Les Prés Sébeyrands |
Le lac des Prés Sébeyrands (souvent désigné, désormais, par le vocable de Lac Miroir) est dû à un surcreusement glaciaire. Il est en effet retenu par un alignement d'épaulements rocheux de "marbres en plaquettes" (calcschistes du Crétacé supérieur) qui ferme du côté aval un cirque suspendu au dessus de la vallée du Mélezet mais largement ouvert de ce côté nord-est.
Le lac des Prés Sébeyrands vu du nord-ouest, dans l'alignement des dépressions suspendues qui longent le pied des abrupts du chaînon Saume - Font-Sancte. Pratiquement toutes les pentes, à l'exception des abrupts d'extrême droite, sont formées de marbres en plaquettes dont le feuilletage est penté vers la droite, grossièrement comme les crêtes de droite des sommets d'arrière-plan. |
Ces calcschistes se développent sur une grande hauteur puisque leurs affleurements forment, à cette latitude, toute la rive gauche de la vallée du Mélezet, soit une dénivellation de plus de 500 m (ce qui, avec un pendage moyen de 30 degrés vers le sud-ouest, leur confère une épaisseur d'un millier de mètres). Ils appartiennent à l'unité des calcschistes de Ceillac (voir des commentaires complémentaires à la page "Ceillac").
Les deux replats étagés des Prés Sébeyrands et des Rouites sont surplombés du côté occidental par une muraille de falaises qui culmine avec les sommets des Heuvières, des Veyres et de la Saume. Cette longue paroi donne une coupe, orientée selon l'axe des plis, de la nappe de la Font-Sancte (voir la page "Veyres"). Elle ne montre donc que la succession stratigraphique de cette unité supérieure du rebord oriental du massif d'Escreins, dont peut assez bien voir, à distance, se succèder les termes, depuis les calcaires anisiens de sa base jusqu'aux marbres en plaquettes néocrétacés qui forment le sommet de la Pointe des Veyres.
Cet empilement de couches, simple et régulier, est interrompu, à la latitude de la fermeture septentrionale du cirque, par deux cassures la faille des Pelouses, qui détermine le Pas du Curé et la faille de La Mamelle, qui recoupe la précédente (voir la page "Saume"). Les rejets cumulés de ces failles décalent cette succession en surélevant du côté nord le compartiment du sommet de la Saume.
L'arête qui descend depuis la Saume vers l'arête des Crestettes est accidentée par une profonde brèche (point coté 2614), où passe un accident presque vertical qui s'avère être le prolongement méridional de la faille des La Traverse (voir les pages "Assan" et "Lourette"). Curieusement, elle met en contact les couches de la partie occidentale de la crête avec celles de même âge, mais en polarité de sens opposé (base à l'ouest) qui forment, plus à l'est, l'arête des Crestettes. À gauche les couches de la nappe de la Font-Sancte sont rebroussées en un crochon synclinal ouvert vers l'ouest qui correspond sans doute au synclinal de la Partietta (voir les pages "Font-Sancte" et " Heuvières"). À droite le repli synclinal symétrique, ouvert vers l'est, peut être désigné comme le synclinal des Crestettes.
Cette curieuse géométrie n'est pas un caprice local car on la retrouve tant au sud qu'au nord sur toutes les arêtes rocheuses descendant vers l'est depuis la crête du chaînon Font-Sancte - Saume (voir les pages "Lourette", "Font-Sancte" et " Heuvières"). Son origine est énigmatique mais la présence de l'accumulation gypseuse des Rouites, tout aussi inhabituelle le long des contacts tectoniques de ce secteur, conduit à penser qu'elle pourrait correspondre au rebroussement de deux lèvres d'un montée diapirique qui se serait produite le long de la faille de La Traverse. |
Le lac des Prés Sébeyrands vu du sud (du côté de son déversoir) La dépression où se loge le lac résulte de l'éventrement de la carapace calcaire des nappes de la Font-Sancte (N.FS) et d'Assan, qui la recouvraient originellement. ØFS = surface de rétrocharriage sectionnant la voûte de l'anticlinal de Marinet (cf page "Font Sancte") ; f.P = faille des Pelouses (elle ne détermine pas le ravin qui descend du Pas du Curé mais traverse les abrupts en biais, du côté sud de ce dernier) ; f.Tr = faille de la Traverse (voir page "Assan") ; s.Pa = synclinal de la Partietta (cf pages "Veyres" et "Saume") . |
Cette arête rocheuse des Crestettes, comme celle des Heuvières qui ferment le cirque du coté sud sont des chapeaux de Trias moyen qui sont posés, presque en klippes, sur les calcschistes de la dépression suspendue des Prés Sébeyrands. On les rattache à la nappe d'Assan pour des raisons de continuité structurale vers le nord, à travers les vallons de Charjouret et de Lourette (voir la page "Lourette") jusqu'à la coupe clé de la gorge aval du Cristillan.
Il est donc clair que la fermeture du cirque vers le nord est due à ce que les calcschistes des Prés Sébeyrands s'enfoncent sous ce matériel triasique de la nappe d'Assan et même, plus à l'est ( à la Croix du Signal) sous celui de la nappe de La Clapière. Cette disparition des calcschistes de la zone de Ceillac "en tunnel", vers le nord, est interprétée par comparaison avec la coupe de l'Ubaye (voir la page "Font Sancte") : elle suppose que l'on retrouve, sur cette transversale, le prolongement septentrional de la surface de "rétro-chevauchement" qui décapite, en Ubaye, la voûte de l'anticlinal de nappes du Marinet et ramène vers le NE les unités de sa voûte en chevauchement sur celles de son flanc oriental.
En fait il est donc possible que se juxtaposent au sein des calcschistes de cette demi-fenêtre deux ensembles tectoniques, l'un (en amont du lac des Prés Sébeyrands) appartenant à la couverture de l'unité inférieure du Guil, l'autre (en soubassement du lac) rapportable véritablement aux unités de la bande de Ceillac (voir la coupe ci-après). |
Coupe schématique, transversale au haut vallon du Mélezet (cette coupe est orientée comme le cliché précédent mais à l'envers du cliché suivant) |
Sous les éboulis qui garnissent le pied des abrupts entre le Pas du Curé et le Pic des Heuvières. pointe un large affleurement de gypses triasiques qui constitue la bosse située immédiatement au sud du lac des Rouites. En fait ces gypses sont dans une situation similaire à celle de ceux qui jalonnent, dans le versant nord de la vallée de l'Ubaye (page "Font Sancte"), la surface de rétro-chevauchement des nappes coiffant l'anticlinal de Marinet : sans doute leur présence signe-t-elle la passage de cette dislocation cachée sous le matériel quaternaire dans ce secteur (mais l'affleurement des Rouites est le plus développé de tous).
Ces gypses des Rouites déterminent une bosse herbeuse percée de multiples entonnoirs de dissolution que les éboulis et les moraines de névé encerclent sans la submerger : cette situation saillante témoigne peut-être de ce qu'un phénomène de montée diapirique* serait encore en oeuvre de nos jours (?). |
Le lac des Rouites et l'arête orientale des Heuvières vus du nord depuis les basses pentes du Pas du Curé. Le ressaut qui soutient le lac est formé par les marbres en plaquettes de la bande de Ceillac mais sur ses rives ces couches sont masquées sous le cordon morainique qui retient les eaux. ØA = surface de chevauchement de la nappe d'Assan ; ØR = surface de rétrocharriage ramenant ces deux nappes vers l'est, en chevauchement sur la zone de Ceillac (dont fait partie la nappe de La Clapière). On remarque les deux rebroussements, symétriques et opposés, des couches de part et d'autre du col des Rouites : s.Cr = synclinal des Crestettes et s.Pa = flanc oriental du synclinal de la Partietta (voir les pages "Font-Sancte" et "Veyres") ; ils sont identiques à ceux du col ouest des Crestettes, mais encore plus nets qu'eux. Les gypses des Rouites (tG) représentent sans doute une accumulation tectonique locale, remplissant l'espace créé par l'affrontement entre nappes d'Assan et de la Font Sancte, formé sans doute à partir de la semelle de gypses ayant permis le glissement de ces deux nappes. |
La position de cet affleurement de gypses est, d'autre part, assez remarquable en ceci qu'il se trouve sur la ligne NW-SE où s'affrontent, sans se chevaucher, les deux nappes d'Assan et de la Font-Sancte. C'est probablement la disposition des couches de ces deux nappes, qui se rebroussent en prenant une disposition qui évoque les deux flancs d'un anticlinal, qui a favorisé l'accumulation de gypses à cet endroit.
Tant sur la crête
des Rouites (au sud) que sur celle des Crestettes (au nord) ou, encore plus au nord sur celles de Lourette et du Poulain, on est intrigué par cette disposition, en deux crochons symétriques, des couches de ces
deux nappes, qui sont, de ce fait, beaucoup plus juxtaposées qu'imbriquées. |
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vallon Claous | LOCALITÉS VOISINES | haut Mélezet, Eissassa |
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