Cervières |
Le village de Cervières se situe à un élargissement de la vallée de la Cerveyrette, qui coule là du nord-est vers le sud-ouest, en amont de son confluent avec le Blétonnet, torrent qui rassemble les eaux du versant nord du col d'Izoard. En aval de ce confluent la partie plus aval de la vallée s'engage dans des gorges et prend une direction sud-est - nord-ouest.
L'agglomération actuelle a été reconstruite dans les années 50, à la suite des destructions dues à la guerre, mais elle a encore vu une trentaine de ses maisons (les plus basses) détruites par la Cerveyrette lors de la grande crue de 1957. Le lit de la Cerveyrette longe la marge septentrionale d'un assez large glacis cultivable que le Blétonnet a construit en épandant par de telles crues les déjections provenant des ravines de ses affluents.
Du point de vue structural le village de Cervières se trouve dans une situation assez remarquable. En effet il profite là du petit espace cultivable peu escarpé qui correspond aux affleurements de schistes lustrés que couvrent ces épandages, alors qu'il est entouré par des terrains abrupts et rocheux appartenant à l'ouest au domaine briançonnais et au nord comme au SE à la dalle rocheuse de l'unité piémontaise de Rochebrune.
A/ Du côté occidental cette enclave piémontaise apparaît là à la faveur du soulèvement relatif de la lèvre orientale d'une grande faille N-S, la faille de Cervières. Cette dernière s'avère être en fait le prolongement méridional de l'une des failles du linéament du Briançonnais oriental, plus précisément de la faille des Acles (qui devient à cette latitude la principale de ce faisceau de cassures). Le tracé de cette cassure est ici traversé orthogonalement par le cours de la Cerveyrette à la sortie aval du village. Ce torrent donne, de ce fait, une coupe naturelle des deux ensembles structuraux, très étrangers l'un à l'autre, que le rejet vertical de cette faille lui fait juxtaposer.
- du côté ouest un ensemble d'unités briançonnaises imbriquées, ployées ensemble en une voûte déversée vers l'est, que le cours aval de la Cerveyrette traverse en biais par rapport aux lignes structurales ;
- du côté est un empilement d'unités piémontaises, séparées par des surfaces de charriage proches de l'horizontale dont la rive nord de la vallée donne une coupe transversale. L'unité inférieure est formée de schistes lustrés ligures ; les deux qui la recouvrent appartiennent au Piémontais externe.
Le massif de Rochebrune et la vallée du Laus vus du nord, depuis les pentes du Gondran (lieu-dit Charbonnet, altitude 2200). f.A = faille de Cervières = prolongement méridional de la faille des Acles : elle se partage en deux branches, ouest et est, de part et d'autre d'une navette essentiellement formée par un panneau effondré de l'unité de Rochebrune ; f.rM = faille transverse de Roche Moutte. u.R = unité de Rochebrune ; u.bC = unité piémontaise externe du Bois des Coins ; u.C = unité des schistes lustrés ligures de Cervières. u.N = unité de Nugue (= lame de quartzites rattachable aux "écailles intermédiaires" ?) ; u.bL = unité du Bois des Loubatières ; u.sL = unité supérieure de la Lausette ; u.cB = unité de Côte Belle - Arpelin. |
B/ Du côté sud la vallée de la Cerveyrette est dominée à l'est du village par la montagne du Lasseron qui représente l'extrémité septentrionale de la crête nord du Pic de Rochebrune et qui, comme ce dernier est constituée par un énorme gâteau de dolomies noriennes. Il repose en chevauchement presque à plat sur les schistes lustrés su fond de vallée, comme le montre à l'est la haute vallée de la Cerveyrette (Le Bourget, Les Fonts) et à l'ouest le vallon du Blétonnet (ce dernier qui correspond ainsi à la partie méridionale d'une "fenêtre de Cervières").
Les schistes lustrés de la fenêtre de Cervières sont à vrai dire assez différents des vrais schistes lustrés ligures car ils sont riches en intercalations de brèches et microbrèches d'origine continentale et/ou océanique (et notamment de "roches vertes").
Par ailleurs les dolomies de l'unité de Rochebrune et leurs cargneules basales ne reposent pas directement sur ces schistes lustrés. Elles en sont séparées par un coussinet épais d'une centaine de mètres de couches à faciès piémontais externe (Lias calcaire et flysch calcschisteux à microbrèches du Jurassique moyen), comparables à celles qui coiffent les dolomies noriennes du chaînon (Cime de la Charvie, Turge de la Suffie) : ce coussinet constitue l'unité du Bois des Coins.
En amont sud du Laus de Cervières les échines boisées qui la séparent le vallon du Blétonnet de celui de l'Izoard ferment du côté occidental la fenêtre tectonique de Cervières. Au niveau du hameau du Blétonnet, les trois unités superposées du Lasseron butent à tour de rôle, de bas en haut, contre les calcaires et dolomies du Trias moyen des unités briançonnaises situées plus à l'ouest. Cela se fait par l'intermédiaire d'une épaisse bande N-S de cargneules et de gypses, qui forment l'échine occidentale du Bois de Péméant et qui prolongent en fait ceux de l'extrémité nord de l'unité de Côte Belle (où ces cargneules enveloppent les calcaires triasiques de l'Arpelin).
Ce contact tectonique majeur jalonne en fait le tracé de la grande faille des Acles, qui est l'accident le plus oriental du linéament briançonnais oriental : venant du nord et passant par Cervières, elle se poursuit en Queyras en franchissant (entre les deux pics de Côte-Belle) la crête de partage des eaux entre Durance et Guil.
C/ Du côté septentrional la dépression de Cervières se termine contre une limite très franche qui est constituée par la faille de Roche Moutte, sub-verticale, qui traverse d'E en W le versant dominant Cervières. On peut d'ailleurs penser que c'est sa présence qui a déterminé la Cerveyrette à prendre localement la même orientation E-W (ceci au prix d'une "dérive" vers le sud du tracé du thalweg par rapport à celui de la faille : cf "reliefs de faille").
- La partie orientale de son tracé juxtapose aux diverses unités ligures du massif du Chenaillet (notamment celle du Lago Nero qui porte les alpages du Gondran) les dolomies noriennes de sa lèvre méridionale (Roche Moutte) dans lesquelles on reconnaît sans peine le prolongement de celles de l'unité de Rochebrune. A l'est des derniers affleurement de ces couches (Rochers de Beauragard) elle semble bien se prolonger vers l'est en passant par le col de Chabaud et limiter du côté méridional les affleurements de "roches vertes" du massif du Chenaillet.
- Son tracé occidental fait buter ces mêmes bancs de dolomies contre les niveaux de la succession du Gondran : elles sont, à prédominance plus marneuse, ce qui rend ce tracé mieux visible dans la topographie. Or ces couches représentent la suite, vers le haut, de la série stratigraphique de l'unité de Rochebrune (succession du type "piémontais externe") : on peut donc en conclure que le rejet vertical de cette faille consiste essentiellement en un abaissement relatif de son compartiment septentrional.
Cette faille de Roche Moutte a été appelée à tort, dans diverses publications, le décrochement de Cervières, bien qu'elle passe très au nord de ce village. Mais
en dépit de sa presque verticalité et de son orientation transversale aux surfaces de chevauchement et aux grandes failles du linéament briançonnais oriental cette cassure majeure ne peut guère s'interpréter comme un décrochement tardif : Par contre ces différences peuvent être dues à un très fort abaissement de sa lèvre septentrionale puisque les couches affleurant dans sa lèvre méridionale (au Lasseron) trouvent leur prolongement vers le nord dans la série du Gondran et du Janus, qui s'enfoncent vers l'est sous les "roches vertes" du Chenaillet. D'ailleurs l'on retrouve dans sa lèvre septentrionale sous le fort du Gondran les termes supérieur de l'unité de Rochebrune, abaissés par rapport aux dolomies noriennes de Roche Moutte (appartenant à la même unité) . |
C'est à la faveur de cette disposition que les schistes lustrés du fond de vallée (même s'ils sont largement masqués par les alluvions au sud du village) sont limités de tous côtés par des terrains briançonnais qui les surplombent (en les chevauchant du côté est de la faille des Acles) : cette situation justifie donc que l'on dise qu'ils apparaissent là à la faveur de la fenêtre* de Cervières.
D/ D'autre part les pentes du versant, septentrional, de rive droite de la Cerveyrette portent des traces assez remarquables de phénomènes de remaniements de leurs terrains superficiels. Ces derniers sont plus ou moins anciens, mais vraisemblablement historiques (en tout cas postérieurs à la fonte des glaciers quaternaires, dont ils affectent les dépôts).
L'analyse de ce versant de la vallée montre qu'il a, dans un premier temps, été le siège de la migration d'une énorme masse de cargneules, qui a colmaté l'ancien ravin de l'Alp du Pied et qui est descendue au moins jusqu'au niveau de l'église Saint-Michel (qui est bâtie dessus). Ce colmatage a ensuite été disséqué par l'érosion, avant qu'une nouvelle coulée boueuse, à surface très fraîche, vienne s'y emboîter en la recoupant en biais. Cette coulée spectaculaire, en forme de langue, voit elle-même sa marge ouest actuellement réentaillée par le ravin du Villard (la coupe qu'en donne le torrent permet de constater qu'elle a été alimentée par un nouveau remaniement de ses alluvions glaciaires).
Rappel des notations désignant les formations sédimentaires ligures (voir la page "abréviations"): |
voir l'aperçu général sur le Queyras.
voir la carte structurale du Briançonnais méridional.
aperçu
général sur la stratigraphie du Briançonnais
aperçu général sur la tectonique du Briançonnais
N.B : Sur ce schéma l'unité de la Grande Maye n'a pas été distinguée de celle de la crête des Granges (u.G) |
Carte structurale schématique des f.rM = faille de Roche Moutte. |
|
|
|
|
Grande Maye |
|
col de Bousson |
|
|
|
|
|
|