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059 - Géologie alpine 1972, t.48, fasc. 1, p. 87-120.


LES CHAÎNONS BRIANÇONNAIS ET SUBBRIANÇONNAIS DE LA RIVE GAUCHE DE LA STURA ENTRE BERSEZIO ET LE VAL DE L'ARMA (PROVINCE DE CUNEO, ITALIE).

par Maurice GIDON, Laboratoire de Géologie de l'Université de Grenoble. (Laboratoire de Géologie alpine associé au C.N.R.S.).



RÉSUMÉ. - Description stratigraphique et structurale des chaînons calcaires frontaux des zones internes aux abords de la terminaison sud-orientale de l'Arc des Alpes occidentales. La succession des mouvements tectoniques mise en évidence est analysée et confrontée avec quelques conceptions quant à l'origine de cet arc.
ABSTRACT. - Stratigraphical and tectonical description of the eastern briançonnais realm inside the italian margin of the arc of the western Alps. The tectonic events which happened here are pointed out and their consistency with some conceptions about the derivation of this arc is tested.


La haute vallée de la Stura est entaillée, entre Bersezio et Demonte, dans la bordure orientale du massif cristallin de l'Argentera. Les crêtes de sa rive gauche, au-dessus du puissant ressaut néocrétacé-nummulitique autochtone des Barricate et du Monte Nebius, constituent un ensemble, topographiquement assez confus, affouillé d'une part par les hauts ravins affluents de la Stura, d'autre part par ceux de la Maira. Depuis D. SCHNEEGANS [19] on sait que ces chaînons sont constitués par des unités de caractères subbriançonnais ou briançonnais. J'en ai repris l'étude en y pratiquant un levé détaillé qui sera publié lors de la parution de la feuille Larche de la carte géologique au 1/50 000. La région concernée par la présente étude se limite vers le Nord aux derniers chaînons calcaires briançonnais et n'englobe pas le domaine de terrains siliceux permo-houillers qui les sépare du pays des Schistes lustrés.

1. SCHÉMA STRUCTURAL.

On peut subdiviser cet ensemble en plusieurs unités structurales dont les extensions respectives sont données en figure 1. La distinction de ces unités est basée avant tout sur des dispositions géométriques, mais des variations dans les séries stratigraphiques confirment souvent la valeur de ces sbdivisions et aident à les coordonner.
Toutefois, il convient de souligner que les différences stratigraphiques portent plus sur l'absence ou le développement de certains niveaux que sur des variations de faciès à proprement parler. En particulier la subdivision entre unités briançonnaises et subbriançonnaises a été basée, selon la conception la plus classique, sur la présence, ou l'absence du Trias calcaréo-dolomitique : ce critère n'est guère plus à l'abri de la critique que ceux tirés de la stratigraphie du Mésozoïque ou du Tertiaire, mais il est commode et correspond en tout cas ici à des différences réelles au point de vue du style tectonique.
L'examen du schéma structural permet de constater que les différents éléments tectoniques sont développés de façon très inégale suivant les transversales considérées ; il en résulte un découpage en 3 secteurs géographiques qui peuvent être définis comme suit :
1° Un secteur occidental, ou secteur de l'Oserot ;
2° Un secteur médian, ou secteur de Bandia, limité à l'Ouest par les ravins de Servagno et de Preit et englobant les groupes montagneux du Giordano-Bodoira, de la Piconiera et de la Meja (ce dernier séparé des précédents par la dépression de la Margherina) ;
3° Un secteur oriental, ou secteur de Viridio, à l'Est du haut Vallone di Marmora du Colle del Mulo et du val Chiaffréa ; il englobe les groupes montagneux de la Cima di Test, du Monte Omo et du Monte Salé, c'est-à-dire les crêtes du haut Val de l'Arma et les vallons affluents de ce dernier.
Chacun de ces secteurs transversaux présente une certaine homogénéité de disposition tectonique et par contre des différences notables avec le secteur voisin ; de sorte que ces coupures géographiques délimitent des ensembles morpho-structuraux assez individualisés.

2. LES SÉRIES STRATIGRAPHIQUES.

Elles sont toutes affectées par un métamorphisme déjà très sensible et les trouvailles paléontologiques y sont malheureusement très peu nombreuses : les datations proposées sont donc basées sur les faciès et leur séquence.
Nous les étudierons depuis les plus internes jusqu'aux plus externes.

A) Les séries briançonnaises.

Elles sont disjointes en deux ensembles géographiques, entre lesquels les corrélations restent hypothétiques.

1. Au NORD-OUEST DU COLLE DEL MULO.

a) La série de Sautron a été décrite antérieurement [8] ; je n'y reviens pas.
b) Les séries du Rouchouze et de Rocca Peroni sont également décrites dans mes publications antérieures et n'en sont pratiquement pas différentes ; on peut relever toutefois :
-le développement, au sommet du Dogger, de calcschistes sombres, plus ou moins gréseux, avec des Cancellophycus, qui peuvent être désignés par commodité du nom de Callovien ;
-la répartition très discontinue du Jurassique supérieur ( représenté en général par des calcaires beiges à pâte fine en bancs assez massifs) ; cette discontinuité résulte vraisemblablement d'érosions antérieures au dépôt des « marbres en plaquettes » néocrétacés-éocènes : en effet, j'ai trouvé localement une coupe qui comporte des termes vraisemblablement néocomiens, épargnés que sur quelques centaines de mètres par l'érosion néocrétacée (vallon à l'W des lacs du Ruburent). Ils sont représentés par une vingtaine de mètres de petits bancs décimétriques à pâte grenue grise qui reposent sur le calcaire beige à patine ocreuse (qui m'a livré ici un fragment de Berriasella du groupe Callisto) ;
-la présence de gypses (ou de cargneules), au sommet des couches post-ladiniennes (d'ailleurs peu puissantes en général) et en position stratigraphique sous le Dogger. On peut se demander si ces niveaux de « gypses supérieurs » (dont la présence en Briançonnais avait été méconnue jusqu'à une date récente) ne sont pas déposés partout, les érosions postérieures étant seules responsables de la réduction de leur domaine d'extension actuel.

2. Au sud-est DU COLLE DEL MULO.

a) La série de la Cima di Test et du Valcovera est quasi identique aux précédentes : cependant on y trouve déjà par places, entre le Malm et le Dogger, une dizaines de mètres de schistes noirs, secs et papyracés, à patine rouille, dans lesquels on reconnaît sans peine les faciès attribués plus au N à l'Oxfordien.
b) La série du Monte Viridio et de Rocca Parvo ne montre nulle part de termes postérieurs au Ladinien. La base du Trias moyen calcaire s'y distingue par le développement de brèches à patine jaune ocreux et à éléments dolomitiques qui forment des bancs de 1 à 3 m séparés par des lits centimétriques de schistes vert pâle ou vermillon vraisemblablement cinéritiques ; vers le bas ces lits deviennent plus puissants et passent à des schistes pélitiques plus grossiers très probablement volcano-détritiques et même à des passées de plusieurs mètres de conglomérats schistoïdes verts et pourpres à éléments siliceux. Ces intercalations réalisent des faciès très proches de ceux des schistes du cortège des andésites permiennes, mais paraissent avoir indubitablement une origine stratigraphique. M LEMOINE a attiré mon attention sur l'analogie possible entre cette succession et celle offerte en haute Ubaye par la formation du Monte Maniglia (zone du Roure) : ce serait un argument pour rapporter cette dernière non aux couches postladiniennes, selon mon ancienne interprétation [8], mais à un Anisien basal ou à un Werfénien supérieur, comme l'ont proposé depuis M. LEMOINE et J. LE GUERNIC [17].
c) La série du Monte Omo présente une grande variabilité :
-Des successions aussi complètes que celle du Valcovera s'y rencontrent en contrebas SW du sommet ; par contre, plus bas, encore en direction de la Grangia Bastiera, ou plus haut, au sommet même, on observe des successions au contraire très réduites, avec repos direct, sur les calcaires attribuables à l'Anisien, de calcschistes gris attribuables aux marbres en plaquettes ; les limites entre ces différentes séquences correspondent à des fractures NW-SE qui sont probablement antérieures au Néocrétacé et ont permis, par un jeu de horst, des érosions localisées, dès cette époque.
-Sur le versant N du Monte Omo, dans le Valcovera, la base des « marbres en plaquettes » comporte une dizaine de mètres de brèches à ciment plus ou moins gréseux avec des éléments plus ou moins arrondis de schistes siliceux permiens et de quartzites triasiques ; la présence de tels éléments siliceux dans une brèche néocrétacée est un fait unique, à ma connaissance, dans le Briançonnais ; l'origine de ces éléments doit être lointaine (zone d'Acceglio), car dans les unités étudiées ici, le socle siliceux ne supporte jamais directement du Crétacé supérieur, ni même du Jurassique d'ailleurs.
-Sur les pentes SE du Monte Omo un flysch noir avec gros banc de grès quartzeux repose directement sur le Trias : on est sans doute là sur un paléorelief particulièrement saillant qui n'a été gagné par la sédimentation que lors du Tertiaire.
-Les coupes du Monte Gorfi et de ses pentes occidentales montrent enfin des séries plus ou moins complètes comportant, comme terme le plus remarquable, des calcaires gris, plaquetés ou massifs suivant les cas, rubanés de zones siliceuses blanches centimétriques, que l'on doit très certainement comparer aux faciès du Malm développés en plusieurs secteurs du Briançonnais durancien. Si ces assises reposent presque directement sur le Ladinien dans le ravin de Viribiane, il n'en est pas de même au sommet du Monte Gorfi où l'on voit s'y intercaler, sur une cinquantaine de mètres d'épaisseur, des couches à faciès « flysch noir », avec bancs de grès, très semblables à celles des pentes SE du Monte Omo.
Deux hypothèses sont envisageables :
1° Le Malm du sommet du Gorfi serait un olistolite emballé dans un « flysch noir » tertiaire (ce ne serait pas un exemple exceptionnel).
2° Ce « flysch » serait d'âge oxfordien (le faciès des schistes noirs oxfordiens est somme toute peu différent de celui des schistes du « flysch noir ,> tertiaire) ; il représenterait un équivalent, plus riche en détritique quartzeux, de la série oxfordienne à microbrèches décrite au N de Briançon (dans le massif de Tête Noire) par J.-C. BARFÉTY [1].
Je me garderai de choisir entre ces deux solutions pour l'instant.

B) Les séries subbriançonnaises.

L'absence de semelle calcaréo-dolomitique triasique n'est pas un caractère totalement déterminant pour l'attribution au Subbriançonnais : ainsi la série du Monte Ruissas, dépourvue d'une telle semelle, pourrait néanmoins être rattachée au Briançonnais, tant pour des raisons structurales que par suite de l'existence d'une transgression directe du flysch noir sur le Dogger.
A l'opposé, l'unité de la Piconiera, que sa position structurale place pourtant sans ambiguïté au sein des unités subbriançonnaises, montre à sa base une lame biseautée de dolomies, épaisse d'une dizaine de mètres, dont le faciès et la situation sont identiques à celles des dolomies ladiniennes briançonnaises (au demeurant le reste de la série est de cachet également très briançonnais).
A ces réserves près les unités suivantes (qui ont, peut-être, comporté une semelle triasique calcaire, mais s'en sont décollées et débutent seulement par des termes jurassiques) montrent toutes un ou plusieurs caractères qui les différencient des séries briançonnaises voisines.

1. UNITÉ DU MONTE GIORDANO.

Elle présente une séquence très différente de celle des unités briançonnaises. Des analogies nombreuses peuvent y être trouvées par contre dans l'Autochtone de la couverture occidentale du massif de l'Argentera et spécialement de la haute Tinée. Nous en décrirons la coupe synthétique dans sa totalité. De haut en bas on trouve :
7. Schistes noirs bleutés feuilletés, argilo-micacés, très proches, au métamorphisme près, des marnes albo-aptiennes de l'Autochtone ; lavages et lames minces ne m'ont fourni que des microfaunes de peu de signification stratigraphique. Toutefois les associations rencontrées évoquent particulièrement celles des faciès marneux associés à l'Urgonien des chaînes subalpines et un âge tertiaire est à peu près exclu (d'après Mme A. ARNAUD-VANNEAU et M. J.-L. PAIRIS que je remercie ici d'avoir bien voulu examiner mes échantillons).
6. Calcaires gris, à pâte fine, en petits bancs de 20 à 30 cm bien délimités par des joints marnocalcaires ; de rares sections de petits aptychus ont été trouvées sur certaines surfaces de bancs. En l'absence de toute faune utilisable, j'attribue globalement cette formation à un Néocomien proche de celui de Piolit et surtout de la région de l'Argentière près de Briançon.
5. Gros banc calcaire puissant de 1 à 20 m, à patine ocreuse et cassure beige ou gris clair ; par place, on trouve des faciès plus ou moins rognoneux évoquant le marbre de Guillestre ainsi que des bancs à bioturbations tubulaires de diamètre centimétrique contournées et enchevêtrées. La partie inférieure du banc est très souvent zonée de lits siliceux clairs, épais en moyenne de 2 cm. Ces zones siliceuses s'observent souvent encore sur une dizaine de mètres dans les calcaires en petits bancs décimétriques qui forment le passage à la formation suivante.
L'ensemble de ces caractères évoque le « Malm » (Kimméridgien-Tithonique) de la fenêtre de l'Argentière, celui de nombreux secteurs du Briançonnais durancien, mais aussi très nettement celui de l'Autochtone, aux différences de puissance près.
4. Calcaires argileux mal lités, à patine taupe, puissants d'environ 50 m ; vers le haut, il s'y intercale par places des bancs métriques plus calcaires ; en d'autres points on trouve à la base un niveau de plaquettes calcaires feuilletées à patine verte ou rouge ; on peut rapprocher cette formation des marno-calcaires « argoviens » (Oxfordien supérieur ?) de l'Autochtone. Dans le secteur du Monte Bodoira, 1' « argovien » se réduit en général à moins de 10 m.
3. Schistes noirs, papyracés, à patine rouille avec petites passées de grès ou de silts ocreux : c'est le faciès oxfordien à affinités « terres noires ».
2. Schistes un peu gréseux, argilo-calcaires, gris bleutés avec lits gréseux ou parfois zones siliceuses (« callovien ») ; ils sont puissants de 10 m en moyenne mais peuvent localement atteindre 50 m (versant SE de la butte 2570 au S du Colle Cologna).
1. Calcaires bleus fétides à la cassure, assez massifs et souvent parcourus d'abondants filons de calcite : c'est le Dogger (Bathonien-Bajocien supérieur ?) de type identique à celui du Briançonnais (mais également très proche de certains faciès du Dogger autochtone).

2. UNITÉ DE LA CIMA PICONIERA.

La série de cette unité est particulièrement proche des séries briançonnaises, tant par l'absence des terres noires et du Crétacé inférieur et moyen que par la présence des marbres en plaquettes. Un caractère la distingue, c'est l'existence, au sommet de ces calcschistes, peu sous le passage au faciès flysch noir, de passées plus calcaires, à Nummulites et Orthophragmines ; il leur succède 5 à 20 m de calcaires gréseux interstratifiés de bancs de grès et de brèches plus ou moins fines (à éléments de Trias moyen, de Dogger et de Malm), qui contiennent également par endroits de nombreuses petites nummulites.
Dans l'unité de Servagno, le Malm est seulement représenté de façon discontinue et des schistes attribuables aux terres noires affleurent très localement sur quelques mètres d'épaisseur.

3. UNITÉ DU MONTE SALÉ.

Nous avons de nouveau là une série assez particulière qui mérite la description d'une coupe synthétique d'ensemble ; de haut en bas on rencontre (principalement dans la coupe des Rocce Forni) :
5. Des calcaires gris sombres, à patine taupe, puissants en moyenne de 100 m ; ils sont régulièrement lités, en bancs de 0,5 m environ, séparés par des joints de calcschistes feuilletés gris à mouchetures sombres (faciès « marbres en plaquettes ») qui deviennent prédominants vers le haut de la série.
Cette formation rappelle celle du sommet de la série néocrétacée des Barricate et d'une façon générale de nombreux niveaux du Crétacé supérieur de l'Autochtone ( spécialement en haute Tinée) ; son attribution au Crétacé supérieur Éocène paraît confirmée par le fait qu'elle passe vers le haut à des schistes noirs à bancs de grès (faciès fIysch noir) par l'intermédiaire de bancs de calcaires gréseux à grandes Nummulites (observations faites en compagnie de MM. KERCKHOVE et ROSSET dans les pentes méridionales inférieures des Rocce Forni).
La partie basse de la formation, plus argileuse et plus schisteuse, peut être hypothétiquement attribuée au Cénomanien, comme dans l'Autochtone et dans certaines unités briançonnaises septentrionales.
4. 10 à 20 m de plaquettes calcaires grises à pâte fine, parfois avec de rares zones siliceuses qui sont probablement à rapporter au Néocomien.
3. Une barre de 50 m en moyenne de calcaires gris clairs, assez massifs, de plus en plus riches vers leur base en zones siliceuses blanches : l'attribution au Malm ne fait guère de doute, d'autant que les zones siliceuses se poursuivent, sur une vingtaine de mètres, plus bas, dans des calcschistes gris clairs dont la base est marquée par un niveau métrique rougeâtre ou verdâtre (faciès « argovien »).
2. Une série de 20 à 30 m de petits bancs décimétriques de calcaires noirs plus ou moins spathiques suivant les niveaux, avec joints argileux sombres et diasthèmes onduleuses à enduit ocreux ; à la base on trouve 2 à 10 m de calcaire noir plus massif, par places à éclats de dolomie ou franchement bréchiques.
On peut comparer ces couches à celles du Lias autochtone et principalement à ses niveaux sinémuriens (et peut-être hettangiens).
1. Des schistes pourpres intercalés entre les bancs de dolomie à patine jaune représentent vraisemblablement le Rhétien.
En définitive, cette série est la seule à nous montrer des termes inférieurs au Jurassique moyen ; le repos direct du Malm sur le Lias la rapproche principalement de l'unité du col de Tende dont elle a également la position structurale, en contact direct avec l'Autochtone.
Des variations de faciès interviennent dans le secteur du Monte Salé lui-même.
- Le Malm subit une dolomitisation secondaire qui affecte également les niveaux « argoviens » mais ne gagne pas le Crétacé inférieur ; la formation atteint près de 100 m de puissance et prend l'aspect d'un marbre hyalin à granulations d'un blanc crayeux ; il est possible que cette dolomitisation se soit effectuée aux dépens d'un faciès récifal, mais je n'en ai pas obtenu la preuve.
-Des brèches pouvant atteindre près de 100 m de puissance se développent au contact direct du Malm au Monte Savi ; les éléments sont de nature variée avec des calcaires noirs (Dogger, Lias ?) et une abondance de fragments dolomitiques noirs, gris ou jaunes (Trias moyen) ; les bancs, puissants de 0,5 à 2 n, irrégulièrement lités, sont séparés par des joints de calcschistes graveleux gris sombres. Le contexte structural semble indiquer que ces brèches sont l'équivalent latéral des calcaires du Crétacé supérieur des Rocce Forni (hypothèse qui a été retenue notamment dans les figures 2 et 5). La possibilité d'un âge compris entre Dogger et Malm reste néanmoins envisageable.

C) Les flyschs.

On ne trouve dans tout le secteur étudié aucune trace de terrains attribuables aux nappes du Flysch à Helminthoïdes ; tous les terrains qui sont désignés, par tradition, sous le nom de flysch répondent au faciès flysch noir, plus ou moins riche en bancs de grès et en olistholites de taille variée (depuis 1 m de côté jusqu'à plusieurs centaines de mètres) ; ces derniers sont importants dans la couverture des grès d'Annot autochtones (prédominance de lames de calcschistes planctoniques) et dans l'unité de Sa Piconiera (lame de dolomie triasique).
J'ai été conduit à distinguer de ce flysch tertiaire un certain nombre d'affleurements de schistes noirs qui ont été rapportés les uns à un Apto-Albien, les autres à un Oxfordien ; il est évidemment déplorable que des arguments paléontologiques solides n'aient pu être recueillis, mais je crois néanmoins ces attributions suffisamment justifiées.
Une mention spéciale doit être faite pour deux groupes d'affleurements qui se rencontrent topographiquement dans le secteur de l'unité du Giordano.
a) Flysch noir du Colle di Servagno.
I1 repose sur le Crétacé médio-inférieur par l'intermédiaire de niveaux de calcschistes gris (Crétacé supérieur ?). Ses rapports avec les terrains sousincombants sont malheureusement ambigus, car difficilement observables et tectonisés par la proximité du chevauchement de la nappe de Rocca Peroni ; dans les conditions actuelles il y a en tout cas discordance de ce contact par rapport aux structures du Monte Giordano.
Une autre bande de flysch noir occupe une position semblable à la limite nord de l'unité du Giordano ; elle y constitue encore plus nettement un coussinet tectonisé entre cette unité et la nappe de Rocca Peroni.
b) Flysch noir du Monte Bodoira.
Une grande partie des schistes noirs de l'échine W du Monte Bodoira est à ranger dans l'Oxfordien ; toutefois la partie basse de cette échine, jusqu'au col Giordano-Bodoira, est constituée par un flysch noir à gros bancs de grès qui héberge de petits olistholites métriques ou décamétriques d'un calcaire gris assez fin à patine taupe, très contourné. I1 est ici très net que ce flysch repose par discordance angulaire (200 m au S du point 2587) sur un synclinal couché à coeur de marnes médio-crétacées et à bancs formés de Néocomien ; là encore les conditions d'observation sont insuffisantes pour affirmer que le contact est stratigraphique, mais cela m'a semblé assez probable, car l'ensemble de ce dispositif est à son tour recoupé par le chevauchement d'une dalle de Dogger comportant à sa base des copeaux de marbres en plaquettes et de dolomies ladiniennes (dont l'un isolé en klippe, directement posée sur l'Oxfordien du Monte Bodoira), rapportée à l'unité du Ruissas.
Un flysch identique repose directement sur le Néocomien (très biseauté) au cur du synclinal qui se développe sur l'échine SE du point 2570, aux abords méridionaux du Colle Cologna.
La présomption d'une discordance stratigraphique du flysch noir sur les structures plissées du Subbriançonnais paraît renforcée par les observations faites à la Testa di Bandia. Les affleurements sont ici emballés dans les gypses exotiques et de position tectonique incertaine, mais l'unité du Ruissas à laquelle il faut les rapporter doit sans doute être considérée comme une écaille supérieure de l'unité du Bodoira ; on y observe un flysch noir avec des passées pélitiques vertes qui se poursuit vers le haut par des marno-calcaires noirs en bancs assez massifs, à patine taupe et même roussâtre. Or ce flysch repose (par l'intermédiaire de bancs gréseux roux) en discordance sur le Dogger : ici le contact stratigraphique est indéniable, car il est marqué par un hardground à incrustations siliceuses .
Il est donc probable que, comme dans la région du lac d'Allos où des observations semblables ont été décrites par C. KERCKHOVE [15], des mouvements tectoniques se sont produits et leurs plis ont été arasés, sans doute avant le Lutétien. On peut également faire un rapprochement avec les mouvements de la Cordillère tendasque définis par M. LANTHEAUME .

3. LES DISPOSITIONS TECTONIQUES LOCALES.

Nous avons vu qu'elles présentaient des variations suivant les secteurs transversaux considérés (fig. 3). Une description relativement objective des structures de chaque secteur s'impose donc avant de tenter de dégager des vues d'ensemble (fig. 4 et 5).

A) Le secteur de l'Oserot.

1. STRUCTURE GÉNÉRALE.

Ce secteur occidental est presque totalement constitué, à l'affleurement, par des unités briançonnaises que j'ai décrit antérieurement [ 8 ] ; la coupe clef est celle de la Bassa Terra rossa qui permet d'y mettre en évidence la superposition de deux « nappes » :
- la « nappe » inférieure, qui constitue les Costiglioni, se prolonge sans hiatus jusqu'à Rocca Peroni d'où j'ai tiré le nom de cette unité ;
-la « nappe » supérieure, de l'Oserot, se prolonge vers le NW jusqu'aux abords des lacs du Roburent et y constitue indubitablement la suite de l'unité inférieure des vallons de l'Oronaye et du haut Rouchouze (« Nappe du Rouchouze »). L'unité de l'Oserot repose quasi horizontalement sur celle de Rocca Peroni par l'intermédiaire d'une semelle siliceuse (cortège volcano-détritique des andésites permiennes) et d'un coussinet de cargneules qui sont bien développés dans la dépression de la Fonda Oserot .
Les rapports de l'unité de Rocca Peroni avec son soubassement sont observables sur les pentes de rive droite du grand ravin de Servagno : au col de Servagno le chevauchement est indéniable et souligné par un coussinet de cargneules ; dessous viennent les assises jurassico-crétacées de l'unité subbriançonnaise la plus élevée, formant une puissante accumulation de replis ; plus bas, dans l'échine de la Capanna, cette unité ne montre plus qu'une seule écaille (à séquence d'ailleurs amputée par troncature) qui repose sur l'unité la plus basse (U. de Servagno) ; plus à l'Ouest encore, dans les pentes entre Servagno et Prinardo, on ne trouve plus, entre les cargneules de base du Briançonnais et les grès d'Annot que des lames de marbres en plaquettes, en grande partie attribuables d'ailleurs au complexe des olistholites du flysch noir autochtone : il y a donc disparition, d'E en W, des unités subbriançonnaises qui se biseautent entre Briançonnais et Autochtone (en ce qui concerne l'unité de Servagno, ce biseautage, observable 300 m au NE du village, se fait à la faveur d'une charnière anticlinale déversée à l'Ouest que dessine le Dogger : il s'agit donc d'un rabotage basal (et non d'une troncature sommitale par la surface de charriage du Briançonnais). On peut remarquer qu'une disposition très analogue affecte également les unités briançonnaises en direction de l'W puisque ces unités sont pratiquement absentes entre Autochtone et nappe du Flysch à Helminthoïdes à l'Ouest de la faille de Bersezio, dans le vallon de Pourriac [20 ].

2. LES PENTES DOMINANT BERSEZIO.

Elles montrent quelques complications dont l'interprétation mérite d'être reprise (fig. 6).
a) L'unité de l'Oserot y présente un biseautage basal d'E en W de telle sorte que ce sont des termes de plus en plus récents qui viennent en contact avec les éléments inférieurs : Permo-Werfénien dans la dépression de l'Oserot, Anisien dans la Gorgia della Madonna, Ladinien à la Fontanna San Giovanni, Dogger au niveau du Bric ; ce dernier se poursuit selon toutes apparences jusque dans l'écaille supérieure de la Maddalena [ 8 ] où il se biseaute à son tour.
b) Contrairement à mon ancienne supposition [8, p. 173], l'unité de Rocca Peroni ne se digite pas en deux écailles : le redoublement apparent est seulement dû à une faille subverticale orientée N 150° environ, et seule l'« écaille de la Vicariotta » qui s'enfonce sous le cône de déjections de Bersezio représente cette unité ; le Trias du haut ravin de la Vicariotta appartient, avec sa couverture stratigraphique normale de Dogger (représentée à la Testa dell'Iretta), à mon « écaille inférieure de la Tinetta » (que l'on pourrait aussi appeler écaille de l'Iretta).
c) La position et la formation de cette digitation inférieure de la nappe du Rouchouze peut donc être précisée : en effet, sa limite orientale est constituée par la faille verticale précitée (et non par une surface de chevauchement tangentielle ). De plus cette faille traverse et décale l'unité de Rocca Peroni, mais ne se prolonge pas vers le bas dans le Subbriançonnais ; vers le haut elle ne traverse pas non plus l'unité de l'Oserot mais se perd dans un système local d'écailles fragmentées qui se développent entre la Testa dell'Iretta et le sommet de l'Oserot ; il est donc patent qu'il s'agit d'une faille relativement ancienne, déformée lors de mou1vements tangentiels tardifs. Le processus tectogénétique qui me paraît le mieux rendre compte des structures observées est schématisé en figure 6.

3. LES CRÊTES DE BERNOIR ET LA DÉPRESSION DE LA PIANEZZA.

Elles montrent le développement de l'anticlinal de nappes de la Rocca Peroni. On y note également un système de fractures, les unes longitudinales par rapport à cet anticlinal (N 120°), les autres plus méridiennes (N i500). Une des fractures longitudinales passe à 1'W du Bric Bernoir ; une autre à 1'E marque la limite entre le Trias moyen de ce sommet (ployé en un anticlinal déversé à l'Est) et les terrains siliceux de la bande de la Gardetta. Cette dernière fracture, que l'on peut appeler « accident de la Gardetta », avait été interprétée antérieurement comme la surface de chevauchement, redressée à la verticale, de la nappe du Rouchouze. En fait la manière brutale dont disparaissent, au niveau du Prato Ciorliero (haut vallon de Preit), les témoins calcaires de cette nappe sur son bord oriental (radical) paraît plus compréhensible en admettant qu'elle a été sectionne postérieurement à sa mise en place.
La signification précise des affleurements siliceux de la bande de la Gardetta pose quelques problèmes qui sont éclairés par l'étude du secteur de Bandia à propos duquel ils seront envisagés.

B) Le secteur de Bandia.

Ce secteur médian est caractérisé par le développement de l'unité du Monte Giordano et, plus accessoirement, de celle de la Piconiera.

1. STRUCTURE GÉNÉRALE.

Du SW au NE on rencontre dans le groupe du Monte Giordano :
a) L'unité de Servagno.
Sa structure est celle d'une simple écaille à semelle de Dogger. Entre Gias d'Agosto et Colle della Guia elle disparaît, sans doute par laminage, ou n'est plus représentée que par des lames de marbres en plaquettes que l'on ne peut distinguer de celles des olistholites de l'autochtone sous-jacent.
b) L'unité du Giordano. (fig. 10)
La large place qu'elle occupe est principalement due aux multiples redoublements tectoniques qui s'y développent : le versant SW du Monte Giordano ne montre pas moins de 6 répétitions des mêmes niveaux stratigraphiques, à la faveur soit de plis, soit d'écailles isoclinales (fig. 7 et 8).
Dans les secteurs où l'érosion montre seulement le Malm-Crétacé, on observe principalement des plis isoclinaux dont la voûte est observable en plusieurs points (c'est surtout le cas au Monte Giordano) ; là où le Dogger est mis à nu dans les curs anticlinaux (Monte Bodoira principalement) il y affecte soit la forme de lourdes charnières déversées à l'Ouest et rompues dans leur flanc inverse, soit, plus simplement, une disposition en écailles monoclinales. Cette dysharmonie, entre des niveaux lithologiquement assez peu différents tout de même (puisqu'il s'agit de calcaires qui sont simplement plus ou moins massifs et séparés par des niveaux plus marneux) n'indique pas un niveau structural très profond.
La plupart du temps ces plis et ces écailles sont disposés tangentiellement ( avec un plongement d'ensemble vers le NW) ; deux zones font exception et montrent un redressement de tous les plans (plans axiaux et plans de chevauchement) jusqu'à la verticale : l'une correspond aux crêtes sommitales du Giordano (fig. 9), l'autre aux affleurements de la marge septentrionale de l'unité, aux abords du Colle Salsas Blancias. Dans les deux cas on se trouve au contact d'un accident subvertical abaissant son compartiment septentrional : il est donc vraisemblable que le changement d'attitude des structures est l'effet d'un mouvement de crochons, lié au jeu, relativement tardif par conséquent, de ces accidents cassants. La direction axiale des plis est voisine de N 130° dans les secteurs à plan axial redressé (avec un fort plongement N) ; les charnières des plis couchés indiquent par contre des axes à peu près N-S. Cette différence, dans les attitudes des plis, s'accorde parfaitement bien avec l'interprétation par torsion tardive : en ce cas les plis initiaux étaient déversés vers l'Ouest.
Je rappellerai enfin que les lambeaux de flysch noir de cette unité sont discordants par rapport aux structures plissées, soit qu'ils appartiennent à un élément tectonique supérieur les tronquant par rabotage sommital, soit qu'ils soient en repos sédimentaire sur une surface d'érosion. Quoi qu'il en soit, ces lambeaux sont repris par des mouvements tectoniques postérieurs à leur mise en place :
- à l'Est du Colle Salsas Blancias ils sont pincés en synclinal et chevauchés par la lame du Dogger de la butte 2570 ;
-dans le versant NE du Monte Giordano ils sont chevauchés par l'écaille de Dogger des points 2632-25 15
Aussi faut-il conclure là encore à une tectogénèse complexe, polyphasée.
c) La bande triasique du Bric Servagno.
Bien que séparée des portions plus occidentales de la nappe de Rocca Peroni par un hiatus d'affleurement, elle n'en constitue pas moins clairement leur prolongation orientale ; on y trouve d'ailleurs la disposition en anticlinal déversé à l'Est qui se manifestait déjà au Bric Bernoir ; toutefois ici :
-la charnière (érodée) est vraisemblablement rompue, car une lame de quartzites et de calcaires vermiculés de l'Anisien inférieur (ayant valeur de cur anticlinal) plongeant vers 1'W repose en discordance sur la tranche des calcaires et dolomies, redressés, du flanc Est ;
-l'anticlinal ne se rattache pas au reste de ]a nappe du côté SW. Un accident subvertical jalonné de flysch noir et de cargneules le tranche et le plaque contre les éléments les plus septentrionaux (eux-mêmes redressés) de l'unité du Giordano. Il est très difficile de ne voir dans cet accident qu'un simple plan de charriage redressé, car il sectionne franchement les deux flancs de l'anticlinal et notamment le flanc W ; ce dernier, bien loin d'être redressé et basculé à l'Est, plonge tranquillement à 30° vers le SW.
d) La bande siliceuse de la Gardetta et les gypses de la Margherina.
Le siliceux du vallon de la Margherina constitue également le prolongement évident des structures de la dépression de la Pianezza ; toutefois on note ici le développement d'une importante bande gypseuse sur son bord méridional ; entre le Trias du Bric Servagno et les gypses s'intercale une bande de schistes permiens ; ces schistes, qui prolongent vers 1'E ceux de la Gardetta semblent venir en recouvrement sur les gypses et cargneules, ils se biseautent le long de l'accident sud de la Gardetta, qui affecte ici très clairement l'allure d'une faille subverticale ( sectionnant aussi la voûte de l'anticlinal du Bric Servagno).
Les parties les plus hautes de cette masse de gypses ne restent pas confinées au N de cet accident, mais au contraire débordent vers le Sud et viennent recouvrir très tangentiellement des terrains variés (suivant une surface voisine de l'actuelle surface topographique) : au Colle Salsas Blancias, un diverticule gypseux, après avoir submergé totalement le Trias de la bande du Bric Servagno, s'avance jusque sur le Jurassique et le Néocomien du Monte Bodoira et y manifeste une discordance totale par rapport aux structures ainsi recouvertes.
Il est difficile de distinguer ce qui, des lambeaux de terrains calcaires ou siliceux qui apparaissent au sein de ces gypses, appartient à des blocs exotiques ou au contraire aux éléments structuraux recouverts par les bavures de la masse gypseuse : la question se pose notamment pour les affleurements du Colle Cologna où je suis enclin à voir les derniers pointements de la bande triasique du Bric Servagno et, par conséquent, les témoins les plus orientaux de la nappe de Rocca Peroni. A l'E du Colle Cologna, en effet, dans la dépression de Bandia la bande gypseuse, plus profondément dégagée par l'érosion, ne laisse plus apparaître de substratum triasique.
Quant aux affleurements siliceux du bord septentrional de la dépression de la Margherina ils se montrent comme ceux de la Pianezza, tectoniquement indépendants de ceux du chaînon calcaire de la Meja ; on rencontre bien, au Becco Grande et au Gias de la Margherina, une série siliceuse redressée, ordonnée base au Sud, comme dans les calcaires triasiques et jurassiques des crêtes de la Meja ; mais la série siliceuse du Becco Grande ne se prolonge vers l'W que par une lame permienne qui se biseaute (au Colle del Preit) entre le Trias calcaire et le siliceux de la Margherina. De plus ce dernier constitue le flanc nord d'un anticlinal dont le flanc sud se biseaute d'W en E et dont la voûte est tronquée au contact des calcaires triasiques du Bric Servino : ainsi le siliceux de la bande de la Gardetta est-il tectoniquement composite et séparé de ses bordures calvaires par des accidents cisaillants. Néanmoins, comme il reste clair qu'il correspond à l'ensemble des semelles siliceuses des nappes du Rouchouze et de Sautron, on peut admettre deux solutions pour résoudre le problème des racines respectives de ces nappes :
- la nappe de Sautron (à laquelle se rattache, par une quasi-continuité des affleurements, le chaînon de la Meja) est la couverture originelle du siliceux de la Margherina, simplement décollée par des glissements différentiels ; en ce cas on peut envisager que les gypses de ]a Margherina sont des témoins radicaux de la nappe du Rouchouze ;
- le siliceux de la Margherina et les gypses de son coussinet basal sont équivalents de ceux de l'Oserot et représentent donc la racine de la nappe du Rouchouze ; en ce cas cette racine serait ici débarrassée de sa couverture calcaire à laquelle aurait été substituée celle formant la nappe du Sautron.
Bien qu'aucun fait, à ma connaissance, ne soit suffisamment décisif pour choisir entre ces deux interprétations, l'ensemble du contexte structural (et notamment les dispositions observées dans le haut vallon de l'Unerzio) me porterait plutôt à adopter la deuxième solution.

2. CHAINON DE LA CIMA PICONIERA.

Il s'individualise, à partir du N, à la Testa di Bandia et présente quelques variations par rapport à la structure qui vient d'être décrite :
a) Entre l'Autochtone et l'unité de la Piconiera s'intercale, à partir de l'aplomb du Gias Piconiera, la terminaison ouest de l'unité du Monte Salé : d'abord limitée à un anticlinal couché à cur de Malm, celle-ci se complète vers le bas par un deuxième anticlinal également très déversé au SW qui constitue les falaises inférieures des Rocce Forni. Ces deux anticlinaux montrent leurs charnières, sectionnées assez obliquement par la surface topographique : bien que leur direction axiale soit, à proprement parler, impossible à mesurer, on peut voir qu'elle doit être assez proche d'une valeur méridienne. Le synclinal des Rocce Forni, qui sépare les deux anticlinaux, présente une torsion de son plan axial qui l'amène à devenir, dans la région de sa charnière, proche d'un plan vertical. Ces dispositions évoquent tout à fait celles notées plus haut dans l'unité du Giordano.
b) L'unité de la Piconiera présente la même structure de dalle monoclinale simple que l'unité de Servagno, dont elle paraît être l'homologue à tous points de vue.
Son extension se limite vers l'Ouest aux pentes de rive droite du Rio Banda où elle semble se tronquer par sa base sur le dos de l'autochtone, car ses derniers témoins reconnaissables sont seulement constitués par des affleurements de brèches nummulitiques. Vers le NE, dans le val Chiaffréa, l'unité de la Piconiera ne se prolonge pas avec plus de persistance, car ses divers termes stratigraphiques viennent se sectionner contre l'unité suivante ; ce contact cisaillant se place assez exactement dans la prolongation de la faille qui limitait vers le S la bande triasique du Bric Servagno : il s'agit vraisemblablement du même accident.
c) L'unité du val Chiaffréa, qui affleure plus au N, est une lame assez fortement redressée, à semelle de Dogger, qui possède une série stratigraphique analogue à celle de l'unité du Monte Giordano. Des redoublements de Malm et de Crétacé (observables sur l'arête N de la Piconiera entre les points 2521 et 2459 ) y font soupçonner un style de replis analogues. Dans le fond du val Chiaffréa, le cisaillement de l'unité de la Piconiera fait venir en contact direct l'unité du val Chiaffréa (Malm et Dogger verticaux du point 2212) avec les calcschistes néocrétacés de l'unité du Salé.
Des lambeaux de gypses et cargneules affleurent également en rive droite du val Chiaffréa ; ils paraissent représenter des klippes flottant sur cette unité de Chiaffréa, comme celles du Colle Salsas Blancias sur l'unité du Giordano.
Les affleurements des abords de la tête de Bandia montrent essentiellement du Dogger, des calcschistes néocrétacés, du flysch noir et quelques lambeaux de dolomies : il paraît difficile de les assimiler aussi à l'unité du Monte Giordano, car cette absence des termes jurassiques supérieurs et crétacés inférieurs est un caractère plutôt briançonnais. J'en fais donc à titre de première approximation une écaille intermédiaire entre Subbriançonnais et Briançonnais, en y rattachant également les écailles supérieures du flanc N du Monte Giordano et les affleurements du Monte Ruissas dont la position sera examinée plus loin (« unité du Monte Ruissas »).

C) Le secteur de Viridio.

Il se caractérise par une reprise de l'extension des séries triasiques briançonnaises (chaînons de la Cima du Test et du Monte Omo) et par la prédominance de l'unité du Monte Salé dans la zone subbriançonnaise.

1. STRUCTURE GÉNÉRALE.

Les traits structuraux fondamentaux de ce secteur apparaissent avec une clarté particulière dans la coupe naturelle de la crête Monte Salé - Cima di Test, que nous parcourrons du S au N.

a) Unité du Monte Salé.

Cette unité repose sur l'Autochtone par les brèches du Salé : les corrélations entre rives W et E du val Chiaffrea portent à considérer qu'elles garnissent le flanc S de l'anticlinal inférieur des Rocce Forni dont le cur formerait le sommet même du Monte Salé : on observe clairement ici le reploiement d'ensemble de cet anticlinal qui fait que ses portions élevées sont couchées au S et ses parties basses redressées à la verticale.
Vient ensuite vers le N un synclinal dans lequel on reconnaît aisément aussi la suite de celui des Rocce Forni ; toutefois son flanc septentrional ne montre pas ici le reploiement anticlinal qui serait l'homologue de celui des crêtes des Rocce Forni : il est au contraire redressé contre une fracture verticale qui prolonge vraisemblablement celle qui, plus à l'W, limitait l'extension vers le N de l'unité de la Piconiera : de fait aucun affleurement attribuable à cet élément tectonique ne s'observe ici, non plus que dans le Val Chiaffréa.
En définitive, la structure en lames verticales, qui confère à ce groupe montagneux ses lignes hardiment découpées, est secondairement acquise et résulte du basculement posthume de structures initialement tangentielles comme celles du chaînon de la Piconiera.

b) Unité des Due Uomini.

J'utilise ici la désignation locale (non indiquée sur les cartes) de deux aiguilles assez remarquables, formées par des lames calcaires verticales (l'une de Dogger, l'autre de Malm-Néocomien à zones siliceuses) qui se dressent aux abords sud du Colle Salé. Leur série stratigraphique, très proche de celle de l'unité du Giordano, et leur position structurale portent à y voir un lambeau, pincé verticalement, de cette unité. Le contraste est cependant grand du point de vue du style tectonique entre cette mince lame verticale et l'épais empilement de replis du Monte Giordano : il résulte sans doute du cisaillement qui met ici en contact cette unité avec celle du Salé.

c) Unité du Vallone Serour.

Elle ne constitue, sur la crête, que la grosse aiguille séparant les Due Uomini du Colle Salé, mais se développe vers l'Est dans le Vallone Serour, affluent de l'Arma. Elle affecte la disposition d'un synclinal pincé, vertical, à cur de Callovien : ses flancs montrent du Dogger reposant sur des brèches post-ladiniennes et même quelques bancs de dolomies sans doute ladiniennes : comme pour les écailles du versant N du Giordano et de Bandia il s'agit d'un élément qui semble intermédiaire entre Subbriançonnais et Briançonnais. Il est, de fait, en contact avec le Briançonnais bien typé du Monte Omo, mais semblerait plutôt le chevaucher du S vers le N (suivant un plan certainement très redressé) qu'être recouvert par lui ; en fait il y a là un accident (jalonné de cargneules sur le versant W) qui semble encore avoir un caractère cisaillant par rapport aux séries du Monte Omo.

d) Unité du Monte Omo.

C'est une vaste coupole anticlinale, allongée suivant N 130°, qui est inclinée assez doucement vers l'Ouest, comme vers l'Est, de part et d'autre de la culmination du sommet 2615. Aux failles longitudinales qui, nous l'avons vu, ont dû fonctionner dès le Crétacé, s'y ajoutent des failles plus transverses (et plus récentes ?) sensiblement orientées suivant le N 45° et le N 150°.
Son flanc N plonge fortement vers le synclinal du Valcavera où le Jurassique et le Crétacé supérieur affectent une disposition en replis étroits, plus ou moins rompus en écailles imbriquées du N vers le S.
Au N du Valcavera, la lourde voûte anticlinale de la Cima di Test fait le pendant exact de celle du Monte Omo. Peut-être sont-elles quelque peu disjointes par des fractures longitudinales à l'emplacement approximatif du synclinal, mais il ne fait guère de doute qu'elles appartiennent à une seule et même unité. C'est ici l'unité briançonnaise la plus externe ; d'autre part les gypses du Colle Valcavera (et les cargneules qui constituent plusieurs lambeaux dans le vallon du même nom) sont indubitablement flottants, en klippes, sur l'unité de l'Omo comme l'étaient ceux (certainement homologues) de la Margherina et de l'Oserot sur la nappe de Rocca Peroni : ces deux arguments portent donc à voir dans l'unité de l'Omo l'équivalent de la nappe de Rocca Peroni malgré l'absence totale de continuité entre les affleurements.

e) Unité du Monte Ruissas.

On a vu plus haut qu'il paraît satisfaisant de regrouper en une seule unité un certain nombre d'éléments flottants, essentiellement formés par du Dogger, mais comportant une semelle discontinue de dolomies triasiques, qui se situent en position immédiatement plus externe que les premières unités franchement briançonnaises.
Les affleurements du Monte Ruissas ( auxquels se rattachent certainement ceux des abords du Gias Chiaffrea) sont sans doute ceux dont la situation est la plus claire : ils décrivent une double charnière anticlinale déversée au NE (polarité soulignée par la présence d'Oxfordien et de Malm au Passo d'Eguiette) ; de plus ils reposent sur la voûte même de l'anticlinal du Monte Omo, par l'intermédiaire d'un coussinet de gypses et cargneules qui est très vraisemblablement relié (sous les éboulis) à ceux du Colle Valcavera : ils sont donc indépendants des affleurements, pourtant proches et d'aspect voisin du Valcavera ; ils ont dû se mettre en place, au prix d'un rétroplissement avec rabattement vers l'E par-dessus des unités plus internes à partir des éléments les plus élevés de l'édifice subbriançonnais. Cette structure n'est pas sans rappeler celle du Bric Servagno, elle aussi enveloppée du côté NE par les gypses de la Margherina. De plus, ici aussi, la charnière (déversée au N) semble complètement isolée de ses « racines » (du côté S) par les fractures redressées qui sectionnent les unités plus méridionales, entre Cima Piconiera et Colle Salé. Je crois donc envisageable l'hypothèse suivante : l'unité du Ruissas et ses éléments homologues seraient des fragments de la nappe de Rocca Peroni comparables à celui du Bric Servagno ; ils auraient d'abord été rétrodéversés (par le serrage qui a créé l'anticlinal de la Rocca Peroni lui-même) par-dessus des portions plus internes de la nappe (Monte Omo), puis séparés des portions plus externes par des cisaillements longitudinaux (qui, soulevant ces dernières, ont facilité leur destruction par l'érosion sur la transversale qui nous occupe).

f) Unités apparaissant au N de la Cima di Test.

Le versant nord de la voûte de la Cima di Test montre deux types d'accidents superposés :
-- une faille longitudinale (orientée N 130°) qui abaisse le compartiment septentrional et se poursuit vers 1'E jusqu'au-delà du Gias Viridio superiore, peut-être jusqu'à la Pera Punta et dans le haut vallon de San Giacomo ;
-un chevauchement tangentiel, visiblement antérieur puisque son plan est dénivelé par la faille ; il amène en recouvrement (par l'intermédiaire d'une lame de cargneules) des terrains siliceux écaillés, principalement formés par des schistes permiens. Il est, sinon certain, du moins très probable, qu'en dépit d'accidents secondaires ces terrains se raccordent par le Colle del Mulo à ceux de la Margherina, c'est-à-dire aux racines de la nappe du Rouchouze, auxquelles nous assimilerons donc également cette « Unité siliceuse de la Punta Parvo ».
Plus au N, plusieurs bandes parallèles mais peu continues d'affleurements de calcaires et dolomies triasiques sont fichées entre des bandes siliceuses tectonisées de façon assez complexe :
-la bande du Monte Viridio représenterait un témoin radical de la nappe du Rouchouze, chevauché par l'unité de Punta Parvo ; l'ensemble aurait été reployé et faillé postérieurement au charriage (fig. 11) ;
-la bande de la Rocca Parvo serait attribuable à la nappe de Sautron, du fait de sa position plus interne et de ce qu'elle semble constituer la prolongation orientale probable des affleurements des Rocce Ciarmetta, homologues probables eux-mêmes de ceux de la Rocca la Meja ; -les affleurements de la Costa Reina pourraient enfin être rapportés aux séries de la zone de Marinet, en raison de leur position encore plus interne .
Ces attributions restent douteuses en raison de l absence de continuités structurales suffisantes ; en outre la profondeur plus grande que semble avoir atteint ici le niveau d'érosion n'a permis la conservation que de lames calcaires radicales trop étroites pour montrer la totalité des termes de leur série et des différences stratigraphiques significatives.

2. CRÊTES ET VALLONS SITUÉS A L'EST DU MONTE SALÉ ET DU VAL CAVERA.

Les pentes du val de l'Arma proprement dit (au niveau des Gias Viridio et Viribiane en rive gauche, et des Gias Serour et Rabbie en rive droite) possèdent une structure où l'on retrouve les mêmes traits essentiels que sur la transversale de l'Omo, savoir :
-vastes coupoles anticlinales briançonnaises en rive gauche de l'Arma ;
-- plis aigus et écailles imbriquées dans le Subbriançonnais ( avec prédominance de l'unité Sa]é) en rive droite.
Toutefois un certain nombre de particularités s'y relèvent :
a) Les unités subbriançonnaises montrent un renversement vers l'Est de plus en plus accentué : par exemple les coupes du Vallone Savi et du Vallone Sarsett permettent de reconnaître une succession de séries caractéristiques respectivement de l'unité de Salé, d'une « Unité du Gias Rabbie » assimilable à celle des deux Uomini (et donc du Giordano) et de l'unité de Serour. Mais ces unités ne sont plus juxtaposées du S au N mais superposées de haut en bas : ce renversement amène ainsi le prolongement du flanc inverse de l'anticlinal supérieur des Rocce Forni (retourné en série normale) à reposer sur une série renversée, équivalente des séries (écaillées, à l'endroit) du secteur du Giordano ; la coupe serait impossible à interpréter correctement si l'on ne disposait pas de ces corrélations longitudinales.
Les basses pentes du Vallone dell'Arma aux abords de Biancot et du confluent du Vallone Gorfi présentent en outre des replis et des écaillages difficiles à coordonner avec précision en raison de la discontinuité des affleurements : par exemple le bas ravin de Gorfi, en aval du Gias Viribiane inferiore, montre trois écailles superposées, dont une écaille moyenne constituée par une série ( à l'endroit) de type Giordano ; je ne puis, dans l'état des recherches, être plus précis quant à la signification et aux rapports de ces écailles avec le dispositif de rive droite de l'Arma. Quoi qu'il en soit, cet édifice subbriançonnais s'abaisse vers l'Est, ainsi d'ailleurs que la trace topographique de l'accident qui le sépare de l'Autochtone, tant et si bien qu'il n'affleure plus au-delà de Poracchia. Cette disparition vers l'E des éléments subbriançonnais pose un problème de géométrie qui ne paraît guère soluble si l'on considère que ces unités tectoniques ne sont séparées que par leurs surfaces de charriage, ces dernières fussent-elles complètement renversées à l'E : il est nécessaire d'admettre l'intervention d'un phénomène de biseautage d'W en E. Or les faits observés le long du contact Subbriançonnais/Autochtone me paraissent susceptibles d'éclairer cette question ; en effet, on constate dans le cirque supérieur du ravin du Vallone Sarsett que ce contact est vertical, injecté de cargneules et à peu près concordant avec le pendage du Tertiaire autochtone ; par contre les diverses structures du Subbriançonnais plongent vers le SSW avec un pendage beaucoup plus modéré : de sorte qu'il se produit une véritable troncature de
ces structures qui se révèlent donc indépendantes et antérieures aux mouvements tectoniques effectués le long du contact Subbriançonnais/Autochtone. Ce dernier doit donc être considéré, très vraisemblablement, comme une nouvelle surface de cisaillement tardif par rapport aux structures tangentielles.
b) Les unités briançonnaises de rive gauche de l'Arma montrent à première vue une structure très simple, d'« aspect autochtone », qui est celle d'une belle charnière anticlinale à axe E-W et déversement sud : elle s'observe très clairement dans les quartzites werféniens et les calcaires anisiens des pentes du Monte Gorfi ; toutefois :
-cette charnière est sectionnée du côté sud par un plan tangentiel qui lui fait chevaucher les unités subbriançonnaises (vers 1 600 m d'altitude). D'autre part, elle montre également des complications sur son flanc nord ;
--- les calcaires à zones siliceuses du Malm qui forment le sommet y sont affectés d'un plissement métrique à axes N 50° et plongement nord de 20° qui est tout à fait en discordance avec la direction d'ensemble de la structure ;
-des calcaires analogues forment un synclinal pincé avec des charnières orientées N 120° dans les pentes qui tombent vers le NW dans le ravin de Viribiane. La fermeture de ce synclinal dans les pentes supérieures, entre ses deux flancs de dolomies ladiniennes et sans charnière apparente ne peut guère s'expliquer que par un laminage total du Jurassique et par un glissement banc sur banc des dolomies ;
-un accident très redressé, injecté de cargneules, sépare enfin la série du Monte Gorfi de celle formant le point 2138 (sur l'échine qui en descend vers le col de Pera Puntua). Cette dernière unité, qui se prolonge vers l'W jusqu'en aval du Gias Gorfi, se distingue clairement par la présence d'un Dogger épais et bien typique ( alors que ce terrain n'existe pas du tout au Monte Gorfi). Par contre on peut aisément lui trouver des analogies avec les écailles jurassiques du val Cavera : effectivement les affleurements (bien que disjoints et en partie glissés à flanc de pente) qui forment l'échine S de la Cima Viribiane semblent assurer la continuité entre ces éléments.
En définitive il convient donc, sans doute, de voir dans l'anticlinal du Gorfi la continuation de celui de l'Omo (au-delà de la large zone glissée du Gias Viridio) et dans le Dogger du Gias Gorfi le dernier témoin de la série de la Cima di Test, presque complètement biseautée entre deux dislocations redressées qui la séparent respectivement de l'anticlinal du Monte Gorfi et des écailles siliceuses du Monte Borel (coupes 12, 13, 14, fig. 5).

4. STRUCTURE D'ENSEMBLE.

A) Plan général d'organisation.

Si l'on ne considère que la disposition générale des unités tectoniques, l'étude de chaque transversale révèle à peu près le même thème, qui est dominé par une subdivision en plusieurs bandes longitudinales ; on peut alors distinguer :
-une bande méridionale à structures tangentielles (chevauchements ou plis) (qui cesse d'ailleurs d'être représentée peu à l'E du val Chiaffréa) ;
-une première ligne d'inflexion des structures, suivant laquelle celles-ci basculent à la verticale : elle correspond au flanc NE de l'anticlinal du Rouchouze et de celui de Rocca Peroni et court, par le Colle della Gardetta, le Bric Servagno, le Colle Cologna, jusqu'au bas Vallone Chiaffrea et au Vallone Serour ;
-une bande centrale avec une tectonique de larges ondulations à peine déversées, dans des unités briançonnaises qui ne semblent pas décollées de leur semelle siliceuse (et dont on peut même se demander si un charriage vers l'W les a jamais affectées) ;
-une deuxième ligne d'inflexion des structures, qui correspond au tracé Cima di Test (versant N), Monte Viridio, Pera Puntua, et au Nord de laquelle l'ensemble des pendages est plutôt renversé vers l'E, à l'W du Colle del Mulo cette ligne n'est plus distincte de la première, la bande centrale ayant complètement disparu ;
-une bande septentrionale dont les structures sont dans l'ensemble renversées (comme il vient d'être dit) et dont la limite subit, de l'Ouest à l'Est du Colle del Mulo, un décalage vers le N.
Cette disposition d'ensemble, en bandes à déversement opposé séparées par des zones redressées, est évidemment de même type que celles connues plus au NW tout au long du Briançonnais français ; toutefois, il est particulièrement net ici que le terme d'éventail n'en donnerait qu'une description parfaitement fallacieuse : d'une part, on est très loin d'observer une simple succession de plis à plans axiaux disposés en éventail ; d'autre part ce n'est pas une seule zone de basculement qui détermine cette structure, mais plusieurs lignes parallèles, d'ailleurs distinctes, elles-mêmes, du prolongement de la ligne d'inflexion comparable que montre par exemple la coupe de la haute Ubaye : il me paraît plus juste d'évoquer une disposition en escalier de fractures, descendant dans l'ensemble vers le NE et dans laquelle, du SW au NE, les marches supérieures surplombent de plus en plus les inférieures (le tout s'appliquant à une structure tangentielle antérieure, évidemment).

B) Origine des différences de structure suivant les transversales.

Il reste que la description locale nous a amené à distinguer trois secteurs dont la structure était assez différente : la question se pose donc de savoir à quoi correspondent les changements structuraux aux limites de ces trois secteurs. Plusieurs causes peuvent être invoquées.

1. RÔLE DES ACCIDENTS TRANSVERSAUX.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire a priori, les accidents de ce type sont mineurs et n'interviennent pratiquement pas pour déterminer des modifications structurales notables d'un secteur à l'autre.
Le seul cas où l'intervention d'un accident transversal important puisse être soupçonnée correspond aux abords du Colle del Mulo. En effet, le vallon qui descend de ce col vers le NE semble correspondre effectivement à une interruption de toutes les structures orientées E-W, notamment de la bande calcaire des racines de la nappe de Sautron, de l'anticlinal de la Cima di Test et du synclinal de Rocce Ciarmetta. Cette dislocation pourrait être relayée, plus au NE, par un accident qui tranche les structures (à valeur synclinale) que constituent les quartzites de la Rocca Negra et, plus au N encore, ceux de la Cima Reina (encadrés les uns et les autres par des schistes permiens) ; vers le SW il n'est pas exclu qu'elle puisse se prolonger vers le Colle della Guia ( au pied SE du Monte Bodoira), sectionnant et décalant dans un sens sénestre les unités de Ruissas et du Giordano ; elle pourrait alors trouver sa prolongation ultime ' à travers l'Autochtone) dans la faille qui passe au NW de la Cima del Gias. Quoi qu'il en soit, les divers tronçons d'accidents que l'on est tenté de raccorder ainsi en un seul accident se présentent tout comme des fractures à plans peu redressés, plongeant vers le NW. La coordination des unités longitudinales affleurant de part et d'autre de cette ligne disloquée (telle que je l'ai faite dans ]e schéma structural) amène à admettre que ces accidents ont fonctionné en failles inverses chevauchantes vers le S, décalant ainsi dans cette direction (d'environ 1 km) les autres lignes structurales.

2. RÔLE DU PLONGEMENT AXIAL DES STRUCTURES.

Un plongement d'ensemble vers l'WNW, atteignant 20 à 25°, se décèle très nettement dans toutes les structures charriées et reployées où les couches sont peu redressées, à 1'W de la ligne Omo-Salé (fig. 12). A l'E le plongement s'inverse sans atteindre d'ailleurs des valeurs aussi importantes). Dans le domaine autochtone le plongement vers l'W est également beaucoup plus modeste tant que l'on est à 1'E des Barricate ; à 1'W les isohypses du calcaire nummulitique, orientées précédemment N 110° ( parallèlement à l'allongement des bandes charriées), tournent à N 70°, et le pendage (vers l'W) atteint des valeurs comparables à celles de l'Allochtone.
C'est ce plongement axial qui, du fait que l'érosion a atteint à peu près la même profondeur partout, est responsable de ce que chaque transversale offre une section plus ou moins profonde de l'édifice des nappes : il est la cause essentielle de l'hétérogénéité longitudinale du secteur étudié ici.

3. RÔI.E DES FRACTURES LONGITUDINALES.

Nous avons constaté qu'à l'imbrication transversale des diverses unités initialement superposées se surajoutent des fractures orientées parallèlement à l'allongement général de la zone ; celles-ci recoupent obliquement les surfaces de charriage des unités et les dénivellent, tant et si bien que la succession n'est pas identique d'une transversale à l'autre.
Ces fractures sont orientées N 130° à N 110° suivant le secteur considéré et leur tracé, quasi rectiligne, indique une attitude moyenne subverticale ; toutefois les surfaces de fracture peuvent basculer localement vers le SW ou vers le NE ; ce dernier cas semble presque général dans la bande septentrionale : bien que ces cassures recoupent des plis antérieurement réalisés, elles sont elles-mêmes plus ou moins replissées (fig. 14). Leur existence aussi bien que leur caractère particulier de cisaillement tordu vis-à-vis des unités charriées m'a paru essentiel à prendre en considération pour la compréhension et la coordination des structures de ce domaine.
Les rapports entre Allochtone et Autochtone sont eux-mêmes difficiles à interpréter par l'effet des seuls phénomènes de charriage : en effet, il est très frappant de constater que les diverses unités paraissent posséder un caractère en quelque sorte transgressif les unes par rapport aux autres, chacune (des plus internes aux plus externes) reposant à tour de rôle en contact direct sur l'Autochtone (fig. 13) : ainsi voit-on, sur les transversales qui se succèdent d'E en W, disparaître à tour de rôle les unités les plus basses, tandis que d'autres, plus élevées dans l'édifice des superpositions tangentielles, viennent les remplacer : cela ne peut résulter que d'une troncature par un plan oblique, plongeant vers le NE, qui sectionne successivement les diverses nappes et écailles empilées (des replis sectionnés par le contact Nappe - Autochtone existent d'ailleurs indubitablement : j'en ai cité plus haut des exemples en rive droite du val de l'Arma) ; le long de cette surface de cisaillement, d'ailleurs peu oblique par rapport à la stratification de l'Autochtone, l'édifice de nappes a été affaissé vers le NE.
Or, la position du Flysch à Helminthoïdes de la nappe du Parpaillon implique l'intervention, préalablement à sa mise en place, d'une dénudation du compartiment SW (un tel phénomène a été également admis par C. KERCKHOVE [15] pour la région de la fenêtre de Barcelonnette) ; en effet, sur une même transversale, cette nappe repose au N sur des unités briançonnaises et, au S, directement sur l'Autochtone (environ du col de Larche) ; de plus, ce Flysch à Helminthoïdes recouvre des unités d'autant plus élevées que l'on est plus a 1'W : il est donc clair que les dispositions tectoniques faillées et plongeantes vers le Nord qui viennent d'être décrites étaient déjà réalisées et qu'une phase d'abrasion (soit tectonique, soit par érosion) des parties élevées de l'édifice avait également eu lieu avant l'arrivée de ce Flysch à Helminthoïdes. I1 est logique que le compartiment, situé au S du grand cisaillement délimitant actuellement l'Autochtone et les nappes, ait particulièrement subi cette ablation et ait pu être débarrassé à peu près totalement de sa couverture allochtone puisque c'est lui qui était le plus élevé ; je crois même que c'est là l'unique explication satisfaisante qui ait jamais été proposée pour cette disposition très remarquable.
On remarquera enfin que, de part et d'autre du contact Autochtone/Nappes, les plongements structuraux vers 1'W n'ont pas la même valeur ; toutefois des pendages comparables s'observent dans chaque compartiment si l'on compare des points situés à 1'W d'une zone d'inflexion qui se situe respectivement :
- aux Barricate pour l'Autochtone du compartiment S ;
- au Monte Savi, c'est-à-dire 8 km plus à 1'E, pour les nappes du compartiment N.
I1 apparaît donc que ce plongement axial est simplement lié au mouvement périclinal de la terminaison NW de l'Argentera, mais que le point où débute ce mouvement se trouve décalé d'un compartiment à l'autre par un mouvement coulissant dextre.
Aucune preuve parfaitement convaincante de l'existence d'un rejet coulissant dextre ne peut être avancée en ce qui concerne les autres plans de cisaillements longitudinaux. Toutefois une indication dans ce sens est encore fournie par le fait que, pour chaque compartiment, les couches du bord nord (redressées à la verticale) ont tendance à se poursuivre en une bande étirée vers l'E, comparable au crochon d'un mouvement dextre ; la chose est particulièrement caractérisée pour la bande verticale des calcaires du chaînon de la Meja qui constituent la « queue » orientale de la nappe de Sautron : elle se poursuit en effet jusque dans des régions (Colle del Mulo et au-delà) où l'on n'a aucune preuve que les parties horizontales de la nappe (visibles plus à l'W à partir de la Tête de Moyse) soient jamais parvenues.

C) Relations entre les structures affectant les nappes et celles de l'Autochtone.

La couverture autochtone de l'Argentera présente une structure assez simple qui a été décrite par C. STURANI [20] ; on y relève une fracturation et un plissement.

1. LES FRACTURES.

Elles constituent un réseau où s'associent deux types de directions dont les valeurs moyennes sont :
-N 45°, avec des rejets cartographiques sénestres ;
-N 140°, avec des rejets cartographiques dextres.
S'il est difficile de déterminer le rejet réel et notamment l'importance exacte de la composante horizontale (qui est tout à fait indéniable, au moins dans le cas de la grande faille de Bersezio, comme l'a excellemment représenté S. STURANI [20, P. 113, fig. 8]. D'une façon générale les failles N 140° sont plus importantes que les N 459 ; l'une d'entre elles détermine probablement la direct on de la Stura entre Sambuco et Pianche), il est tout de même frappant de constater que c'est là très précisément le système de fractures associées que l'on doit attendre dans le cas d'une compression orientée sensiblement N-S.
En dépit d'un amortissement rapide vers le haut, il est indéniable que ces failles se poursuivent à travers les unités allochtones et, par conséquent, qu'elles sont postérieures aux charriages et aux cisaillements longitudinaux des nappes (leur direction est d'ailleurs sensiblement différente). I1 est intéressant en outre de constater que leurs surfaces de fractures ont néanmoins été déformées de façon très notable, infléchies vers 1'W ou même sectionnées par certaines surfaces de chevauchement : le fait est particulièrement net au Colle Vallonetto, où la faille du Pilone de Sambuco voit son tracé, presque rectiligne par ailleurs, décalé d'environ 500 m vers le SW en pénétrant dans le Subbriançonnais. J'ai décrit plus haut la faille du versant W de la Bassa Terra Rossa qui traverse les unités de Rocca Peroni et la digitation inférieure ( de l'Iretta) de la nappe du Rouchouze sans se prolonger dans sa digitation supérieure ( unité de l'Oserot) ni dans les unités subbriançonnaises sous-jacentes : il s'agit probablement, en fait, du prolongement de la faille N 150° du Colle della Montagnetta, décalée elle aussi de 500 m environ vers le SE. Il faut par conséquent admettre l'intervention d'une reprise des mouvements tangentiels vers le SW ou 1'W postérieurement à cette fracturation (les déplacements sont cependant relativement très modestes).

2. LE PLISSEMENT.

Il est très ample et très simple puisqu'il se ramène pratiquement à un ploiement d'ensemble en demi-voûte déversée vers le NE. D'après les auteurs italiens, cette structure montre même, à l'E de Vinadio, un flanc inverse (observable grâce à l'entaille de la Stura).
Trois aspects de cette structure me paraissent intéressants :
a) Le flanc normal de la voûte de ce pli montre en réalité une flexuration plusieurs fois répétée : des charnières déversées à l'Est, plus petites que la charnière principale mais un peu analogues s'observent en effet le long de la lèvre SW des failles N 140° (cela est particulièrement visible au NE du Colle del Vallonetto), il semble donc que la flexion des couches et leur fracturation soient deux phénomènes associés.
b) Ceci se confirme si l'on examine la direction axiale de ce ploiement : elle s'avère proche de N 120°, c'est-à-dire qu'elle est celle des plis formés par un serrage de même azimut que celui qui semble responsable de la formation des failles.
c) Le mouvement de charnière déversée vers le NE ploie concentriquement autour des couches de l'Autochtone les unités allochtones qui les recouvrent : c'est pourquoi ces dernières, disposées subhorizontalement au SW, se redressent à la verticale au droit de la charnière du Monte Nebius pour se renverser vers 1'E au NE de ce sommet : aussi bien que la fracturation, ce reploiement est indéniablement postérieur au charriage et au cisaillement longitudinal des nappes. D'ailleurs c'est sans doute parce que le massif de l'Argentera avait déjà été porté en altitude que le déversement des structures s'est alors fait dans le sens « rétro » (contrairement à ce qui s'était passé dans les phases antérieures où les zones soulevées devaient se trouver vers 1'E ou le NE).

D) Remarques sur la position de l'unité de la Piconiera.

En raison des caractères de la série stratigraphique de cette unité on peut se demander si elle n'appartient pas en réalité à la zone briançonnaise : une telle supposition impliquerait alors qu'il s'agisse d'un lambeau avancé de la zone briançonnaise qui aurait été pincé dans des replis et des écaillages de la zone subbriançonnaise. Il est certain qu'il y a des arguments ( que je ne tiens d'ailleurs nullement pour décisifs ) en faveur de cette manière de voir :
1°) Il est remarquable que l'on ne trouve nulle part, dans les portions redressées ou renversées des unités subbriançonnaises, de témoins attribuables à l'unité Piconiera à leur place normale entre ceux de l'unité Salé et ceux de l'unité Giordano ; au contraire, il y en a tout un chapelet, tous caractérisés par les lambeaux de dolomies ( qui marquent, sous le Dogger, leur surface de charriage) entre unité Giordano et unités briançonnaises franches : ce sont les unités Serour, Bandia-Ruissas (et les lambeaux assimilés, au revers nord du Giordano) ; elles pourraient donc éventuellement représenter des « racines » de l'unité Piconiera.
2°) Il n'est pas jusqu'à l'unité de Servagno enfin (dont le chevauchement par celle du Giordano ne saurait faire de doute) dont la position ne puisse être discutée : en effet, la coupe du haut Rio Conforent (alentours du Gias d'Agosta) n'en montre plus trace, ce qui suggère que loin de s'enraciner sous l'unité du Giordano, ce pourrait être une simple lame pincée au front de cette dernière, comme les lambeaux du vallone Savi au front de l'unité Salé.

E) Remarques sur la position des gypses de la Margherina.

L'origine et la signification structurale de ces gypses ne sont pas sans poser quelques problèmes. En effet, s'ils constituent un coussinet à la base de la lame siliceuse de la Gardetta, il est évident qu'ils ne se trouvent pas là à leur place stratigraphique mais s'y sont accumulés par extravasion tectonique ; mais leur provenance et leur âge restent énigmatiques, car on peut y voir le résultat de l a migration de gypses du Trias supérieur (arrachés par exemple à la voûte de l'unité de la Cima di Test par le chevauchement des unités de Sautron et du Rouchouze) aussi bien que celui de l'expulsion de gypses werféniens pincés dans les synclinaux triasiques de Viridio ou de Rocca Parvo ( à vrai dire cette dernière interprétation paraît s'accorder moins bien avec les données de terrain).
Il m'est absolument impossible en tout cas de souscrire à l'opinion de F. CARRARO [4] pour qui ces gypses représenteraient des montées diapiriques (en quelque sorte autochtones ?) du tréfonds briançonnais ; il est particulièrement clair dans le val Cavera que les lambeaux de cargneules qui jalonnent le fond du vallon sont flottants et pincés dans un synclinal de nappes ; des lambeaux en position de klippe sont observables sur le versant W du Monte Omo jusqu'au Passo d'Eguiette ; je pense que les gypses et cargneules de la crête Bandia-Piconiera sont sans doute, eux aussi, flottants sur les unités subbriançonnaises (même si les mouvements tectoniques les plus tardifs les ont re-pincés dans les replis et écaillages de ces dernières).
En ce qui concerne les étapes de leur mise en place j'ai constaté que ces gypses, bien qu'affectés par la fracturation longitudinale (ils sont nettement abaissés à l'Est de la faille de la Gardetta), recoupent néanmoins tangentiellement ces accidents cassants ainsi que les diverses unités plissées ensemble. Il faut donc conclure qu'ils ont subi une reprise tardive des mouvements de charriage vers le SW ; en outre il est probable que cette nouvelle phase d'extravasion tangentielle a succédé à une phase d'érosion (ou, au moins, d'abrasion) des nappes, car les affleurements gypseux qui « débordent » ainsi à l'Ouest de la bande de la Margherina recoupent toutes les structures suivant une surface qui est finalement assez proche de celle de la topographie actuelle : il faut donc faire abstraction de la présence (surajoutée tardivement) de ces gypses pour pouvoir interpréter correctement la structure des autres unités.

5. CONCLUSION : ESSAI DE SYNTHÈSE TECTOGÉNÉTIQUE.

A) Successions des événements tectoniques.

Les faits recueillis dans le secteur étudié portent à admettre la succession suivante :
Fracturation synsédimentaire, remontant au moins au Crétacé supérieur (failles du Monte Omo).
Plissement, dans les unités subbriançonnaises au moins. Les plis sont fortement déversés (vers l'W dans le système de référentiel actuel). Certains indices amènent à penser que cette phase pourrait être antérieure au Lutétien-Priabonien (discordance du flysch noir du Giordano ; poudingues de la Piconiera) ou, par places, même, antérieure au Néocrétacé (absence de ce terrain dans les synclinaux du Monte Giordano).
Charriage des unités briançonnaises (et sans doute subbriançonnaises), postérieurement au Priabonien. Le sens de déplacement de ces nappes n'est pas obligatoirement celui indiqué par le déversement de leurs plis puisqu'il est probable que ce plissement soit antérieur.
Plissement d'ensemble dessinant des anticlinaux et synclinaux de nappes peu déversés et orientés suivant ]'allongement actuel de la zone (compression NE-SW).
Cisaillement longitudinal (par rapport à l'allongement actuel des Alpes) des diverses unités allochtones : les fractures associent sans doute un rejet coulissant dextre à un soulèvement du compartiment méridional. Elles recoupent les plis de l'étape précédente, aussi bien que les surfaces de charriage.
Nouvelle compression, suivant une direction proche ici de N-S, plissant ensemble Allochtone et Autochtone, ainsi que les surfaces de cisaillement longitudinal ; l'existence de zones élevées à l'emplacement des massifs cristallins externes explique l'apparition d'un rétrodéversement (vers le NNE ici).
Fracturation suivant un réseau de failles associées affectant principalement l'Autochtone et résultant d'un serrage proche de la direction N-S : il peut s'agir de la réaction propre du socle par rapport à la compression de la phase n° 6, mais il ne paraît pas possible d'exclure que ces dislocations se soient produites successivement.
Derniers mouvements tangentiels, modestes, en direction de l'W ou du SW, se manifestant par la déformation des plans de cassure de la phase 7. I1 faut leur rapporter la formation des écailles cristallines observables le long de la cassure de Bersezio (décrites par C. STURANI [20], ré-étudiées par J. VERNET [22]), où elles s'associent à un rabotage basal du sédimentaire autochtone : cette localisation indique clairement qu'elles résultent d'un mouvement différentiel couverture/socle, mouvement qui a arraché des éclats à la lèvre cristalline de la faille qui jouait le rôle d'une lame de rabot : ce mouvement est donc également postérieur à la formation de la faille de Bersezio.
En outre les chevauchements tardifs qui renversent les unités briançonnaises sur le Flysch à Helminthoïdes, le chevauchement du Colle del Mulo et des derniers mouvements vers le SW des gypses de la Margherina peuvent être également rapportés avec vraisemblance à cette phase.
Deux déformations ne peuvent être placées avec certitude dans cette succession d'événements tectoniques ; ce sont :
-la mise en place de la nappe de Flysch à Helminthoïdes du Parpaillon : elle est très vraisemblablement postérieure à la phase 5 et ne peut guère dater de la phase 6 ( mouvements inverses) : il est séduisant d'imaginer que le mouvement de cette nappe est la cause des mouvements tangentiels discrets de la phase 8 ; l'arrachement des blocs klippes briançonnais et subbriançonnais, traîné à la base de la nappe du Parpaillon, ne représenterait dès lors que l'exagération des mouvements plus modestes enregistrés par les unités étudiées ici (le déroulement chronologique proposé ici et l'interprétation de : la place du charriage de la nappe du Parpaillon me paraissent remarquablement en accord avec les conceptions qui découlent des études de C. KERCKHOVE [ 15]) ;
-le changement de direction des structures longitudinales, qui atteint près de 30° d'W en E dans la région ici étudiée, semble attribuable à une torsion posthume de ces plis et fractures ; elle affecte aussi bien les structures des phases 4 et 5, mais ne semble pas se ressentir dans le tracé des accidents de la phase 7 (si l'on en juge par la rectitude d'ensemble des faisceaux de failles de Bersezio et du Ruburent). En ce cas cette torsion serait contemporaine du rétrodéversement (phase 6). Ce raisonnement paraît toutefois d'une validité contestable, car à l'échelle de l'ensemble de l'Arc alpin, les cassures longitudinales dextres ont une direction qui varie (suivant la transversale considérée) de la même façon que celle de l'Arc. De sorte que l'on peut se demander si ces cassures (qui se poursuivent dans le socle autochtone) n'ont pas subi un pivotement, par tronçons successifs, en même temps que des panneaux de socle au lieu d'une torsion progressive, ou encore si leur formation n'est pas synchrone de celle de l'Arc lui-même.

B) Données de terrains relatives à l'origine de l'arc des Alpes occidentales.

L'idée que l'arc des Alpes occidentales est une disposition secondairement acquise a obtenu ces dernières années la faveur de nombreux auteurs. Certains n'hésitent pas à supposer l'existence d'importants décrochements sénestres, expliquant le décalage (vers l'W) du Briançonnais sensu stricto par rapport au Briançonnais ligure [16] et empruntant sensiblement comme tracé celui de l'allongement du domaine étudié ici.
Il est certain que la torsion progressive des structures (évoquée ci-dessus) et leur biseautage longitudinal « en sifflet » du NW vers le SE ( qui contribue au rétrécissement des affleurements de la zone briançonnaise - subbriançonnaise) peuvent apparaître comme les effets de l'étirement d'un crochon dans un tel mouvement sénestre. Toutefois il faut bien souligner qu'aucun accident sénestre de direction NW-SE n'a été mis en évidence. Au contraire, toutes les indications de terrain portent à attribuer un sens dextre aux accidents de telle orientation, quelle que soit la phase à laquelle ils se rattachent : en fait il est plus probable qu'il y a effectivement eu une torsion secondaire de l'Arc, mais qu'elle a été obtenue par le seul pivotement des lignes tectoniques ( accompagné d'un serrage E-W qui aurait créé l'essentiel des plis longitudinaux actuels et des chevauchements vers l'W), mais sans formation d'accidents cassants nouveaux. Il est difficile de dire, là encore, si ce sont des structures rétrodéversées de la phase 6 ou celles, déversées vers l'W, de la phase 8 (ou encore l'une et l'autre, à des étapes successives) qui résultent de cet effet de torsion vers 1'W. De toute façon ce sont des déformations relativement tardives : par comparaison avec les étapes de déformation dans les zones externes (environs de Grenoble [2, 9], Dévoluy [l0-ll], arc de Castellane [12], etc.), j'ai tendance à croire que le même déplacement vers l'W (responsable de la torsion) serait également responsable dans ces régions des déformations miopliocènes (les plus tardives également) qui se traduisent principalement par les chevauchements des « Écailles de Digne ».
A vrai dire on peut se demander si les mouvements tectoniques enregistrés antérieurement, dans notre secteur, n'indiquent pas l'influence prédominante d'un déplacement dextre des zones internes par rapport aux zones externes, dans le cadre d'un serrage N-S : c'est en effet ce que semblent traduire les déformations des phases 7, 6, 5 et 4 ; il n'est pas jusqu'aux mouvements de la phase 3 qui, pour être de sens différent, pourraient avoir eu une direction méridienne analogue : en effet, le festonnement en nappes qui se recouvrent les unes les autres, d'une extrémité à l'autre de la bande actuelle d'affleurement des zones briançonnaises et subbriançonnaises, ne trouve pas une explication suffisante dans les effets combinés de l'érosion et du plongement axial ; aucune transversale ne montre la succession complète des unités inventoriables ; par contre chaque unité calcaire passe, du S vers le N, d'une position élevée à une position inférieure dans l'édifice visible, avant de disparaître, comme laminée entre les unités plus élevées qu'elle et leur soubassement siliceux : en d'autres termes cette disposition semble traduire une imbrication d'unités les unes sur les autres par un chevauchement du N vers le S. Cette conclusion n'est pas contradictoire avec l'orientation des plis observables, étant donné qu'ils semblent soit antérieurs, soit postérieurs au charriage (en outre on notera, en ce qui concerne les plis anciens des unités subbriançonnaises, que si un pivotement sénestre de la région est réellement intervenu depuis leur formation, ils devaient être initialement déversés vers le NW ou même vers le N [suivant l'ampleur du pivotement]). Elle suppose l'intervention de mouvements (principalement post-priaboniens) dont la direction, sensiblement N-S, serait en accord avec le déplacement précoce, du S vers le N, des zones internes par rapport aux zones externes qui a été suggéré pour la première fois par J . GOGUEL [ l 3 ] .
Cette mise en place des nappes briançonnaises par chevauchement du N vers le S ne constitue toutefois qu'une hypothèse ; mais elle méritera d'être examinée à la lumière des autres faits significatifs qui pourront être recueillis à ce sujet dans l'ensemble de la zone briançonnaise.
En définitive il s'avère, ici encore, que les données structurales paraissent s'accorder assez bien avec la notion d'un changement des directions de serrage et de déplacements ; celles-ci, sensiblement N-S au Crétacé supérieur et au Paléogène, seraient devenues E-W à une époque plus tardive (et de cette interférence de directions aurait résulté la torsion de l'Arc des Alpes occidentales).

BIBLIOGRAPHIE

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19. SCHNEEGANS (D.) (1938). - La géologie des nappes de l'Ubaye-Embrunais entre la Durance et l'Ubaye (Mém. Carte Géol. France).
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21. STURANI (C.) et KERCKHOVE (C.). -Sur la terminaison sud-orientale de la nappe du Flysch à Helminthoïdes à proximité du massif de l'Argentera (versant italien du col de Larche ou de la Maddalena) (Trav. Lab. Géol. Grenoble, t. 39, p. 213229).
22. VERNET (J.) (1967).-Données récentes sur la tectonique du massif de l'Argentera (Trav. Lab. Géol. Grenoble, t. 43, p. 217-243).

 

FIGURES


Fig. 1.-Schéma structural. (figure agrandissable)
A) Autochtone : 1, Cristallin autochtone ; 2, Mésozoïque autochtone ; 31, Tertiaire autochtone (Grès d'Annot) ; 4, Coussinet de « Flysch noir », à olistolites supportant les unités allochtones.
B) Subbriançonnais : 5, Unité du Monte Salé ; 6, Unité de la Cima Piconiera, unité de Servagno, 7, Unité du Monte Giordano, unités du Val Chiaffrea, des Due Uomini, du Gias Rabbie ; 8, Unités du Monte Ruissas et du Vallone Serour.
C) Briançonnais : 9, Masses de gypses et cargneules (Margherina, Valcavera, etc.), 10, Terrains siliceux (bandes de l'Oserot et de la Gardetta et Briançonnais interne de la « zone axiale permo-houillère ») ; 11, « Nappe » de Rocca Peroni : unité de la Vicariotta (Bersezio), unités de la Cima di Test et du Monte Omo ; 12, « Nappe » du Rouchouze : unités du Monte Oserot et de la Testa dell'Iretta, unité du Monte Viridio 13, « Nappe » de Sautron : Monte Cassorzo et Rocca la Meja, unités des Rocce Ciarmetta et de Rocca Parvo.
D) Zone des Schistes lustrés : 14, Schistes lustrés des unités 4 (Costa Chiop) et 3 (Punta Castellar) de A. MICHARD.
Nota : Dans chaque unité les figurés discontinus (tiretés) représentent les terrains néocrétacés et tertiaires. La grande faille de Bersezio est figurée par une alternance de points et de tirets gras, les autres failles par de simples traits et les chevauchements tangentiels par des traits barbulés (barbules du côté de la masse chevauchante).
Le schéma est assez largement hypothétique en ce qui concerne la rive droite de l'Arma à l'E de Rabbie.


Fig. 2.-Comparaison des séries stratigraphiques. (figure agrandissable)
Les différents types de séries sont schématisés ; les unités sont disposées les plus externes à gauche et les plus internes à droite.
Abréviations : fn, Faciès « flysch noir », cs, Faciès calcschistes du Crétacé supérieur et de l'Éocène (br : brèches de niveaux divers) ; cm, Crétacé moyen ; ci, Néocomien ; M, Faciès calcaire du sommet du Malm (sil. : niveaux à silex) ; Ar, Calcaires argileux « argoviens », tn, Faciès « terres noires » (Oxfordien), Ca, « Callovien » ; D, Barre calcaire du Dogger ; Sin., Sinémurien (?) ; Het., Hettangien (?) ; Rh, Rhétien ; tk, Cargneules triasiques ; ts, Schistes, brèches et dolomies « postladiniennes » ; td, Dolomies ladiniennes ; tc, Calcaires anisiens.


Fig. 3.-Schéma de situation des coupes (figure agrandissable),
comportant l'indication des subdivisions tectoniques majeures et la subdivision morphostructurale en trois secteurs.


Fig. 4.-Coupes sériées au travers des secteurs de l'Oserot et de Bandia. (figure agrandissable)
Légende commune aux fig. 4 et 5 :
FA, Fracture cisaillant les nappes au contact de l'Autochtone ; FB, Faille Bric Bernoir - Bric Servagno - Bandia Colle Salé ; FG, Faille de la Gardetta ; ø, Surfaces de charriage des diverses unités.
Al A2, A3 A4, anticlinaux ; S1 S2, S3, synclinaux de l'unité du Giordano (voir fig. 7-8 et 10).
Sa, Nappe de Sautron ; Ga, Unités sihceuses de la Gardetta et de la Punta Parvo (semelle de la nappe de Sautron ?) ; Ma, Gypses et cargneules de la Margherina (coussinet basal de l'Unité de la Gardetta) ; Ro, Nappe du Rouchouze (RoV, Unité de Viridio) ; RP, Nappe de Rocca Peroni (PRo, Unité de l'Omo ; RPt, Unité de la Cima di Test) ; Ru, Unités du Monte Ruissas et du Vallone Serour ; Gi, Unités du Giordano, du Val Chiaffrea, des Due Uomini et du Gias Rabbie ; Pi, Unités de fa Piconiera et de Servagno ; Au, Autochtone.


Fig. 5.-Coupes sériées au travers du secteur de Viridio. (figure agrandissable)
N. B.-L'interprétation de la rive sud de l'Arma, dans les coupes 12, 13 et 14 est assez largement hypothétique ; il en est de même pour l'interprétation anticlinale du Malm du Monte Salé (coupes 10 et 11).



Fig. 6.-Évolution structurale schématique des environs du Monte Oserot.
Coupe l : Charriage (ø2) de la nappe du Rouchouze (Ro) sur celle de Rocca Peroni (RP) et (ø1) sur le Subbriançonnais (SB).
Coupe 2 : Fracturation.
Coupe 3 : Nouvelle compression. 3a, Rabattement vers le SW des plans de failles ; 3b, Reprise des mouvements tangentiels vers le SW : l'unité de l'Oserot se décolle de sa semelle siliceuse, celle ci restant ancrée contre l'unité de l'Iretta.
La coupe 3b synthétise, en les schématisant et en les rectifiant, les coupes 15 et 16, planche 8, de ma thèse (8). On notera le biseautage qui affecte vers le SW l'unité de l'Oserot. tcd, Trias moyen calcaréo dolomitique ; r-ti, Semelle siliceuse permo-werfénienne (non différenciée).


Fig. 7.-Le versant SW du Monte Giordano, vu d'W en E, depuis le point coté 2446, sur l'arête S de la Bassa Terra Rossa. (figure agrandissable)
On discerne sous cet angle le style fortement isoclinal et le plongement très marqué vers le N ; ce versant montre 3 charnières anticlinales qui sont figurées sur le croquis : les deux charnières notées Al appartiennent à la même voûte anticlinale mais sont décalées par la faille de Servagno (qui emprunte le ravin de ce nom) ainsi que par des torsions de leur axe, les 3 charnières ont un axe sensiblement N-S.
On a désigné par Sla, Slb, Slc, par S2a, S2b, S2c, les lames de schistes crétacés qui matérialisent des replis par écaillage au cur des grands synclinaux Sl et S2 : du fait de ces écaillages la série stratigraphique est répétée 7 fois sur le versant visible ici.
La lecture de la disposition structurale est encore embrouillée par des failles appartenant à la famille N 45 et dont les plans sont assez fortement rabattus vers l'W.
Sur le cliché on distingue, en outre, à l'extrême gauche, les calcaires triasiques des Costiglioni (Nappe de Rocca Peroni).



Fig. 8.-Le versant SE du Monte Giordano, vu de la Cima del Gias.
Cette vue, prise dans une direction presque axiale, offre une coupe naturelle des structures on discerne encore le style isoclinal à plongement vers le N, mais l'on voit en outre s'ébaucher le redressement des plis au voisinage de la faille du col Giordano-Bodoira (F). Les notations tectoniques sont les mêmes que dans la figure 7. Les abréviations stratigraphiques sont les suivantes : fn, Flysch noir de l'échine NW du Bodoira ; E-Cs, Calcschistes à brèches nummulitiques de l'unité de Servagno, olistolites de calcschistes de l'autochtone, cm Schistes noirs du crétacé moyen ; N, Néocomien ; Js, Jurassique supérieur (Barre tithonique et « argovien ») ; Oxf, Terres noires oxfordiennes ; D, Dogger, y compris les calcschistes « calloviens ».


Fig. 9.-Les plis du versant N du Monte Giordano,
vus du col Giordano-Bodoira.
La comparaison avec les figures 7 et 8 montre le changement d'attitude des plis, ici beaucoup plus redressés ; le style reste le même néanmoins, avec des charnières très serrées et des flancs parallèles.
En arrière-plan les calcaires triasiques des Costiglioni, appartenant à la nappe de Rocca Peroni, ont un pendage tout différent et reposent en discordance tectonique complète sur les plis du Giordano.

Fig. 10.-Carte structurale de l'unité du Giordano (secteur de Bandia), d'après les levés de l'auteur. (figure agrandissable) version plus grande de cette image
La trace des plans axiaux est figurée afin de montrer les corrélations structurales entre les diverses transversales ; pour les synclinaux à remplissage de crétacé moyen on a représenté les bandes d'affleurement de ce terrain (qui ont donc la même signification).
La nomenclature des accidents est la même que sur les figures 7 et 8 ; les écailles à semelle de Dogger ont été désignées par la lettre A, suivie du numéro correspondant au pli anticlinal homologue dans les niveaux supérieurs ; toutefois l'écaille A4 ne correspond à aucun pli connu et pourrait être totalement étrangère au dispositif plissé du Giordano, appartenant à une unité briançonnaise frontale (unité du Ruissas).
Les replis synclinaux ont été notés Sla, Slb, Slc, d'une part, S2a, S2b, S2c d'autre part, comme sur les figures 7 et 8 ; la coordination de ces replis est plus sujette à caution que celle des accidents principaux.
Les terrains quaternaires sont laissés en blanc (de même que ceux de l'unité de Servagno ou de l'Autochtone).
On notera principalement que la surface de chevauchement basale de l'unité du Giordano recoupe, par rabotage basal, des éléments tectoniques d'autant plus élevés que l'on va d'W en E.


Fig. 11.-Coupes schématiques des chaînons de Viridio, destinées à interpréter la formation de la structure actuelle. (figure agrandissable)
-Coupe 1 : Étape intermédiaire montrant une structure comportant les principaux charriages et un cisaillement longitudinal (faille de la Cima di Test et du Gias Viridio superiore).
-Coupe 2 : Étape finale après intervention des serrages tardifs ; l'ensemble des structures antérieures a subi un redressement et un certain déversement vers l'E ; la semelle siliceuse de la nappe de Sautron s'est pincée synclinalement entre l'unité de la Cima di Test et celle du Monte Viridio.
La coupe 2 correspond aux coupes 8 à 14 de la figure 5, mais elle en donne une interprétation synthétique, de sorte que la position structurale de divers points repères, situés en réalité sur des transversales différentes, a pu y être indiquée. La surface topographique recoupe, en gros, ce dispositif à un niveau d'autant plus bas que la transversale considérée est plus orientale, mais les rapports des diverses unités sont légèrement différents suivant les transversales (notamment du fait de plongements axiaux différents d'une unité à l'autre).
On remarquera que l'unité du Monte Viridio est, par sa (position sous le siliceux Gardetta-Punta Parvo, l'homologue probable de la nappe du Rouchouze (qui ne serait ici qu'ébauchée). Toutefois, si ce siliceux de la Gardetta est l'homologue de celui du Ruburent et de l'Oserot, l'unité du Monte Viridio serait une écaille intermédiaire entre nappe du Rouchouze et nappe de Rocca Peroni, écaille que l'on pourrait considérer comme une complication structurale liée aux dislocations de la zone des racines de la nappe du Rouchouze.

Fig. 12.-Panorama des chaînons occidentaux de la rive gauche de la Stura
entre Monte Oserot et Monte Bodoira, pris de la Cime du Fer (2700) sur la crête frontière franco-italienne du massif de l'Argentera. (figure agrandissable)
Cette vue est à peu près exempte de déformations perspectives, car elle est prise à une distance assez importante, suivant un axe non redresse et perpendiculaire à l'allongement du chaînon : elle offre une sorte de coupe longitudinale naturelle qui permet de voir ]'ordonnance des unités et leur plongement d'ensemble vers l'W-NW (plongement axial des plis tardifs, lié au soulèvement de l'Argentera).
1, Unité de l'Oserot ; 2, Écailles supérieures de l'Iretta ; 3, Écaille principale de l'Iretta ; 4, Écail1e de la Vicariotta ; 4', Nappe de Rocca Peroni ; 5, Coussinet de fIysch noir ; 6, Unité du Giordano ; 7, Unité de Servagno ; 8, Tertiaire autochtone.



Fig. 13.-Tectonogramme schématique des unités subbriançonnaises,
dans leurs rapports avec l'autochtone. (figure agrandissable)
Les deux « plans » de cisaillement majeurs (Pl et P2) qui limitent vers le SW et le NNE l'extension des unités subbriançonnaises sont représentés (en grisé) dans leur attitude actuelle, c'est-à-dire tordus, à peu près de la même façon que l'Autochtone lui-même.
Le schéma ne tient pas compte des structures de détail et ne donne qu'une représentation de ce qui paraît essentiel dans ce dispositif, c'est-à-dire le sectionnement successif, d'E en W, d'unités de plus en plus élevées, le long du plan Pl, du fait de leur plongement axial vers l'W, plus accentué que celui de l'Autochtone.
La perspective correspond à une vue du SE vers le NW.


Fig. 14.-Tectonogramme schématique des unités briançonnaises. (figure agrandissable)
Ce schéma est destiné à mettre en valeur le rôle des plans de cisaillement longitudinaux (postérieurement tordus) dans l'édification de la structure actuelle, selon l'interprétation ici proposée.
Du SW au NE les nappes superposées sont abaissées par les fractures (représentées en grisé) ; les plis de ces nappes étaient sans doute partiellement formés avant le cisaillement, mais ils ont été accentués et renversés au NNE au cours de la phase qui a tordu les plans de cassure.
La perspective correspond à une vue du SE vers le NW.
Le schéma représente les régions situées immédiatement au NNE de celles schématisées par la figure 13. Les unités calcaires ont reçu chacune un figuré différent, mais les unités siliceuses ont le même figuré ; les espaces « vides » entre unités superposées correspondent aux coussinets gypseux ; enfin les unités subbriançonnaises n'ont pas été représentées, non plus que l'Autochtone, afin de clarifier le schéma (la partie manquante correspond à celle représentée figure 13).
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