Mont Ruan, Pic de Tenneverge |
Le cirque du Bout du Monde (voir la page "Bout du Monde") se ferme du côté nord par des pentes plus ouvertes que les abrupts inférieurs qui enserrent ce fond du vallon des sources du Giffre. Du côté ouest ces pentes se raccordent à celles du versant oriental du ravin aval de la Vogealle (voir la page "Sageroux") et s'élèvent jusqu'à la frontière franco-suisse par un ample changement d'orientation qui se dessine entre le col de Sageroux et la Tête des Ottans. Ce dernier sommet est le départ d'une crête rocheuse qui se poursuit vers l'est jusqu'au sommet du Mont Ruan. Elle y rejoint le chaînon N-S de cette montagne qui s'abaisse depuis son sommet jusqu'à son extrémité méridionale au Pic du Tenneverge (voir la page "Fer à Cheval").
Aux abords de la Tête des Ottans la crête frontière bénéficie encore d'un relief plutôt mou car les calcaires tithoniques y sont encore recouverts par les terrains marneux du Berriasien ; mais on voit dans son soubassement que si les couches sont énergiquement plissées il s'agit encore là de plis de style presque concentrique*, de forme plutôt en genou (ne développant pas de flanc inverse).
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Entre le col des Ottans et le Mont Ruan les pentes du versant français sont sculptées en vigoureuses crêtes rocheuses secondaires qui tombent directement sur le Bout du Monde. En raison de l'orientation, à peu près NW-SE, de l'ensemble du versant elles montrent les plis en coupe presque transversale (donc avec leur forme véritable). C'est notamment le cas pour l'anticlinal de Saint-Hubert dont le cœur tithonique arme le fort éperon sud-ouest du Petit Mont Ruan.
On observe en outre que ces couches sont décalées par des failles extensives : en effet elles coupent les strates presque perpendiculairement et déterminent un abaissement de leur lèvre orientale. On peut envisager qu'elles soient plus anciennes que le plissement (peut-être anté-nummulitiques) car leurs surfaces de cassure sont déformées par emboutissement des niveaux peu déformables (Tithonique) dans les niveaux qui le sont plus (Berriasien, Terres Noires) de la lèvre opposée (mais ceci peut également être l'effet de compressions plus tardives sur des failles postérieure aux plis).
Cette interprétation expliquerait aussi pourquoi les couches du Tithonique et du Berriasien sont froissées de façon particulièrement intense aux approches de la surface de cassure des Ottans : celle-ci devait en effet constituer un obstacle au glissement couche sur couche, processus très actif dans ces niveaux, comme en témoigne le type plutôt concentrique du reploiement des bancs tithoniques (voir l'article "ancrage"). |
On voit se développer ainsi, jusque sous l'escarpement sommital du Mont Ruan, un empilement tectonique dû à un plissement foisonnant mais à assez grande longueur d'onde affectant le Tithonique lui même. Mais on peut constater en outre, grâce à la forte dénivelée de l'entaille des sources du Giffre, qu'il y a passage dysharmonique depuis les plis déversés, qui affectent la partie inférieure de la succession stratigraphique en fond de vallée, par l'intermédiaire des plis simplement déjetés dessinés par la barre tithonique à l'ouest du Bout du Monde (voir la page "Bout du Monde").
Par contre ce sont des chevauchements plats qui se développent, toujours aux dépens de la barre tithonique, plus haut dans l'empilement structural, à partir du niveau du Ruan. Ce changement de style est dû à la fois à la différence de nature des roches (gros bancs calcaires du Tithonique, peu propices au plissement de courte longueur d'onde) et au passage à un "niveau tectonique"* inférieur auquel l'accroissement de pression et de température favorise un plissement par "glissement-aplatissement", spécialement pour les couches plus riches en marnes du Dogger.
Au sud du sommet du Ruan le niveau de la crête s'abaisse moins vite vers le sud que le pendage des couches et de leurs structures de sorte que l'on s'y élève encore en termes de niveau structural. Il en résulte que c'est ce style tectonique d'imbrications sans plissement qui prédomine (et ce jusqu'au brutal abaissement de cette crête au col du Tenneverge) : on observe donc sur les deux versants de la crête une répétition de la dalle des calcaires tithoniques, dont les falaises sont séparées par des vires plus ou moins étroites de couches berriasiennes.
C'est dans ces pentes des "Pâturages de Prazon" que Jacques BALMAT, chasseur de chamois, cristallier et premier ascensionniste du Mont-Blanc avec Michel-Gabriel Paccard, trouva la mort en 1834, à l'âge de 72 ans ... |
On y dénombre en définitive trois "écailles" empilées qui sont, de bas en haut, celle du Ruan, celle du Prazon et celle du Tenneverge.
Au sud de la brèche du Mur des Rosses, cotée 2807, ces couches crétacées sont brutalement tranchées par le chevauchement du Prazon (dont le tracé aboutit ici au niveau de la crête après s'être progressivement élevé à son flanc sur ses deux versants ; voir notamment la page "Ruan").
La falaise du Mur des Rosses, vue du NE depuis le pied du glacier des Fonds, dans le haut vallon de Barberine (cliché original obligeamment communiqué par M. Matthieu Petetin). ØP = chevauchement de Prazon : Le redent SE-NW de la falaise donne une coupe naturelle de cet accident où l'on distingue bien les crochons* qui affectent ses lèvres (voir l'analyse plus détaillée de la géométrie de ces crochons). |
Les couches de ses deux lèvres, supérieure (Tithonique) et inférieure (Berriasien) sont tordues en un très représentatif crochon* de chevauchement vers le NW : ce dernier est visible ici grâce au fait que l'érosion, guidée par cette cassure, a entaillé obliquement la crête en un profond rentrant vers l'ouest. Au nord de la brèche, la lèvre chevauchante est enlevée par l'érosion et le chapeau de couches crétacées de la lèvre chevauchée se poursuit jusqu'au Grand Mont Ruan (mais cette couverture de terrains crétacés est de plus en plus enlevée par l'érosion au fur et à mesure que l'on se rapproche de ce sommet, où subsiste seulement un peu de Berriasien).
Cet empilement d'écailles tectoniques cesse brutalement avec les abrupts méridionaux du Pic de Tenneverge, où le creusement du cirque du Fer à Cheval a atteint son soubassement de Jurassique moyen et inférieur. Ce dernier s'y révèle soumis assez rapidement, comme au Bout du Monde à un style plus souple, bien que non dénué de surfaces de chevauchement (voir la page "Fer à Cheval") ...
Le chaînon du Mont Ruan, vu presque d'enfilade, du sud-ouest, depuis le vallon des Foges, à l'est du lac de Gers. Ce cliché montre surtout les abrupts méridionaux du Pic de Tenneverge, qui surplombent le cirque du Fer à Cheval (le Plan des Lacs représente l'entrée occidentale de ce dernier, au niveau de la vallée du Giffre). L'empilement de couches et les surfaces de chevauchement subissent la large inflexion générale qui correspond au grand synclinal du Criou. Chevauchements : ØT = chevauchement du sommet du Tenneverge ; ØP = chevauchement du Prazon ; ØF = chevauchement de Finive (prolongement probable du précédent) ; ØR = chevauchement du Ruan. Plis couchés majeurs : s.T = synclinal du vallon de Tenneverge (il apparaît comme le crochon* commun aux chevauchements du Prazon et de Finive) ; a.pR = anticlinal du Petit Ruan ; a.BM = anticlinal du Bout du Monde : il est vu à peu près selon son axe, qui, aux abords du Bout du Monde, est presque tangent au versant de rive gauche de la vallée mais qui est orthogonal aux falaises des deux cascades localisées sur cette vue. |
Le revers oriental de la crête Tenneverge - Mont Ruan montre une disposition symétrique de celle de son versant occidental. On y retrouve, dans la partie supérieure du versant qui domine le Lac d'Emosson, les imbrications qui affectent les niveaux du Crétacé inférieur et du Jurassique supérieur à l'exception de la plus basse (chevauchement du Ruan).
L'extrémité méridionale du versant oriental du chaînon du Ruan, vue de l'est depuis les pentes de Bel Oiseau. (cliché original obligeamment communiqué par M. Matthieu Petetin). ØT = chevauchement du sommet du Tenneverge ; ØP = chevauchement du Prazon. voir à la page Barberine le soubassement, de Bajocien supérieur (Bjs), moyen (Bjm) et inférieur (Bji), qui est ici caché par la crête d'avant-plan. |
Cette surface du chevauchement du Ruan ne se distingue que très au nord sous le sommet du Ruan lui-même : plus au sud, dès le pied oriental du Col du Ruan, on perd sa trace et elle s'y amortit d'abord par un simple redoublement Tithonique sur Tithonique (comme cela se passe dans le versant ouest à l'aplomb de la Tour de Rousses. sans doute dans les replis le plus élevés de ceux qui affectent le Jurassique moyen et inférieur).
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Plus au sud cette surface de chevauchement s'amortit très probablement (mais d'une façon difficile à préciser) dans les replis les plus élevés de ceux qui affectent le Jurassique moyen et inférieur de la partie inférieure du versant est de la crête Tanneverge - Ruan (voir la coupe ci-dessous). Ce problème structural est mieux analysé à la page "Barberine".
Coupe peu en aval du Bout du Monde : son tracé, orthogonal aux axes de plis, recoupe à peu près à 45° la vallée des sources du Giffre. |
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Sageroux |
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Ruan |
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