Tour Sallière |
La Tour Sallière (entièrement située en territoire suisse) est un nœud d'arêtes qui séparent plusieurs bassins versants divergents. Sa crête occidentale sépare le vallon des Chaux (extrémité nord de celui de Barberine), au sud, de celui de Susanfe au nord en rejoignant le sommet du Grand Mont Ruan. Il se détache de son sommet vers le nord, une arête secondaire passant par le sommet du Dôme, qui sépare les vallons de Susanfe et de Salanfe. Sa crête orientale limite ce dernier en se poursuivant jusqu'au Luisin par le Col d'Emaney et émet une branche méridionale, d'Aboillon, séparant les vallons d'Emaney et des Chaux.
Les crêtes du versant méridional de la Tour Sallière, vues du SE (vue pseudo aérienne d'après une image obtenue à l'aide du logiciel apple "Plans"). image en cours de finition ! |
A/ Son sommet, d'aspect pyramidal, domine côté sud le haut vallon de Barberine (et son lac d'Emosson) par les pentes modérées du cirque des Chaux. Ses escarpements tithoniques font rapidement place à des pentes plus modérées, entrecoupées d'éboulis, qui sont légèrement plus pentées que les couches du Bajocien supérieur, qu'elles dénudent. La faible épaisseur des niveaux réellement marneux dans les couches attribuées aux Terres Noires (qui n'affleurent guère qu'à la rupture de pente) et l'épaisseur des calcaires argoviens qui les recouvrent sont des variations stratigraphiques locales de ce secteur communes avec le Mont Ruan.
Le versant méridional de la Tour Sallière, vu d'aval depuis le vallon de Barberine (cliché original obligeamment communiqué par M. Michel Delamette). Les couches bajociennes du socle de la pyramide sommitale, très faiblement pentées vers l'observateur, sont presque dégagées en une dalle structurale que fragmentent les ravins (ils n'en montrent néammoins que leur partie haute). |
Au contraire du côté septentrional il tombe abruptement du côté nord-est sur le vallon de Salanfe et son lac. Les splendides abrupts qui dominent ce Lac de Salanfe donnent une coupe naturelle, orientée W-E à gauche du sommet mais presque S-N à sa droite : globalement elle est donc plutôt orthogonale aux axes, SW-NE, des plis. Elle montre très clairement une structure en plis couchés, déversés grossièrement vers le nord-ouest qui sont les replis, au niveau du Tithonique, d'un pli majeur à cœur de Bajocien, le grand anticlinal d'Aboillon.
Ce pli affecte le matériel de la nappe de Morcles et y représente le repli supérieur de l'anticlinorium du Ruan dont la charnière tithonique se ferme plus au NW dans les basses pentes du versant nord du Petit Mont Ruan. Son flanc normal est affecté de petits chevauchements mineur. |
La base des abrupts montre que la base (renversée) de ce dispositif plissé repose qur le Nummulitique autochtone du fond du cirque hébergeant le lac : il s'agit de la surface basale de la nappe (c'est-à-dire celle du chevauchement subalpin) ; sa faible inclinaison vers le NW traduit clairement un basculement posthume qu'il faut rapporter, de façon à peu près évidente, au basculement de l'interface socle cristallin - couverture sédimentaire du flanc occidental du bloc cristallin des Aiguilles Rouges, lors du bombement tardif de ce dernier.
B/ La partie orientale de la montagne
Peu à l'est de son épaule orientale (au point coté 2975 ancien = 2969 nouveau) se détache vers le sud la puissante crête N-S des Pointes d'Aboillon, qui sépare le haut vallon d'Emaney de celui de Barberine. Cela correspond à un important ressaut presque totalement formé par les calcaires du Bajocien inférieur, qui s'avèrent redoublés par l'anticlinal couché d'Aboillon (qui se ferme plus au NW). Plus bas les abrupts orientaux de cette crête montrent splendidement la succession de couches qui constituent le flanc inverse de la nappe de Morcles. Mais celle ci était originellement supposée constituer le flanc supérieur d'un synclinal couché d'Emaney par lequel cette nappe s'enracinerait là dans l'autochtone.
Mais plus à l'est, dans les pentes du versant nord du vallon d'Emaney, il est clair que ce n'est pas le cas car la limite entre les deux est clairement une surface tectonique de chevauchement très plane qui sectinne les couches de ses deux lèvres en un biseau aigu. Il s'agit du chevauchement subalpin, dont le tracé se raccorde à celui du fond du cirque de Salanfe sur l'autre versant de la crête en dessinant, en raison de son pendage modéré vers l'ouest, un V topographique très accusé pointant vers l'est au col d'Emaney.
La crête principale toujours W-E se prolonge par le col d'Emaney puis par le petit sommet du Luisin.
C/ La Crête d'Aboillon
Son orientation N-S lui fait trancher obliquement l'anticlinal d'Aboillon, dont la charnière doit se trouver de son côté ouest et dont le cœur est éventré par les forts abrupts de son côté oriental.
1) Ses escarpements orientaux
L'observation d'ensemble du versant oriental de la crête montre de façon spectaculaire comment les différents termes de cette succession s'abaissent régulièrement vers le sud, presque parallélement à la ligne de crête jusqu'aux abords du sommet 2782, le plus méridional.
Ce parallélisme d'ensemble est cependant perturbé par des replis tectoniques couchés qui sont interprétables comme des parasites du flanc inverse du grand anticlinal d'Aboillon. Ils attestent d'une déformation dans des conditions telles que les calcaires tithoniques eux mêmes ont un comportement ductile.
En tous cas il apparaît surtout qu'au pied de ces abrupts les termes successifs de cette succession renversée disparaissent par un sectionnement progressif du nord vers le sud, ceci depuis l'Urgonien en premier, jusqu'au Tithonique. Ce dernier se poursuit quant à lui depuis le col d'Emaney jusqu'au col de Barberine, où il est tranché à son tour, très en biseau, par l'accident tectonique très bien défini qu'est le chevauchement subalpin : l'existence de cet accident est attestée au col de Barberine même, une mince lame de grès nummulitiques qui s'intercale entre le Tithonique renversé de cette succession et le Trias de couverture du massif cristallin.
L'obliquité de son tracé par rapport au couches de la nappe et le sectionnement franc des couches jettent un doute très fort sur la tentation de faire expliquer par le jeu de ce chevauchement la flagrante progressivité de l'amincissement de ce flanc inverse et le rendre responsable des replis couchés dont il est affecté.
En outre la significaton des indications données par la dispositions de ces plis paraît devoir être relativisée en tenant compte d'autres observations.
L'examen attentif des niveaux marneux du Berriasien - Valanginien (cliché ci-dessous) montre des replis hectométriques couchés dont les rapports entre flancs longs et flancs courts indiquent le sens de cisaillement : les couches supérieures sont déplacées vers la droite par rapport au inférieures (voir les grosses flèches). |
Il s'avère d'autre part que les couches de la crête d'Aboillon ont un pendage (vers l'ouest) peu différent de la pente topographique du versant occidental de la crête. C'est effectivement ce qui s'observe dans l'Arête des Chaux qui descend parallèlement à la combe du Col de Barberine en direction du lac d'Emosson. En effet les couches s'y disposent globalement de façon assez parallèle au fond du vallon et à la ligne de crête.
2) La terminaison méridionale du chaînon d'Aboillon correspond à la Combe du Col de Barberine, dominée en rive septentrionale par l'arête des Chaux qui descend vers le SW (voir la page "Barberine").
Le long de cette crête les couches du Jurassique moyen renversé se poursuivent visiblement jusqu'à l'épaulement de "Vers l'Homme" (point 2351 ancien, 2355 nouveau). Par contre à mi-pente on perd vers l'ouest le prolongement de la barre tithonique, qui est pourtant bien individualisée dans la partie haute plus orientale. Or ceci se passe de façon énigmatique, simplement à l'occasion de son interruption par les cônes d'éboulis descendant de l'échine de Luée Bou : au delà de ces derniers elle semble trouver son prolongement dans une barre qui est similaire par sa position mais non par son aspect faciologique, qui porte à l'attribuer aux calcaires du Bajocien terminal (voir et confronter les deux clichés suivants).
La partie haute de la rive droite (NW) de la Combe du col de Barberine vue de la rive opposée (cliché original obligeamment communiqué par Mme Cl. Renouard). La barre tithonique, pourtant bien caractérisée, disparaît franchement à l'affleurement à l'ouest (à gauche) de la limite du cliché. |
Cette constatation est en désaccord avec le tracé proposé par la carte géologique, qui lui fait s'abaisser rapidement en direction du lac pour rejoindre le fond de thalweg.
Mais dans ce dernier les couches réputées la prolonger sont en repos direct sur les dolomies triasiques et, sous les escarpements, les ravines intermédiaires semblent montrer du Bajocien plutôt que des Terres Noires ce qui n'est pas cohérent avec la coupe du Col.
image sensible au survol et au clic |
Du côté nord-occidental de l'arête des Chaux les multiples ravins qui convergent pour former la Combe des Fonds montrent essentiellement des couches du Bajocien qui dessinent un synclinal très ouvert d'axe NW plongeant vers le sud. Ces dernières apparaîssent comme le prolongement occidental de celles de la barre rocheuse de l'épaule est (cote 3011 de la carte récente) et c'est apparemment la barre calcaire supérieure presque dénudées en dalle structurale qui forme la Tête des Chaux Derrière (point 2395) .
Ces couches s'y étendent sur toute la largeur du vallon et y sont bien à l'endroit, comme le montre leur entaille par la Combe de Fonds, notamment au lieu-dit les Traverses. Elles ne peuvent donc pas appartenir au flanc inférieur de l'anticlinal couché d'Aboillon. On recherche donc en vain le dessin de la charnière de ce grand pli qui, par analogie avec le versant nord de la montagne, devrait affecter ces couches dans ce secteur des Chaux. Ceci peut partiellement s'expliquer par le fait que la voûte de ce pli plonge vers le sud et qu'elle pourrait donc passer en contrebas de la surface topographique de la Combe des Fonds.
D'autre part se pose la signification de la bande de calcaires clairs attribués au Malm qui apparaissent plus en aval en rive gauche du Vallon du Col de Barberine. Cette bande calcaire se prolonge, plus au sud, sous la série bajocienne qui forme toute la rive occidentale du lac. Pourtant la majeure partie des couches de ce dernier versant, y compris celles les plus basses, s'y avère être disposée à l'endroit (voir la page "Barberine") : elle ne peut donc pas prolonger le flanc inverse de l'anticlinal d'Aboillon. |
Quoi qu'il en soit on en arrive finalement à considérer que charnière l'anticlinal d'Aboillon se poursuit vraisemblablement en rive droite (occidentale) du vallon de Barberine par un système de replis multiples (voir la page "Barberine") mais que son flanc inverse s'y est sans doute fait sectionner par le chevauchement "subalpin" de la nappe de Morcles (plus tardif et réalisé dans des conditions mécaniqes de moinidre ductilité des roches).
En définitive le versant sud de la Tour Sallière et les abords du col de Barberine apparaîssent donc comme un secteur crucial pour l'analyse des rapports entre les parties suisse et française de la Nappe de Morcles (voir la page "nappe de Morcles"), puisque c'est là que l'on voit le flanc inverse de cette nappe disparaître en faisant place au chevauchement de la série stratigraphique globalement à l'endroit des massifs subalpins septentrionaux.
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Mont Ruan |
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Finhaut, Châtelard, Croix de Fer |
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Tour Sallière |
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