Roissard, Lavars |
Au sud du col du Fau le sillon subalpin de bordure du Vercors s'épanouit progressivement pour se transformer en un espace très ouvert et dépourvu de couverture forestière qui constitue le véritable Trièves occidental. Son relief est celui d'un versant doucement penté vers l'est qui s'étale au pied du rebord subalpin à l'est d'une ligne jalonnée par les localités du Fau, de Saint-Michel-les Portes et de Clelles.
À l'origine de ce caractère du relief du Trièves il y a le fait que les Terres Noires du sillon subalpin avaient été affouillées par l'érosion glaciaire ancienne qui y a creusé, dès le Riss, un très large fond d'auge à surface presque horizontale. Mais ce dernier a été ensuite comblé par les alluvions interglaciaires et surtout wurmiennes ; puis il a largement été recouvert par un nappage d'apports ébouleux épandus par les torrents descendant du rebord est du Vercors méridional. C'est d'ailleurs l'ampleur de cette couverture alluviale qui rend le sol du Trièves assez largement favorable aux prairies et aux cultures.
Le rebord subalpin et l'extrémité septentrionale du Trièves occidental vus du sud, d'avion, depuis l'aplomb approximatif de Clelles. Entre le col du Fau et le rebord des Côtes de Gerboux les ravinement récents, maintenant collectés par le Rif fol, ont décapé l'épandage ébouleux qui recouvre et remanie les alluvions glaciaires. Le torrent du Rif fol a pour source les ravins du Baconnet (voir la page "Monestier") et il a étalé à leur débouché le cône de déjections du Fau, qui est le dépôt le plus récent de ce secteur : l'ampleur de ce cône témoigne de ce que le creusement de ces ravins est également récent. |
Les douces pentes du garnissage alluvial du large vallon du Riffol sont limitées du côté oriental par un alignement de fortes collines boisées qui le séparent de la vallée du Drac. Ils culmine à la latitude de Roissard à la Côte Rouge et se prolonge par le Serre de La Fayolle à la latitude de Lavars. Cette ligne de crêtes est armée par des couches qui sont relativement riches en lits calcaires et sont attribuées globalement, en dépit de leurs épaisseur, au seul Bajocien inférieur (en effet les Terres Noires inférieures sont datées du Bajocien supérieur) ; elles pendent vers l'ouest et constituent une cuesta* très émoussée mais néanmoins assez dissymétrique, qui regarde vers l'est. En effet cette crête domine assez franchement, du côté oriental, la large combe évidée dans la bande d'affleurements des marnes aaléniennes que le Drac emprunte pour contourner le chaînon du Sénépy à l'ouest de Mayres-Savel.
La montagne de Côte Rouge et la retenue de Monteynard, vus de l'est, d'avion (Le Monestier-de-Clermont est caché derrière le col de la Sée). Les tirets vert d'eau correspondent à la limite entre les affleurements rocheux et le colmatage alluvial de la vallée du Drac. La succession calcaréo-argileuse du Bajocien inférieur peut se subdiviser objectivement en plusieurs niveaux dont les deux inférieurs se suivent clairement dans le paysage (ce qui n'apparaît malheureusement pas sur la carte géologique, feuille La Chapelle, pas plus que sur la feuille Vif : voir la page "Sinard"). Bjss = niveau supérieur de marnes à petits lits pluri-centimétriques de calcarénite, se débitant en plaquettes rousseâtres ; Bjcs = niveau supérieur à bancs calcaires pluri-décimétriques ("Bajocien calcaire" sensu-stricto) ; Bjsm = niveau médian de marnes à plaquettes rousseâtres ; Bjci = niveau inférieur à bancs calcaires pluri-décimétriques ("Bajocien calcaire" sensu-stricto) ; Bjsi = niveau inférieur de marnes à plaquettes rousseâtres ; Aal = marnes aaléniennes . |
Cette "cuesta bajocienne" ne fait que prolonger celle, orientée N20°, qui court depuis Vif jusqu'à Monestier de Clermont. Mais à partir de cette localité son orientation s'infléchit progressivement pour devenir N 150°. Son épaisseur (ici proche de 1000 m) est aussi forte que plus au nord et elle ne paraît s'expliquer que par une accumulation particulièrement forte de sédiments terrigènes. En effet l'hypothèse de redoublements tectoniques envisagée pour les collines bordières de Belledonne n'est pas compatible avec le fait que l'on peut y distinguer, sur toute la longueur de l'arc Grenoblois une succession similaire de niveaux constitutifs, depuis ces collines jusqu'à celles des abords septentrionaux de Mens. Par ailleurs à l'est de Roissard, sur l'échine du Bois de Maissonas, on constate que les lits de marnes à plaquettes de la partie supérieure de la succession bajocienne ne semblent pas disparaître en s'engageant sous les Terres Noires qui affleurent en contrebas ouest, mais reposer sur elles. Cette géométrie pourrait s'interpréter par un redoublement par chevauchement, mais elle s'explique plus vraisemblablement par un passage latéral progressif entre marnes à plaquettes et Terres Noires franches, le taux de plaquettes diminuant d'est en ouest. |
En fait le glacis alluvial du Trièves occidental est fragmenté à cette latitude en panneaux séparés par des entailles de ravins. En particulier sa partie orientale, qui correspond au versant ouest de la cuesta bajocienne et sur laquelle sont implantées les deux principales localités de Roissard (au nord), et de Lavars (au sud), a été séparée de celle, occidentale, des pentes de Saint-Michel-les Portes et de Clelles par des cours d'eau orientés plutôt N-S (selon la direction du sillon subalpin) qui sont au nord le Riffol et au sud le cours aval de l'Ébron. L'un comme l'autre (ainsi d'ailleurs que leurs affluents en provenance de l'ouest, les torrents de la Grosse Eau et d'Orbannes) ont entaillé dans les alluvions quaternaires des ravines assez profondes pour mettre à nu leur substratum de Terres Noires et même s'y inscrire en canyons profonds de plusieurs dizaines de mètres : voir le complément en fin de page).
À mi distance des deux localités de Roissard et de Lavars tous ces torrents se réunissent avec l'Ébron au bord ouest de la cuesta bajocienne, ce qui permet à ce dernier d'en réaliser la traversée par des gorges profondes et sinueuses. Au sortir de celles-ci l'Ébron se jette finalement dans la vallée du Drac, occupée ici par la partie amont de la retenue de Monteynard. La route D.34 franchit la partie aval de ces gorges au Pont de Brion, qui s'appuie sur les niveaux les plus calcaires de la cuesta bajocienne.
On trouvera des renseignements complémentaires sur les environs de cette localité dans le site du Patrimoine matheysin, à la page "Passerelles du lac de Monteynard" |
Ces gorges traversent sur plus de 1,5 km à vol d'oiseau (plus longuement si on en suit les méandres) des couches assez peu différenciées, à prédominance marneuse mais avec des niveaux plus résistants donnant des versants plus escarpés ; les récoltes de fossiles n'y ont jamais été que fort rares, de sorte que leur âge ne saurait être précisé niveau par niveau.
Au sud de ses gorges l'Ébron prend un cours parallèle à la direction de couches en creusant son lit sensiblement le long de la limite orientale des Terres Noires. Comme à cette latitude le Drac infléchit son cours vers l'est cela laisse les marnes aaléniennes dessiner une large combe qui s'élève jusqu'au col de Cornillon. La cuesta bajocienne forme le Serre de la Fayolle et se prolonge encore jusqu'au Grand Fays, à l'ouest de Mens, où elle s'interrompt, tranchée par la grande faille du Thaud (voir la page "Mens").
Observations complémentaires :
Le lit du Riffol, qui draine en contrebas de Roissard le versant de rive gauche de l'Ébron se montre tout spécialement propice à faire des observations intéressantes sur la nature des alluvions quaternaires et sur leur comportement, consécutif au creusement de ces gorges dans leur substratum (observations communiquées par Mr. François LANNES).
Ici la couverture quaternaire se résume à quelques mètres d'épaisseur de limons lacustres qui ont garni le fond de l'ancien lac du Trièves au maximum wurmien. L'entaille du torrent montre que la surface du substratum que constituent les Terres Noires est presque horizontale mais présente localement des zones relativement déprimées, qui sont sans doute des thalwegs creusés antérieurement au remplissage du lac du Trièves. D'autre part le fait que la couche de limon lacustre repose sur les marnes imperméables des Terres Noires l'a certainement aidé à se gorger d'eau et devenir très malléable.
Là où l'entaille du Riffol traverse un de ces anciens thalwegs cela a déclanché une sorte de vidange de la poche de limon ainsi mis à nu et causé, de proche en proche, une rupture de la stabilité de la tranche de ce limon : elle s'est arrachée par paquets successifs, chacun limité par une crevasse presque circulaire de plus grand diamètre à chaque fois, qui tendent à s'évacuer en direction du lit du torrent.
Détail de la zone de détachement amont, vue de la rive gauche, aux abords de Roissard (cliché original obligeamment communiqué par Mr. François LANNES) |
Vue zénitale de la zone d'arrachement ci-dessus (on distingue bien les crevasses concentriques) |
La coulée de limon issue de la zone de détachement aval (rive gauche), vue depuis les abords du lit du torrent de Riffol (cliché original obligeamment communiqué par Mr. François LANNES). La coulée de limon apparemment emprunté un vallonnement ancien de la surface d'érosion wurmienne ; s0 = strates au sein de Terres Noires : elles sont clairement recoupée par le flanc du thalweg qui canalise la coulée de boue. |
cartes géologiques à 1/50.000° (*) à consulter : feuille Mens
Carte géologique simplifiée,
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble
des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°",
par M.Gidon (1977), publication n° 074
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Saint-Michel les Portes |
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