La Ruchère

le haut balcon de rive gauche des gorges du Guiers Vif

Le village de La Ruchère comporte plusieurs hameaux dispersés qui sont haut perchés, à l'orée supérieure des bois, en rive gauche de la vallée du Guiers Vif. Le versant, incliné vers l'est, qui les porte est le revers oriental du crêt* d'Urgonien qui domine Berland et que la vallée du Guiers tranche, plus au nord, entre le débouché du vallon de Riou Brigoud et le défilé du Grand Frou. Il s'agit du flanc oriental de l'anticlinal de la Chartreuse occidentale (anticlinal des Égaux).

image sensible au survol et au clic

La partie moyenne de la vallée du Guiers Vif,
vue de l'est, depuis la Roche Veyrand (altitude 1320, en face sud).
La vue est très oblique à l'axe des structures mais montre bien la situation des villages de la Ruchère, sur le flanc oriental de l'anticlinal occidental.
Noter la position de la crête morainique déposée au maximum de Würm par le glacier occupant la vallée des Échelles : il envoyait dans la vallée du Guiers Vif une langue glaciaire diffluente* qui l'obturait et qui s'engageait même dans la vallée de la Ruchère en la remontant de l'aval vers l'amont.

Dans la partie boisée du versant, surtout au nord des hameaux supérieurs du village, l'érosion a presque partout mis à nu l'Urgonien, qui est même décapé assez largement jusqu'à sa masse inférieure. Plus au sud (et plus haut), là où sont implantés les villages, des alluvions morainiques (datant du maximum d'extension des glaciers du Würm) déterminent un replat de prairies et même une crête, à sa terminaison septentrionale. Le bedrock, qui réapparaît sur les marges de ce placage, est formé en bas (Les Reverdys) par l'Urgonien et en haut (foyer de ski nordique) par le Sénonien inférieur.

image sensible au survol et au clic
Les pentes descendant de La Ruchère vers le Guiers Vif, vues du nord depuis les encorbellements de la D.45, 200 m à l'ouest de Corbel.
a.M = anticlinal médian ; Ø2 = chevauchement de la Chartreuse médiane ; d.D = décrochement du Pas Dinay ; d.A2 = décrochement méridional de La Ruchère ; d.A1 = décrochement septentrional de La Ruchère ; W.max. = niveau maximal atteint par le glacier wurmien.

Depuis les divers hameaux du village on a une vue très dégagée sur les chaînons du versant opposé du vallon de La Ruchère que drainent les ruisseaux parallèles du Riou Brigoud et de Dixhuitrieux. Elle porte plus précisément :

- Vers le nord, sur la rive droite du Guiers Vif, qui donne une coupe naturelle de l'anticlinal de la Chartreuse médiane, largement éventré par le vallon de Corbel.


Le hameau de L'Église de la Ruchère, devant les crêtes du vallon de Corbel, vus du sud, depuis la route de La Ruchère.
f.CM = faille du col du Mollard ; a.M = anticlinal médian.

- Vers le nord-est, sur les gorges du Guiers Vif, que coupent en biais les différentes branches prolongeant vers le SW le décrochement de l'Alpette : deux décrochements de La Ruchère, tranchant l'extrémité septentrionale de la crête des Éparres et décrochement du Pas Dinay y déterminant plus au sud la brèche de ce nom et y devenant le plus important par son rejet. Ces trois décrochements décalent les barres rocheuses du versant oriental du vallon de La Ruchère en mettant bout à bout à plusieurs reprises la barre des calcaires du Fontanil avec celle de l'Urgonien. Cela est dû à leurs rejets successifs alternés et à leurs valeurs de décalage et le résultat en est que ces deux barres rocheuses forment une falaise qui semble, à première vue, de constitution continue.

image sensible au survol et au clic

La vallée du Guiers Vif, vue des pentes dominant La Ruchère (abords du foyer de ski de fond)
Sous cet angle la faille principale du décrochement de l'Alpette est vue exactement d'enfilade et s'aligne bien, au niveau de l'entaille du Guiers, avec la faille des Sermes - Ruchère. Si l'on ne peut pas apprécier la valeur du décalage horizontal (le compartiment droit se déplace relativement vers l'avant), on voit par contre l'attitude très verticale du plan de cassure.
Noter que la barre urgonienne de la Roche Veyrand, abaissée par la faille, vient se mettre, dans la gorge du Guiers Vif, dans le prolongement exact de la falaise des calcaires du Fontanil du socle de cette montagne (voir les commentaires à la page "Sermes").
d.A1, d.A2 = décrochements de La Ruchère = branches les plus septentrionales du décrochement de l'Alpette ; d.D = décrochement du Pas Dinay = branche méridionale du décrochement de l'Alpette (qui se partage en deux dans les pentes méridionales de la Roche Veyrand ; à la brèche du Pas Dinay son rejet met les calcaires du Fontanil du compartiment nord dans le prolongement de l'Urgonien de la crête des Éparres (compartiment sud, en dehors du champ de la photo).

En fait il subsiste une certaine imprécision, concernant le tracé des deux décrochements de La Ruchère en rive gauche du Riou Brigoud, dans les hautes pentes des abords des villages.

Elle est due surtout au manque d'affleurements, qui sont largement masqués par de la moraine à ce niveau . Mais de plus on manque de repères stratigraphiques pour détecter un décalage des couches au sein du Sénonien du flanc oriental de l'anticlinal de la Chartreuse occidentale lorqu'il y affleure.
Quoi qu'il en soit l'on ne retrouve, plus à l'ouest des villages, dans l'Urgonien du revers est des Rochers du Frou et du Quartier, que des prolongements à rejet très atténué de ces cassures : cela signifie que ces failles subissent là un amortissement* lors de la traversée du chevauchement de la Chartreuse médiane. Il donc est à présumer cet amortissement résulte du même processus que celui concernant le décrochement du Pas Dinay (voir plus loin), c'est-à-dire d'une conversion partielle du mouvement coulissant en un mouvement chevauchant : la partie du compartiment méridional située sous l'accident Ø2 subit, de ce fait, un moindre déplacement vers le sud-ouest (voir le schéma correspondant, en fin de page).

- Vers l'Est, sur la longue barrière de falaises de la crête des Éparres. Ces escarpements s'avèrent, dans le détail, être hachés de décrochements, les uns dextres les autres (plus rares) sénestres. Le rejet de ces failles est relativement modeste (à tel point que peu d'entre elles ont été représentés sur la carte géologique au 1/50.000°), mais suffisant pour déterminer des décalages en baïonnette des lignes de falaises.

image sensible au survol et au clic

La crête des Éparres et la rive droite (orientale) du vallon du Riou Brigoud, vus de l'ouest, depuis le dernier tournant de la route D102a, 200 m en aval du foyer de ski.
Les prairies de premier plan sont formées par le Sénonien de la Chartreuse occidentale, couvert par du matériel morainique dans leur partie basse et au niveau des villages.
d.A = décrochement de l'Alpette ; d.D = décrochement du Pas Dinay ; d.sE = décrochement sénestre des Éparres ; d.E = décrochement dextre des Éparres ; d.Ba = décrochement du collet des Balmettes.
On a souligné de jaune la base des calcaires du Fontanil proprement dits, pour mieux faire apparaître ces décrochements secondaires (d', d") qui décalent la ligne de falaises au nord des rochers de Balmettes.
Ø2 = chevauchement de la Chartreuse médiane : vers la droite son tracé est repoussé hors du champ du cliché par je rejet dextre du décrochement du Pas Dinay (et de ses satellites plus méridionaux).
a.M = anticlinal médian (noter son important décalage dextre entre la partie gauche et la partie droite du cliché).


- Vers le sud-est enfin le paysage est fermé par la crête est-ouest de l'Aliénard et du Petit Som, sommets qui encadrent le coeur éventré de l'anticlinal de la Chartreuse médiane, dans les marno-calcaires berriasiens duquel s'ouvre le col de la Ruchère.

image sensible au survol et au clic

La partie méridionale du vallon de La Ruchère
, vue du nord, depuis les pentes des Reverdys.
a.M = anticlinal médian ; d.D = décrochement du Pas Dinay


En regardant dans cette direction on est obligé de constater que le dispositif structural qui règle les arrière-plans ne se prolonge pas au nord du hameau du Cleyat. Il fait place là au flanc oriental de l'anticlinal de la Chartreuse occidentale, car tout y est décalé vers le nord-est par le décrochement du Pas Dinay.


Bloc tectonogramme de la structure des environs méridionaux de La Ruchère
figure agrandissable
vu du nord-ouest ; seuls sont figurés les accidents majeurs :
DD = décrochement du Pas Dinay (branche méridionale du décrochement de l'Alpette) ; AM = anticlinal médian ("du Couvent") ; Ø2 = chevauchement de la Chartreuse médiane.
Même légende des couleurs que pour la carte ci-après.


Il est à remarquer que le décrochement du Pas Dinay se poursuit à travers le flanc oriental de l'anticlinal de la Chartreuse orientale par Riondettes, le col de la Sarriette et l'extrémité nord des Rochers de Fétrus, jusqu'au débouché aval des gorges de Fourvoirie.
Mais il est patent que son rejet y est beaucoup moins important, de sorte que ce décrochement a certainement joué là en même temps que s'effectuait le chevauchement de la Chartreuse médiane, en permettant à son compartiment le plus méridional d'avancer vers l'ouest plus que son compartiment septentrional. C'est-à-dire qu'il s'agit là plus d'une "faille de déchirure", désolidarisant le déplacement de deux compartiment en cours de déformation, que d'un véritable décrochement, tranchant des structures pré-formées.
Il se produit en somme une conversion partielle du mouvement coulissant en un mouvement chevauchant, ce qui a pour effet que la partie chevauchée du compartiment méridional (située sous l'accident Ø2) subit un moindre déplacement vers le sud-ouest.

Schéma simplifié de la structure des environs méridionaux de La Ruchère
Ce tectonogramme, qui représente la déformation de l'Urgonien, est destiné à montrer le fonctionnement
du décrochement du Pas Dinay, dans ses rapports avec le chevauchement de la Chartreuse médiane (Ø2).
Le rejet de décalage horizontal du décrochement est considérablement plus ample au dessus de la surface de chevauchement que dessous, dans le flanc oriental de l'anticlinal de la Chartreuse occidentale : le déplacement horizontal s'y amortit, l'accroissement de la flèche du chevauchement "absorbant" la différence.

Chevauchement et décrochement ont été là deux phénomènes associés (comparables aux jeux corrélatifs du fond et du côté d'un tiroir que l'on ouvre). En effet, alors que la flèche du chevauchement est plus grande au sud du tracé de DD qu'au nord, cette déchirure qui partage en deux tronçons le compartiment chevauchant (la Chartreuse médiane) ne se poursuit que par un décalage relativement très modeste dans le compartiment chevauché, de la Chartreuse occidentale (voir la page "Berland").

Carte géologique schématique du secteur de La Ruchère, depuis le Guiers vif jusqu'à la crête de partage des eaux avec le Guiers mort (col d'Arpison, col de la Ruchère, Petit Som et col de Bovinant)
Le fond topographique est réduit à quelques repères ; seules sont distingués les grandes formations stratigraphiques ; le quaternaire n'est pas représenté, à l'exception du gros placage glaciaire de La Ruchère.
(pour l'imprimer utiliser la version la plus grande de cette image).

Cette carte corrige quelques erreurs de détail de la carte géologique au 1/50.000° du BRGM, feuille Montmélian, et donne une vue plus claire de la disposition des éléments tectoniques. À cet égard elle montre principalement comment, du nord-est vers le sud-ouest, le rejet du grand décrochement de l'Alpette se diffuse entre plusieurs cassures, et finalement s'amortit en Chartreuse occidentale : en bordure ouest de ce domaine, on voit que le rejet de ces failles y est insuffisant pour aboutir à un décalage perceptible de la surface de chevauchement Ø1.
d.A1 = décrochement de l'Alpette : faille nord de La Ruchère (Reverdys-Sermes) ; d.A2 = faille sud de La Ruchère (Grand Village) ; d.D = décrochement du Pas Dinay ; d.E = décrochement des Éparres ; d.Ba = décrochement du collet des Balmettes ; d' d" = décrochements secondaires intercalés entre d.D et d.E.
d.sE = décrochement sénestre des Éparres ; d.RR1 et d.RR2 = failles de décrochement sénestres (orientées NW-SE) les plus septentrionales des Roches Rousses
Ø2
= chevauchement de la Chartreuse médiane : vers la droite son tracé est repoussé hors du champ du cliché par je rejet dextre du décrochement du Pas Dinay (et de ses satellites plus méridionaux).
a.M = anticlinal médian. L'alignement de ronds correspond au tracé de son axe : noter son important décalage dextre, par tronçons successifs, mais surtout de part et d'autre de la faille du Pas Dinay).
La ligne de points noirs, au nord de la Ruchère, représente la crête de la moraine abandonnée par la langue diffluente du glacier qui longeait ma bordure occidentale du massif chartreux à l'époque du Maximum würmien.
Dans l'Urgonien on a représenté d'un trait pourpre le tracé des couches à Orbitolines (là où il est reconnu) et d'un trait brun (uniquement au nord de La Ruchère) celui du niveau à lits marneux qui lui ressemble mais qui est situé plus bas, dans la masse urgonienne inférieure.


Ce secteur est visité par les itinéraires du fascicule1Q


cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuille"Montmélian"

Carte géologique simplifiée (fond topographique d'après la carte IGN au 1/100.000°)

Saint-Christophe

Guiers Vif : Grand Frou

Guiers Vif : Sermes
Berland

LOCALITÉS VOISINES

Château du Gouvernement

Crêtes de l'Aliénard

Col de la Ruchère

Crête des Éparres
N.B. Les localités entre parenthèses appartiennent à une autre section du site et leur page s'ouvrira avec l'en-tête correspondant à cette dernière.

 accueil section Chartreuse

début de la page

sommaire de GEOL_ALP

Aller à la page d'accueil du site
Dernières retouches apportées à cette page le 10/05/19