Le massif de Belledonne proprement dit

La partie grenobloise de la chaîne de Belledonne

Le massif de Belledonne proprement dit, entre le Pas de la Coche et la vallée aval de la Romanche, est pour l'essentiel constitué par des roches cristallines appartenant au socle, anté-hercynien,des Alpes, qui ont été soulevées ici jusqu'aux environs de 3000 m. Toutefois ses basses pentes occidentales sont formées par les couches calcaréo-argileuses, d'âge triasique à Jurassique moyen, de la partie basse de la couverture sédimentaire de ce socle. Elles forment notamment les "collines bordières", dont l'alignement est parallèle à la vallée de l'Isère (Grésivaudan).

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Vue d'ensemble de la chaîne de Belledonne et de sa bordure occidentale, depuis le sommet de la Dent de Crolles.
acc.méd. = accident médian ; s.pa = surface de la pénéplaine anté-triasique (limite entre socle cristallin et couverture sédimentaire).
Les crêtes plus neigeuses du massif des Grandes Rousses pointent, au centre, par dessus l'entaille du Pas de La Coche.
version plus grande, sans indications géologiques


En ce qui concerne le socle cristallin du massif de Belledonne proprement dit, il est partagé, comme dans tout le reste de la chaîne, en deux ensembles juxtaposés, les "rameaux" externe et interne, dont les constitutions sont très différentes et que sépare l'accident médian.

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Le massif de Belledonne proprement dit, vu d'enfilade, d'avion, du sud et d'environ 8000 m d'altitude (L.D = Grande Lance de Domène ; L.A = Grande Lance d'Allemont).
R.E = rameau externe ; a.MB = accident médian ; R.I = rameau interne ; a.P = accident de La Pra.
Les tirets rouges localisent la limite socle - couverture (surface de la pénéplaine anté-triasique), en fait largement masquée par les dépôts superficiels quaternaires.
Le tirets émeraude soulignent la surface de base du complexe ophiolitique de Chamrousse ; les tirets verts correspondent aux limites des amphibolites de l'unité des Trois Pics (rattachée pour certains à la nappe ophiolitique) ; "Gn.l.a." = gneiss leptyno-amphiboliques* ; "s.pa" = surface de la pénéplaine anté-triasique.

voir plus de détails sur la gorge de la Romanche à la page "Romanche"

voir, en fin de page, le tableau récapitulatif des formations cristallophylliennes majeures.


Carte d'ensemble simplifiée du socle cristallin de partie méridionale de la chaîne de Belledonne, depuis la vallée de l'Eau d'Olle jusqu'aux confins du Valjouffrey.
(pour les prolongements vers le nord aller à la page "massif Sept Laux - Allevard")
Il est aussi possible de charger une carte géologique simplifiée du socle cristallin de l'ensemble de la chaîne de Belledonne, de la Maurienne au Valjouffrey.


1 - Le rameau externe, du côté nord-ouest, ne forme qu'une bande relativement étroite de reliefs mous et peu élevés qui ne représentent que les contreforts occidentaux du massif proprement dit. Cela est dû au fait qu'il est constitué de micaschistes, donc de roches relativement faciles à éroder.Une autre particularité de ce rameau externe est la présence, entre le socle cristallin et les premiers sédiments d'âge secondaire (grès, dolomies et cargneules triasiques) d'une formation, inégalement épaisse selon les points mais qui peut atteindre plus de 100 mètres, désignée globalement du nom de "Grès d'Allevard". Son âge est réputé Permien mais elle englobe, à sa base au moins, des couches du Stéphanien supérieur. Elle montre des pélites pourpres, bien connues en de nombreuses régions à ce niveau stratigraphique, alternées avec des passés de grès plus ou moins fins et de teinte claire. Cette formation est surtout développée au nord du col de Merdaret, dans le chaînon du Grand Rocher.

Clichés d'affleurements et d'échantillons de pélites et de grès de la formation des Grès d'Allevard

2 - Le rameau interne, du côté sud-est, forme l'essentiel du massif de Belledonne proprement dit. Ce dernier est séparé, du côté oriental, de celui des Sept Laux par une cassure N-S, l'accident de la Belle Étoile, qui détermine la vallée de l'Eau d'Olle en aval du Rivier d'Allemont. Plus à l'ouest le massif de Belledonne est traversé en biais et partagé en deux par une autre grande cassure hercynienne, également N-S, l'accident de la Pra.

- A l'ouest de l'accident de la Pra (secteur de Chamrousse) se développe un ensemble de roches très "basiques" et très sombres qui en constitue les crêtes et hautes pentes. Il comporte un coeur de serpentinites (qui sont des Péridotites métamorphisées) encadré de deux bandes de gabbros, elles mêmes flanquées latéralement d'amphibolites qui s'engagent en dessous, le tout affectant grossièrement une disposition en synforme déversée vers le sud-est.

Cet ensemble, qualifié de "complexe ophiolitique de Chamrousse", est interprété comme un fragment de fond océanique dont la formation est plus précisément rapportée à la limite Cambrien - Ordovicien. Puis la dalle ophiolitique a été charriée et enfin déformée par plissement, au cours d'une tectonique d'âge plus récent mais au moins hercynien.

Le soubassement de ce chapeau ophiolitique est constitué par le "complexe plutono-volcanique de Belledonne", rapporté au Dévono-Dinantien, qui affleure dans l'entaille de la Romanche. Dans le détail ce complexe montre, notamment à la faveur de la boutonnière anticlinale de Livet diverses unités rocheuses qui sont imbriquées tectoniquement.

La plus importante est celle des Unités de Rioupéroux, formée de gneiss leptyno-amphiboliques qui sont dans l'ensemble plutôt clairs car pauvres en passées amphiboliques. Au coeur du pli, autour de Livet, apparaît une formation de gneiss leptyno-amphiboliques riches en amphibolites, désignée du nom d'Unité de la Balme. Cette dernière est tectoniquement imbriquée avec deux autres termes plus secondaires, la lame de micaschistes des Roberts et le pointement granitique de Livet.



Coupe du massif de Belledonne au niveau de la vallée de la Romanche (rive droite)
(d'après R.P. Ménot, 1987, présentation retouchée)
a.mB = accident médian de Belledonne ; f.L = faille du col des Lessines ; f.LP = accident de La Pra ; f.PV = faille de la Petite Vaudaine ; ac.tA = accident de la Traverse d'Allemont ; f.CO = faille du col d'Ornon.


Les deux ensembles situés de part et d'autre de l'accident de La Pra sont l'un et l'autre recoupés en biais par la vallée de la Romanche et se poursuivent vers le sud dans le massif du Taillefer : en particulier, dans le revers sud-occidental de ce dernier, les amphibolites renversées de Chamrousse forment une épaisse dalle qui garnit toutes les pentes qui s'élèvent depuis la vallée de la Morte jusqu'au lac du Poursollet.
D'autre part, du côté amont de la coupe de la Romanche, les gneiss et amphibolites qui affleurent à l'est de l'accident de La Pra, trouvent leur prolongement méridional dans l'ensemble de gneiss très amphiboliques qui constituent la "formation du Taillefer oriental", alors que, du côté occidental, le complexe de Belledonne se poursuit vers le sud sur le plateau du Grand Galbert).

- A l'est de l'accident de la Pra (aux abords du Grand Pic de Belledonne) on rencontre des alternances d'amphibolites et de gneiss leptyno-amphiboliques qui affleurent en bandes orientées à peu près N-S (donc obliques, à angle aigu, par rapport à l'axe de la chaîne), ce qui résulte des déformations tectoniques de reccourcissement E-W qui ont affecté ce matériel lors de l'orogenèse hercynienne.
On y a récemment distingué (cf. carte géologique au 1/50.000°, feuille Domène) deux groupes distincts de roches amphiboliques :

- Certaines appartiennent à une formation volcanique à alternances litées, de type "spilites - kératophyres" et représentent la partie supérieure du complexe plutono-volcanique de Belledonne. Tel est le cas des gneiss à lits amphiboliques et leptynitiques alternés, à litages peu inclinés vers le SW, qui coiffent la Grande Lance de Domène et la Grande Lauzière. Leur partie haute peut sans doute être rattachée à la formation de Rioupéroux (la plus pauvre en passées amphiboliques), tandis que l'entaille des vallons met à nu une partie basse plus amphibolique, rapportable à l'Unité de la Balme.

À la Grande Lauzière, à l'ouest de la Grande Lance de Domène à la Roche Noire de Freydane et aux Rochers Rouges de la Croix de Belledonne, ces gneiss sont eux mêmes coiffés par un chapeau, dans l'ensemble presque horizontal, de grès et pélites du houiller. Ce fait témoigne de ce que la surface du socle cristallin n'a pas dû être très profondément entaillée par l'érosion quaternaire et que l'on pourrait sans doute en reconstituer grossièrement la position en dessinant une surface enveloppe passant peu au dessus (quelques centaines de mètres) des plus hauts sommets de la chaîne (voir la page "Grand Colon").

- Les autres appartiennent à la formation amphibolique du Ferrouillet, qui affleure notamment au Grand Pic de Belledonne et sur son revers oriental, ainsi que dans les prolongements septentrionaux de ce chaînon (crête du Ferrouillet et Dent du Pra). En raison de leurs caractéristiques minéralogiques ces amphibolites massives ont été rapportées dans les publications les plus récentes (voir la notice de la carte Domène) au complexe ophiolitique de Chamrousse, bien que l'on n'y observe aucun des autres termes, plus élevés, de la séquence ophiolitique classique.

Ces amphibolites reposeraient sur des gneiss leptynitiques par une surface de charriage qui serait reployée : c'est ainsi que l'on a interprété (voir, ci-après la coupe de la carte au 1/50.000) la zone des replats du revers oriental du Grand Pic, où se loge le Lac de Belledonne, celui de la Balmette et l'Étang des Boeufs : les gneiss plus clairs y affleureraient en fenêtre* à la faveur de replis anticlinaux à voûtes crevées. Le rebord d'escarpements soutenant ces replats au dessus de la vallée de l'Eau d'Olle est de nouveau constitué par des amphibolites : comme leurs affleurements se raccordent vers le nord avec les précédentes à la crête de Ferrouillet elles ont été considérées, par conséquent, comme appartenant le flanc inverse de ce dispositif globalement anticlinal.


Toutefois il paraît très difficile d'adopter ce schéma interprétatif car les gneiss leptynitiques du supposé anticlinal ne s'engagent pas du côté septentrional sous les amphibolites des crêtes du Ferrouillet : celles-ci dessinent plutôt un berceau synclinal à axe plongeant vers le sud (voir la page "Ferrouillet"). D'ailleurs tous les plis observés dans les gneiss intercalaires de ce versant (notamment au pied est du Grand Pic) indiquent qu'ils sont ployés, entre les deux bandes amphiboliques, en un synclinal de la Balmette, déversé vers l'est.

D'autre part les amphibolites occidentales, des Trois Pics, sont séparées des gneiss plus occidentaux (de Freydane) par une bande de micaschistes à grenats qui est interprétée comme une ancienne mylonite. Il en va de même sous les amphibolites orientales, le long de leur chevauchement sur les gneiss d'Allemont, qui affleurent en contrebas dans la vallée de l'Eau d'Olle (le raccord de ces deux bandes doit passer dans le vallon du Muret, sous les éboulis du pied de la face nord des pics du Ferrouillet). Au contraire on n'observe aucune trace de telles mylonites entre les amphibolites et les gneiss intercalaires du versant est du chaînon : on est donc porté à considérer ces derniers comme la couverture stratigraphique des amphibolites du Grand Pic.

En définitive on doit sans doute considérer qu'il existe bien une unité des Trois Pics de Belledonne indépendante et à semelle d'amphibolites, mais que celle-ci est distincte de la nappe ophiolitique de Chamrousse. Par ailleurs il paraît très artificiel de séparer le matériel de cette unité des amphibolites des pentes inférieures de la gorge de la Romanche par une faille à tracé horizontale qui prolongerait vers l'ouest celle des Chalanches .

L'ensemble amphibolique du Ferrouillet, qui forme donc les hautes pentes de rive droite de l'Eau d'Olle, de la Lance d'Allemont au Pas de la Coche, repose (vers l'altitude moyenne de 1900) sur les gneiss d'Allemont ("gneiss gris migmatitiques" de la feuille Vizille). Ces gneiss à deux micas, plutôt clairs (plus ou moins lepynitiques), s'avèrent constituer l'encaissant du pluton granitique des Sept Laux, même si, du côté ouest de celui-ci, ils sont en contact brutal avec lui par la grande cassure de l'accident de la Belle Étoile. Ils se distinguent par la relative rareté de leurs passées amphiboliques et par leur histoire métamorphique qui les fait considérer comme très anciens, datant sans doute du Paléozoïque inférieur ou peut-être du Précambrien.

Ces deux derniers ensembles sont séparés par un accident tectonique modérément penté vers l'ouest, l'accident des Traverses d'Allemont, jalonné de micaschistes à grenats. Il correspond sans doute, en fait, à la surface de charriage de l'unité des amphibolites des Trois Pics sur les gneiss d'Allemont.


version plus grande de cette image
Coupe d'ensemble de la partie septentrionale du massif de Belledonne, d'après la carte géologique au 1/50.000°, feuille Domène, 2° édition (retouché).
La partie du complexe des gneiss de Rioupéroux qui porte un figuré jaune à hachures vertes correspond aux leptyno-amphibolites litées.
"ASA" = accident des Traverses d'Allemont, "sommital" par rapport aux gneiss d'Allemont.
La correction proposée est relative à la représentation structurale du versant oriental de la crête du Ferrouillet : les gneiss leptyno-amphiboliques y affleurent en effet en position synclinale.


Tableau récapitulatif des rapports entre les ensembles majeurs de roches cristallines de la chaîne de Belledonne au sens le plus large

  P. BORDET

 types de roches

 âge

 dénominations actuelles
(coupe de la Romanche)
 Série verte supérieure

sédiments détritiques silico-argileux à niveaux carbonés

 Carbonifère inférieur

  Formation du Taillefer
 Série verte moyenne

amphibolites / gabbros / serpentinites

 limite Cambrien - Ordovicien

 Ophiolite de Chamrousse
 Série verte inférieure

gneiss leptyno - amphiboliques (anciennes coulées volcaniques)

 Dévono - Dinantien

 complexe plutono - volcanique de Rioupéroux et  de Livet
 Série brune

 gneiss micacés

 Précambrien - Paléozoïque inférieur

 complexe d'Allemont


Plus au nord : Sept-Laux
Plus au sud : Taillefer

Pages concernant la tectonique alpine et la surrection du massif de Belledonne :

  La tectonique alpine de Belledonne

  Considérations sur la surrection du massif de Belledonne  
  et plus précisément au sujet de l'hypothèse d'un charriage profond de ce massif.


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Dernières retouches apportées à cette page le 4/09/20