Chronologie des évènements tectoniques |
La coupe synthétique ci-après et le tableau chronologique qui lui fait suite sont essentiellement basés sur l'étude de P.TRICART (1980). Cet auteur a mis en évidence une succession de déformation de deux types, les unes par simple glissement (sans schistosité développée dans le matériel transporté), les autres "synschisteuses".
A/ ETAPE DE SERRAGE PRÉCOCE
- ETAPE 0 (Crétacé supérieur)
Pas de nappes de charriages attribuables à cette phase
: la déformation est peut-être (sans doute ?) liée
à une obduction sous la croûte océanique
= Phase synschisteuse I : Structuration interne
et métamorphisme du domaine piémontais. N'affecte
que P .
B/ ETAPES D'INDIVIDUALISATION DES NAPPES
- ETAPE 1 (Eocène supérieur)
Avancée "humide" du Flysch à helminthoïdes.
Celui de l'Autapie s'avançe jusque dans le bassin D
(où se sédimentaient les grès d'Annot).
Pas de déformation synschisteuse.
- ETAPE 2 (Eocène terminal-Oligocène
basal)
Chevauchements des nappes élémentaires du Piémontais,
Briançonnais et Subbriançonnais.
Par propagation d'E en W du mouvement, le front de ces charriages
atteint à peu près la longitude de Guillestre.
= Phase synschisteuse II : affecte P, B
et SB orientaI.
- ETAPE 3 (Oligocène ...)
Glissement "épiglyptique" du Flysch à
Helminthoïdes du Parpaillon (sur une surface érodée,
parfois jusqu'aux Terres Noires).
Il entraine sous lui une "semelle" de copeaux B
et SB
Pas de déformation synschisteuse.
C/ ETAPES DE "REPRISE" DE DÉFORMATION DES NAPPES
- ETAPE 4 (Oligocène terminal)
Remise en mouvement des contacts basaux des nappes B et
SB :
SB vient sur FHA à l'W d'Embrun-Barcelonnette
B+SB viennent sur FHP à l'E d'Embrun-Barcelonnette
Déjà plis rétrodéversés à
la limite B / P (axe d'éventail en Briançonnais)
= Phase synschisteuse III : affecte P, B,
et SB et D oriental.
- ETAPE 5 (Néogène)
Généralisation des plis rétrodéversés
(jusqu'au D oriental inclus).
Tendance au charriage gagnant vers l'W: atteint D (nappe
de Digne)
= Phase synschisteuse IV : affecte P, B,
SB et D total.
D/ ETAPES DE DÉFORMATIONS POST-NAPPES
- ETAPE 6 (Néogène-actuel)
Failles diverses, notamment longitudinales (faille de la Durance).
Au total il y a donc 7 étapes (au moins) reconnues. Deux comportent glissement (sans serrage), et quatre associent transport (sans doute par poussée arrière) et déformation par serrage.
Légende des figurés : grisé léger, hâchuré de blanc = Schistes lustrés (sans distinction) ; grisé sombre = socle siliceux briançonnais (surcharge de points = houiller et volcano-sédimentaire permien) ; hachures verticales = couverture calcaire briançonnaise (Trias-Jurassique) ; blanc = Néocrétacé - Éocène briançonnais ; points et ronds = schistes et flyschs de l'Embrunais-Ubaye.
Les faits recueillis dans le secteur de Bersezio (haute vallée de la Stura) portent à admettre la succession d'étapes tectoniques suivante :
1° Fracturation synsédimentaire, remontant au moins au Crétacé supérieur (failles du Monte Omo).
2° Plissement, dans les unités subbriançonnaises au moins. Les plis sont fortement déversés (vers l'W dans le système de référentiel actuel). Certains indices amènent à penser que cette phase pourrait être antérieure au Lutétien-Priabonien (discordance du flysch noir du Giordano ; poudingues de la Piconiera) ou, par places, même, antérieure au Néocrétacé (absence de ce terrain dans les synclinaux du Monte Giordano).
3° Charriage des unités briançonnaises (et sans doute subbriançonnaises), postérieurement au Priabonien. Le sens de déplacement de ces nappes n'est pas obligatoirement celui indiqué par le déversement de leurs plis puisqu'il est probable que ce plissement soit antérieur.
4° Plissement d'ensemble dessinant des anticlinaux et synclinaux de nappes peu déversés et orientés suivant l'allongement actuel de la zone (compression NE-SW).
5° Cisaillement longitudinal (par rapport à l'allongement actuel des Alpes) des diverses unités allochtones : les fractures associent sans doute un rejet coulissant dextre à un soulèvement du compartiment méridional. Elles recoupent les plis de l'étape précédente, aussi bien que les surfaces de charriage.
6° Nouvelle compression, suivant une direction proche ici de N-S, plissant ensemble Allochtone et Autochtone, ainsi que les surfaces de cisaillement longitudinal ; l'existence de zones élevées à l'emplacement des massifs cristallins externes explique l'apparition d'un rétrodéversement (vers le NNE ici).
7° Fracturation suivant un réseau de failles associées affectant principalement l'Autochtone et résultant d'un serrage proche de la direction N-S : il peut s'agir de la réaction propre du socle par rapport à la compression de la phase n° 6, mais il ne paraît pas possible d'exclure que ces dislocations se soient produites successivement.
8° Derniers mouvements tangentiels, modestes, en
direction de l'W ou du SW, se manifestant par la déformation
des plans de cassure de la phase 7. Il faut leur rapporter la
formation des écailles cristallines observables le long
de la cassure de Bersezio (décrites par C. STURANI [20],
ré-étudiées par J. VERNET [22]), où
elles s'associent à un rabotage basal du sédimentaire
autochtone : cette localisation indique clairement qu'elles résultent
d'un mouvement différentiel couverture/socle, mouvement
qui a arraché des éclats à la lèvre
cristalline de la faille qui jouait le rôle d'une lame de
rabot : ce mouvement est donc également postérieur
à la formation de la faille de Bersezio.
En outre les chevauchements tardifs qui renversent les unités
briançonnaises sur le Flysch à Helminthoïdes,
le chevauchement du Colle del Mulo et des derniers mouvements
vers le SW des gypses de la Margherina peuvent être également
rapportés avec vraisemblance à cette phase.
Deux déformations ne peuvent être placées avec certitude dans cette succession d'événements tectoniques ; ce sont :
-la mise en place de la nappe de Flysch à Helminthoïdes du Parpaillon : elle est très vraisemblablement postérieure à la phase 5 et ne peut guère dater de la phase 6 ( mouvements inverses) : il est séduisant d'imaginer que le mouvement de cette nappe est la cause des mouvements tangentiels discrets de la phase 8 ; l'arrachement des blocs klippes briançonnais et subbriançonnais, traîné à la base de la nappe du Parpaillon, ne représenterait dès lors que l'exagération des mouvements plus modestes enregistrés par les unités étudiées ici (le déroulement chronologique proposé ici et l'interprétation de : la place du charriage de la nappe du Parpaillon me paraissent remarquablement en accord avec les conceptions qui découlent des études de C. KERCKHOVE [ 15]) ;
-le changement de direction des structures longitudinales, qui atteint près de 30° d'W en E dans la région ici étudiée, semble attribuable à une torsion posthume de ces plis et fractures ; elle affecte aussi bien les structures des phases 4 et 5, mais ne semble pas se ressentir dans le tracé des accidents de la phase 7 (si l'on en juge par la rectitude d'ensemble des faisceaux de failles de Bersezio et du Ruburent). En ce cas cette torsion serait contemporaine du rétrodéversement (phase 6). Ce raisonnement paraît toutefois d'une validité contestable, car à l'échelle de l'ensemble de l'Arc alpin, les cassures longitudinales dextres ont une direction qui varie (suivant la transversale considérée) de la même façon que celle de l'Arc. De sorte que l'on peut se demander si ces cassures (qui se poursuivent dans le socle autochtone) n'ont pas subi un pivotement, par tronçons successifs, en même temps que des panneaux de socle au lieu d'une torsion progressive, ou encore si leur formation n'est pas synchrone de celle de l'Arc lui-même.