Massif des Écrins : aperçu géologique d'ensemble

A/ Roches du socle cristallin
B/ conditions de dépôt de la couverture sédimentaire
Aperçus relatifs aux particularités des différents secteurs du massif
(les informations sur les termes et notions géologiques de base sont accessibles via le glossaire de la barre de boutons)

Le massif des Écrins - Pelvoux, sensu lato, est le plus grand des massifs cristallins externes des Alpes françaises.
Ce vaste ensemble se singularise, par rapport aux autres massifs cristallins, par sa forme quasi circulaire sur les cartes : ce trait remarquable est dû à son histoire tectonique alpine, qui en a fait le lieu de rencontre d'ondes de soulèvement de directions fort différentes, quasiment orthogonales (voir plus loin)
Ce massif, essentiellement constitué par un bombement du socle cristallin, inclut en outre de nombreuses et larges enclaves de terrains sédimentaires, qui y déterminent des zones en général déprimées. Mais sa partie la plus élevée (d'ailleurs excentrée du côté nord-est), qui correspond au massif des Écrins - Pelvoux proprement dit (où prennent source les vallées du Vénéon, de la Romanche et de la Vallouise), est constitué par un noyau cristallin à peu près démuni de telles enclaves. On remarque en outre, à cet égard, que les principales vallées qui s'échappent de ce coeur du massif ont un tracé essentiellement rayonnant vers l'extérieur, qui n'est pas guidé par les bandes sédimentaires et qui est le plus souvent indifférent aux dispositions structurales.


A / Le socle cristallin comporte une large gamme de roches métamorphiques (voir la page "roches cristallines"), réparties en bandes grossièrement N-S créées par la structuration hercynienne (voir la carte), comme dans les autres massifs cristallins externes, mais ici leur orientation tourne, du nord au sud, pour devenir NW-SE.
Ces bandes sont recoupées en plusieurs secteurs par de larges zônes plus circulaires formées de granites, eux aussi hercyniens, qualifiés d'"intrusifs". C'est qu'elles ont été percées par la montée, depuis la profondeur de la croûte continentale, de "plutons" de granite, alors pâteux, lors de l'orogénèse hercynienne. Plusieurs de ces granites sont remarquables par l'altération alpine de leurs minéraux, qui leur confère une teinte rose et verte ("chloritisation").

Carte géologique très simplifiée du massif Pelvoux-Écrins

Les terrains sédimentaires des enveloppes du massif n'ont pratiquement pas été subdivisés et la carte montre surtout la répartition des principaux types de roches cristallines.

Explications relatives à la légende dans le texte de la page.


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carte plus détaillée de la partie occidentale du massif

collection des cartes locales

On constate, entre le nord et le sud du massif, une inflexion générale des bandes de roches qui y alternent, aussi bien que des failles qui les recoupent : on voit sur la carte qu'elles passent d'une direction N-NE - S-SW à une direction NW-SE. Cette torsion montre que ce massif a bien joué un rôle de charnière lors du ploiement qui a créé l'arc des Alpes occidentales.



B / Une bonne partie des dépressions structurales qui hébergent les terrains sédimentaires a pour origine la fragmentation du socle cristallin, en blocs basculés*, délimités par des failles extensives, lors de l'ouverture de l'océan alpin au Jurassique. Ces "blocs basculés" sont des panneaux rocheux, larges de plusieurs kilomètres, soulevés par rapport à leur voisin plus oriental et dont la surface (anciennne pénéplaine anté-triasique) s'est inclinée vers l'ouest.
Ils ménagent donc entre eux une zône déprimée dissymétrique, dite "hémigraben"*, où les terrains sédimentaires se sont accumulés en plus grande quantité et ont été mieux conservés que sur les crêtes des blocs. Cette disposition est particulièrement bien illustrée dans la vallée de la Malsanne.


Coupe très schématique de la vallée de La Malsanne


Schéma très simplifié du système de blocs basculés* des massifs cristallins externes des Alpes au sud-est de Grenoble (transversale de la vallée de la Romanche) .
Il s'agit d'une reconstitution à l'état antérieur aux compressions alpines (à la fin du Jurassique) : les blocs et les hémi-grabens qui les séparent sont représentés "dépliés", c'est-à-dire en annulant le raccourcissement E-W dû au plissement alpin (comparer avec le schéma précédent).
ci = Crétacé inférieur ; js = Jurassique supérieur ; ls = Lias supérieur ; t = Trias
Par simplification on n'a pas représenté ici les failles de la famille conjuguée par rapport à celles de failles-limites des blocs majeurs, telle celle qui parcourt axialement le bloc des Grandes Rousses à l'est de l'Alpe-d'Huez et celles du plateau d'Emparis. Leur présence confère souvent la forme d'un horst* à la partie la plus haute des blocs basculés.
Noter qu'il est erroné de distinguer un "bloc de la Meije", car l'ensemble dont fait partie ce sommet ne se sépare de celui du Mont-de-Lans que par un chevauchement (d'ailleurs plus tardif et d'orientation différente) qui n'a rien à voir avec le découpage ci-dessus (voir la carte ci-après).


Le jeu des failles limitant les blocs s'est souvent accompagné de diverses manifestations affectant les sédiments en cours de dépôt. La plus facile à observer, dans l'état actuel des choses, est l'intercalation, dans les sédiments, de produits d'éboulement à partir de la lèvre soulevée de la faille : ils se présentent maintenant à l'état de brèches ou même d'olistolites, de taille variable, que l'on a appris a reconnaître et inventorié aux alentours des années 1970-80.

Plus tard, dans les phases compressives qui ont amené la surrection des Alpes, ces hémigrabens ont été pris en tenaille entre les blocs et plus ou moins refermés, se transformant alors, dans beaucoup de cas (et particulièrement dans leurs parties les plus basses) en lames subverticales de terrains sédimentaires, véritables "pincées" coinçées entre de larges coupoles de socle cristallin.


C / La surrection du massif s'est faite en deux étapes principales :

1 - Au Crétacé supérieur le socle cristallin a été affecté par les serrages qui se sont traduits, plus à l'ouest dans la couverture, par le plissement à axes presque E-W du Dévoluy. Ce serrage s'est exprimé ici par un la formation d'un bombement allongé d'ouest en est, accompagné de chevauchements vers le sud dans la partie méridionale du massif (chevauchement de Chaillol-Cédéra).
Il en est résulté que le massif a été émergé et érodé avant la transgression nummulitique, ce qui a conduit les couches tertiaires à reposer en discordance sur des structures déjà complexes (résultant de l'interférence des failles N-S d'extension, jurassiques, avec les failles E-W de compression, néocrétacées). Ce repos discordant du Nummulitique se fait même le plus souvent directement sur le cristallin dans toute la bordure est et sud-est du massif (depuis le Lautaret jusqu'au Champsaur), ce qui veut d'ailleurs dire que la surface du socle s'élevait encore quelque peu, vers le SE, au delà des limites actuelles du massif cristallin proprement dit.


Esquisse cartographique des déformations anté-nummulitiques et post-nummulitiques du massif du Pelvoux
(extrait, retouché, de la publication084)

On observe également d'assez nombreux exemples de chevauchement vers le nord, surtout dans la partie septentrionale du massif (chevauchement de la Meije, principalement). Ils avaient été interprétés également comme liés à la tectonique anté-nummulitique mais cette interprétation est discutable car, sauf dans le cas de l'extrémité nord du Combeynot, on n'observe pas leur cachetage par les couches nummulitiques.
En ce qui concerne ceux de la partie occidentale du massif (et ceux du chaînon du Taillefer) une interprétation qui n'est pas vraiment contradictoire consiste à y voir des cassures a jeu pivotant qui auraient absorbé le raccourcissement à l'intrados impliqué par la torsion anti-horaire des crêtes de blocs de socle, lors de l'inflexion de l'arc alpin (voir les pages "Arc alpin" et "Taillefer").


Carte de situation des principaux chevauchements vers le nord dans le massif du Pelvoux - Écrins.
Un certain nombre d'auteurs récents ont commis l'erreur de confondre la fracturation transverse des anciens blocs basculés jurassiques, allongés N-S, avec le rejeu, en failles inverses, des failles limites des blocs jurassiques lors des raccourcissements E-W post-nummulitiques (cette erreur est notamment commise par M.LEMOINE dans la figure 14.1, p.153, de son ouvrage récent). Or ces cassures transverses sont des failles inverses d'azimut W-E, à vergence N-NW, sans doute anté-nummulitiques (comme le sont avec certitude celles de l'extrémité orientale du massif.
En fait on n'observe ici aucun exemple réel de l'intervention du processus classique d'"inversion" (qui consiste en un rejeu d'une ancienne faille extensive en faille inverse). Les déformations alpines post-nummulitiques consistent exclusivement en basculements des interfaces socle-sédimentaire et en écrasement de la couverture, avec expulsion éventuelle de celle-ci (cas de l'ultradauphinois au NE de La Grave).

pour plus de détails sur les chevauchements vers le nord, voir les pages Taillefer, Armet, Rochail, Muzelle, Lanchâtra, Lauranoure, Saint-Christophe-en-Oisans, Meije-Rateau,Villar-d'Arêne, Combeynot. ainsi qu'une hypothèse interprétative

2 - Au Tertiaire le raccourcissement est-ouest a été obtenu au prix de deux sortes de déformations. D'une part un écrasement des hémigrabens formés au Jurassique, par pincement entre les mors représentés par les crêtes de blocs basculés qui les encadrent ; d'autre part la formation de décrochements, principalement dextres NE-SW à la marge sud du massif (Vallouise - Champoléon) et sénestres NW-SE à sa marge nord (environs du Lautaret).
La disposition de ces décrochements conduit à penser que les nappes "internes" (formées de matériels d'origine interne à l'arc alpin) ont peu avancé sur le massif, qui était déjà fortement saillant, mais l'ont plutôt contourné par le nord et par le sud en s'écrasant plutôt à son droit, conformément à ce qu'exprime leur disposition cartographique actuelle. Toutefois la progression de ces nappes a entraîné vers l'ouest la couverture autochtone, et sa déformation par un cisaillement qui s'est effectué tangentielllement à la surface du sommet des blocs du socle (souvent sans induire de discontinuité tectonique au sein de cette couverture).

Contrairement à ce l'on peut généralement lire maintenant, rien n'indique, dans les faits observables en ce qui concerne le massif du Pelvoux, que les anciennes failles extensives limitant du côté est les blocs basculées aient rejoué en failles inverses (c'est la théorie qualifiée d'"inversion"). Il en est, de ces chevauchements par inversion, comme du prétendu chevauchement de Belledonne : on en parle toujours mais on ne les voit jamais et seul un a priori théorique est à l'origine de ce que la majorité des auteurs actuels veulent y croire !.



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Schéma interprétatif général de la déformation des hémigrabens des massifs cristallins externes
spécialement inspiré par les exemples des "synclinaux" de Bourg-d'Oisans, de la Muzelle, de la Vaurze et de Morges (l'orientation est celle de ces deux derniers ; pour le premier elle serait NW-SE).
Dans certains cas extrèmes (comme celui du Sirac) tout l'hémigraben bascule vers la gauche, sous l'effet du cisaillement de l'étape n°3 : l'interface cristallin-sédimentaire de la voûte du bloc initialement abaissé (celui de droite) se renverse, de sorte que le bord de ce bloc avance en chevauchement sur le contenu de l'ancien hémigraben.

N.B. 1 : Si ce schéma paraît s'adapter à la plupart des exemples connus, il n'est pas certain que la chronologie soit la même dans tous les cas (c'est pourquoi aucun âge n'est indiqué). Les épisodes 2 et 3 correspondent à deux processus complémentaires, liés respectivement au raccourcissement (notamment du socle) et au déplacement relatif de la couverture (entrainée par les nappes internes) par rapport au socle. Ils peuvent s'être succédé en ordre inverse, ou même avoir été plus ou moins contemporains.
N.B. 2 : On remarquera surtout combien ce schéma est opposé à celui de l'inversion des failles extensives en failles inverses : les failles extensives ne sont pas réutilisées en cisaillement trangentiels mais redressées et soumises à la compression qui affecte aussi le contenu de leur hémigraben.

 



En définitive, selon la profondeur atteinte par les coupes naturelles, la tectonique de la couverture sédimentaire du massif du Pelvoux montre de façon prédominante les effets de l'un ou l'autre des deux types de déformation qui l'affectent :
- cisaillement subhorizontal, tangentiel à la surface enveloppe du sommet des blocs de socle (avec plis déversés à couchés), dans les parties situées au dessus de cette dernière ;
- écrasement (avec plis plutôt droits) dans les anciens hémigrabens, en dessous de la surface enveloppe du sommet des blocs de socle.


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Coupe synthétique très schématique au travers des massifs cristallins externes, sur la transversale empruntée par la vallée de la Romanche.
En bas les deux étapes majeures de la structuration : 1 = extension jurassique ; 2 = écrasement + cisaillement de la partie supérieure de la couverture, après le Nummulitique.


Pour plus de détails consulter les publications n° 116, 108, 105, 104, 101, 096, 088, 087.
Aperçus relatifs aux particularités des différents secteurs du massif des Écrins-Pelvoux :

appendice septentrional :
Grandes Rousses

 bordure nord-occidentale :
Malsanne - Rochail
 partie septentrionale :
Bourg-d'Oisans
/ / / Hte Romanche
bordure orientale :
Combeynot - Vallouise,
Fournel - Dourmillouse

  bordure occidentale :
Valjouffrey

 coeur du massif :
Vénéon

 partie sud-occidentale :
Valgaudemar

 partie méridionale :
Champoléon

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