Stratigraphie des environs de Briançon


on trouvera une liste et une diagnose lithologique abrégée des termes constitutifs des diverses séries stratigraphiques des environs de Briançon à la page "abréviations".
Des clichés montrant divers types de roches du Briançonnais sont présentées à la page "Roches des zones internes"

La région de Briançon est essentiellement constituée par des terrains sédimentaires qui appartiennent au domaine paléogéographique désigné du nom de zone briançonnaise. Toutefois sa marge orientale, au voisinage de la frontière franco-italienne comprend d'assez larges affleurements qui dépendent du domaine piémontais au sens large.
Les terrains qui affleurent à sa bordure occidentale, au flanc du massif du Pelvoux, appartiennent par contre au domaine dauphinois, mais ils ne sont pas rencontrés dans les descriptions de la présente section (voir, à la section Oisans, les pages consacrées à la marge orientale de ce dernier massif).

on trouvera une liste et une diagnose lithologique abrégée des termes constitutifs des diverses séries stratigraphiques des environs de Briançon à la page "abréviations" (que l'on peut aussi atteindre par la barre de boutons située en en-tête de la page).
on trouvera d'autre part des clichés des divers types de roches du Briançonnais à la page
Roches des zones internes alpines

A/ Domaine briançonnais au sens large

Sous l'angle stratigraphique on peut y distinguer trois sous-domaines qui sont, d'ouest en est :

1) la Zone Subbriançonnaise

Elle est représentée par une frange d'écailles tectoniques dilacérées le long de la zone disloquée de la marge ouest du Briançonnais. On y reconnaît toutefois assez bien la même succession qui affleure plus largement en Maurienne.

La zone subbriançonnaise présente la particularité d'être le seul domaine des Alpes françaises (avec le flysch à Helminthoïdes) dont on ne sait pas sur quel soubassement paléozoïque* s'est déposée sa série stratigraphique mésozoïque*. Celle-ci est essentiellement constituée par des calcschistes et des schistes argilo-gréseux, d'âge Crétacé - Eocène, recouvrant une ossature de calcaires argileux jurassiques, d'épaisseur modeste (en général moins de 200 m). La série stratigraphique y est systématiquement tronquée tectoniquement, vers le bas, au niveau des couches à gypses du Trias supérieur, et l'on n'en connaît donc pas les termes plus anciens.

La succession des couches jurassiques est, à la latitude du Briançonnais, plutôt proche du type du Perron des Encombres, où le Lias est très réduit et le Dogger formé de calcaires (qui ne sont toutefois pas récifaux mais plutôt calcarénitiques). On y trouve plus que sporadiquement les niveaux de brèches (dites "du Télégraphe") inclus dans les faciès marneux du Jurassique supérieur.

 Les différents types de colonnes stratigraphiques de la zone subbriançonnaise entre la vallée de l'Arc et celle de la Guisane.
Les trois colonnes de droite sont observées dans la vallée de la Guisane.

figure de R. Barbier, 1963


version plus grande de cette figure

Les affleurements de la zone subbriançonnaise sont limités, en général aussi bien à l'ouest qu'à l'est, par une bande de gypses et de cargneules triasiques, qui représentent les terrains les plus anciens connus dans cette zone. En réalité ces terrains ont été très disloqués par la tectonique, qui leur a fait jouer le rôle d'un lubrifiant oignant les surfaces de chevauchement qui délimitent la zone.

On peut essentiellement distinguer dans la zone subbriançonnaise, des abords du Galibier à ceux de Guillestre, deux types de séries :
- des séries internes, caractérisant au niveau du Galibier une "digitation de Roche Olvera", à laquelle on doit sans doute rattacher les affleurements de la fenêtre de l'Argentière. Elle se caractérise au plan stratigraphique par sa succession qui est, du Jurassique moyen au Crétacé supérieur, continue, épaisse et riche en niveaux marneux ou marno-calcaires.
- des séries externes, caractérisant au niveau du Galibier une "digitation du Petit Galibier", où la barre du Dogger calcaire ne supporte que peu de niveaux marneux d'âge jurassique supérieur, ceux-ci étant remplacés par des brèches ("brèche du télégraphe"), voire par une simple lacune sous les calcschistes ("marbres en plaquettes") du Crétacé supérieur.

2) la Zone Briançonnaise proprement dite

Elle montre au contraire un beau développement des terrains anté-jurassiques.

a) "Semelle siliceuse" :
Comme plus au nord en Maurienne ou en Tarentaise on trouve de larges affleurements du soubassement anté-alpin (mais ici le socle hercynien n'y est nulle part mis au jour, à la différence de ce qui se passe en Vanoise orientale). Ce soubassement est surtout constitué par les formations schisto-gréseuses du Houiller, qui hébergent des bancs durs plus ou moins massifs, les uns formés de grès et/ou de conglomérats, les autres de lits de laves (microdiorites principalement) injectées entre les couches ("filons-couches"). Il s'y intercale aussi des lits, décimétriques à métriques, de charbon (anthracite) qui ont été exploités (surtout dans la vallée de la Guisane).

 Les travaux les plus récents sur le matériel stratigraphique d'âge permo-houiller sont ceux de Daniel MERCIER (voir la notice de la feuille Névache de la Carte Géologique de la France au 1/50.000°). Cet auteur y fait le bilan des formations qu'il a cartographiées au sud de la vallée de l'Arc. Il a été amené à y distinguer celles qui affleurent au NW et au SE de l'accident des Drayères, cassure probablement ancienne qui court des abords du refuge de ce nom vers le NE jusque au Lac de Bissorte (voir la page "tectonique").
Ce sont, de haut en bas (notations de la carte entre crochets) :

a) au NW de l'accident des Drayères :
- L'Assise de Courchevel (Stéphano-Permien) [h5r] ;
- La Formation de Tarentaise = "houiller productif" du bassin isérois (daté du Stéphanien inférieur à Westphallien) [h4-5] affleurant seul dans la coupe de l'Isère en amont de Moutiers ;
- La Formation des Grès de La Praz = "houiller stérile", sous-jacent (donc attribuée au Namurien - Westphallien) [h4P], mis à jour par la coupe de la Maurienne en aval de Modane ;

b) au SE de l'accident des Drayères :
- La Formation du Rocher du Loup, équivalent méridional possible de celle de Courchevel ;
- La Formation du Chardonnet = houiller productif du bassin durancien (datée du Namurien B - Westphallien A) [h3-4a] affleurant à Briançon, en Guisane et Haute Clarée ;
- La formation de Cristol, sous-jacente (donc attribuée au Namurien inférieur) [h3C], affleurant en Briançonnais au cœur de l'anticlinorium.

Aux confins du Briançonnais et de la Maurienne (environs des Rochilles) la succession schisto-gréseuse se poursuit par les pélites et grès versicolores, souvent pourpres, du Permien (= "assise de la Ponsonnière" = assise de Rochachille"), qui sont localement associés aussi à des coulées volcaniques (rhyolites rouges et/ou dacites vertes)
Viennent ensuite le Permien terminal et le Trias inférieur, qui sont essentiellement formés de grès clairs et de conglomérats, presque totalement transformés en quartzites. Lors des déformations ils sont le plus souvent restés solidaires de leur soubassement permo-houiller et constituent avec lui la "semelle siliceuse" de la série briançonnaise.

b) "Couverture carbonatée"
Le reste de la couverture mésozoïque briançonnaise est surtout caractérisé par le développement des calcaires et dolomies triasiques, dont l'épaisseur peut dépasser 300 m. En fait deux types distincts de successions se rencontrent à ce niveau :
- Dans la majorité des cas il s'agit de calcaires et dolomies du Trias moyen (étages Anisien et Ladinien), lesquels se sont très souvent désolidarisés de leur soubassement siliceux, lors des déformations tectoniques, par décollement le long de leur niveau basal de gypses et de cargneules.

Une coupe très représentative de ces successions, affleurant dans d'excellentes conditions, est donnée par le revers est du chaînon des Peygus (à l'ouest du col d'Izoard).
- Dans des cas moins fréquent il s'agit de dolomies du Trias supérieur (étage Norien) qui se sont décollées au niveau des gypses carniens et ne montrent nulle part leur substratum plus ancien. Cette situation correspond au cas de diverses unités tectoniques qui sont actuellement plutôt en position élevée dans l'empilement dû aux charriages (mais pas toujours en terme d'altitude) : nappe de Peyre Haute des crêtes au sud-ouest de Briançon, nappe de la Clapière de Ceillac, unité de la Crête des Granges et unité de l'Enrouye (au nord de Briançon), ces trois dernières représentant sans doute une même nappe affleurant maintenant au revers oriental de l'anticlinorium de la zone axiale briançonnaise (flanc est de l'anticlinal des Ayes).

On trouvera des vues représentatives de cette succession aux pages Catinat et ...

En regard de cette puissante ossature calcaréo-dolomitique, les calcaires jurassiques (assez analogues à ceux du Subbriançonnais par ailleurs) n'ont guère de rôle volumétrique que subordonné et ne s'en séparent souvent que par des vires peu marquées, bien qu'ils puissent localement atteindre des épaisseurs supérieurs à la centaine de mètres. En effet le domaine briançonnais se caractérise par la relative minceur des dépôts du Jurassique et du Crétacé inférieur et par les lacunes plus ou moins fréquentes et plus ou moins longues (selon les secteurs considérés) qui ont interrompu l'enregistrement des dépôts à plusieurs époques (notamment au Lias et autour de la limite entre Jurassique moyen et Jurassique supérieur).

Parmi les faciès remarquables on peut citer celui du Marbre de Guillestre, noduleux rouge (faciès généralement qualifiés de "griottes") d'âge Jurassique supérieur ("Malm", sans autre précision). Il forme partie inférieure d'une barre calcaire qui est parfois directement trangressive sur le Trias (ou, plus rarement, sur du Lias) mais qui, le plus souvent, couronne celle, plus puissante (quelques dizaines de mètres), du Bajocien - Bathonien (généralement désignée du nom de "Dogger").

Dans certains cas (considérés comme correspondant à d'anciens sillons sédimentaires) le Jurassique montre une succession moins lacuneuse de type subbriançonnais, avec des schistes calcaréo-argileux de l'Oxfordien et un Malm - Néocomien représenté par des calcaires lités à zones siliceuses qui passent sans discontinuité aux calcschistes néo-crétacés.

Un exemple de la variation des
successions stratigraphiques des terrains post-triasiques briançonnais :

Les trois types de successions représentées aux alentours de La Roche de Rame.

1- Série de Saint-Crépin (nappe de Peyre Haute)
2 - Série de Champcella (nappe de Champcella)
3 - Série du Rocher de La Roche de Rame (nappe de Peyre Haute ?)

version plus grande

extrait de J. Debelmas et al. ("Guides géologiques régionaux - Alpes du Dauphiné, éd. Masson,1983).
(retouché)

Par contre les calcschistes pélagiques du Crétacé supérieur (traditionnellement désignés du nom de "marbres en plaquettes") indiquent une profondeur plus notable et atteignent des épaisseurs de plusieurs centaines de mètres.
La succession se termine par des pélites noires ("flysch noir"), attribuées à l'Éocène qui s'avèrent en de nombreux point héberger des olistolites plus ou moins nombreux et de taille plus ou moins importante : ces derniers se sont sans doute mis en place lors des étapes préliminaires de la progression des nappes.

3) la Zone ultra-briançonnaise, qui représente la partie la plus orientale de la Zone Briançonnaise et qui a été qualifiée ainsi parce qu'elle présente à un point caricatural le caractère de réduction d'épaisseur des dépôts mésozoïques. En effet ceux-ci peuvent y être réduits à quelques dizaines de mètres au total ; ils reposent en outre sur des terrains antérieurs d'âge variable (Trias inférieur dans la zone d'Acceglio et même Permien dans d'autres points) : ceci dénote des érosions très profondes et précoces, car elles remontent souvent au Malm.
Cette zone n'est guère représentée dans la région de Briançon que par les écailles intermédiaires et peut-être par la "4° écaille" de Serre Chevalier" (ancienne interprétation). Elle est par contre largement observable, plus au sud, dans le secteur italien de la Haute Maira où elle est découpée en un ensemble d'unités qui ont conservé une épaisse semelle siliceuse et affleurent largement, sous les nappes de schistes lustrés, à la faveur de l'anticlinal de nappes d'Acceglio.

Il apparaît donc que, pendant la période triasico-jurassique de son histoire sédimentaire, le domaine briançonnais était une zone de hauts fonds, formant barrière entre le domaine dauphinois et le domaine piémontais.

4) Variations de succession du mésozoïque au sein du domaine briançonnais :

Dans les zones internes* en général, et plus précisément dans la zone briançonnaise, la constitution de la colonne stratigraphique varie assez considérablement, et souvent brutalement, lorsque l'on passe d'une nappe de charriage à une autre. Ces variations sont même utilisées pour définir en quelque sorte la "carte d'identité" de chaque nappe. On admet en général que ces variations sont dues au jeu, durant la sédimentation (principalement au Jurassique) de failles extensives ouvertes par l'expansion des fonds océaniques, qui créait alors l'océan alpin.


Légende des abréviations : voir la page spéciale ; les figurés de faciès sont conformes aux conventions communes : tirets pour les calcschistes et traits plus ou moins espacés pour les argilo-schistes ; moellons ou hachures verticales pour les calcaires et moellons obliques pour les dolomies, triangles pour les brèches, etc...
Colonnes stratigraphiques des unités tectoniques de la zone briançonnaise (couverture carbonatée seule)
(d'après la notice de la carte Briançon au 1/50.000°, sensiblement retouché)
Noter que les unités de Peyre Haute et de la crête des Granges se singularisent par le fait que leur soubassement triasique est formé de Trias supérieur (et non de Trias moyen ou plus ancien).

figure plus grande (nouvelle fenêtre)


Colonnes stratigraphiques comparées des diverses unités tectoniques du Briançonnais sud-occidental (vallée de la Durance entre L'Argentière et Guillestre) (extrait de J. DEBELMAS 1955a, pl.VII, retouché par M.GIDON en 2010)


image sensible au survol et au clic

La coupe naturelle de la face nord-orientale des Rochers de Saint-Ours
, en rive gauche de la Haute Ubaye.
Cette succession stratigraphique, épaisse d'un peu plus de 400 m pour l'ensemble Trias moyen à Jurassique inclus, est celle de la nappe du Châtelet : c'est sans doute la plus complète et la plus représentative de toutes les séries calcaires "classiques" (à semelle de Trias moyen) du Briançonnais.
On distingue, au dessus des calcaires ladiniens, la zonation des dolomies ladiniennes (de bas en haut : noires inférieures , blanches, noires supérieures) que coiffent les argilites à lits dolomitiques et brèches du Carnien ("ts").

.


B/ Domaine piémontais au sens large.

Le domaine piémontais est un vaste ensemble qui se distingue clairement du précédent au point de vue de la nature des roches et des paysages qui en résultent.

L'essentiel de ces roches est en effet constitué par les Schistes lustrés ; cette formation est surtout formée de calcschistes plus ou moins détritiques, affectés par le métamorphisme alpin et se débitant, pour cette raison, en plaquettes luisantes (par suite des cristallisations de minéraux en feuillets : micas etc...) On y trouve aussi, localement, des bancs de marbres issus du métamorphisme de niveaux plus calcaires qui représentent en général les premiers dépôts qui se sont mis en place sur les fonds océaniques. L'ensemble donne un relief de crêtes assez monotones en pentes douces vers l'Ouest et plus abruptes vers l'Est.

L'âge de ces roches a été longtemps (et est encore) mal connu, notamment en raison du manque de fossiles et de l'uniformisation apparente des faciès par l'effet des recristallisations métamorphiques. Alors que l'on avait longtemps cru qu'ils étaient tous liasiques il est apparu que la plupart étaient d'âge Jurassique moyen à Crétacé supérieur.

En fait on a été conduit à distinguer deux ensembles bien différents, dont on pense qu'ils se succédaient originellement d'ouest en est (et qui sont maintenant intriqués tectoniquement de façon complexe).

1) Le « Piémontais externe », qui affleure le plus souvent à la marge occidentale du domaine piémontais actuel, au voisinage du Briançonnais, en lambeaux isolés tectoniquement (et que l'on a longtemps appelé Zone du Gondran et/ou zone " prépiémontaise ").
Il comporte une semelle de puissantes dolomies du Trias supérieur, surmontée d'une série calcschisteuse (avec des niveaux à zones siliceuses) qui est surtout liasique mais qui monte souvent jusque dans le Jurassique moyen. On peut considérer que ce domaine correspond à celui du revers oriental originel des hauts fonds briançonnais.

2) Dans la zone « liguro-piémontaise » les schistes lustrés piémontais sont la couverture de roches cristallines sombres appelées Roches Vertes (ou ophiolites* sensu-lato). Ces dernières constituent autant de pitons saillants qui tranchent énergiquement sur le relief mou des Schistes Lustrés. Les calcschistes reposent sur ces roches par l'intermédiaire de marbres clairs du Jurassique supérieur recouvrant souvent des radiolarites de la fin du Jurassique moyen.
Certaines des roches vertes, notamment beaucoup de Prasinites*, représentent des roches volcaniques sous-marines; les autres, Gabbros* et Péridotites* peuvent être considérées comme des fragments d'une ancienne croûte océanique : cette partie de la zone piémontaise représente donc l'ancien fond d'un océan, ouvert par déchirure continentale peu avant le jurassique supérieur.

(voir la page "Queyras: aperçu")

Colonnes stratigraphiques des unités tectoniques de la zone piémontaise
La succession piémontaise externe est représentée ici par la colonne stratigraphique de Rochebrune.

(version provisoire : extrait de la notice de la carte Briançon au 1/50.000°)
Légende des notations comme sur la carte
figure en cours d'élaboration !


page en attente de compléments !


Stratigraphie - Tectonique - Relief de la région briançonnaise

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