Le Grand Frou

la rive gauche de la vallée du Guiers Vif à son débouché occidental

Au nord de La Ruchère la vallée du Guiers traverse presque orthogonalement la dalle urgonienne du flanc ouest du synclinal des Égaux (prolongement septentrional du synclinal de Proveysieux). La D.520c, qui parcourt le versant de rive gauche (méridional) de la vallée, en traverse aussi la couverture stratigraphique à l'occasion de la traversée de l'échine du Planey qui sépare les ruisseaux presque parallèles de Dixhuitrieux puis du Riou Brigoud : la route ne montre que le Sénonien inférieur, mais le Miocène affleure plus haut, à l'altitude du hameau du Planey.

La vue sur les pentes de la rive opposée (voir la page "Thivelet") montre que de ce côté plus septentrional le synclinal présente un coeur miocène qui descend jusqu'au niveau du Guiers et que le Sénonien sous-jacent se rétrécit fortement vers le haut. Ceci est dû au fait que la surface de transgression miocène coupe les couches sénoniennes avec un pendage moindre que le leur, au point d'ailleurs de reposer sur l'Urgonien à la voûte de l'anticlinal des Ègaux : Cette disposition géométrique témoigne de ce que l'érosion anté-Miocène a raboté des monts anticlinaux créés par un plissement d'âge nummulitique.

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Les pentes de rive gauche du Guiers Vif, vues depuis l'encorbellement de la route D.45, 500 m à l'ouest du village de Corbel.
a.M = anticlinal médian ; Ø2 = chevauchement de la Chartreuse médiane ; d.D = décrochement du Pas Dinay ; d.A2 = décrochement méridional de La Ruchère ; d.A1 = décrochement septentrional de La Ruchère ; W.max. = niveau maximal atteint par le glacier wurmien.

Au NW du pont sur le Riou Brigoud la route entame la traversée, dans le sens stratigraphiquement descendant, de l'Urgonien du flanc oriental de la Chartreuse occidentale. La longueur de celle-ci (plus d'un kilomètre) est due à ce que le tracé de la route n'est que faiblement oblique à l'azimut des couches, et qu'elles n'ont qu'un pendage modéré : de ce fait la route traverse l’Urgonien pratiquement en suivant des dalles structurales dans les portions comprises entre deux tournants rentrants (chacun correspondant au passage à une couche inférieure).

Deux de ces tournant creux de la D.520c sont particulièrement marqués : le premier, au bout de la ligne presque droite qui court jusqu'à 300 m du pont correspond à la traversée des couches à Orbitolines ; le second se situe 150 m avant le saillant qui précède l'embranchement de la route de La Ruchère : il correspond à un niveau de couches plus litées à minces lits de marnes désignés comme pseudo-couches à Orbitolines.


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La rive gauche (méridionale) du Guiers Mort, vue depuis la rive droite (Les Curiés).
f.pF = faille du sentier du Pas du Frou ; pcO = pseudo couches à Orbitolines (séparant l'Urgonien inférieur proprement dit de la partie moyenne de la formation) ; W.Max. = niveau de la moraine des alpages de La Ruchère (maximum de Würm)

Au défilé du Grand Frou la gorge recoupe par une profonde entaille l'abrupt à regard nord-ouest du crêt de cet Urgonien du flanc oriental de la Chartreuse occidentale. Cette falaise, formée par la seule partie basse de l'Urgonien inférieur, s'élève assez rapidement vers le sud jusqu'à la Pointe du Frou. Elle dessine, à sa traversée par le Guiers "un beau V topographique"* fortement saillant vers l'est, pour se raccorder, en rive droite à celle du crêt symétrique des Égaux. On y constate que, contrairement à ce l'on serait a priori, tenté d'envisager, l'entaille de la rivière n'a été guidée par aucun accident tectonique (ni faille ni pli).

figure de taille plus grande

Le défilé du Grand Frou et l'encorbellement de la D.520c, vus de l'ouest (d'aval)

Le torrent entaille profondément la barre urgonienne, inclinée vers l'amont. On peut voir que les couches se continuent parfaitement d'une rive à l'autre, sans aucun décalage (l'entaille du torrent n'est donc guidée par aucun accident tectonique). Le canyon du Guiers se trouve à la pointe orientale du V topographique que dessine la ligne de falaise en passant d'une rive à l'autre.
On distingue en arrière-plan le promontoire de la Roche Veyrand, qui appartient au crêt urgonien du flanc oriental de l'anticlinal médian (on mesure la dénivellation introduite par le plissement et le chevauchement de la Chartreuse médiane entre ces deux barres rocheuses homologues).

Or la ligne de falaises de rive droite s'élève avec un tracé beaucoup plus long et moins incliné pour rejoindre, à une altitude comparable, le soubassement du village des Égaux. Cette dissymétrie ne traduit pas une différence de pendage mais le fait que le thalweg du Guiers dévie vers le nord prend au sortir de son défilé pour prendre une direction N150, donc plus proche de l'azimut des couches.

Rien dans la structure observable ne fournit la raison de ce changement passager d'orientation. On peut cependant remarquer qu'il équivaut à un pivotement de sens horaire du tracé du thalweg : il pourrait donc être interprété comme le résultat d'un coulissement dextre occasionné lors du jeu de la cassure N-S qui dissocie là les deux flanc, est et ouest, de l'anticlinal des Égaux (voir plus loin dans cette page). Cette hypothèse est renforcée par le fait que la traversée du flanc ouest de ce pli occasionne au lit du Guiers de brutales sinuosité dont le cumul aboutit finalement à un décalage dextre de plus de 500 m avant la reprise d'un cours plus est-ouest aux gorges de l'Échaillon (voir la page "Egaux").

Le Guiers Vif s'échappe de cette gorge en pénétrant dans l'Hauterivien sous-jacent, où son cours devient (bien sûr) brutalement moins encaissé.

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Le soubassement des abrupts du Grand Frou, vu du nord depuis le saillant de la route D.520c.

En rive gauche le tunnel puis l'encorbellement de la route sont taillés dans l'Urgonien inférieur puis dans les couches rousses du Barrémien inférieur mais, dès le tournant creux qui fait suite, elle met à nu les affleurements d'Hauterivien.


Marnes à miches de l'Hauterivien, dans le coude de la route, à l'entrée aval de l'encorbellement du Grand Frou.
Affleurement très typique montrant bien la fragmentation en boules des bancs calcaires. On récolte aisément des oursins (Toxaster), tout dégagés, dans les éboulis descendant de l'entaille de la route.

En aval du Frou la route traverse, toujours dans le sens stratigraphiquement descendant, les couches du flanc oriental de l'anticlinal des Égaux, depuis l'Hauterivien qui affleure dans le tournant de sortie de l'encorbellement jusqu'à la partie basse des calcaires du Fontanil supérieurs (spathiques et roux) qui affleurent à l'orée amont d'une étroite prairie (parking de retournement pour les véhicules descendants désireux néanmoins de prendre la route de la Ruchère).

Depuis cette prairie un chemin gagne, par un petit vallonnement en direction du sud, un passage dans l'échine urgonienne qui domine le village du Châtelard : on y observe d'anciennes marmites de géant qui témoignent que le Guiers passait par là et se déversait donc ensuite vers Berland à une époque où il n'avait pas encore assez approfondi sa gorge actuelle (voir la page "Berland").

Mais à cet endroit la succession descendante s'interrompt car le bord ouest de la prairie est formé par l'échine rocheuse de l'éperon 560 laquelle est constituée par des calcaires urgoniens à polarité stratigraphique inverse (base à l'est). Ce changement brutal s'explique par le passage d'une cassure, le chevauchement de la Chartreuse occidentale (= "faille de Voreppe"), dont le tracé se voit assez bien en examinant ce versant depuis celui opposé (cliché ci-après).

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La rive gauche du Guiers Vif en aval du Grand Frou, vu du nord depuis le hameau du Crozat.
Ø1 = chevauchement occidental de la Chartreuse ; cFco = calcaires du Fontanil massif.

Au delà de cette prairie la D.520c contourne par un tournant saillant vers le nord l'éperon coté 560 (au revers ouest duquel s'appuie le hameau du Châtelard). Cette échine est formée d'Urgonien presque vertical, mais affecté de factures mineures la plupart à pendage modéré vers l'est, où affleurent du côté ouest les calcaires bicolores des couches à Orbitolines. Ces couches appartiennent au flanc oriental du synclinal de Couz - Berland qui sont assez fortement redressées sur la rive opposée du Guiers (voir la page "Egaux") mais n'y montrent pas de rebroussement : on peut donc penser que c'est sous l'effet du chevauchement qu'elles prennent ici un pendage plus vertical.

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Le débouché, en rive gauche, de la vallée du Guiers Vif, vu de l'ouest.
Le contact entre la molasse miocène et l'Urgonien qui domine le Châtelard est vertical, comme les couches de l'Urgonien qui forment cette échine rocheuse.
En arrière-plan du village même du Châtelard la surface de chevauchement n'est pas visible car elle passe en contrebas, derrière la lame urgonienne chevauchée.


Coupe le long de la D.520 c
, entre les Sermes et Berland

aperçu d'ensemble sur la vallée du Guiers Vif .

Carte géologique simplifiée (fond topographique d'après la carte IGN au 1/100.000°)
Ce secteur est visité par les itinéraires du fascicule1/I
carte géologique au 1/50.000° à consulter : feuille Montmélian

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