Petit Saint-Bernard, Lancebranlette

les confins du front de la zone briançonnaise, aux abords de la frontière franco-italienne

Le col du Petit Saint-Bernard, ainsi que les vallons qui permettent d'y accéder, sont alignés sur la tracé de la grande dislocation tectonique qui limite du côté ouest la partie du domaine briançonnais rattachable à la Vanoise. Du côté ouest la ligne de crête secondaire qui s'abaisse depuis la crête frontalière des Rousses en direction de Bourg-Saint-Maurice, entre Versoyen et torrent du Reclus, correspond à son tour à peu près la limite orientale de la nappe des brèches de Tarentaise. Entre les les deux s'intercale l'Unité du Petit Saint-Bernard, rattachée au subbriançonnais.

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Le versant français du col du Petit Saint-Bernard vu du sud-ouest, depuis le sommet du Mont Jovet (NB : la crête qui culmine à Lancebranlette est ici masquée derrière celle du Roc de Belleface).
u.V = sous-unité du Versoyen ; u.SB = unité du Petit Saint-Bernard ; ØSB (en bleu) = sa surface de charriage supposée ; s.B = synclinal couché de Belleface, à cœur de Jurassique moyen ; Z.hB = zone houillère briançonnaise ; f. Ar = faille (décrochement) de l'Arbonne ; f.mT = faille de la moyenne Tarentaise : accident tectonique frontal de la zone briançonnaise (classiquement considéré comme sa surface de charriage), jalonné de gypses et de cargneules.
La ligne de crête secondaire qui s'abaisse depuis la crête des Rousses en direction de Bourg-Saint-Maurice, en passant par la Montagne du Plan, suit approximativement la ligne de contact tectonique entre les deux ensembles u.V et u.SB : il est clair que son tracé a été guidé par le contraste de résistance à l'érosion que présentent les Roches Vertes" du Versoyen par rapport aux calcaires argileux de l'unité du Petit Saint-Bernard (encore que ce soient les seconds qui sont portés en saillie entre Pointe du Clapey et Sommet des Rousses.

Sur le cliché ci-dessus on voit de façon très probante que la surface ØSB a un pendage presque vertical et qu'elle tranche presque orthogonalement la succession du Versoyen (qui est par ailleurs disposée à l'envers). De même la surface f.mT a un tracé très rectiligne qui implique un pendage également proche de la verticale (voir le cliché suivant) et elle tranche en biais le synclinal de Belleface. Ces caractères indiquent que ces deux cassures ne sont probablement pas des surfaces de chevauchement, mais plutôt des failles sub-verticales (coulissantes ?) qui ont joué postérieurement à la mise en place des unités charriées, en les recoupant (la première semble correspondre sur le versant italien à la faille de la Punta Rossa : voir plus loin dans cette page).
Elles convergent vers le sud et se réunissent au sud de Bourg-Saint-Maurice pour se connecter à la faille de la moyenne Tarentaise, de sorte qu'elles doivent représenter plutôt les deux branches de cassure par laquelle cette dernière se poursuit vers le NE, en enserrant les affleurements de l'unité du Petit Saint-Bernard, ces derniers représentant ainsi une énorme navette* détachée le long de cette grande fracture.

Par ailleurs, dans une publication récente (H.Masson et al. [2006]), il est affirmé que le contact ØSB n'est pas tectonique et que les sédiments liasiques de l'unité du Petit Saint-Bernard reposent stratigraphiquement, de façon discordante, sur le matériel ophiolitique du Versoyen : on trouvera en page "Beaufortain oriental" le commentaire plus détaillé de ces assertions (dont la pertinence ne frappe déjà pas, au simple vu du cliché ci-dessus).

Le versant sud (côté français) du col du Petit Saint-Bernard, vu de la route N.90 (peu au nord du tournant coté 1929).
ØBr = front du houiller briançonnais (= prolongement septentrional de la faille de la moyenne Tarentaise).

L'unité du Petit Saint-Bernard, se caractérise essentiellement par ses calcaires et calcschistes d'âge liasique à Jurassique moyen. On tend à la rattacher à la zone subbriançonnaise car ses couches évoquent celles de l'unité de la Grande Moendaz. Ses couches sont affectées par un pli couché dont le plan axial moins incliné que le front de la zone briançonnaise de sorte qu'il est tranché par ce dernier vers l'altitude de 1550 (lieudit Plan des Fontaines), tandis que le flanc inverse du pli affleure plus en amont jusqu'au col, où ses couches sont tranchées en sifflet (voir P.Antoine [1971] , fig.67, p.249) : cela confirme qu'il n'y a pas là une simple imbrication de la zone briançonnaise sur l'unité du Petit Saint-Bernard et que ce contact tectonique peut être considéré comme un prolongement septentrional de la faille de la moyenne Tarentaise.

Le col du Petit Saint-Bernard est ouvert exactement à la limite entre les calcschistes argileux du Jurassique, à l'ouest, et les grès et pélites houillères à l'est, à un endroit où ce contact tectonique majeur est jalonné par une bande de cargneules qui se poursuit du côté italien, de façon à peine discontinue et presque rectiligne sur la carte, jusqu'au delà du village de La Thuile. Mais à partir de la latitude de la Tête du Chargeur il met alors en contact direct le houiller briançonnais avec le flysch de Tarentaise (unité du Roignais), les terrains de l'unité du Petit Saint-Bernard n'existant plus entre les deux car les deux accidents qui la délimitent se rejoignent là en un seul : on est là dans une situation symétrique à celle que l'on trouve du côté français au sud-ouest de Bourg-Saint-Maurice (voir la page "Bourg-Saint-Maurice"), ce qui illustre bien le fait que cette unité est un lambeau tectonique pincé en coin s'effilant vers le bas entre ces deux cassures.

Une autre bande de cargneules s'élève à flanc de pente du côté est, au sein des grès et pélites houillères. Elle passe au Lac Longet et se poursuit par les affleurements des Rochers de Touriasse qui sont constitués de calcaires triasiques reposant sur des quartzites werféniens. Cela constitue une succession est typiquement briançonnaise et cela signifie que ces couches sont intercalées le long d'une dislocation qui affecte la zone houillère briançonnaise selon un tracé presque parallèle à son front, c'est-à-dire sans doute le long d'une faille satellite de la cassure principale, qui se perd d'ailleurs en direction du NE.

Cette situation peut évoquer une imbrication satellite d'un chevauchement, mais elle peut tout aussi bien correspondre à une branche de faille subverticale à rejet coulissant.

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Le versant italien du col du Petit Saint-Bernard, vu de l'ouest depuis les pentes orientales du sommet des Rousses.
ØBr = front du houiller briançonnais (= prolongement septentrional de la faille de la moyenne Tarentaise)

Au nord-ouest du col les pentes herbeuses qui s'élèvent, sur le versant italien, depuis le lac Verney en direction de la Punta Rossa et du Colllet des Rousses sont formées par les alternances argilo-calcaires du Lias moyen de l'unité du Petit Saint-Bernard. Mais les affleurements de ces couches ne dépassent guère l'altitude de 2300 m et font place plus haut aux roches de l'unité du Versoyen, qu'elles recouvrent par l'intermédiaire d'une lame de cargneules.

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Le revers oriental de la crête des Rousses, vu du sud-est depuis le point coté 2138 sur la route du versant italien du col du Petit Saint-Bernard.
ØsB = surface de chevauchement de l'unité du Petit Saint-Bernard ; f.pR = faille de la Punta Rossa ; "mj" = mélange à matrice schisteuse de l'unité du Versoyen.
"jm" = jurassique moyen subbriançonnais ; "li-m" = calcaires argileux du Lias subbriançonnais.
La perspective de cette vue est assez défavorable, en ceci que les différents ensembles se profilent les uns derrière les autres en se cachant mutuellement.

Contrairement à ce qui se passe de l'autre côté de la crête des Rousses on observe ici un contact véritablement chevauchant de l'unité du Petit Saint-Bernard sur l'unité du Versoyen. La faille, beaucoup plus verticale, qui limite ces deux unités sur le versant français se poursuit ici dans le vallon qui limite du côté nord-ouest le sommet arrondi de la Punta Rossa (on peut donc l'appeler "faille de la Punta Rossa").

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Le revers oriental de la crête des Rousses, vu du sud-est depuis le point coté 2138 sur la route du versant italien du col du Petit Saint-Bernard.
ØsB = surface de chevauchement de l'unité du Petit Saint-Bernard ; f.pR = faille de la Punta Rossa ; "mj" = mélange à matrice schisteuse de l'unité du Versoyen (voir cliché suivant).
"jm" = jurassique moyen subbriançonnais ; "li-m" = calcaires argileux du Lias subbriançonnais.

Le sommet de la Punta Rossa et son sommet jumeau (2616) sont formés par des affleurements, qualifiés de granite sur la carte géologique. En fait ils se sont avérés être une leptynite granitoïde, datée du Permien. Ces affleurements, dont la présence pose problème aux spécialistes de ce secteur, appartiennent sans doute à l'unité du Versoyen.

En effet car ils supportent, apparemment sans contact tectonique, les "roches vertes" de cette unité dans les pentes du point 2616. D'autre part ce "granite" coiffe en chevauchement une épaisse lame de schistes à gros blocs de matériel divers ("mélange" tectono-sédimentaire ?) qui détermine le collet séparant les sommets 2616 et 2657 et se poursuit plus à l'ouest sous l'Aiguille de l'Hermitte.
L'interprétation de ce dernier secteur, très complexe, divise encore les spécialistes et leur pose plus de questions qu'il ne leur suggère de réponses ...

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Les abords de la Punta Rossa vus depuis le sommet de Lancebranlette (cliché original obligeamment communiqué par M. Gilles De Broucker)
f.pR = faille de la Punta Rossa ; mj = mélange à gros blocs et matrice schisteuse d'âge mal déterminé (crétacé ?) : il est recouvert par le "granite" de la Punta Rossa par l'intermédiaire d'une surface de chevauchement (tirets cernés de bleu).

Les unités valaisanes du Versoyen et de son revers italien viennent de faire l'objet (en mai 2020) d'une nouvelle étude par G. De BROUCKER, Y. SIMÉON et P.ANTOINE (qui est hébergée dans les documents complémentaires du site geol-alp).

Ces auteurs interprétent l'organisation des "roches vertes" du revers italien des crêtes du Versoyen et des sédiments qui les accompagnent comme les reliques de la fermeture d'un "océan valaisan".
Le dispositif structural qu'ils y décrivent aurait été cacheté au Crétacé supérieur par les dépôts du Flysch de Tarentaise. Ces restes d'un fond océanique, expansif puis compressif, reposent maintenant sur ce flysch car ils appartiennent (comme expliqué dans le présent site) au flanc inverse du grand synclinal du Versoyen, créé ultérieurement. Ce dispositif a été tranché par un accident plus tardif, qui le juxtapose maintenant du côté oriental avec l'unité du Petit Saint-Bernard.

voir l'aperçu général sur le Beaufortain oriental.
carte géologique au 1/50.000° à consulter : feuilles Mont-Blanc et Bourg-Saint-Maurice.

Carte géologique simplifiée du Beaufortain oriental, à l'est des Chapieux
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074

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