La Saulce, Lardier, Rousset |
En aval de Tallard le cours de la Durance traverse les couches du Jurassique moyen du flanc occidental du Dôme de Remollon en descendant dans la succession stratigraphique. Cela résulte de ce qu'elles y sont ployées par le large synclinal de Tallard dont l'axe plonge doucement vers le nord, alors que la rivière poursuit son cours en direction du sud. Par ailleurs la largeur qu'y prend le lit alluvial fait que les correspondances entre les deux versants de la vallée n'apparaissent pas avec évidence, ce qui conduit à les analyser indépendamment l'un de l'autre :
1 - En rive droite :
a) En amont la localité de La Saulce s'appuie, en marge de la plaine alluviale de la Durance, contre l'éperon rocheux qui ferme le sillon de Gap du côté méridional. Cet éperon, qui descend de la Petite Céüse est bien formé par les couches sous-jacentes à celles du Jurassique moyen du flanc ouest du synclinal de Tallard, appartenant donc au Lias. Mais leur succession diffère assez fortement de celle du Dôme de Remollon, notamment en ceci que son épaisseur est bien moindre et leurs faciès moins marneux et plus calcarénitiques.
D'autre part, à la différence de ce qui s'observe à Remollon ou au Laus, elles ne reposent pas sur un soubassement plus ancien que le Trias supérieur (lequel n'affleure d'ailleurs qu'en pied de falaise au sud du sommet de Sainte-Croix) elles coiffent les Terres Noires qui affleurent dans les basses pentes à l'ouest de La Saulce. Ces dernières se poursuivent vers le NW par Lardier et s'y montrent couvertes en continuité stratigraphique par les niveaux argilo-calcaires de l'Argovien (qui couronnent la crête de la Gardiole). Plus au NW elles se raccordent, au prix de quelques replis, aux Terres Noires qui supportent la corniche tithonique de la Petite Céüse.
Les Terres Noires de Lardier étant disposées à l'endroit il est clair que c'est à la faveur d'un chevauchement qu'elles sont recouvertes par les couches basales du Lias de La Saulce.
En fait il apparaît sans ambiguïté qu'il s'agit là du prolongement sud-oriental du chevauchement
de Céüse, lequel court au flanc ouest de la Grande Céüse (voir la page "Céüse").
Si le tracé de cet accident se suit sans difficulté vers le NW depuis La Saulce jusqu'au delà du Serre Soleille, où il se manifeste encore en sectionnant la barre bajocienne au col de Foureissasse, on le suit moins aisément au delà : en effet ce tracé passe au revers NE de la crête qui s'élève vers la Petite Céüse par La Gardiole, Pillandon et Somme Longue : il y tranche les replis de l'Argovien du versant de Lardier et les fait buter contre les Terres Noires moyennes de celui de Sigoyer. On le suit ainsi jusqu'au col des Guérins où il juxtapose l'Argovien du soubassement de Céüse aux couches crétacées, rebroussées vers le SW de la Petite Céüse. |
D'autre part la manière dont se termine la barre du Lias de La Saulce est mise en évidence par la coupe naturelle du versant sud du Serre Soleille : on y voit se dessiner un anticlinal déversé vers le SW dont l'interprétation en crochon* de chevauchement est assez évidente.
b) En aval de La Saulce les basses pentes de la rive droite de la vallée de la Durance montrent que les Terres Noires de Lardier reposent sur une succession du Jurassique moyen et inférieur un peu plus réduite en épaisseur que celle de La Saulce et dont la base montre d'importants affleurements triasiques. Ces derniers recouvrent à leur tour en chevauchement l'Argovien et les Terres Noires des environs de Plan de Vitrolles, qui appartiennent au flanc nord-est du synclinal de la Crête des Selles.
Cette entité tectonique mérite le nom d'écaille de Barcillonnette car elle se termine du côté ouest aux environs de cette localité en s'amortissant (d'ailleurs de façon assez complexe) au cœur de l'anticlinal d'Espréaux qui sépare la crête des Selles de la Petite Céüse (voir la page "Barcillonnette").
2- en rive gauche :
a) À l'amont c'est-à-dire aux environs de Curbans, les couches du Lias et du Dogger occupent un espace assez vaste. Cela résulte de leur forte épaisseur, typique du secteur du Dôme de Remollon, mais aussi de leur faible pendage général, orienté vers la vallée jusqu'à la latitude La Saulce. C'est à ce niveau du cours de la Durance que se produit le changement progressif du sens de pendage qui correspond au synclinal de Tallard. L'axe de ce pli s'élève obliquement vers le sud, grossièrement en direction du Sommet de Malaup en passant par le Col de Blaux. Au sud de cette ligne le flanc de vallée coupe les couches, de plus en plus âgées, du flanc ouest de ce synclinal et l'on y constate une réduction de leur épaisseur au sein du Lias au village de La Curnerie.
À cet endroit ces couches se placent bien dans le prolongement de celles de même âge de La Saulce en rive opposée (dont elles ont sensiblement les mêmes caractéristiques de succession stratigraphique). Mais leur continuité d'une rive à l'autre se fait au prix d'une torsion des couches dans le sens horaire, ce qui leur fait prendre passagèrement la direction N-S (on peut donc se demander si cela ne correspond pas à un crochon de décrochement dextre).
Les pentes de rive gauche de la Durance aux abords du Rousset, vues de la montagne de Crigne (rive droite de la Durance). ØD = surface de chevauchement de la nappe de Digne ; s.T = synclinal de Tallard : observer comment son axe, plongeant vers le nord (vers la gauche) traverse le versant en diagonale |
Cette succession se termine vers le bas par un contact de chevauchement que soulignent des affleurements de gypses et cargneules triasiques de Rousset. D'autre part elle poursuit vers le SE en reprenant, dès le sommet de Malaup, les caractéristiques stratigraphiques (notamment d'épaisseur) qui sont celles du Dôme de Remollon et de la nappe de Digne pour s'y raccorder en continuité à l'entité tectonique charriée qui est considérée comme constituant le "lobe nord-occidental" de cette nappe et qui chevauche plus au sud, en rive NW du Grand Vallon, les terrains nummulitiques et crétacés des environs de Faucon et de Turriers (voir la page "Grand Vallon").
b) En aval de Rousset ces couches basales (liasiques et triasiques) de la nappe reposent en chevauchement sur des Terres Noires dont le soubassement stratigraphique diffère beaucoup de celui qu'elles ont dans la nappe de Digne par sa forte réduction d'épaisseur et par ses faciès (voir les colonnes stratigraphiques à la page "stratigraphie au NE de Sisteron").
Ce soubassement sur lequel repose la nappe de Digne s'avère constitué ici par deux écailles imbriquées l'une sur l'autre. On peut les qualifier de "parautochtones" car elles se rattachent beaucoup plus au domaine autochtone par leur constitution stratigraphique : celle-ci est notamment caractérisée (outre par la réduction du Lias) par une très forte érosion anté-nummulitique qui fait reposer les couches tertiaires en discordance sur le Crétacé, sur le Tithonique (Montagne de Crigne) voire directement sur les Terres Noires.
- L'écaille de Peyrouard (la plus haute) n'est représentée au niveau de la Durance que par les affleurements gypseux de la butte de Tournoux et ne montre le reste de sa succession que plus au sud. Elle est caractérisée par une succession liasique d'épaisseur réduite, avec condensation du Toarcien et de l'Aalénien, ce qui est typique des unités autochtones que recouvre la nappe plus au sud.
Le fait que la base de sa succession nummulitique comporte des grès verts à conglomérats et, par place, des calcaires à Nummulites, ce qui la rend très comparable à la succession des écailles de Faucon (écailles du Sapet et de Roche Cline) qui se développent plus à l'est dans le secteur de la rive sud- orientale du Grand Vallon. Du côté opposé de la vallée rien ne s'opposerait à la voir se poursuivre par l'écaille de Barcillonnette si cette dernière ne s'en distinguait pas par le manque de Nummulitique et la subsistance, au contraire du Tithonique et du Crétacé inférieur.
- L'écaille de Fleurans (la plus basse) se fait remarquer par ses affleurements
de Molasse Rouge qui forment la crête de Coulet Rouge et reposent directement sur les Terres Noires. Ce caractère l'apparente à l'écaille de La Roche (voir la page "Le Caire") ainsi qu'à l'autochtone relatif des écailles de Faucon. Les Terres Noires situées sous ces Molasses Rouges reposent en redoublement sur celles des environs des Roches dans le bas vallon de Fleurans. En amont du hameau de ce nom elles sont refoulées vers le sud sur les marnes bleues apto-albiennes du coeur du synclinal de Claret (voir la page "Melve"). Cela favorise l'hypothèse selon laquelle son prolongement sur l'autre rive de la Durance serait la faille de chevauchement qui accidente le cœur de l'anticlinal de Savournon.
Ces deux écailles imbriquées se biseautent et s'effilent vers l'est, au point de disparaître complètement dans le versant sud du sommet de Malaup. En effet à l'est de ce sommet, jusqu'au Grand Vallon (voir la page "Le Caire"), la nappe de Digne repose presque directement sur l'autochtone (plus précisément sur l'extrémité est de l'anticlinal des Chanderettes).
En définitive le chevauchement de Céüse, qui se poursuit vers le nord, au delà du Bochaine méridional, par le chevauchement médian du Dévolu, doit être considéré comme un un accident majeur, qui représente le prolongement le plus septentrional de la nappe de Digne.
Rapports structuraux entre la transversale du Bochaine et du Dévoluy méridional et celle de la vallée de la Durance :
Le grand synclinal du Dévoluy (synclinal de Saint-Disdier + synclinal de Saint-Étienne) se prolonge par la marge occidentale du Dôme de Remollon
Le village de Rousset est situé au pied de la butte de Tournoux, que couronne un chapeau de matériel morainique. Sous ce dernier la partie orientale de la butte est formée par les couches du Lias prolongeant celles de la nappe mais dont l'épaisseur est ici à peine hectométrique, moindre qu'à la Saulce. Il est difficile
de savoir si ces gypses appartiennent à la base de la nappe de Digne où à l'écaille de Peyrouard. La seconde hypothèse paraît la plus plausible pour deux raisons : la première est que les gypses de Tournoux semblent trouver leur équivalent dans ceux du Plan de Lardier, sur l'autre rive de la vallée ; la seconde est que la faille de Tournoux est à la fois sub-verticale et pratiquement perpendiculaire à la surface de charriage de la nappe de Digne. Cette disposition porte d'ailleurs à se demander si elle ne décale pas en décrochement dextre cette surface, dont on a vu (voir plus haut) qu'elle subit là une déviation de son tracé en sens horaire . |
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(Barcillonnette) |
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