Matheysine

aperçu d'ensemble

Cette région, dont la localité principale est La Mure, est délimitée par les vallées de la Roizonne à l'est, de la Bonne, puis du Drac, au sud et à l'ouest et enfin de la Romanche, au nord. Elle est centrée sur une dépression suspendue (le "plateau matheysin") où s'aligne un chapelet de lacs. Elle représente, du point de vue structural, le prolongement méridional de la chaîne de Belledonne.
Mais, à la différence de ce qui se passe dans cette dernière, le socle hercynien du rameau externe n'a pas été porté ici à des altitudes supérieures à 1500 m (et il s'enfonce même définitivement sous sa couverture sédimentaire au sud de La Mure). Ce socle cristallin comporte en outre, ici, beaucoup d'inclusions de terrains houillers qui furent à l'origine des exploitations minières qui fonctionnèrent jusqu'aux décennies 1980.

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La partie septentrionale de la Matheysine vue d'avion, du nord-est, depuis l'aplomb de Séchilienne.
ØS = chevauchement du Sénépy ; ØSs = branche supérieure du chevauchement dans le Conest ; ØSs = branche inférieure du chevauchement dans le Conest.
a.mB
= accident médian de Belledonne ; f.P (en jaune) = faille (décrochement) de Pétichet ; f.JN (en jaune) = faille de Jasneuf (voir la page "Vercors") ; f.B = faille des Bigeards.
Les tirets rouges fins soulignent la surface de la pénéplaine anté-triasique. Les pentes de l'angle inférieur gauche sont celles de la Petite Cuche du Grand Serre.

Le socle du rameau externe (y inclus le houiller) est surtout mis à nu dans des boutonnières d'érosion, comme celle de La-Motte-d'Aveillans et selon un alignement de pointements qui bordent, du côté ouest, le chapelet des lacs (voir la carte ci-après). Le socle du rameau interne est aussi le plus souvent masqué sous son épaisse couverture sédimentaire qui forme l'essentiel des pentes dominant le plateau matheysin du côté oriental.

Trois parties peuvent être distinguées dans la Matheysine :

1 - Le plateau matheysin, qui en constitue l'axe nord-sud, est un large couloir creusé et modelé au Quaternaire par les glaciers. Il suit grossièrement le tracé de l'accident médian de Belledonne.

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Le Conest et la partie septentrionale de la Matheysine vus d'avion, du sud-est, depuis l'aplomb du Piquet de Nantes (au fond, enneigé, le rebord subalpin du Vercors)
Les alignements d'affleurements triasiques (dolomies, cargneules et spilites), jalonnant les accident déversés vers l'est, sont soulignés de rouge.
ØSP = chevauchement du Sénépy ; a.mB = accident médian de Belledonne ; d.P = faille de décrochement de Pétichet (elle décale l'a.mB dans le sens dextre).
Les couches de la moitié inférieure du cliché sont celles du flanc ouest du bloc basculé de Belledonne interne, qui forment le chaînon du Grand Serre. Elles pendent toutes vers l'arrière gauche, c'est-à-dire en direction du fond de l'ancien hémigraben de la Matheysine (où elles vont buter contre l'accident médian de Belledonne).

Le tracé de l'accident médian de Belledonne y décrit d'ailleurs une inflexion de son tracé qui le décroche en baïonnette de plusieurs kilomètres dans le sens dextre. Elle est attribuable à faille de Pétichet, d'orientation plus NE-SW, dont on jalonne assez clairement le tracé depuis la rive nord du Lac de Pétichet, au NE, jusqu'à La-Motte-les-Bains au SW. Elle traverse en biais l'alignement N-S des lacs pour se prolonger (vraisemblablement car masquée sur les alluvions quaternaires) vers le NE jusqu'au col sud du Fond des Sciaux.

De ce fait, si tout indique que le lac de Laffrey et le lac Mort sont situés franchement à l'ouest l'accident médian, au contraire Cholonge, le lac de Pierre-Châtel et celui de Pétichet sont installés sur le compartiment oriental de cet accident (dont le tracé se poursuit pourtant par Pierre-Châtel, selon un tracé sensiblement N-S en direction de La Mure).

 Compte tenu de son orientation et du sens de son rejet (dextre) on est fortement tenté d'envisager que la faille de Pétichet puisse se prolonger vers le sud-ouest, en Vercors, par la faille de Jasneuf (voir le cliché en haut de page). Pourtant rien n'indique qu'elle affecte, en la décalant, l'épaisse succession des calcaires liasiques du Sénépy : celle-ci semble au contraire se prolonger en continuité vers le nord, entre La-Motte-les-Bains et la retenue de Monteynard, par celle de la crête sud de La Pérouse (que tranche le ruisseau du Pérailler au débouché aval de la dépression de la Motte-d'Aveillans).

D'autre part, il ne semble pas non plus qu'elle se prolonge vers le nord-est au delà de Saint-Barthélémy de Séchilienne, en rive sud de la vallée de la Romanche (voir la page "Grand Serre").

2 - Les chaînons occidentaux culminent du côté ouest par les crêtes du Conest (au nord) et du Sénépy (au sud), qui séparent la Matheysine proprement dite de la partie aval de la vallée du Drac. Ils constituent le prolongement méridional du rameau externe de Belledonne.

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Le dôme de la Mure et les confins sud-occidentaux de la Matheysine vus d'avion, du sud, depuis l'aplomb du Châtel.
ØS = chevauchement du Sénépy ; a.SJ = anticlinal de Saint-Jean-d'Hérans (c'est l'enveloppe, au niveau du Jurassique moyen, des ondulations du Lias du Dôme de La Mure) ; amB (en vermillon) = accident du Mont Cimon et de Nantison (c'est le prolongement le plus méridional observable de l'accident médian de Belledonne) ; s.M = synclinal de la Matheysine, dessiné par le Jurassique moyen, au plus creux de l'hémigraben.
Noter que la corniche boisée des calcaires argileux du Bajocien (soulignée de tirets roses gras) dessine une sorte d'amphithéatre qui ceinture en arc de cercle, du côté sud, le dôme de la Mure : alors que dans celui-ci affleurent surtout Lias et Trias, le Drac a inscrit son cours en contournant ces terrains durs du côté sud, par la combe aalénienne, à la faveur du plongement vers le sud des couches et des plis du Dôme de la Mure.

Ces chaînons sont eux mêmes partagés tectoniquement par le chevauchement du Sénépy. Cet accident orienté N-S est déversé vers l'est.

L'origine de ce déversement "anormal", vers l'est, du chevauchement du Sénépy est vraisemblablement à rechercher dans les mouvements tardifs liés à la surrection de la chaîne de Belledonne, dans le prolongement axial de laquelle on se trouve précisément ici. En effet il semble qu'à cette occasion cette chaîne ait subi d'importants mouvements de coulissements NE-SW, parallèles à son allongement, ce qui a du amener son socle à glisser vers le sud - sud-ouest, en s'enfonçant sous sa couverture, sans l'entraîner avec lui (voir les pages consacrées à la chaîne de Belledonne). On trouve d'ailleurs, plus au sud, dans la vallée de la Gresse, en bordure du Vercors un autre chevauchement dirigé vers l'est.

À l'est de ce chevauchement les couches liasiques n'ont qu'une épaisseur réduite, avec un faciès de haut-fond connu sous le nom de "calcaires à encrines de Laffrey". Le socle cristallin et houiller y affleure mais s'enfonce rapidement vers l'ouest et, plus doucement, vers le sud, de sorte que sa surface dessine sensiblement un coupole, dite "dôme de la Mure".
À l'ouest du chevauchement, dans les chaînons du Conest et du Sénépy, le Lias retrouve ses faciès "ordinaires" de calcaires argileux épais.

3 - Les chaînons orientaux, Grand Serre au nord et Tabor au sud, séparent la Matheysine proprement dite du massif du Taillefer - Coiro, avec pour frontière la vallée de La Roizonne. Ils prolongent, vers le sud, le versant occidental du rameau interne de Belledonne, à ceci près que le socle cristallin y disparaît en grande partie sous sa couverture sédimentaire. Celle-ci montre un Lias épais et argileux qui contraste avec les faciès réduits qui apparaissent à l'ouest de l'accident médian, ce qui témoigne donc du remplissage d'un hémigraben*. Le socle affleure essentiellement dans la vallée de La Roizonne où il est en continuité directe avec celui du massif du Taillefer-Armet et s'enfonce vers le sud en direction du massif du Beaumont.

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Le site de La Mure, devant l'enfilade de la Matheysine. vus du sud depuis l'échine sommitale du Châtel (promontoire nord du Dévoluy)
La trouée du col de la Festinière sépare les buttes du Mont Cimon (en avant) et de la Pierre Percée (en arrière).
amB = prolongement méridional de l'accident médian de Belledonne ; s.M = synclinal de la Matheysine.
all.fl-gl. = alluvions fluvio-glaciaires colmatant l'ombilic glaciaire du confluent Bonne - Drac ; cgb = conglomérats basaux de ces alluvions, sous lesquels affleure le bed-rock. Ce dernier est constitué de Terres Noires au cœur du synclinal (à l'emplacement du mot "La Bonne") et de terrains de plus en plus anciens tant vers l'amont (Roizon) que vers l'aval (Cognet).
La trouée du col de la Festinière sépare les buttes du Mont Cimon (en avant) et de la Pierre Percée (en arrière).

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Coupes schématiques d'ensemble de la Matheysine
a) Organisation structurale à la fin de l'expansion jurassique
b) État actuel : ØS = chevauchement du Sénépy (le pli figuré en contrebas symbolise la branche secondaire de chevauchement "du Conest", sous laquelle on trouve en effet du Lias renversé) ; a.mB = accident médian de Belledonne ; f.C = faille de Comboursière (voir "Grand Serre") ; spa = surface de la pénéplaine anté-triasique.

On remarque à l'examen de cette figure trois faits notables (qui pourtant ne sont, le plus souvent, pas pris en compte par les auteurs récents) :
- l'existence d'une ployure antiforme de la surface du cristallin du Rameau interne de Belledonne, qui est de plus en plus déversée vers l'ouest, voire renversée, vers le bas (mais il n'y a là aucune faille inverse, qui occasionnerait un chevauchement au sens où on l'entend normalement ...) ;
- le fait que la faille extensive a.mB n'a pas été reprise en faille inverse (contrairement au schéma dit de l'"inversion", qui est trop souvent adopté a priori). Elle a tout au plus été basculée dans le sens d'un accroissement de son pendage ;
- la nécessité d'admettre que le socle du Rameau externe (en jaune), bien loin de s'avancer en chevauchement vers l'ouest sur sa couverture, a dû être entraîné dessous, en "sous-charriage", ce qui s'est traduit par la formation du chevauchement du Sénépy, à vergence est.
On peut lire, à propos des remarques ci-dessus, les pages sur le prétendu charriage des massifs cristallins externes et sur la surrection de la chaîne de Belledonne.

Carte géologique simplifiée et schématisée de la Matheysine

a.mB = accident médian de Belledonne ; d.C = décrochement de la Chal (prolongement probable de la faille de La Queyrie, en Vercors ) ; d.P = décrochement de Pétichet ; ØS = chevauchement du Sénépy ; f.T = faille du Thaud et de Touage ; f.C = faille de Comboursière ; f.S = faille du Sabot (voir page "Fau-Laurent") : ce paléo-accident (bordé du côté ouest d'amas d'olistolites) se prolonge au sud de la Romanche par celui des Bigeards.

On a distingué le socle cristallin du rameau externe (en jaune) de celui du rameau interne de Belledonne (en vert).

 

figure de taille normale version plus grande

On remarque sur la carte ci-dessus que toutes les bandes de terrain, de même que le tracé des accidents tectoniques (notamment celui de l'accident médian de Belledonne), décrivent une incurvation à convexité vers l'ouest. Cela correspond au fait que l'on se trouve ici dans le secteur de l'inflexion maximale de l'arc des Alpes occidentales.
C'est par cette incurvation que l'on passe, en continu, de plis et chevauchements d'axes N10 à N20, au nord (Chartreuse, collines bordières), à des plis d'axes N160 à N150 au sud de la Matheysine (Beaumont, Dévoluy).


Cette disposition suggère qu'au nord de la Matheysine les plis et failles étaient peut-être orientés originellement N160 et auraient été pivotés dans le sens des aiguilles d'une montre par un coulissement dextre. Ce dernier a dû utiliser un certain nombre d'accidents parallèles à l'axe de la chaîne de Belledonne, accidents dont feraient partie les décrochements de la Chal et de Pétichet (voir à ce sujet notamment les pages "Chartreuse orientale : plis", "marge orientale du Vercors" et "Mont Aiguille").

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Tectonogramme très schématique
de la géométrie tectonique du socle cristallin et de sa couverture sédimentaire aux environs de Grenoble

Les grosses demi-flèches délimitent la zone du cisaillement dextre des massifs subalpins septentrionaux :
- les demi-flèches de gauche, pointant vers le nord-est, correspondent à peu près au tracé de la limite entre Jura et massifs subalpins septentrionaux ;
- les demi-flèches de droite, pointant vers le sud-ouest, correspondent à peu près au tracé des failles du faisceau de Vizille (bordure occidentale des affleurements cristallins de Belledonne).
La grosse flèche indique le déplacement supposé des massifs cristallins externes par le jeu de ce coulissement.

a.mB = accident médian de Belledonne ;
f.cO = faille du col d'Ornon : f.BE = faille de la bordure est de Belledonne (son prolongement septentrional très vraisemblable) ;
f.Ch = faille du Chambon.
ØSé = chevauchement rétroverse du Sénépy (le chevauchement similaire schématise au NE de Grenoble est l'accident du Baure, qui affecte l'anticlinal de Perquelin (voir à ce sujet la page"Bec Charvet") .


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Rapports du Vercors avec la Matheysine et avec l'extrémité sud-occidentale du massif cristallin de Belledonne, par l'intemédiaire de la vallée du Drac (vue pseudo-aérienne obtenue au moyen de "Google-earth").
a.mB = accident médian de Belledonne ; ØS = chevauchement (rétroverse) du Sénépy ; a.M = anticlinal de la Moucherolle et du Ménil de Gresse ; f.C = faille de Carette ; f.Q = faille de la Queyrie ; f.J = faille de Jasneuf.
Le flèches grasses indiquent les mouvements relatifs de la couverture par rapport à au socle cristallin ; les flèches à pointes chevauchantes indiquent le sens des accidents compressifs dans la couverture.
image dépouillée de toute annotation.

On trouvera de nombreux renseignements complémentaires sur le site du "Patrimoine matheysin"
formations quaternaires du bassin du Drac
succession stratigraphique du bassin du Drac

(chaîne de Belledonne)

Taillefer - Coiro
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