faveur duquel elles auraient absorbé le raccourcissement à l'intrados impliqué par la torsion anti-horaire des crêtes de blocs de socle.
|
D / Le massif du Dévoluy est situé immédiatement au sud de la zone d'inflexion maximale de l'arc des Alpes occidentales françaises. Avec son satellite nord-oriental, le massif du Beaumont, et les deux versants de la vallée du Champsaur il représente, en fait, la couverture méridionale du massif cristallin du Pelvoux. De fait les plis les plus récents (post-sénoniens) qui l'affectent se disposent parallèlement aux limites d'affleurement de ce socle. Mais ils apparaissent en outre comme des froncements à l'avant d'un gros bombement anticlinal, déversé vers le SW, que décrit la voûte du socle cristallin sur cette transversale alpine. Ces rapports attestent d'une déformation du socle cristallin par déplacement vers le SW (et non vers le NW comme le supposent a priori les tenants d'une allochtonie des massifs cristallins externes).
Mais cette couverture est en outre affectée par des accident cassants que l'on a de bonnes raisons de considérer comme la répercussion de cassures du socle.
1/ Du côté nord-ouest le Dévoluy est séparé du Beaumont par le linéament d'Aspres-lès-Corps, accident majeur NE-SW dont le contexte régional indique qu'il a eu un jeu tardif en fort coulissement dextre en ambiance compressive (voir la page "Beaumont"). On peut considérer que ce faisceau des failles représente l'aboutissement méridional de la faille de socle du Chambon (laquelle sépare le bloc du massif cristallin du Pelvoux de celui, plus occidental, des Grandes Rousses).
En fait les rapports entre ces deux cassures sont un peu plus complexes (voir la page Valsenestre) : en effet à la marge sud du massif du Pelvoux, en haut Valsenestre (plus précisément aux abords sud du col de Côte
Belle), le linéament d'Aspres-lès-Corps rencontre la faille du Désert-en-Valjouffrey, subverticale et orientée NW-SE, qui limite, du
côté sud-ouest, l'hémigraben* anciennement désigné du nom de "synclinal" de la Vaurze. Or c'est vraisemblablement le contenu de cet hémigraben de la Vaurze qui prolonge vers le sud-est l'hémigraben du Ferrand. De ce fait la faille d'Aspres apparaît comme une cassure bien distincte de la paléofaille jurassique qui prolongeait originellement celle du Chambon, qui serait représentée, quant à elle, par la faille du Désert.
Cette intersection de failles semble donc due à la mise en œuvre relativement tardive du jeu coulissant de la faille d'Aspres-lès-Corps, après la torsion azimutale, liée à la formation de l'arc des Alpes occidentales, subie par la paléofaille jurassique du Chambon et l'hémigraben Ferrand-Vaurze. Du fait de cette torsion le coulissement dextre presque N-S qui se produisait sur la partie septentrionale de cette cassure, n'a pu se prolonger vers le sud qu'en coupant à travers le bloc du Rochail, puisque la direction de l'allongement de ce dernier était devenue NW-SE (donc trop oblique pour que ce mouvement puisse en suivre le bord interne et s'engager dans la faille de la Vaurze).
Or on constate que ce faisceau des failles d'Aspres change d'aspect en abordant le Dévoluy et s'y raccorde en continuité avec le chevauchement médian du Dévoluy dont le tracé tourne assez progressivement pour devenir NW-SE vers le sud du massif. Au delà il se connecte, par cet intermédiaire, avec le système des imbrications tectoniques de la nappe de Digne, déversées vers le SW, qui se développe au sud-est de la vallée de la Durance. Le fait important est que le mouvement est entièrement transféré ("transformé") dans ce dispositif chevauchant car aucune cassure ne se prolonge celles du faisceau d'Aspres-lès-Corps en direction du SW, au delà de Saint-Disdier en Dévoluy. Par conséquent le bloc du Dévoluy oriental a lui aussi suivi une trajectoire combinant un mouvement de rotation anti-horaire avec une translation vers le sud.
2/ Du côté sud-ouest le Dévoluy est séparé du Diois et (plus au sud) des Baronnies par une ligne de dislocation arquée qui comporte deux tronçons :
-
un tronçon septentrional presque N-S, l'accident de Bonneval, qui est un faisceau de cassures verticales décrochantes dans le sens dextre ; son prolongement septentrional (au nord du col de la Croix-Haute) est difficile à suivre avec précision au sein des Terres Noires de la dépression du Trièves. Il est néanmoins peu douteux qu'il se raccorde au nord-ouest de Mens avec le chevauchement du Sénépy.
-
un tronçon méridional NW-SE, l'accident de Savournon, à caractère mixte, décro-chevauchant, à la fois dextre et déversé vers le S-SW.
Il en résulte que le Dévoluy a dû se déplacer par rapport à l'ensemble Diois - Baronnies à la fois en l'emboutissant du N vers le S et en coulissant vers le SE (ce qui a transféré le mouvement compressif plus au sud-est, c'est-à-dire dans le secteur où s'est formée la nappe de Digne). Ceci veut dire, finalement, qu'il a lui aussi suivi une trajectoire combinant un mouvement de rotation anti-horaire avec une translation vers le sud.
même fenêtre < image plus grande > nouvelle
fenêtre
Vue tectonique d'ensemble, très schématisée,
des chaînes subalpines méridionales
repris de Gidon et Pairis 1986 - publication n° 122 - (étendu vers l'ouest et légèrement modifié)
montrant les rapports entre les chaînons occidentaux
(arc vocontien) et orientaux (arc de Castellane) ainsi que l'antagonisme de leurs mouvements, les premiers tendant à s'enfoncer sous leur autochtone relatif, plus méridional, tandis que les seconds le chevauchent :
Les grosses flèches noires correspondent aux secteurs
où la couverture se déplace en chevauchant vers
le sud-ouest (tendance du socle des massifs cristallins externes
à se surhausser à cette occasion) ; les grosses
flèches blanches correspondent aux secteurs où
la couverture se déplace en chevauchant vers le nord-est
(tendance du socle des massifs cristallins externes à s'enfoncer
à cette occasion).
Entre ces deux domaines court une zone de déchirure NNW-SSE, qui passe aux abords de Digne. Le long de cette cassure majeure, en quelque sorte "transformante", les phénomènes de coulissement dextre sont associés à des chevauchements provoqués par l'obliquité des directions de déplacement des masses affrontées. Elle se résout vers le nord en une gerbe d'accidents décrochants profonds, affectant le socle.
Légende : 1 = matériel Jurassique
supérieur et moyen de la nappe de Digne ; 2 = bord d'érosion
de la série épaisse de la nappe proprement dite
; 3 zones d'écrasement, par plissement et cisaillement
dextre, relayant le charriage aux extrémités du
front de la nappe ; 4 = fronts d'avancée des "lobes"
de chevauchement associés à la nappe de Digne ;
5 = domaine provençal ; 6 = chevauchements soulignant la
limite provençal-subalpin.
Cr = Crest ; Se = Serres ; L = Laragne ; Si = Sisteron ; R = dôme de Remollon ; T = Turriers ; B = demi-·fenêtre de Barles ; Bm = Barrême.
E / Plus au sud-ouest, le Diois et les Baronnies montrent d'ensemble de leurs plis et chevauchements que l'on peut appeler l'arc vocontien, dont le dessin est finalement concentrique à celui des auréoles successives des enveloppes sédimentaires de l'extrémité méridionale de la chaîne de Belledonne.
Or le sens de rejet des accidents compressifs, grossièrement E-W, de cet arc vocontien, et notamment de ceux qui en marquent la limite méridionale, est généralement une vergence vers le nord. Cela implique, comme en Matheysine, un mouvement relatif entre socle et couverture qui consiste en un déplacement du socle des massifs cristallins externes par enfoncement vers le sud-ouest, sous sa couverture mésozoïque. En effet on ne peut pas envisager que la déformation du domaine vocontien ait résulté d'un déplacement vers le nord-est de sa seule couverture car cela impliquerait un déplacement similaire de la couverture des domaines rhodanien et nord-provençal, qui le bordent à l'ouest et au sud. Or ces deux domaines sont autochtones par définition, puisqu'extérieurs à la chaîne alpine, et), de plus, leur couverture mésozoïque y est interdite de mouvements tangentiels, prise qu'elle est entre son socle autochtone et la surcharge du contenu des bassins tertiaires.
Ces faits portent à considérer que l'arc, à vergence NE, du secteur vocontien est vraisemblablement le résultat d'une sorte de "sous-charriage", vers le sud-ouest, du socle des massifs cristallins externes.
En outre le Diois est parcouru dans le sens N-S par des accidents coulissants dextres qui se connectent vers le sud aux chevauchements à vergence nord. Il s'agit principalement, à l'ouest du faisceau de failles de La Rochefourchat et, plus à l'est, de celui de Jonchères. Le premier reprend en sens dextre le prolongement, au sud de Die, de la grande faille de Saillans qui parcourt tout le Vercors occidental ; le second prend naissance à l'est de Die, là où se perdent les décrochements de la Queyrie et de Jasneuf et doit très vraisemblablement y convertir leur coulissement dextre NE-SW en un coulissement N-S de même sens. Ces deux lignes de cassure découpent donc le Diois et le nord des Baronnies en compartiments coulissants, terminés au sud par des chevauchements emboîtés, d'une façon comparable à ce qui se passe au cœur et en marge du Dévoluy, avec les accidents de Bonneval et d'Aspres-lès-Corps. Là encore on voit se dessiner un dispositif de bandes de terrain arquées, pivotant l'une par rapport à l'autre dans un sens anti-horaire.
En définitive les mouvements tectoniques post-sénoniens de la branche méridionale de l'arc alpin peuvent être schématisés comme relevant pour une large part d'un pivotement anti-horaire de panneaux incurvés emboîtés, délimités du côté occidental par des accidents de socle fonctionnant essentiellement en coulissement dextre et du côté méridional par des plis rompus en décro-chevauchement, ou par de francs chevauchements. En progressant vers les domaines les plus externes, c'est-à-dire du NE vers le SW, quatre panneaux pivotants majeurs peuvent donc être inventoriés :
- celui du Dévoluy oriental (à l'est du col du Festre) et du Bochaine sud-oriental (massif de Rabou). Il est délimité à l'ouest par le linéament d'Aspres-lès-Corps et au sud-ouest par le système décro-chevauchant du chevauchement médian du Dévoluy et de la faille de chevauchement de Céüse - La Saulce ; il passe, au sud-est de cette localité, au lobe nord-ouest de la nappe de Digne.
- celui du Bochaine occidental et méridional (qui englobe aussi le chaînon le plus occidental du Dévoluy, de l'Obiou aux Aiguilles de Lus). Il est délimité à l'ouest par l'accident de Bonneval et, au sud-ouest, par le système décro-chevauchant de l'anticlinal de Savournon (qui passe, plus au sud-est, au système des écailles sous-jacentes à la nappe de Digne). Du côté nord il se rattache par l'intermédiaire de la Matheysine au compartiment coulissant de Belledonne.
-
celui de l'est du Diois et des Baronnies, entre l'accident de Bonneval à l'est et le faisceau de failles de la Queyrie - Jonchères, à l'ouest (ce dernier s'amortissant en grande partie vers le sud en se connectant au chevauchement de Raton) ; il représente
le prolongement du compartiment coulissant situé à l'ouest de Belledonne.
-
celui de l'ouest du Diois et des Baronnies, entre la faille de Jonchères à l'est et celle de La Rochefourchat à l'ouest (elle s'amortit en se connectant avec le chevauchement d'Angèle mais trouve un prolongement dans celle du diapir de Condorcet). Il constitue la partie la plus externe (sud-occidentale) de l'arc vocontien et s'affronte en chevauchement, du côté sud, avec le chaînon du Ventoux ; du côté nord il se connecte sans hiatus au Vercors, là où les plis N-S de ce dernier viennent mourir vers le sud (en laissant la place aux seuls plis anté-Sénoniens).
Essai de reconstitution de la mosaïque des panneaux de socle et de leurs déplacements relatifs (grosses flèches), lors de la formation de l'arc des Alpes occidentales françaises. N.B. les limites de ces panneaux sont évidemment d'autant plus floues et incertaines que l'on s'éloigne plus, en direction de l'ouest des zones d'affleurement du socle cristallin.
|
Il faut ajouter que, à l'est du Dévoluy, ce dispositif est en outre bordé par celui du Gapençais oriental, qui est limité du précédent, du côté nord, entre Vallouise et Champoléon, par la zone de coulissement dextre du "hiatus est-pelvousien". Son prolongement vers le sud est constitué par la nappe de Digne proprement dite et sa bordure méridionale chevauchante est représentée par l'arc de Castellane. Cet ensemble apparaît comme un panneau de socle similaire, mais plus vaste que les précédents, qui s'est également déplacé en pivotement anti-horaire en refoulant vers le sud la limite entre domaine vocontien et provençal.
Son bord ouest correspond à la limite entre le domaine
occidental (Diois-Baronnies), où le socle tend à s'enfoncer vers le sud et celui de la nappe de Digne,
situé plus au nord-est, où il tend à se
surélever et induit des chevauchement de couverture
vers le sud-ouest. Cette ligne a la signification d'une faille majeure, de type transformant puisqu'elle convertit des mouvements à vergence nord (Lure - Ventoux) en mouvements à vergence sud dans l'Arc de Castellane.
Cette analyse géométrique suggère finalement une interprétation cinématique qui est celle de l'action d'un corps percuteur rotatif, tournant en sens anti-horaire, qui aurait détaché successivement des éclats de croûte terrestre en forme de copeaux courbes emboîtés. Le mouvement vers le sud de ces derniers finissant par se bloquer, et la machine se déplaçant vers l'ouest, ce mécanisme s'est transféré de proche en proche, d'est en ouest, en donnant finalement un dispositif de volutes emboîtées.
Schéma du genre de processus envisagé : un poinçon (constitué par l'ensemble du domaine interne) se déplace d'E en W, en marge nord-orientale des massifs cristallins externes, en pivotant dans le sens anti-horaire. Il en détache successivement des panneaux de socle en forme de lames courbes, qu'il refoule vers le sud-ouest. Le schéma tridimensionnel inférieur, moins outrageusement simplifié, l'est encore beaucoup, car il ne prend pas en compte deux aspects de la réalité : - le fait que les blocs de socle successifs s'ennoient tous vers le sud sous leur couverture (on ignore d'ailleurs tout de leurs rapports, sous le Diois et les Baronnies, avec le bloc ouest - provençal, apparemment exempt de toute déformation). |
On reconnaîtra sans doute que ce thème de déformation s'accorde étonnamment (!) bien avec le schéma d'un tourbillon alpin dont l'ombilic se serait déplacé d'E en W, comme il est proposé dans mon article de 1974.
La cause fondamentale de la localisation de l'arc à cette latitude de la chaîne est vraisemblablement qu'il existait là un bombement saillant de socle cristallin, constitué par le massif du Pelvoux. En effet ce dernier était déjà surélevé de longue date, puisque le socle cristallin y avait été dénudé lors de la transgression du Nummulitique. Il a dû jouer, vis-à-vis des zones internes, qui cherchaient à le submerger par l'avancée de leurs nappes de charriages, le rôle d'un môle résistant ; lorsqu'il a finalement été bousculé il s'est alors embouti en direction du SW dans les massifs plus externes, en leur transmettant les efforts rotatifs qu'il recevait de l'arrière.
Cet exposé trouve un complément logique dans ceux qui sont consacrés, dans ce site, aux limites occidentale et orientale de la zone briançonnaise et aux rapports tectoniques de cette dernière avec les domaines plus externes et plus internes.