Gerbaix, Les Égaux |
Au sud du Col de Couz le grand val de Couz se poursuit jusqu'à ce qu'il soit tranché transversalement par le cours de la gorge du Guiers Vif, en aval du Grand Frou. Toutefois il change un peu de caractère en s'ouvrant assez sensiblement : ceci résulte surtout de l'affaiblissement des pentes de son versant occidental, pratiquement conforme avec celui du pendage des couches du flanc oriental de l'anticlinal du Mont du Chat (qui reste seulement un peu plus fort).
C'est sur ce versant que s'inscrit le tracé de la N.6, qui s'encaisse de plus en plus profondément à partir du col de Couz, dans l'Urgonien supérieur, puis inférieur, du flanc occidental du synclinal de Couz : elle y suit le fond d'une gorge sinueuse qui se termine par le défilé des Échelles pour déboucher sur la plaine de Saint-Christophe (ce défilé fut emprunté par l'ancienne route sarde et la N.6 l'évite par un tracé en tunnel). Il s'agit d'une vallée morte car aucun cours d'eau de ce versant n'a un débit suffisant pour l'avoir creusée : en fait ce ne peut être qu'un cours fossile, wurmien, qui avait été creusé par le torrent sous-glaciaire de la langue issue du bassin chambérien.
La bande des affleurements sénoniens et miocènes qui jalonnent le fond du synclinal de Couz se poursuit en perdant de l'altitude dans les collines boisées de Gerbaix, dont la fragmentation témoigne d'une érosion par des cours d'eaux maintenant inexistants (cela correspond sans doute aussi à des écoulements d'eaux de fonte glaciaires). Au delà elle est interrompue passagèrement par l'entaille transversale de la gorge du Guiers Vif, mais se reconstitue immédiatement plus au sud, dès les abords septentrionaux de Berland. Enfin au sud de cette localité l'axe du synclinal de Couz s'abaisse encore, au point que son coeur miocène vient se fondre dans le remplissage, de même âge, du synclinal de Voreppe.
À ce sujet il faut préciser que le synclinal de Couz ne prolonge que la branche orientale du synclinal de Voreppe car, à la latitude des Échelles, il est séparé des affleurements miocènes qui constituent la branche nord-occidentale de ce pli ("synclinal de Novalaise") par les affleurements urgoniens de l'extrémité méridionale de l'anticlinal du Mont du Chat [voir la page "relations structurales"]. |
Sur le versant oriental de la vallée de Couz les complications tectoniques apparues au nord du col de Couz prennent plus d'ampleur : cela se manifeste par la naissance d'un petit val secondaire, drainé par le cours tout-à-fait supérieur de l'Hyère qui s'ouvre dans le remplissage de molasses miocènes du repli synclinal des Égaux. La voûte urgonienne du repli anticlinal des Égaux, qui commençait à émerger de la molasse au village des Martin se dégage en armant une échine boisée que la route D.45 contourne par le nord à l'est de Saint-Jean de Couz. Elle s'élève régulièrement vers le sud, conformément au pendage de l'axe du pli, jusqu'à culminer, à la latitude du Col des Égaux, où ses abrupts occidentaux tombent sur le village de Gerbaix.
Le synclinal des Égaux représente le prolongement septentrional du synclinal de Proveysieux qui sépare, du sud au nord de la Chartreuse, son domaine occidental de son anticlinal médian : on voit ici qu'il va se réunir en direction du nord (aux Martin) avec la branche de Berland du synclinal de Voreppe, pour s'intégrer au synclinal de Couz (voir le schéma cartographique. Dans le même temps l'anticlinal des Égaux correspond à l'ensemble structural de la Chartreuse occidentale, qui se termine là par une sorte d' étranglement au sein du synclinal de Couz. |
Les prairies du court val suspendu du col des Égaux sont installées sur les dépôts morainiques, qui sont mis à nu dans les entailles de la route sur son versant sud. Cela montre que ce col a été largement submergé par les glaces qui provenaient de la dépression de Chambéry à l'époque du maximum d'extension de la glaciation de Würm. On se trouvait alors là à l'endroit où cette langue issue du glacier rhodanien envoyait vers l'est, vers l'amont de la vallée du Guiers, une ramification diffluente qui a laissé une moraine à La Ruchère et qui s'est peut-être avancée jusqu'aux abords de Saint-Pierre-d'Entremont.
Au sud du col des Égaux ce dispositif morphologique est interrompu par la vallée du Guiers Vif, qui le tranche selon une oblique NW-SE : elle en donne donc une coupe naturelle un peu déformée dans le sens d'un étirement horizontal (ce qui se manifeste surtout par la longueur d'affleurements des abrupts du flanc oriental de l'anticlinal, sous les villages des Égaux).
L'extrémité septentrionale du chaînon de l'Outheran, vue du sud-sud-ouest depuis le vallon de Berland. En premier plan le val de Berland est ouvert, en rive gauche du Guiers, dans le coeur du synclinal de Couz (s.C) qui correspond aux affleurements les plus orientaux du sillon molassique péri-alpin. Il a été creusé par la langue de glacier qui venait de Chambéry par la vallée de Couz mais il est maintenant tranché transversalement par les gorges du Guiers Vif qui débouchent plus en aval, à Saint-Christophe, dans la plaine des Échelles. En arrière de la gorge du Guiers Vif se détache plus à l'est, en saillie devant la cime de la Cochette, le mont* très modeste que dessine l'Urgonien à l'ouest du Col des Égaux (a.E). |
À son extrémité aval cette coupe montre que le flanc ouest de l'anticlinal des Égaux ne se raccorde plus à la charnière du synclinal de Couz qu'au prix d'une rupture (inconnue plus au nord) qui coupe les couches de ce dernier en biais au niveau du lit du Guiers.
Cette cassure a un pendage proche de la verticale ; elle met en contact, 600 m au sud de Gerbaix, l'Urgonien inférieur, presque vertical, de ce flanc de pli avec la molasse du fond du synclinal, rebroussée aussi à la verticale à son contact puis tranche son Urgonien (également vertical) au hameau du Crozat. Mais ce rejet vertical s'atténue rapidement vers le nord car dès les pentes à l'est de Gerbaix, la succession stratigraphique du flanc ouest de l'anticlinal redevient complète et le miocène rebroussé se raccorde par une torsion synclinale à celui peu penté à l'est du fond de synclinal. |
La comparaison de cette coupe avec celle de la rive gauche du Guiers Vif met également en évidence le fait que la cassure qui rompt ce pli s'aggrave en rive opposée pour prendre un caractère nettement chevauchant (voir la page "Grand Frou"). En fait on assiste là à la naissance du grand chevauchement de la Chartreuse occidentale qui voit son rejet s'amplifier vers le sud jusqu'à la trouée de l'Isère, (où il se connecte à la faille de Voreppe).
Coupes des deux rives du Guiers Vif, dans le secteur du Frou (Les Bozons est le hameau du col des Égaux lui-même). La comparaison de la coupe de rive gauche à celle de rive droite montre comment on passe d'un pli rompu par chevauchement (en bas) à un simple pli dissymétrique "en genou" (en haut). |
On voit bien depuis le sud, notamment des environs de Berland, cette différence de structure entre les deux rives du Guiers, la rive septentrionale se singularisant par l'existence de l'anticlinal des Égaux, dont la voûte urgonienne est absente, car érodée, du côté méridional.
La charnière de l'anticlinal des Égaux est en outre affectée, au niveau de l'Urgonien, par un accident secondaire, chevauchant vers l'ouest : il atteste de glissements couches sur couches qui ont dû se produire lors du plissement (ils témoignent en fait de l'effort cisaillant, à vergence ouest, qui est responsable aussi de la forme déjetée, "en genou" de ce pli).
L'anticlinal des Égaux, en rive droite de la gorge du Guiers Vif, vu de la route D520c, depuis le pré situé en amont du verrou rocheux du Châtelard (aire de retournement des véhicules longs). On voit qu'il s'agit d'un pli déjeté, dissymétrique, "en genou". Son flanc ouest est certes plus incliné que son flanc oriental mais il ne montre aucune tendance à se renverser pour amorcer une rupture en pli-faille. La zone de charnière montre, au sein de l'Urgonien inférieur, la "rampe" d'un petit chevauchement qui résulte visiblement d'un décollement de la partie haute de la masse inférieure urgonienne, et de son glissement vers l'ouest (vers la gauche). Le processus expliquant sa formation est un accident dans le glissement des couches de l'extrados d'un pli en direction de la charnière qui caractérise les roches compétentes litées (voir la page "plissement", fig. e) On peut sans doute rapprocher ce cas de dysharmonie de plissement* de celui des froissement de couches qui s'observent, également dans l'Urgonien, à Pont-Saint-Martin, à peine 2 kilomètres plus à l'ouest, le long de la faille du Mont Beauvoir. |
La structure du flanc oriental du synclinal des Égaux se caractérise par le fait qu'il est rompu par le chevauchement de la Chartreuse médiane (voir l'analyse de cet accident à la page "Thivelet").
Concernant la chronologie des érosions et des mouvements tectoniques, il est intéressant d'observer que, aux abords de la vallée
de Couz, le Sénonien n'est conservé, sous la transgression
des molasses miocènes, que dans le coeur des synclinaux
des Égaux (dans les basses pentes proches du lit du Guiers)
et de Couz (notamment à Côte Barrier). Mieux, on
constate, sur le flanc ouest de ce dernier pli (c'est-à-dire
sur le flanc oriental de l'anticlinal du Mont du Chat), que des
dépôts continentaux rouges de l'Oligocène
(qui s'y intercalent sous le Miocène) viennent en repos
discordant sur des termes qui sont de plus en plus anciens, du
sud vers le nord : c'est ainsi qu'ils s'appuient sur les calcaires
du Fontanil à Vimines, au lieu-dit Pierre Rouge (où
des conglomérats rouges oligocènes étaient
anciennement exploités comme marbre).
Tout cela indique que ces plis des confins de la Chartreuse et du Jura ont commencé à se former, puis ont subi une première érosion, très tôt, dès le Tertiaire inférieur. On peut même préciser qu'ils avaient, à cette époque, un plongement axial vers le sud, puisque la profondeur de leur écrêtement s'accroît vers le nord. On constate également que si la molasse miocène est elle-même affectée par le plissement c'est seulement parce que ces plis pré-existants ont été repris et accentués par les serrages post-miocènes. |
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Saint-Christophe / Guiers |
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Les Égaux |
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