La montagne de Dormillouse, Saint-Jean-Montclar

l'extrémité tout-à-fait septentrionale des crêtes de rive gauche de la basse Ubaye


Le sommet de Dormillouse représente le promontoire le plus septentrional du chaînon de la Blanche, qui sépare la vallée de l'Ubaye de celle de Seyne les Alpes. Cette montagne ne se rattache pas au domaine des nappes de charriage qui englobe les crêtes du versant opposé de la vallée de l'Ubaye mais à celui, autochtone, des chaînes subalpines méridionales, plus précisément à celui du Gapençais méridional.
Elle est séparée du corps principal de ce dernier domaine par le sillon subalpin, qui suit là le pourtour sud- oriental du Dôme de Remollon : il court au pied des escarpements occidentaux du chaînon de la Blanche, depuis Seyne-les-Alpes en passant par le col Saint-Jean, jusqu'à la vallée tout-à-fait inférieure de l'Ubaye qu'il rejoint au niveau de l'ancien village d'Ubaye, peu au sud-est du Sauze.

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L'extrémité septentrionale de la montagne de Dormillouse, vue de l'ouest, d'avion
Les tirets verts espacés indiquent la position approximative de la surface de transgression du Crétacé supérieur (Turonien, puis Sénonien) sur la base du Crétacé inférieur où sur le Jurassique supérieur, dont des affleurements pointent de façon isolée sous la chape d'éboulis würmiens.
Sur ce cliché on voit le bord septentrional du lambeau de glacis alluvial ancien de La Chau ainsi qu'un autre, plus septentrional, qui a été beaucoup moins isolé par les ravinements récents.

Du côté ouest de la crête la barre tithonique qui affleure à Saint-Vincent les Forts se poursuit au pied des escarpements de Dormillouse mais elle est en grande partie masquée sous une importante jupe d'éboulis plus ou moins récents (sans doute würmiens) stabilisés par le couvert végétal. En outre ce versant se singularise par la présence du Plateau de la Chau, sur lequel repose une bonne partie des installations de mi-pente de la petite station de ski de Saint-Jean-Montclar. Il émerge en quelque sorte de ces éboulis et s'en distingue par sa pente, inclinée vers la vallée de la Blanche mais beaucoup plus douce et ceinturée d'un escarpement garni d'éboulis frais.

Or le substrat de ce plateau est formé lui aussi de matériaux ébouleux mais ceux-ci sont souvent consolidés. C'est un témoin résiduel, épargné par les ravinements du quaternaire récent, d'un épandage ébouleux ancien. La modestie de sa pente implique que ce matériel s'est déposé lors d'un épisode de l'histoire du relief de ce secteur où les vallées étaient beaucoup moins creusées qu'actuellement et où un alluvionnement en nappe, de type "glacis", l'emportait sur le creusement (climat sec à précipitations rares et brutales) : on lui attribue un âge anté-rissien.


Le plateau de la Chau
, vu de l'est, depuis le Sommet de Col Bas
en premier plan les calcaires gris à patine blanche du Sénonien, qui affleurent ici sur la crête (alors qu'ils sont recouverts par les couches nummulitiques tout du long de la crête, plus au nord comme plus au sud, et ne sont observables alors qu'en contrebas ouest)

Du côté nord les abrupts du sommet de Dormillouse, qui dominent le village de Saint-Vincent les Forts montrent très distinctement le litage, presque parallèle à ligne de crête, des couches qui constituent le couronnement de la montagne : il s'agit des couches inférieures des dépôts d'âge nummulitique (calcaires de base et premiers bancs de grès "d'Annot"), qui reposent ici sur les calcaires blancs du Sénonien, lesquels forment l'essentiel des abrupts, sur plus de 200 m de dénivelée.

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La rive gauche de l'Ubaye à la hauteur de Saint-Vincent les Forts
, vue du nord-est, depuis les pentes du col de Pontis.
ØM = chevauchement de La Mandeysse (voir la page "Le Lauzet") ; ØsV = chevauchement de Saint-Vincent les Forts.
Les tirets roses soulignent le tracé des deux routes principales qui donnent accès à la vallée de l'Ubaye sur cette rive.

Il est à noter que ces couches sénoniennes reposent par place directement sur les calcaires tithoniques et d'autre part qu'elles n'ont qu'une épaisseur plus modeste que celle qu'elles atteignent plus au sud. Il en résulte, au total, une forte réduction de l'épaisseur des couches sous-jacentes à celles du Nummulitique. Cette réduction s'aggrave encore vers le NE, au point qu'en rive droite de l'Ubaye les couches tertiaires et crétacées finissent par manquer presque totalement et que les nappes d'origine interne, qui forment le chaînon du Morgon, reposent sur un autochtone presque uniquement constitué de Terres Noires.

Cette dernière disposition résulte sans doute de l'addition de deux phénomènes :
- une discordance sédimentaire due à l'importante érosion qui, au nord-est du cours de la Basse Ubaye, a affecté tout le secteur de l'Embrunais - Basse Ubaye et du massif du Pelvoux, antérieurement à la reprise de sédimentation qui est intervenue à l'Éocène supérieur (voir la page spéciale).
- le rabotage de la partie supérieure de la succession autochtone par l'avancée des nappes de l'Embrunais et son débitage par des chevauchements mineurs ("écailles par-autochtones") qui en ont remonté les couches relativement basses de la succession autochtone (c'est-à-dire essentiellement les Terres Noires).

Le revers sud-est du crêt* de la montagne de Dormillouse permet d'observer très clairement le détail de la succession des couches nummulitiques, notamment dans le versant oriental du Sommet du Col Bas.

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Le revers oriental du crêt de la montagne de Dormillouse (vallon de Col Bas), vue du SE d'avion.
On voit bien la dissymétrie de la montagne, qui est presque celle d'un crêt jurassien* avec un versant gauche (ouest) tranchant la succession des couches et un versant droit (est) où la pente topographique est à peine plus faible que celle des couches.
s0 = disposition du pendage des couches : observer qu'elle se met bien dans le prolongement du flanc oriental du Dôme de Remollon, visible en arrière-plan, au niveau du Lias supérieur.

Ces couches y ont été dégagées sur d'assez grandes surfaces, parfois même en dalles structurales, sur ce revers du crêt montagneux.

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La crête sud et le versant sud-est du sommet de Dormillouse, vus du sud, depuis le Sommet du Col Bas (point coté 2303)
Les calcaires à petites Nummulites passent transitionnellement à des marno-calcaires à globigérines. Plus haut les grès d'Annot se répartissent en plusieurs faisceaux de bancs séparés par des passées pluri-décamétriques de pélites noires : c'est dans le premier de ces niveaux argileux (1) qu'a été évidée la cuvette du Lac Noir, alors que le second niveau (2) abrite le lac du Milieu.

On y reconnaît en outre les traces d'une érosion glaciaire, due sans doute à la présence, au quaternaire récent, d'une calotte glaciaire couronnant la montagne. En effet elle a profité des différences de résistance des niveaux successifs pour y évider des dépressions de surcreusement où sont maintenant logés plusieurs petits lacs (ceux-ci gardent leur eaux à la faveur du fait que les fonds de ces cuvettes sont constitués par des niveaux de schistes argileux).

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Le Lac Noir de Dormillouse, vu du nord
cN = calcaires à Nummulites ; mcN = marno-calcaires à globigérines

Vers le sud ces pentes mamelonnées et semées de petits lacs de surcreusement glaciaire s'étendent jusqu'au Pic de Savernes et au vallon d'Ambouin. Elles se terminent brutalement à la latitude du Pic de Bernardez où elles sont limitées par la forte crête SW-NE des Grisonnières : il est clair que cette dernière marque la limite d'extension de l'ancienne calotte glaciaire qui a raboté plus au nord les couches gréseuses nummulitiques.

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Les crêtes de la montagne de Bernardez, vues du nord depuis le Sommet de Col Bas.
Grace à l'orientation N--S du regard cette vue donne une coupe transversale aux structures et à la succession stratigraphique "autochtone" du chaînon de La Blanche.
ØE = surface de charriage des nappes de l'Embrunais ; unités sB = unités charriées d'origine subbriançonnaise.

À l'extrémité orientale de cette crête ces couches autochtones sont chevauchées par une dalle de calcaires du Jurassique moyen qui dessine un chevron saillant vers l'ouest et qui culmine au sommet du Peyron (voir la page "Laverq"). Elle appartient aux nappes de l'Embrunais-Ubaye et plus précisément à l'unité la plus basse de cet ensemble sur cette transversale, celle des Trois Évéchés (laquelle se rattache à la zone subbriançonnaise).

 

 


consulter l'aperçu structural général sur les montagnes de la Basse Ubaye

cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuille Seyne.

Carte géologique simplifiée des montagnes de rive gauche de la Basse Ubaye en aval de Barcelonnette
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M. Gidon (1977), publication n° 074

(Clot-la-Cime)

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