Champoléon - Chaillol : aperçu général

l'extrémité tout-à-fait méridionale du massif du Pelvoux

Le Drac prend sa source dans la partie méridionale du massif cristallin du Pelvoux et son cours s'en échappe, à Pont-du-Fossé, pour s'engager dans le sillon subalpin du Champsaur. En amont de Pont-du-Fossé la vallée du haut Drac se partage en deux branches :
- la vallée du Drac Blanc, ou Champoléon, qui entaille le massif cristallin du Pelvoux ; il s'y rattache, du point de vue géologique, tout le massif du Vieux Chaillol, jusqu'à ses pentes qui dominent le Champsaur ;
- la vallée du Drac Noir (Orcières), qui se situe à la frontière avec le domaine des nappes de charriage de l'Embrunais occidental (que cette rivière draine d'ailleurs largement) et s'y rattache en grande partie
(voir la section Embrunais du site).

1/ Le socle cristallin y présente deux particularités notables :

- D'abord l'important développement des gneiss oeillés dits "de Crupillouse". Il s'agit sans doute d'un granite ancien repris par une tectonique hercynienne ultérieure ; ils affleurent de façon quasi exclusive sur les deux rives du Drac en amont des Gondouins.

- Ensuite la grande prédominance, dans toute la partie sud-occidentale (versant sud-ouest des crêtes de Colle Blanche) de termes appartenant à l'ensemble qui est qualifié de "cortex" dans le massif du Pelvoux, c'est-à-dire aux plus récentes (et aux moins recristallisées) des formations métamorphiques de ce massif.

Dans ce secteur périphérique occidental du massif du Pelvoux, plus encore que dans le Valbonnais méridional et dans le Taillefer, la succession de ces couches se fait remarquer par le remplacement des micaschistes chloriteux par des faciès noirs dont la teinte est due à la présence de graphite.
On y remarque aussi l'importance volumétrique des niveaux à lits de conglomérats du sommet de la succession (ils forment notamment le sommet du Vieux Chaillol).
Enfin on y observe, aux abords de Molines, la présence, entre les micaschistes noirs et leur substratum d'amphibolites, d'un banc de cipolin relativement épais et continu dont le marbre blanc à été utilisé dans le clocher de l'église de Molines (cliché ci-contre, obligeamment communiqué par Mr.Rodolpe PAPET).

Une autre particularité notable du Champoléon est de présenter les amas de spilites triasiques sans doute les plus importants du massif du Pelvoux, savoir ceux du Puy des Pourroys (voir la page "Gondouins") et ceux de La Rouite (voir la page "Rouite"), auxquels s'ajoutent ceux de Crupillouse (voir la page "Crupillouse") qui semblent correspondre à un centre d'émission de ces laves. Il n'est peut-être pas sans signification de constater qu'ils se situent plus précisément dans le domaine où affleure le socle le plus ancien.

2/ Le Champoléon occidental, dont les crêtes dominent le Champsaur, doit beaucoup de ses traits à la transgression des couches du Nummulitique. Ces dernières recouvrent par une discordance d'échelle cartographique* celles de leur substratum plus ancien, inégalement érodées : en effet cette pile de strates s'appuie sur le socle cristallin du côté nord-ouest et sur le Jurassique (principalement les Terres Noires) du côté sud-est. Elle débute par des calcaires littoraux à Nummulites qui reposent localement sur des conglomérats fluviatiles continentaux ou des marnes à fossiles d'eaux saumâtres (voir la page "Roches sédimentaires" et, pour plus d'informations, la publication128).

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Le Haut Champsaur, devant le massif du Pelvoux
vus du sud, d'avion, depuis l'aplomb du col de Manse.
L'arrière-plan, constitué par le cristallin du massif du Pelvoux, a été voilé de gris pour mieux faire apparaître l'avant-plan (pentes méridionales du Vieux Chaillol) : on y distingue les rubanements des bancs gréseux ("grès du Champsaur") qui forment l'essentiel du Nummulitique. Ces couches reposent directement sur les Terres Noires du Champsaur et, en arrière, sur le cristallin du Chaillol.

Au dessus des calcaires nummulitiques et des marnes à globigérines, qui sont habituels au Priabonien dans toutes les Alpes françaises, la succession nummulitique se caractérise ici par le développement, d'une puissante série de bancs gréseux épais séparés par des lits argileux, les Grès du Champsaur. Ces couches marines représentent un flysch* particulièrement grossier, très voisin, en âge et en faciès, des grès d'Annot* des chaînes subalpines méridionales. Comme pour ces derniers la sédimentation s'est terminée par le dépôt d'un olistostrome alimenté par l'arrivée des nappes d'origine interne, lequel est le plus souvent constitué par des "schistes à blocs" incluant des olistolites de taille métrique à kilométrique.

voir, à propos de cette couverture tertiaire, la question des rapports paléogéographiques entre les deux massifs du Pelvoux et du Dévoluy. 

3/ Les terrains jurassiques qui affleurent sous le Nummulitique sont conservés, à la marge sud-ouest du massif cristallin, dans un synclinal d'axe est-ouest, dont le flanc nord se renverse sous le chevauchement d'une écaille de socle cristallin à vergence sud ("écaille du Chaillol et de Cédéra"). Cette disposition est bien visible à l'ouest du Chaillol dans le Riou Beyrou et, à l'est, aux Gondouins. Elle doit se poursuivre vers l'est sous la montagne de Cédéra mais ne réapparaît pas à l'affleurement au-delà de ce sommet.
La partie la plus amont de la vallée du Drac Blanc recoupe, entre le Sirac et le Pic de la Cavale une autre bande d'affleurements, plus septentrionale, de Trias et de Jurassique. Il s'agit de l'extrémité orientale du "synclinal" de Morges, qui s'enfonce vers le nord sous le cristallin du Sirac. Cette dépression tectonique se développe plus largement vers l'ouest en Valgaudemar. Ce sont très vraisemblablement les témoins les plus orientaux de son contenu qui, au sud du Drac (au sommet de la Rouite), sont coupés en biseau par la surface de transgression nummulitique.

figure agrandissable

Coupe selon la portion N-S de la vallée du Drac Blanc
ØC
= chevauchement du Chaillol et de Cédéra ; ØP = chevauchement de Prelles (prolongement vraisemblable de celui du Sirac) ; ØInt. = chevauchement des nappes internes ("chevauchement pennique frontal") ; SB = lambeaux exotiques provenant du Subbriançonnais ; Br = lambeaux exotiques provenant du Briançonnais.
f.Coche = faille (tardive) de La Coche (voir page "Pont du Fossé") ; f.Pisses = faille nummulitique (cachetée) de la pointe des Pisses (voir page "Méollion").

4/ La faille de Méollion, orientée NE-SW, traverse la vallée du Champoléon peu en amont du confluent du Drac Blanc avec le Drac Noir. C'est un trait structural dont l'importance peut être qualifiée de linéamentaire*, en raison de sa grande extension longitudinale. En effet cette faille semble bien se connecter vers le nord-est, au nord de Vallouise, à l'autre cassure majeure que constitue l'accident d'Ailefroide.

 Ceci se fait d'ailleurs par l'intermédiaire d'une branche qui passe 1,5 km à l'ouest du fond du vallon de la Selle (voir la page "Rouite"), et non par une prétendue "faille de La Selle" qui suivrait ce dernier vallon.

Vers le SW on perd le tracé de la faille de Méollion en aval de Pont du Fossé, sous les alluvions quaternaires des pentes de rive gauche de la vallée du Drac. L'orientation de son tracé porte à le rechercher dans les Terres Noires du Gapençais septentrional, aux environs du col de Manse. Mais il est clair qu'il n'y a dans cette direction aucun accident tectonique ayant exactement ses caractéristiques et que les déplacements dus à son jeu s'y convertissent peut-être dans des accidents de géométrie différente (voir la page "structure du Gapençais").

Il est très clair qu'une bonne partie du mouvement sur cet accident a dû consister en un coulissement dextre, dont atteste en particulier le crochon synclinal ouvert vers le sud que dessine, à sa lèvre NW, le Nummulitique de l'Aiguille de Cédéra. En outre tout montre que le cristallin du bloc du Sirac, qui vient buter contre la faille de Méollion au nord de la Rouite, se retrouve, décalé vers le sud en partie par cette faille, jusque sous le sommet Drouvet, c'est-à-dire environ 4 kilomètres plus au sud-ouest.

D'autre part cette faille de Méollion coïncide avec un brutal pivotement, dans le sens dextre, des azimuts des schistosités (mis en évidence par J.L.Vergne, in Gratier et al., 1973) : la schistosité, devenue presque E-W dans le contenu mésozoïque du "synclinal" de Morges, prend en effet, au sud-est de la faille de Méollion, une direction pratiquement méridienne.

Mais cet accident présente aussi une composante évidente de chevauchement, à vergence* grossièrement nord-ouest, ce qui se manifeste notamment au col de Méollion, où le lias du contenu du "synclinal" de Méollion s'avance en recouvrement jusque sur le Nummulitique de Cédéra. À ce point de vue il apparaît, tant par la cartographie que par les autres considérations structurales, que cette faille représente la "racine", fortement inclinée, du charriage de l'"écaille" de Soleil Bœuf (voir plus loin), dont la surface de charriage, moins inclinée, possède d'ailleurs la même direction azimutale.

 Ce jeu chevauchant, sans doute tardif, s'accorde assez bien avec celui des chevauchements (évoqués plus haut) qui affectent la couverture nummulitique autochtone du Chaillol, lesquels peuvent ainsi apparaître comme des failles secondaires associées au jeu compressif de cette faille majeure. Mais sa direction apparente de chevauchement, grossièrement vers l'ouest, s'intègre moins bien au contexte des autres déformations post-nummulitiques de la bordure orientale du massif du Pelvoux (environs d'Orcières, notamment) : en effet les plis y sont déversés vers le SW et y ont au contraire des axes NW-SE (c'est-à-dire presque à 90° des structures post-nummulitiques à l'ouest de la faille de Méollion). On peut interpréter cela en considérant ces derniers plis comme résultant du même serrage qui a fait jouer cette faille en décrochement, et qu'ils s'organisent donc vis-à-vis d'elle selon le schéma d'organisation "en échelons".

Dans ce cadre structural, la saillie vers l'est que dessine, sur la carte, le bloc des gneiss oeillés de Crupillouse revêt l'aspect d'un poinçon résistant (dont la Rouite et le Puy de la Chaumette constituent la pointe orientale), autour duquel s'est moulé, dans son avancée vers l'ouest, le compartiment des migmatites du Sirac (sous lequel le premier tend d'ailleurs à s'enfoncer).
C'est ce poinçon que j'avais appelé, dans une note de 1979, le "coin" du Haut Champoléon. Il est limité du côté nord par la faille de Clapouse, qui est une ancienne cassure extensive jurassique, délimitant, à son bord méridional, l'hémigraben de Morges.
On voit là de quelle façon complexe le socle cristallin a réagi aux efforts de compression imposés par l'avancée des nappes internes*, en réutilisant des accidents créés antérieurement.
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Le Champoléon vu d'ensemble, du SW d'après une image extraite de "google-earth" ; figure plus grande (nouvelle fenêtre)
Cette vue plongeante montre, à la faveur de l'entaille du cours amont du Drac, la structure de la bordure méridionale du massif du Pelvoux.
Le trait continu rouge souligne la surface de la pénéplaine anté-triasique et le trait jaune correspond à la surface de transgression du Nummulitique.
Les tirets blancs cernés de noir correspondent au décrochement des Grésourières (page "Blanche-Rouya") et à son prolongement entre Sirac et Pic de Bonvoisin (f.CH = "faille de Chabournéou") jusqu'à la dépression sédimentaire de Morges.
La faille de Clapouse (page "Sirac") est l'accident sans doute créé au Jurassique qui limite du côté méridional l'hémigraben de Morges par son jeu en décrochement sénestre. La faille de Méollion (page "Méollion") est la faille principale de décrochement, post-Nummulitique, qui résulte du cisaillement dextre qu'expriment les demi-flèches blanches : ce cisaillement se manifeste plus accessoirement en haut (au nord) par l'accident d'Ailefroide (ac.A) et surtout en bas (au sud), dans le Champoléon, par la faille de La Coche et ses satellites (page "Pont du Fossé").
Dans le compartiment oriental on a indiqué la direction de déversement (oblique à la zone de décrochement) et deux axes de pli (tirets blancs) : a.P = anticlinal de Prapic ; s.O = synclinal d'Orcières (page "Orcières").
Le trait bleu pâle barbulé représente le contour de la surface de charriage de l'"écaille" de Soleil Bœuf ; cette surface correspond au rabattement vers l'ouest de la surface de cassure, très redressée, de la faille de Méollion (qui se poursuit en profondeur pour réapparaître au nord de Pont-du-Fossé).
La charnière bleu pâle est celle du pli anté-nummulitique NE-SW des Gondouins ; la charnière jaune est celle du synclinal de Cédéra (dont l'axe plonge vers le sud).

5/ Les crêtes du Chaillol, entre Champoléon et Champsaur, se singularisent enfin par le fait que les Grès du Champsaur y sont couronnés par des chapeaux de terrains sédimentaires mésozoïques. Ces derniers y reposent en chevauchement tectonique et ont été isolés en klippes* par l'érosion. La plus occidentale de ces klippes est celle de Soleil-Boeuf qui représente aussi le lambeau le plus avancé vers l'ouest de ces éléments sur le flanc sud du massif du Pelvoux ; d'autres forment les sommets de La Prouveyrat, de La Pousterle et du Palastre.

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figure plus grande (nouvelle fenêtre)
La vallée du Drac et les crêtes de sa rive droite, vus du sud depuis les environs du village de Manse
DN = surface de discordance* des couches nummulitiques ; ØuD = surface de charriage des écailles ultradauphinoises.

 Ces lambeaux de terrains mésozoïques charriés sont qualifiés d'écailles* ultradauphinoises, car leur succession stratigraphique les rattache beaucoup plus à la zone dauphinoise qu'aux nappes "internes", qui sont représentées immédiarement plus à l'est (dans l'Embrunais).


La rive droite du Champsaur et l'entrée du Champoléon vus des pentes du col Bayard. Extrait du Guide Rouge "Alpes du Dauphiné" (Masson, 1983) : dessin de J.DEBELMAS d'après M. GIDON.


Leur tectonique de détail est assez complexe, notamment parce que leur surface de charriage a été re-déformée ultérieurement par des mouvements de chevauchement dirigés vers le N-NW, dont les surfaces de cassures se connectent à la faille de Méollion et qui paraissent analogues à ceux qui affectent leur soubassement nummulitique (voir la page "Chaillol 1600").

En fait leur origine n'est pas lointaine : leur surface de chevauchement se raccorde en effet à la grande faille de Méollion (voir ci-dessus), au prix d'un rabattement vers l'ouest de cette dernière ; leur matériel provient, quant à lui, de l'entraînement, dans cette direction, de la partie haute du contenu du fossé sédimentaire qui borde cette faille (voir la page "Méollion").

La proximité des nappes internes et le fait que, plus à l'est, ces dernières recouvrent directement, à la place de ces écailles, le Nummulitique autochtone (voir les pages "Orcières" et "Pont-du-Fossé"), suggère fortement que la formation de ces écailles vient de ce que leur matériel autochtone a été poussé en charriage par l'avancée du front de ces nappes.

De plus on observe en plusieurs points que, sous leur matériel, les grès du Champsaur bien stratifiés sont coiffés par un coussinet de bancs désorganisés et de schistes à blocs (olistostrome) : cela indique que la mise en place de ces écailles, au même titre que celle des nappes de l'Embrunais, a dû se faire dans le bassin marin nummulitique (au comblement définitif duquel elles ont dû aussi contribuer).


Carte géologique à consulter : feuille Orcières.

Valgaudemar

(Champsaur)

RÉGIONS VOISINES

(Embrunais NW)

(Gapençais)

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