L'Alpe d'Huez, le Lac Blanc, L'Herpie |
L'agglomération de la station de ski de L'Alpe d'Huez est située à mi hauteur du versant occidental du massif des Grandes Rousses, sur un replat d'alpages dominé par les escarpements rocheux de la partie méridionale du chaînon principal de ce massif (qu'un téléphérique atteint au Pic du Lac Blanc). Ce replat s'est formé par la dénudation de la surface de la pénéplaine anté-triasique, dont l'érosion a enlevé la couverture sédimentaire jurassique. Cette ancienne surface topographique (datant de 250 MA) affleure en outre sur une large surface car elle ne présente ici qu'un faible pendage vers le sud-ouest.
Le site de l'Alpe-d'Huez, vu du sud d'avion |
En contrebas ouest de la station la pente est plus abrupte, ce qui correspond au fait que cette surface accroît sensiblement son pendage ; c'est là où s'incrivent les lacets supérieurs de la D.211. De part et d'autre des pentes du village d'Huez et de la gorge de La Sarenne, du côté nord comme du côté sud, les couches inférieures de la couverture sédimentaire du massif des Grandes Rousses sont conservées en formant les bosses de La Grande Sure au nord et du Signal de l'Homme au sud (voir cliché suivant). Ce sont les restes d'un crêt liasique qui a été échancré par la Sarenne en un entonnoir qui se rétrécit au niveau de La Garde et dont les deux bords sont constitués respectivement par la crête de la Côte Alamèle et celle des Sures : il s'agit d'un cas tout-à-fait exemplaire de V topographique*, dont la pointe aval se fermerait au niveau de La Garde si le torrent de La Sarenne n'avait pas dénudé et même entaillé le socle cristallin à cet endroit.
Vue d'ensemble des pentes de la rive droite de la Romanche depuis les crêtes des Grandes Rousses jusqu'à la plaine de Bourg-d'Oisans (d'avion, du SW, depuis l'aplomb de Villard Notre-Dame). Les tirets rouges suivent la base (triasique) de la succession sédimentaire de l'hémigraben de Bourg-d'Oisans, qui repose sur le socle par l'intermédiaire de la surface de la pénéplaine anté-triasique (s.pa). Cette limite cristallin / sédimentaire dessine de fortes sinuosités, notamment un fort saillant vers l'ouest en contrebas sud d'Huez, lequel correspond à l'entaille du torrent de Sarenne. failles N-S délimitant les principales bandes de terrains métamorphiques du socle cristallin (d'ouest en est) : f.Ch = faille du Châtelard ; f.R = faille du Rosay ; f.pR = faille des Petites Rousses ; ac.H = accident de l'Herpie. |
Sur la version ci-après du même cliché le rebord supérieur du flanc d'auge de la vallée de la Romanche et Bourg-d'Oisans est indiqué par des tirets gras bleu-pâle et les affleurements du socle cristallin sont mis en évidence par une surcharge rose. |
À La Garde l'extrémité aval du large vallon d'Huez est suspendue au dessus de la plaine de Bourg-d'Oisans : elle en est séparée par un escarpement que la Sarenne franchit par une gorge de raccordement taillée dans le flanc oriental de l'auge glaciaire de la vallée de la Romanche.
Au nord comme au sud de cette gorge le sommet de l'épaulement qui délimite ce versant de la vallée s'élève
fortement pour culminer respectivement à la Côte Alamèle et aux Sures d'Auris. Cette morphologie correspond au fait que la vallée d'Huez existait déjà, bordée par des crêtes orientées orthogonalement à l'actuelle vallée de Bourg-d'Oisans, avant que le surcreusement glaciaire et le calibrage de l'"auge" ainsi formée par rabotage de ses flancs soient venus trancher ces anciens éléments du relief.
L'abrupt de ce versant de l'auge glaciaire de la Romanche donne par ailleurs une coupe naturelle orientée N-S ; elle montre que l'interface socle / sédimentaire s'élève progessivement vers le sud, comme sur la rive opposée de la vallée. La route D211, Armentier - Auris, suit approximativement ce contact et recoupe à plusieurs reprises la surface de la pénéplaine anté-triasique, ce qui permet d'y observer les accidents de détail qui l'affectent (voir la page "Armentier").
Les premières pentes, relativement douces, qui dominent la station du côté oriental en s'élevant jusqu'au Lac Blanc, sont donc fondamentalement celles de la surface de la pénéplaine anté-triasique*, dénudée et à peine re-sculptée par l'érosion. Ceci est attesté par la présence de nombreux lambeaux résiduels de terrains triasiques, sortes de buttes témoins dont la conservation a en général été facilitée parce qu'ils se trouvaient abaissés par de petites failles normales (voir à ce sujet la page "Petites Rousses").
La base de la succession des couches triasiques : coupe naturelle du ravin qui descend du Lac Blanc, vue depuis le côté sud. s0 = stratification des dépôts triasiques ; s1 = foliation des leptynites des Petites Rousses ; D = surface de discordance (pénéplaine anté-triasique). Le sommet de l'affleurement est une dalle structurale résultant du décapage des dolomies triasiques et des couches plus élevées dans la succession. |
Au dessus du Lac Blanc le versant monte presque d'un seul jet jusqu'à la crête sommitale des grandes Rousses. Mais ses escarpements montrent, au sein des terrains qui constituent le socle cristallin du massif, une superposition de plusieurs bandes N-S de nature différente, fortement inclinées vers l'est (cf. carte et coupe).
Elles sont séparées par des cassures également N-S dont les caractères ne sont pas identiques (et que l'on aurait en fait tort de considérer comme des chevauchements liés aux compressions de surrection de la chaîne) :
- la faille des Petites Rousses suit le pied des escarpements du Dôme des Petites Rousses et s'y manifeste par un abrupt de faille presque vertical d'une centaine de mètres de hauteur qui correspond au rejet qu'elle inflige aux témoins de la surface de la pénéplaine anté-triasique (souvent représentée, dans ces escarpements, par une simple dalle structurale). Son jeu alpin est donc relativement modeste et paraît surtout extensif (vour la page "Petites Rousses"). Par contre elle a dû avoir un jeu hercynien beaucoup plus important car elle juxtapose des micaschistes chloriteux et des leptynites à de gneiss migmatisés (donc d'un niveau de métamorphisme beaucoup plus profond).
- la faille du Lac Blanc semble particulièrement importante car elle détermine le long plateau vallonné qui court jusque loin vers le nord en contrebas ouest des crêtes sommitales des grandes Rousses (voir les pages "Vaujany" et "Cochette"). Elle a certainement eu un jeu vertical lors de la phase extensive de l'histoire "alpine" (post triasique), à l'instar des cassures parallèles des pentes situées en contrebas ouest du Dôme des Petites Rousses. Mais la dissemblance des roches cristallines de ses deux lèvres suggère qu'elle a eu un rejet beaucoup plus important lors d'un jeu anté-triasique : il semble qu'elle constitue la limite occidentale d'un graben dans lequel se sont trouvées effondrées des couches d'âge viséen (micaschistes chloriteux et schistes noirs à conglomérats) et houiller (grès et pélites à lits de charbon anciennement exploités aux mines de l'Herpie).
Toutefois les leptynites du Dôme des Petites Rousses sont considérées comme d'origine volcanique et semblent associées avec les schistes chloriteux car on les voit souvent s'intriquer avec eux : on peut donc se demander si la marge occidentale du fossé d'effondrement hébergeant le houiller de l'Herpie n'était pas plutôt constituée par la faille des Petites Rousses. En effet cette dernière, qui a eu, elle aussi, eu un rejeu alpin (voir la page "Petites Rousses"), juxtapose par contre l'ensemble leptynites - schistes chloriteux à des roches d'un niveau de métamorphisme beaucoup plus élevé ... |
- l'accident de l'Herpie limite du côté oriental la bande effondrée du houiller des mines de l'Herpie et la fait chevaucher par les micaschistes de la crête des Grandes Rousses : cette disposition est sans doute à mettre sur le compte des compressions orogéniques alpines ; mais le contact entre micaschistes et houiller est marqué, sur une grande longueur du tracé de l'accident, par une bande de leptynites analogues à celles des Petites Rousses : ce fait suggère qu'originellement il s'agissait là d'un accident extensif hercynien (ayant permis des remontées volcaniques) limitant du côté oriental le graben de l'Herpie.
La marge méridionale du replat de l'Alpe-d'Huez est entaillée par le torrent de la Sarenne, en rive gauche duquel l'érosion n'a poursuivi son travail de déblaiement de la pénéplaine que sur une étroite marge au pied oriental de la bosse du Signal de l'Homme.
Cette gorge donne, au-delà de la zone du plateau de l'Alpe-d'Huez, urbanisée et désormais presque dépourvue d'affleurements, une coupe naturelle qui est orthogonale aux différentes bandes de terrains, orientées N-S et fortement inclinées vers l'est, qui constituent le socle cristallin du massif des Grandes Rousses (cf. carte et coupe).
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Bourg-d'Oisans |
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