Serres, Sigottier

l'entaille du cours du Buëch dans l'extrémité nord-orientale des Baronnies

La ville de Serres doit son nom à sa position, à l'extrémité d'une crête rocheuse (un "serre"). Ce dernier barre, à son débouché aval une cluse*, d'ailleurs formée par deux étroitures successives, que franchit là le cours du Buëch.

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La cluse du Buëch à Serres vue d'aval, d'avion (cliché original obligeamment communiqué par Mr. G. Beaudoin).
s.M = synclinal de Montmorin ; f.Se = faille de Serres.
Cette vue montre la cluse d'enfilade, mais elle est trop perpendiculaire à la direction de l'axe du pli et de la faille pour montrer la géométrie de leur agencement : voir pour cela le cliché suivant.

En effet la cluse de Serres coupe à chacune de ses extrémités la barre tithonique, respectivement à l'amont au flanc nord du grand synclinal de Montmorin et à l'aval (à Serres même) au flanc sud de ce pli. Ce synclinal possède un coeur de marnes bleues apto-albiennes qui affleure en rive droite du Buëch, entre Serres et Sigottier.

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La cluse de Serres vue d'avion, depuis le sud-est (aplomb du Bersac)
s.R = flanc nord du synclinal de Rosans ; ØR = chevauchement de Raton ; a.S = anticlinal de Serres (prolongement oriental de celui des Tourettes) ; s.M = synclinal de Montmorin ; a.D = anticlinal du Duffre ; f.S = faille de Serres .

Le flanc sud de ce synclinal est par ailleurs affecté par un système de deux cassures, orientées peu obliquement à l'azimut de ses couches et qui se réunissent en une seule faille de Serres au sud-est du lit de la rivière (en rive gauche) : le jeu de cette dernière consiste finalement en un rejet dextre qui repousse jusque dans le flanc sud de la Montagne d'Arambre la réapparition de la barre tithonique qu'elle coupe en sifflet, plus au NW, au niveau du lit du Buëch.

Le jeu de cette faille consiste finalement en un étirement horizontal de ce flanc de pli, ce qui s'intégre dans la déformation d'ensemble subie par ce pli qui est mise en évidence dans la suite de la présente page.

Deux coupes de part et d'autre du cours du Buëch à Serres par J.Flandrin, 1963 (présentation retouchée)
Les notations sont celles des cartes géologiques (voir liste des abréviations)

À l'est de Serre la ligne de crête formée par la corniche tithonique culmine à la montagne d'Arambre. Son tracé tourne là dans le sens dextre en dessinant un arc ouvert vers l'ouest : il finit ainsi par prendre, au sud de ce sommet, une direction proche de N-S, presque orthogonale à celle qui est la sienne à l'ouest de la vallée du Buëch. Cette disposition périclinale* du synclinal correspond au fait que l'axe du pli qu'il se relève de façon fortement en direction du sud-est, en même temps d'ailleurs qu'il se tord dans le sens horaire.

 Ce relèvement axial et cette torsion corrélative affectent de la même manière, au sud de Serres, l'axe du synclinal de Rosans (voir la page "L'Épine") :

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Le versant oriental de la montagne d'Arambre vue du sud-est, d'avion, depuis l'aplomb de Savournon.
a.Se = anticlinal de Serres ; s.M = synclinal de Montmorin - Sigottier - Arambre ; a.D = anticlinal du Duffre ; a.Sa = anticlinal de Savournon ; a.Ap = anticlinal d'Aspremont.
f.Se
= faille de Serres (rejet à composante de chevauchement vers le sud) ; acc.Sav = accident de Savournon (en rouge) : il se partage en deux branches principales entre lesquelles se trouve, plus au sud la butte du Château de l'Aigle (voir le cliché suivant).
Dans le lointain on a indiqué les deux plis N-S qui affectent le flanc nord de l'anticlinal du Duffre : s.A = synclinal de l'Aup et s.Bf = synclinal de la Bâtie des Fonds.
Les axes des deux plis W-E majeurs, le synclinal de Montmorin et l'anticlinal du Duffre, sont indiqués en vert clair. Sous cet angle la perspective met en évidence leur torsion vers le sud-est (en sens horaire, donc) aux abords de la cluse de Serres. On a indiqué en rouge les charnières (à axes plongeant vers le sud-ouest) qui affectent, du fait de cette torsion, le Tithonique du flanc sud de l'anticlinal du Duffre aux abords du Rocher d'Agnielle et celui du flanc sud de l'anticlinal de Serres aux abords du Rocher de Jardanne.

Cette géométrie est visiblement liée à l'interférence des plis E-W (dont fait partie le synclinal de Montmorin) avec un système de plis plus récents, orientés NW-SE, dont le représentant majeur à ce niveau est l'anticlinal de Savournon. En effet la torsion d'axe des plis E-W, particulièrement bien visible sur les clichés aériens, se fait selon une ligne qui correspond apparemment au prolongement méridional du synclinal de La Bâtie des Fonds, pli qui court parallèlement, du côté SW, à l'anticlinal de Savournon (voir la page "La Piarre").

 La composante de coulissement dextre que cette torsion azimutale met en évidence est très vraisemblablement à mettre sur le compte d'un jeu coulissant des fractures NW-SE, très peu obliques à l'axe de l'anticlinal de Savournon, qui hâchent son coeur de Terres Noires (elles s'observent particulièrement bien aux abords mêmes de Savournon).

La partie amont de la cluse du Buëch donne une bonne coupe naturelle du Barrémien et de l'Hauterivien du flanc nord du synclinal de Montmorin : on y voit notamment combien les niveaux du Barrémien inférieur ont été affectés, lors de leur dépôt, par des phénomènes de glissements sous-marins ("slumping*).

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La rive droite du Buëch vue depuis la rive gauche, de la route (N 75), 2 km en amont de Serres.
On est là dans le flanc nord du synclinal de Montmorin.
Les couches de l'Hauterivien supérieur sont affectées d'un slumping* très typique, à couches largement disloquées, dans l'ensemble disposées en biais avec un pendage vers la gauche plus fort que celui des couches encadrantes.
Par ailleurs, au dessus d'un gros banc très continu, une tranche importante des bancs du Barrémien inférieur est également affectée de basculements et torsions (c'est un slumping moins évolué).

À l'ouest de la cluse amont du Buëch le village de Sigottier est construit au débouché aval de la cluse parallèle qui est pratiqué par son affluent le Torrent d'Aiguebelle. Il s'appuie sur le versant sud de la barre du Tithonique du flanc nord du synclinal de Montmorin, redressée à la verticale. L'érosion a spectaculairement découpé les bancs supérieurs, un peu moins massifs, de ces calcaires en une succession de clochetons qui sont de typiques chevrons de V topographiques*.

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Le village de Sigottier vu d'aval, depuis les abords du parking d'entrée du village.
s.M = synclinal de Montmorin ; a.A = position de l'anticlinal du Duffre (en arrière-plan)

Il est paradoxal que le torrent d'Aiguebelle ait éprouvé le besoin d'entailler ici la barre tithonique, alors qu'il aurait pu poursuivre son cours jusqu'au Buëch en suivant le coeur de Terres Noires de la combe de La Piarre.

 On peut penser qu'il emprunte là un ancien cours du Buëch, abandonné depuis par cette rivière, mais on ne voit pas quelle serait la cause de cet abandon...
L'explication qui me semble la plus vraisemblable est que la vallée du Buëch a dû être occupée au Quaternaire ancien par une langue du glacier durancien qui devait atteindre au moins l'entrée amont de la cluse de Serres et, de ce fait, devait l'obturer jusqu'à une certaine hauteur : les eaux s'écoulant depuis les versants de la vallée étaient donc astreintes à courir le long du glacier à un niveau supérieur à celui du lit actuel de la rivière et a utiliser des brèches des crêtes tranversales pour les franchir. Ceci doit s'être passé au Mindélien, en tous cas bien avant le Würm car, lors de cette dernière glaciation, la langue glaciaire du Buëch ne dépassait pas Montmaur.


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La vallée du Buëch à l'entrée amont de la cluse de Serres, vue d'avion, depuis l'est (aplomb de La-Bâtie-Montsaléon) : ce cliché montre la situation, "suspendue" au dessus de l'actuelle vallée du Buëch, de la clue de Sigottier (flèche rouge).
ØR = chevauchement de Raton; s.M = synclinal de Montmorin ; a.D = anticlinal du Duffre ; s.A = synclinal de l'Aup ; a.A = anticlinal des Ailes ; s.BF = synclinal de la Bâtie des Fonds.
Observer, au Rocher d'Agnielle, l'incurvation, à concavité vers le sud, du flanc sud de l'anticlinal du Duffre (l'azimut des couches tourne de 45° dans le sens horaire).

 

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cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuilles Serres et Luc-en-Diois


Carte géologique très simplifiée des environs de Serres
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074
carte géologique plus réduite montrant le secteur environnant


La Piarre

(Aspremont)

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