Montagne de Charance, crête de Guizière |
La montagne de Charance constitue le rebord nord-occidental du sillon subalpin à la latitude de Gap. Elle domine, en fond de tableau, cette agglomération. L'entaille qu'y a pratiqué l'érosion, en marge du glacier durancien qui occupait le sillon de Gap, puis les ravinements plus récents (encore actuels), font que ce versant offre une coupe structurale aisée à lire. Sa crête se poursuit en prenant une direction plus S-N par la crête de Guizière puis celle de la Greysinière jusqu'à former, à la latitude du col Bayard le petit chaînon du Pic de Gleize.
vue agrandie des pentes du Pic de Charance La montagne de Charance, versant sud-est, vue depuis les quartiers sud de Gap (Font Reine). Ø = chevauchement de Charance. On voit bien que la surface de chevauchement s'infléchit à gauche pour devenir presque parallèle au couches du Berriasien, alors qu'à droite elle plonge et coupe en biais les couches du Séquanien et de l'Argovien : c'est une disposition classique de palier* succédant à une rampe* Le franchissement de cette rampe a conduit la tranche chevauchante à se tordre en un pli de rampe*, constitué par un anticlinal enchaîné avec un synclinal, qui se distingue bien dans les falaises du Pic de Charance. |
En contrebas du Pic de Charance la pente boisée est garnie de paquets rocheux, d'une taille pouvant atteindre la centaine de mètres, qui sont formés de Tithonique. Ils résultent du glissement sur la pente de pans de falaise qui se sont sans doute effondrés consécutivement à la fonte de la langue glaciaire qui occupait le sillon de Gap. En effet sa disparition à supprimé le soutien qu'elle apportait aux versants de la vallée, lesquels avait été rendus plus raides par l'érosion glaciaire (tendance à donner un profil en U ).
Les abrupts de ce versant montrent en premier lieu que la barre tithonique y dessine une large voûte, très "ouverte"*, qui est celle de l'anticlinal NW-SE de Remollon-Bure (voir la page Gap).
D'autre part
la coupe du versant révèle que cette barre est redoublée par un chevauchement
dont on suit le tracé à flanc de pente sur près
de trois kilomètres.
La manière dont les couches sont disposées de part et d'autre de la surface de cassure est d'ailleurs tout à fait exemplaire d'un dispositif chevauchant de type classique, avec rampes, paliers et plis de rampes.
On peut présumer que la direction de mouvement était orthogonale à l'axe des crochons d'entraînement, dont plusieurs sont observables tant dans la lèvre supérieure que dans l'inférieure : ils se révèlent orientés à peu près N130, ce qui indique un déplacement (vers le sud-ouest) selon le N40.
La flèche de chevauchement, correspondant au décalage de deux repères homologues, telle la limite supérieure du Tithonique, par exemple) est un peu inférieure à un kilomètre.
Il faut remarquer que cette coupe naturelle du versant sud-est de la montagne de Charance, qui tombe sur Gap, n'est pas exactement orientée selon la direction du mouvement de chevauchement (elle est orientée plus N-S, d'environ 25°). Ceci a pour effet de donner une vue légèrement déformée, dans le sens d'un étirement horizontal du dessin, des structures créées par ce chevauchement.
Une vue depuis le sud, presque dans l'axe de la crête, montre en outre que la succession chevauchée est ployée par un synclinal presque N-S dont l'axe plonge vers le nord et qui ferme du côté oriental la dépression structurale de Rabou (= synclinal de Rabou, qui se poursuit vers le nord en passant par le village de La Rivière).
On retrouve d'ailleurs les mêmes caractéristiques d'entrecroisement de plis N-S et NW-SE peu à l'ouest, dans le Bochaine méridional, à l'ouest de la Roche-des-Arnauds : les chevauchements de la Roche-des-Arnauds et des Teyssonières", y semblent bien avoir la même vergence vers le sud-ouest que celui de Charance et sont, quant à eux, très clairement déformés par des plis N-S, notamment par le synclinal de Matacharre.
coupe W-E de la montagne de Charance et de la cuvette synclinale de Rabou |
En définitive le chevauchement de Charance est donc vraisemblablement une structure qui s'est créée en même temps que le synclinal de Saint-Etienne et l'anticlinal de Bure, car l'orientation N130 de l'axe de ces deux grands plis indique aussi qu'ils résultent aussi d'un raccourcissement selon le N40. Comme on observe aucune faille de chevauchement similaire dans le Sénonien du massif de Bure il faut en déduire que ce type d'accident n'a affecté que la tranche de roches comprise entre Terres Noires et Sénonien : il s'agit donc de structures dysharmoniques, résultant qu'un mouvement de cisaillement à vergence sud-ouest parallèle aux couches de cet intervalle stratigraphique .
La brèche de Charance est une échancrure de la crête qui permet de franchir la barre tithonique en montant par le versant de Gap. En réalité les calcaires du Tithonique n'y affleurent que sur son côté oriental. Sur son côté ouest au contraire l'abrupt est formé de brèches calcaires plus ou moins grossières (avec des blocs de taille métrique) qui sont dotées d'un litage à net pendage vers le nord-ouest.
Le versant sud de la Brèche de Charance vu du nord-est, depuis l'extrémité sud de la crête de Côte Belle. L'entaille où se faufile le sentier traverse des éboulis cimentés qui forment ici la crête de la montagne (d'où se sont en outre détachés et effondrés des blocs de très grande taille). |
Ces brèches se sont donc formées à partir d'éboulis provenant d'un relief situé au sud-est, là où maintenant s'étend le versant qui tombe sur le sillon de Gap. Il faut donc en conclure qu'elles sont antérieures à la disparition de ce relief, c'est-à-dire, selon toute vraisemblance, antérieures à la formation des paquets tassés qui s'étagent actuellement sur les pentes sud de la montagne. Or ces derniers résultent sans doute de l'effondrement de ce versant après le retrait des glaciers wurmiens (voir plus haut dans cette page) ; il en résulte donc qu'il doit s'agir d'éboulis anté-würmiens (voire même anté-rissiens), conservés au creux d'une ravine de l'ancienne topographie de cette époque. |
La crête de partage des eaux entre le sillon de Gap et la vallée de Rabou, vue du SE, d'avion. s.sE = synclinal de Saint-Étienne en Dévoluy ; a.Ch = anticlinal de Chaudun. On a surchargé de bleu pâle la barre du Tithonique. Plusieurs paquets tassés qui s'en sont détachés émergent de la jupe d'éboulis qui garnit le pied de la crête, au dessus des pentes plus douces de Terres Noires qui ont été aménagées par le passage des glaciers (plus de détails aux pages "Gap" et "Col Bayard"). |
Au nord-est de la brêche de Charance la crête de la montagne se poursuit en gardant sa caractéristique de crêt regardant vers le SE, jusqu'au Pic de la Greysinière. Cependant au col de Guizière la crête change d'orientation, d'environ 30° dans le sens anti-horaire, pour devenir presque N-S. Ce changement correspond au fait qu'elle traverse là le fond du grand synclinal NW-SE de Saint-Étienne en Dévoluy, dont l'axe est incliné vers le NW (de sorte que les orientations de ses flancs sont convergentes vers le SE).
Cela se manifeste en outre par le fait que c'est à cet endroit que la barre tithonique affleure le plus bas sur cette crête (à moins de 1550 m), au point même d'être masquée passagèrement sous la jupe d'éboulis du pied des abrupts du versant gapençais. D'autre part la crête elle-même jusqu'à la Tête de Guizière incluse n'est plus formée par le Tithonique mais par les petits bancs calcaires du Berriasien.
La crête de la montagne de Charance (rive sud du ruisseau de La Rivière) vue du nord-est, depuis l'échine sud du Pic de Gleize (point coté 1996) (cliché obligeamment communiqué par M. François Longeot). s.sE = synclinal de Saint-Étienne : son axe, perpendiculaire au tracé du vallon qui monte de Rabou au col de Gleize, plonge en outre vers le nord, comme tous les plis N-S de ce secteur, situé sur la périphérie septentrionale du Dôme de Remollon (voir la page "structure du Gapençais"). ØCh = chevauchement de Charance ; a.B = prolongement méridional de l'anticlinal de Bure. |
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